« L’apprenti magicien »

[laurentdu51100]

Chapitre 177 : Sixième semaine sixième jour (Les basses montagnes) (1/2)


« Fin d’après-midi »

Quatre longues journées à chevaucher à l’intérieur des terres des domaines et les voilà en vue des premiers contreforts montagneux annonçant qu’ils vont devoir bientôt poursuivre à pied.

Maistre Ebbon lève le bras pour donner le signal de la halte, ce qui réconforte ses compagnons de voyage mais surtout Ada et Tancrède, peu ou prou habitués à passer de si longues journées à cheval.

Alix sourit en s’approchant du jeune homme qu’elle commence à apprécier réellement depuis qu’elle a appris à mieux le connaître, son physique tout en muscle et son caractère entier non dénué d’une forte propension à la gentillesse, ne la laisse pas et c’est loin de le dire, indifférente.

Un visage viril au sourire charmeur met la touche finale à ce qui pour elle n’est pas loin de représenter l’idéal masculin qu’elle rêvait étant plus jeune, quelque peu oublié depuis qu’elle reçoit les attentions assidues d’Eadwin.

Alix sait très bien qu’elle va devoir être honnête avec lui pour qu’il ne soit pas mis devant le fait accompli, pourtant bien que ce soit dans la pensée de tous au temple, il n’y a jamais eu d’ambiguïté pour elle en ce qui concerne leur relation et elle n’éprouve donc aucun remords envers son ami, n’ayant jamais cédé véritablement à ses avances.

Bien sûr Alix a déjà pensé à la possibilité qu’ils se mettent un jour officiellement en couple mais c’était avant cette sortie imprévue du temple pour partir secourir Eldarian, avant qu’elle ne rencontre Tancrède et que son charme lui transperce le cœur, la rendant soudainement beaucoup plus féminine alors que jusqu’à présent elle n’était qu’une guerrière farouche que très peu d’hommes pouvaient prendre en défaut.

Tancrède sent une présence derrière son dos, il tourne la tête pour voir qui s’approche ainsi de lui et sourit quand il reconnaît la silhouette élancée de la jeune disciple, trouvant dommage qu’elle cache aux yeux de tous un minois aussi ravissant.

- Sommes-nous encore loin du temple ??
- (Alix) nous entrerons demain dans le domaine des Nains, il nous faudra encore ensuite deux à trois jours de marche !! Suivant comment Ada, les jeunes princes et toi, vous avancerez sur les chemins abrupts qui y mènent !!

Tancrède l’écoute en descendant de sa monture, l’emmenant ensuite vers un carré d’herbe bien grasse suivit de près par celle qui est devenue son amie.

Une fois les deux animaux laissés libres pour paître, ils se dirigent sans s’être concertés à l’écart du groupe en reprenant leur discussion.

- Je pensais plutôt à Maistre Ebbon, son grand âge sera beaucoup plus sujet à la fatigue du trajet.
- Ne te fie pas aux apparences, il est beaucoup plus habitué que vous à ces longues marches et en vous citant, je ne pensais pas à la fatigue mais plutôt à la souffrance, vos chausses sont trop légères pour que n’apparaissent rapidement quelques ampoules ou autres désagréments.
- Ah !! Je vois !!

Alix va pour lui demander ce qu’il voit au juste, quand elle sent une main venir lui ôter sa cagoule avec une extrême douceur et de par ce geste, lui découvrir le visage.

Un autre que Tancrède n’aurait jamais eu le temps d’arriver à ses fins qu’il se serait retrouvé éjecté sans fioriture, au lieu de ça c’est un grand sourire que découvre le jeune forgeron une fois qu’il a terminé son geste.

- Je préfère te voir ainsi à visage découvert, pourquoi cacher un si joliminois ??
- Mon nouvel ami ne serait-il en fin de compte qu’un jouvenceau charmeur ??
- Amoureux surtout !!

Alix ne s’attendait tellement pas à cette réponse qu’elle en reste toute bête, son visage exprimant à merveille son ressenti et amenant un sourire encore plus marqué sur le visage du jeune homme.

- Je suis tombé follement amoureux de toi dès la première fois où je t’ai vue.
- Wouah !! Et tu me dis ça comme ça, sans savoir si je ressens la même chose ??
- Tu ne serais pas là loin des autres si tu n’éprouvais rien pour moi, excuse-moi si je n’y mets pas les formes qu’une jeune damoiselle s’attendrait à recevoir mais je n’ai pas reçu cette éducation, quelque chose me dit en plus que tu n’aurais pas aimé que je prenne ce chemin vis-à-vis de toi.
- Tiens donc !! Pourquoi donc ne serais-je pas une jeune damoiselle qui rêve d’être courtisée ??

