08-06-2021, 12:01 PM
Le réveil s’était passé tout en douceur. C’était Jean-Pierre qui était venu nous réveiller, en chantonnant. Il avait ouvert la fenêtre pour apporter un peu d’air frais. La chambre devait surement sentir le bouc ! Bref nous avions pu voir qu’il était déjà sept heures et que le soleil éclairait la vallée. Jean-Pierre nous avait dit que nous étions le dernier groupe, tous les autres étaient en route depuis longtemps.
Après une toilette sommaire, nous nous étions bien habillés car le fond de l’air était assez frais. Il gelait encore à l’extérieur du refuge. Nous avions pris notre déjeuner en silence. Il y avait du pain avec de la confiture et du beurre, des œufs sur le plat et comme boissons, du chocolat chaud et du café. Après avoir terminé ce premier repas, nous avions rangé la chambre et puis bouclé nos sacs.
Les deux guides nous avaient une nouvelle fois donné les consignes à suivre et les groupes avaient été composés de façon à être équilibrés. Gaby était avec nous, Ben et moi, dans le deuxième groupe. Un responsable par groupe avait été désigné. Nous avions Jean-Pierre comme guide. J’étais un peu rassuré car je savais qu’il avait fait du rocher et de la spéléo, il savait donc comment s’y prendre avec une corde et des mousquetons. Gaby lui aussi était rassuré de se trouver en notre compagnie et avec J-P. Une fois que nous étions équipés, soit déjà encordés, nous avions quitté le refuge pour monter vers le glacier. Celui-ci était assez plat bien qu’il montât un peu. Nous n’allions pas faire de l’alpinisme, nous n’étions ni formés ni même équipés pour cette activité. Le sol était encore gelé et nous devions éviter de marcher sur les plaques de glace.
La montée s’effectuait comme la veille, au rythme imposé par le guide qui ouvrait la voie. Il faisait encore assez froid, mais nous nous réchauffions en montant. Gaby semblait bien, il montait à la même allure que nous. Une quinzaine de mètres séparaient les groupes. Entre chacun des membres de la cordée, il y avait entre quatre à cinq mètres. Nous disposions de deux piolets par groupe. Il nous avait fallu environ une heure trente pour arriver au bord du glacier. Tout était blanc, tant la glace que la neige qui entourait le glacier.
Les guides nous avaient expliqué avant de quitter le refuge, que le glacier avait en fait deux parties. La première, étant la plus petite, débutait par une montée en pente douce pour arriver à un creux. Une fois passé le creux, c’était la seconde partie du glacier que nous allions parcourir. Les guides nous avaient demandé de bien faire attention et de poser les pieds dans les traces de pas laissées par celui qui nous précédait, de maintenir la corde tendue, mais pas trop et de respecter l’intervalle entre les groupes de façon à pouvoir réagir au moindre incident.
Gaby semblait toujours bien en forme. Jean-Pierre était devant, suivi de Ben, puis de Gaby et c’était moi qui fermait la cordée. Jean-Pierre avait un piolet ainsi que moi. Nous connaissions les consignes et les gestes à faire en cas d’incident. La marche avait donc repris.
La toute première partie avait été parcourue sans encombre jusqu’à l’arrivée au bord du creux. Nous devions maintenant redescendre dans le creux en suivant bien entendu la première cordée. Nous étions descendus d’environ une bonne dizaine de mètres dans ce creux. Il ressemblait à une cuvette glacée et enneigée tout entourée d’un mur de glace et de neige mêlée.
Puis, nous nous étions arrêtés à la demande du premier groupe. D’un coup, plus un bruit, nous ne ressentions plus la moindre sensation seulement à peine le léger souffle que la petite brise d’altitude nous apportait. Rien, la seule chose que nous pouvions entendre, c’était le bruit des battements de notre cœur ! C’était comme irréel, nous étions comme suspendus en dehors du temps, nous étions dans un autre monde !
Je regardais devant moi et je voyais que Gaby commençait à chanceler, il devait avoir les jambes en coton. Voyant ça j’avais crié à Jean-Pierre que Gaby n’allait pas bien. J-P avait planté le piolet en entourant la corde. Je m’étais avancé vers Gaby et à mon tour j’avais planté mon piolet dans un nœud qui avait été fait au niveau de la corde, juste derrière Gaby. Puis j’avais pris Gaby par-dessous les bras pour l’allonger sur le sol. Gaby était blanc comme neige. J’avais pris mes dispositions pour lui frotter le visage de mes mains chaudes, après avoir ôté mes gants. Quelques instants plus tard, le visage de mon camarade reprenait peu à peu des couleurs. J’avais pris dans sa poche le médicament destiné à l’aider en cas de malaise. Trois minutes après, Gaby semblait aller un peu mieux. Personne n’osait rien dire. Seul le guide du dernier groupe nous avait rejoints après avoir fixé sa cordée avec les piolets. Il était aussi secouriste. Il avait pu voir que Gaby revenait bien à lui. Il m’avait dit que j’avais très bien réagi. Je m’étais alors assis à côté de Gaby et l’avais pris dans mes bras pour le réchauffer. Voyant que Gaby pouvait reprendre la marche, le guide nous avait laissé poursuivre cette aventure.
Une fois sorti de cette cuvette, Gaby s’était nettement senti mieux. Il m’avait alors expliqué qu’il avait éprouvé brusquement ce début de malaise car il avait perdu ses repères. Puis il avait dit :
Gab : « Merci Phil. Je suis désolé de t’avoir fait peur. Je crois que tu as très bien réagi et je te dois une fière chandelle !
Moi : Tu sais Gaby, je t’ai dit que tu pouvais compter sur nous, qu’on ferait attention à toi. C’est ça faire confiance à ses amis.
Gab : Oui, j’ai entièrement confiance et je sais que je pourrai toujours compter sur vous. »
Je voyais que Gaby avait les larmes aux yeux. Il avait repris le contrôle et il avait séché les deux larmes qui étaient accrochées au niveau de ses paupières inférieures. Personne ne l’avait vu, sauf moi. Puis Gaby avait crié à tous qu’il allait mieux et qu’il voulait terminer debout, sur ses pieds, la traversée du glacier. Nous avions repris notre marche en direction du sommet du glacier.
Enfin, nous étions arrivés au sommet du glacier. Nous nous étions arrêtés pour profiter de la vue grandiose qui s’offrait à notre regard ; quelle superbe vue. Nous pouvions visualiser tout le chemin parcouru. Les guides avaient pris chacun une partie du groupe pour nous montrer exactement les pics et autres cols à admirer. Nous étions fascinés par ce décor dantesque, nous avions l’occasion de voir quelque chose de merveilleux sous un angle particulier. Puis nous avions à nos pieds cette très longue langue de glace qui descendait sur près de trois kilomètres. Elle s’arrêtait à la crête que nous avions passée en fin de matinée, avant de descendre dans la cuvette. Gaby regardait d’où nous venions. Il était très heureux d’être avec nous et surtout d’avoir pu nous suivre dans cette aventure. Jean-Pierre demandait à Gaby :
J-P : « Alors Gaby, heureux d’être là ?
Gab : Oh oui J-P, c’est extraordinaire ! Je ne m’attendais pas à voir ce si beau paysage.
J-P : Heureux de voir que ça te plaît. Et ton état général, ça va ?
Gab : Oui J-P, ça va. Je suis certain que pour le retour ça devrait aller. Au fait, on redescend par où ?
J-P : Je pense que nous allons redescendre par l’autre vallée, celle qui se trouve juste là, à environ nonante degrés vers la droite.
Gab : Ah, là où il y a les trois personnes qui passent entre les deux éperons rocheux ?
J-P : Exactement Gaby, c’est à cet endroit que nous allons passer pour ensuite descendre le long d’un torrent vers la vallée.
Gab : Ça a l’air super. Ah, au fait, merci de m’avoir laissé venir avec vous. Je ne regrette rien, même si j’ai été un fardeau pour mes amis. »
Je me trouvais avec Ben à côté de Gaby et nous avions entendu ce que J-P et Gaby se disaient. Je ne pouvais pas croire que Gaby se considérait comme un poids pour nous, il fallait que je lui dise :
Moi : « Je viens d’entendre ce que vous disiez, non Gaby tu n’es pas un poids mort pour nous. Je suis très heureux que tu sois monté avec nous jusqu’ici et je suis sûr que c’est la même chose pour Ben. Tu es notre ami et tu le sais, je ne laisse jamais tomber un ami !
Ben : Oui Gaby, Phil a raison. Tu es incroyable, tu as surmonté ta peur et tu as mordu sur ta chique, alors ne va pas croire que tu es un boulet.