Tancrède la prend doucement mais fermement par la taille, ses lèvres viennent ensuite recouvrir celles d’Alix durant à peine une petite seconde avant de prendre du recul et de sourire tendrement cette fois devant son visage rosi aux yeux fermés.

- Parce que tu es une guerrière qui n’a sans doute jamais joué à la poupée, que tu préfères la franchise et l’honnêteté, plutôt que les minauderies timides d’un jeune puceau !!

Alix rouvre lentement les yeux, le regard encore perdu dans le souvenir de la brève caresse des lèvres viriles de son ami.

- Ne suis-je donc pas la première ??
- Il m’est arrivé quelquefois de prendre quelques amusements avec l’une ou l’autre des damoiselles du bourg non loin de là où je vis, rien non plus qui les aurait déshonorées, rassure-toi !! Juste quelques pratiques pour expérimenter et découvrir nos différences, assouvir aussi la curiosité réciproque de savoir ce qui se cache sous nos vêtements.
- Hum !! Ce que j’en retiens c’est que tu es toujours puceau ! Hi ! Hi !
- Dans l’absolu tu as raison, seulement j’en connais suffisamment sur vos « trésors » cachés, pour n’être ni timide, ni ressentir le besoin de minauder.

Tancrède rapproche son visage de celui d’Alix pour l’embrasser une nouvelle fois, avec la même tendresse mais en faisant durer beaucoup plus longtemps son baiser avant de reprendre du recul, satisfait de la sentir aussi réceptive que lui au contact de ses lèvres.

- Ma réponse te satisfait-elle ??
- J’avoue que ça ne me laisse pas indifférente et pour être aussi honnête envers toi que tu l’as été vis-à-vis de moi, j’ai moi aussi expérimenté en tout bien tout honneur la différence qu’il pouvait y avoir avec le sexe opposé !!
- Je devine bien avec qui, vous semblez être très proches tous les quatre. Assez je dirais pour une telle complicité !!
- Et tu aurais entièrement raison, même si c’était il y a quelque temps déjà et que nous n’en sommes plus là depuis lors. Mais j’ai peur que ce qu’il se passe entre nous n’amène de la tristesse au cœur d’un de mes amis les plus proches !!
- Eadwin ?? J’avais déjà remarqué qu’il te couvait du regard, je pensais juste que c’était pour te protéger un peu comme le ferait un grand frère.
- C’est comme ça que moi je le considère mais j’avoue que je n’ai pas ta franchise, j’aurais dû depuis longtemps mettre les choses au point avec lui plutôt que le laisser à espérer.
- Penses-tu qu’il va m’en vouloir ??
- Eadwin n’est pas comme ça, sinon il ne serait pas devenu ce qu’il est !! J’espérais juste qu’il trouverait quelqu’un avant moi, du fait qu’il est plus âgé de deux « doubles lunes ».

Tancrède l’écoute avec des yeux qui pétillent de joie, ce qui bien sûr n’échappe pas à Alix.

- Qu’Eadwin soit malheureux semble t’amuser, n’aurais-tu pas de cœur en fin de compte ??
- Bien sûr que non !! C’est juste de te savoir également amoureuse de moi qui me mets en joie, sinon cette conversation n’aurait pas de sens.

Chapitre 178 : Sixième semaine sixième jour (Les basses montagnes) (2/2)


Tandis que les deux amoureux s’avouent la passion qui les anime, Eldarian retrouve les deux jeunes princes pour engager une conversation étrangement similaire.

La question est venue de Perceval, encore troublé par des précédentes conversations sur le sujet depuis qu’ils ont quitté le domaine.

- J’ai beau tourner ça dans tous les sens, je n’arrive pas à m’y faire !!
- (Eldarian) De quoi parles-tu donc ??
- De ton frère et toi avec les deux princes Elfes !!
- (Gaëtan) Je ne vois rien là de si troublant que tu t’en inquiètes ??
- (Eldarian) C’est peut-être le lien familial, le fait que nous soyons cousins !!
- C’est bien ça !! Enfin…en partie !! Il y a aussi le fait que vous soyez tous les quatre attirés par les hommes, que forcément deux au moins souffriront si ce n’est les quatre du fait de l’espérance de vie beaucoup plus longue chez les Elfes.
- (Eldarian) Tu oublies juste que mon frère et moi sommes mi Elfes, mi Goths, notre durée de vie est au moins égale à celle de nos amis. Pour le reste nous n’y pouvons rien et c’est heureux comme ça, notre différence sexuelle n’aura de plus aucune conséquence néfaste avec nos liens de cousinage. Pour le reste, ce n’est pas comme si nous avions vécu toutes ces « doubles lunes » en connaissant notre parenté.

Perceval comprend qu’il n’a pas fait le tour de ce qui le gêne vraiment, ce sont les paroles d’Eldarian qui lui ouvrent l’esprit sur les véritables motifs de son trouble.