J-P : Ecoute tes deux amis. Vous êtes dans la même équipe et c’est pour moi une très bonne équipe. Vous êtes soudés comme les doigts d’une seule main. Vous vous complétez tous les trois. Puis j’ajoute que vous êtes des exemples pour les autres pionniers !
Gab : Merci J-P, ce que tu me dis me touche beaucoup. Et puis, merci les mecs, merci de m’avoir aidé à venir jusqu’ici.
Moi : Mais de rien mon pote !
Ben : Tu n’as pas fini de nous avoir sur le dos, ça tu peux me croire ! »
Nous nous étions mis à rire tous les trois. Les autres pionniers se demandaient ce qui se passait. Jean-Pierre avait alors dit :
J-P : « Ce n’est rien, c’est juste un délire entre vos trois camarades ! Bon je crois qu’il va être temps de manger un bout avant de reprendre notre randonnée pour revenir dans la vallée. »
Nous avions ouvert nos sacs pour prendre le casse-croûte. Puis j’avais encore des fruits secs pour grignoter durant la descente au cas où nous aurions un coup de fringale. Le repas a été vite avalé. Nous avions bu un peu d’eau. Il me restait encore une gourde pleine pour si jamais. Ben lui avait sa gourde à moitié pleine. Gaby, quant à lui, avait repris un comprimé juste avant de reprendre notre marche.
Nous venions de quitter le glacier pour nous retrouver dans des éboulis. Le sol était couvert de rocs et de pierres. Nous suivions, toujours encordés, nos guides. Les quatre cordées avaient repris leur place. Chacun savait ce qu’il devait faire et ne pas faire bien entendu. Le début de la descente, juste après les deux éperons rocheux, était très raide. Nous devions faire attention pour ne pas faire rouler des pierres vers le bas au risque de blesser ceux qui se trouvaient devant nous. A un moment nous avions pu voir un filet d’eau ressortir entre deux roches. Puis d’autres ruisselets venaient le rejoindre venant soit de la gauche ou soit de la droite dans le sens de la descente. Finalement nous suivions un torrent. Nous pouvions voir aussi la végétation devenir de plus en plus abondante au fur et à mesure que nous perdions de l’altitude.
Enfin, la pente s’étant radoucie, nous pûmes ôter les cordes qui nous sécurisaient par groupes de quatre ou cinq. Nous étions alors nettement plus libres de nos mouvements. Les guides nous avaient félicités pour notre attitude tout au long des deux journées. Nous allions arriver au bas de cette descente, heureux de ce que nous avions vu, de ce que nous avions fait ensemble. Nos deux guides nous ont alors quittés en nous souhaitant une bonne fin de camp.
Nous devions attendre encore une bonne heure car nous avions pris un peu d’avance sur l’horaire. Nous étions au bord de ce torrent qui avait perdu de son intensité, il devenait un ruisseau de montagne tout simplement. Le soleil était généreux et il faisait nettement moins froid que sur le sommet du glacier. Nous étions tous en tee-shirt. Gaby avait retrouvé de belles couleurs. Nous avions même un peu chaud. Certains d’entre nous avaient retiré leurs chaussures de marche pour tremper leurs pieds dans l’eau.
C’est Alex qui avait dit :
Ale : « J’ai vraiment envie de me baigner. Qui veut se baigner ?
Certains : Oh oui, c’est une bonne idée !
J-P : Pour moi, cela ne pose aucun problème. Faites comme bon vous semble.
Moi : Dis Ben, on y va ? Et toi Gab, tu nous suis ?
Ben et Gab : Oui. »
Nous étions une dizaine au bord du ruisseau tumultueux. Nous avions ôté nos tee-shirts, nos shorts et nous avions retirés également nos slips. C’est donc à poil que nous nous étions plongés dans l’eau un peu froide. Nous n’avions plus aucune appréhension à nous montrer nus, déjà à la troupe il nous arrivait de nous baigner in naturalibus. Même Fabrice nous accompagnait. Finalement les derniers pionniers avaient pris la même décision que nous et nous avaient rejoints ainsi que Jean-Pierre. Nous nous éclaboussions en rigolant. C’était un très bon moment de détente entre nous.