- Oui d’accord mais vous êtes les derniers de votre peuple, Voldarian comptait sûrement sur vous pour que votre génération ne soit pas la dernière.
- Qui te dit qu’elle le sera ??
- Mais…
- Peut-être aimons nous aussi les femmes ! Hi ! Hi !
- Ah bon !!!

Eldarian s’amuse du trouble du jeune prince qu’il accentue par ses paroles ambiguës, il imagine bien la tête que fera Perceval quand il découvrira combien il fait erreur sur certaines de ses affirmations.

Il part dans un rare fou rire en quittant ses amis qui le regardent s’éloigner avec ahurissement, voyant bien le reste de leurs compagnons se tourner vers eux avec les mêmes froncements de sourcils d’interrogation sur ce qui lui arrive.

Ada depuis son poste d’observation ne peut laisser échapper un sourire devant la bouille troublée de Perceval, son cœur bondit dans sa poitrine comme à chaque fois qu’elle fixe le jeune prince avec l’espoir que peut-être lui aussi aurait quelques pensées pour elle.

Maintenant Ada est consciente que sa naissance ne lui permettra jamais d’être beaucoup plus pour lui qu’une simple amie que l’on voit en cachette, loin de l’étiquette de la cour d’un seigneur de domaine aussi puissant que l’est sire Childebert.

La pensée qu’il lui sera impossible d’avouer au jeune prince qu’elle l’aime, lui amène une larme qu’elle essuie rapidement de peur que quelqu’un s’en aperçoive et comprenne ce qui peut la rendre si soudainement triste.

Pourtant quelque chose en elle lui dit qu’elle ne lui est pas indifférente, ses petits regards en coin marquant l’inquiétude comme en ce moment même alors qu’il pense qu’elle ne le voit pas.

Perceval a parfaitement vu son amie quand elle a passé sa main sous ses yeux pour y essuyer ses larmes, sa timidité l’empêche de se précipiter vers elle pour lui demander une explication sur ce qui ne va pas.

C’est Gaëtan qui le pousse soudainement vers elle, observant le manège entre eux deux depuis le début du voyage.

- Va donc voir ce qui l’attriste à ce point !!
- Je n’ose pas !!
- Mais enfin pourquoi ?? Ce n’est pas toi qui me disais avoir de très forts sentiments pour elle ??
- Justement !! Tes paroles m’ont bien fait comprendre qu’il serait cruel pour moi de les lui avouer, pour ensuite lui dire quoi ?? Que tout sera impossible pour nous deux et que je devrais prendre épouse avec une princesse d’un domaine voisin ??
- Tu trouveras bien des arguments pour que père comprenne son intérêt à laisser son plus jeune fils faire les épousailles qui lui siéent le mieux.
- Des arguments !! Quels arguments veux-tu que je lui donne ??
- Je ne sais pas moi, par exemple qu’Ada est la meilleure amie du nouveau roi dragon !! Nul doute que ça ait son importance dans les prochaines décennies, de quoi en tout cas faire réfléchir père avant de te marier contre ton gré !!

Perceval retrouve soudainement le sourire en prenant son aîné par la taille et en l’embrassant sur le front sous le sourire cette fois amusé d’Ada qui préfère et de loin le voir joyeux plutôt que comme quelques instants auparavant.

C’est donc sans plus aucune rancœur envers sa naissance, qu’elle le voit s’approcher et se planter devant elle avec les yeux brillants d’une flamme qui la trouble, se demandant bien ce qu’il lui prend soudainement à la regarder comme ça.

Le jeune prince prend le temps de la dévorer des yeux avant qu’enfin les premières paroles s’échappent de ses lèvres, paroles qui vont marquer à jamais la jeune apprentie couturière qui y verra le début de la réalisation de son vœu le plus cher.

- Je peux t’embrasser ??

Croyant avoir la même marque d’affection qu’elle l’a vue faire à son frère juste avant, Ada n’y voit rien là à se poser questions.

- Bien sûr !!

Le sourire de Perceval n’a que le temps de lui apparaître que déjà ses lèvres viennent se poser contre les siennes, la laissant dans une surprise telle qu’elle ne pense même pas à tout ce qui, quelques minutes à peine plus tôt, lui posait problème quant à son rapprochement avec le jeune prince.

Perceval la sent trembler sur ses jambes, il l’enserre donc de ses bras pour la maintenir contre lui tout en l’embrassant avec encore plus de ferveur et d’amour.

Gaëtan qui a assisté complètement ahuri au culot aussi soudain qu’imprévisible venant de son cadet, s’attend à ce qu’il se prenne une bonne gifle en retour et doit bientôt se faire à l’idée qu’il n’en sera rien, quand Ada l’enlace à son tour et qu’il doit par discrétion détourner son regard du jeune couple, le sourire de contentement remplaçant l’ahurissement des premiers instants.