Après un bon quart d’heure nous étions ressortis de l’eau pour nous sécher au soleil avant de remettre nos habits. Ben et moi nous faisions attention que nos regards ne s’accrochent pas aux zizis de nos camarades, je pensais que c’était nettement plus prudent. Nos amis savaient que nous étions gays, mais je me doutais qu’ils n’auraient pas apprécié d’être ainsi détaillés par deux homos.
Après une toilette sommaire, nous nous étions bien habillés car le fond de l’air était assez frais. Il gelait encore à l’extérieur du refuge. Nous avions pris notre déjeuner en silence. Il y avait du pain avec de la confiture et du beurre, des œufs sur le plat et comme boissons, du chocolat chaud et du café. Après avoir terminé ce premier repas, nous avions rangé la chambre et puis bouclé nos sacs.
Les deux guides nous avaient une nouvelle fois donné les consignes à suivre et les groupes avaient été composés de façon à être équilibrés. Gaby était avec nous, Ben et moi, dans le deuxième groupe. Un responsable par groupe avait été désigné. Nous avions Jean-Pierre comme guide. J’étais un peu rassuré car je savais qu’il avait fait du rocher et de la spéléo, il savait donc comment s’y prendre avec une corde et des mousquetons. Gaby lui aussi était rassuré de se trouver en notre compagnie et avec J-P. Une fois que nous étions équipés, soit déjà encordés, nous avions quitté le refuge pour monter vers le glacier. Celui-ci était assez plat bien qu’il montât un peu. Nous n’allions pas faire de l’alpinisme, nous n’étions ni formés ni même équipés pour cette activité. Le sol était encore gelé et nous devions éviter de marcher sur les plaques de glace.
La montée s’effectuait comme la veille, au rythme imposé par le guide qui ouvrait la voie. Il faisait encore assez froid, mais nous nous réchauffions en montant. Gaby semblait bien, il montait à la même allure que nous. Une quinzaine de mètres séparaient les groupes. Entre chacun des membres de la cordée, il y avait entre quatre à cinq mètres. Nous disposions de deux piolets par groupe. Il nous avait fallu environ une heure trente pour arriver au bord du glacier. Tout était blanc, tant la glace que la neige qui entourait le glacier.
Les guides nous avaient expliqué avant de quitter le refuge, que le glacier avait en fait deux parties. La première, étant la plus petite, débutait par une montée en pente douce pour arriver à un creux. Une fois passé le creux, c’était la seconde partie du glacier que nous allions parcourir. Les guides nous avaient demandé de bien faire attention et de poser les pieds dans les traces de pas laissées par celui qui nous précédait, de maintenir la corde tendue, mais pas trop et de respecter l’intervalle entre les groupes de façon à pouvoir réagir au moindre incident.
Gaby semblait toujours bien en forme. Jean-Pierre était devant, suivi de Ben, puis de Gaby et c’était moi qui fermait la cordée. Jean-Pierre avait un piolet ainsi que moi. Nous connaissions les consignes et les gestes à faire en cas d’incident. La marche avait donc repris.
La toute première partie avait été parcourue sans encombre jusqu’à l’arrivée au bord du creux. Nous devions maintenant redescendre dans le creux en suivant bien entendu la première cordée. Nous étions descendus d’environ une bonne dizaine de mètres dans ce creux. Il ressemblait à une cuvette glacée et enneigée tout entourée d’un mur de glace et de neige mêlée.
Puis, nous nous étions arrêtés à la demande du premier groupe. D’un coup, plus un bruit, nous ne ressentions plus la moindre sensation seulement à peine le léger souffle que la petite brise d’altitude nous apportait. Rien, la seule chose que nous pouvions entendre, c’était le bruit des battements de notre cœur ! C’était comme irréel, nous étions comme suspendus en dehors du temps, nous étions dans un autre monde !
Je regardais devant moi et je voyais que Gaby commençait à chanceler, il devait avoir les jambes en coton. Voyant ça j’avais crié à Jean-Pierre que Gaby n’allait pas bien. J-P avait planté le piolet en entourant la corde. Je m’étais avancé vers Gaby et à mon tour j’avais planté mon piolet dans un nœud qui avait été fait au niveau de la corde, juste derrière Gaby. Puis j’avais pris Gaby par-dessous les bras pour l’allonger sur le sol. Gaby était blanc comme neige. J’avais pris mes dispositions pour lui frotter le visage de mes mains chaudes, après avoir ôté mes gants. Quelques instants plus tard, le visage de mon camarade reprenait peu à peu des couleurs. J’avais pris dans sa poche le médicament destiné à l’aider en cas de malaise. Trois minutes après, Gaby semblait aller un peu mieux. Personne n’osait rien dire. Seul le guide du dernier groupe nous avait rejoints après avoir fixé sa cordée avec les piolets. Il était aussi secouriste. Il avait pu voir que Gaby revenait bien à lui. Il m’avait dit que j’avais très bien réagi. Je m’étais alors assis à côté de Gaby et l’avais pris dans mes bras pour le réchauffer. Voyant que Gaby pouvait reprendre la marche, le guide nous avait laissé poursuivre cette aventure.
Une fois sorti de cette cuvette, Gaby s’était nettement senti mieux. Il m’avait alors expliqué qu’il avait éprouvé brusquement ce début de malaise car il avait perdu ses repères. Puis il avait dit :
Gab : « Merci Phil. Je suis désolé de t’avoir fait peur. Je crois que tu as très bien réagi et je te dois une fière chandelle !
Moi : Tu sais Gaby, je t’ai dit que tu pouvais compter sur nous, qu’on ferait attention à toi. C’est ça faire confiance à ses amis.
Gab : Oui, j’ai entièrement confiance et je sais que je pourrai toujours compter sur vous. »
Je voyais que Gaby avait les larmes aux yeux. Il avait repris le contrôle et il avait séché les deux larmes qui étaient accrochées au niveau de ses paupières inférieures. Personne ne l’avait vu, sauf moi. Puis Gaby avait crié à tous qu’il allait mieux et qu’il voulait terminer debout, sur ses pieds, la traversée du glacier. Nous avions repris notre marche en direction du sommet du glacier.
Enfin, nous étions arrivés au sommet du glacier. Nous nous étions arrêtés pour profiter de la vue grandiose qui s’offrait à notre regard ; quelle superbe vue. Nous pouvions visualiser tout le chemin parcouru. Les guides avaient pris chacun une partie du groupe pour nous montrer exactement les pics et autres cols à admirer. Nous étions fascinés par ce décor dantesque, nous avions l’occasion de voir quelque chose de merveilleux sous un angle particulier. Puis nous avions à nos pieds cette très longue langue de glace qui descendait sur près de trois kilomètres. Elle s’arrêtait à la crête que nous avions passée en fin de matinée, avant de descendre dans la cuvette. Gaby regardait d’où nous venions. Il était très heureux d’être avec nous et surtout d’avoir pu nous suivre dans cette aventure. Jean-Pierre demandait à Gaby :
J-P : « Alors Gaby, heureux d’être là ?
Gab : Oh oui J-P, c’est extraordinaire ! Je ne m’attendais pas à voir ce si beau paysage.
J-P : Heureux de voir que ça te plaît. Et ton état général, ça va ?
Gab : Oui J-P, ça va. Je suis certain que pour le retour ça devrait aller. Au fait, on redescend par où ?
J-P : Je pense que nous allons redescendre par l’autre vallée, celle qui se trouve juste là, à environ nonante degrés vers la droite.
Gab : Ah, là où il y a les trois personnes qui passent entre les deux éperons rocheux ?
J-P : Exactement Gaby, c’est à cet endroit que nous allons passer pour ensuite descendre le long d’un torrent vers la vallée.
Gab : Ça a l’air super. Ah, au fait, merci de m’avoir laissé venir avec vous. Je ne regrette rien, même si j’ai été un fardeau pour mes amis. »
Je me trouvais avec Ben à côté de Gaby et nous avions entendu ce que J-P et Gaby se disaient. Je ne pouvais pas croire que Gaby se considérait comme un poids pour nous, il fallait que je lui dise :
Moi : « Je viens d’entendre ce que vous disiez, non Gaby tu n’es pas un poids mort pour nous. Je suis très heureux que tu sois monté avec nous jusqu’ici et je suis sûr que c’est la même chose pour Ben. Tu es notre ami et tu le sais, je ne laisse jamais tomber un ami !
Ben : Oui Gaby, Phil a raison. Tu es incroyable, tu as surmonté ta peur et tu as mordu sur ta chique, alors ne va pas croire que tu es un boulet.
J-P : Ecoute tes deux amis. Vous êtes dans la même équipe et c’est pour moi une très bonne équipe. Vous êtes soudés comme les doigts d’une seule main. Vous vous complétez tous les trois. Puis j’ajoute que vous êtes des exemples pour les autres pionniers !
Gab : Merci J-P, ce que tu me dis me touche beaucoup. Et puis, merci les mecs, merci de m’avoir aidé à venir jusqu’ici.
Moi : Mais de rien mon pote !
Ben : Tu n’as pas fini de nous avoir sur le dos, ça tu peux me croire ! »
Nous nous étions mis à rire tous les trois. Les autres pionniers se demandaient ce qui se passait. Jean-Pierre avait alors dit :
J-P : « Ce n’est rien, c’est juste un délire entre vos trois camarades ! Bon je crois qu’il va être temps de manger un bout avant de reprendre notre randonnée pour revenir dans la vallée. »
Nous avions ouvert nos sacs pour prendre le casse-croûte. Puis j’avais encore des fruits secs pour grignoter durant la descente au cas où nous aurions un coup de fringale. Le repas a été vite avalé. Nous avions bu un peu d’eau. Il me restait encore une gourde pleine pour si jamais. Ben lui avait sa gourde à moitié pleine. Gaby, quant à lui, avait repris un comprimé juste avant de reprendre notre marche.
Nous venions de quitter le glacier pour nous retrouver dans des éboulis. Le sol était couvert de rocs et de pierres. Nous suivions, toujours encordés, nos guides. Les quatre cordées avaient repris leur place. Chacun savait ce qu’il devait faire et ne pas faire bien entendu. Le début de la descente, juste après les deux éperons rocheux, était très raide. Nous devions faire attention pour ne pas faire rouler des pierres vers le bas au risque de blesser ceux qui se trouvaient devant nous. A un moment nous avions pu voir un filet d’eau ressortir entre deux roches. Puis d’autres ruisselets venaient le rejoindre venant soit de la gauche ou soit de la droite dans le sens de la descente. Finalement nous suivions un torrent. Nous pouvions voir aussi la végétation devenir de plus en plus abondante au fur et à mesure que nous perdions de l’altitude.
Enfin, la pente s’étant radoucie, nous pûmes ôter les cordes qui nous sécurisaient par groupes de quatre ou cinq. Nous étions alors nettement plus libres de nos mouvements. Les guides nous avaient félicités pour notre attitude tout au long des deux journées. Nous allions arriver au bas de cette descente, heureux de ce que nous avions vu, de ce que nous avions fait ensemble. Nos deux guides nous ont alors quittés en nous souhaitant une bonne fin de camp.
Nous devions attendre encore une bonne heure car nous avions pris un peu d’avance sur l’horaire. Nous étions au bord de ce torrent qui avait perdu de son intensité, il devenait un ruisseau de montagne tout simplement. Le soleil était généreux et il faisait nettement moins froid que sur le sommet du glacier. Nous étions tous en tee-shirt. Gaby avait retrouvé de belles couleurs. Nous avions même un peu chaud. Certains d’entre nous avaient retiré leurs chaussures de marche pour tremper leurs pieds dans l’eau.
C’est Alex qui avait dit :
Ale : « J’ai vraiment envie de me baigner. Qui veut se baigner ?
Certains : Oh oui, c’est une bonne idée !
J-P : Pour moi, cela ne pose aucun problème. Faites comme bon vous semble.
Moi : Dis Ben, on y va ? Et toi Gab, tu nous suis ?
Ben et Gab : Oui. »
Nous étions une dizaine au bord du ruisseau tumultueux. Nous avions ôté nos tee-shirts, nos shorts et nous avions retirés également nos slips. C’est donc à poil que nous nous étions plongés dans l’eau un peu froide. Nous n’avions plus aucune appréhension à nous montrer nus, déjà à la troupe il nous arrivait de nous baigner in naturalibus. Même Fabrice nous accompagnait. Finalement les derniers pionniers avaient pris la même décision que nous et nous avaient rejoints ainsi que Jean-Pierre. Nous nous éclaboussions en rigolant. C’était un très bon moment de détente entre nous.
Après un bon quart d’heure nous étions ressortis de l’eau pour nous sécher au soleil avant de remettre nos habits. Ben et moi nous faisions attention que nos regards ne s’accrochent pas aux zizis de nos camarades, je pensais que c’était nettement plus prudent. Nos amis savaient que nous étions gays, mais je me doutais qu’ils n’auraient pas apprécié d’être ainsi détaillés par deux homos.