« L’apprenti magicien »

[laurentdu51100]

Chapitre 155 : Cinquième semaine deuxième jour (Don Lubin)


« Temple de Linn »

Le prélat ne se lasse pas d’arpenter la ville de long en large, il en découvre chaque jour davantage sur l’un des plus grands secrets du temple.

Après sa découverte, maître « Too » lui a raconté toute la série d’évènements qui a amené les six grands maîtres du temple de l’époque à cet état de fait.


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Tout d’abord il y a eu cette traque incessante de l’inquisition des porteurs de la marque, puis certaines rumeurs comme quoi ils commettaient un véritable génocide sur des enfants bien incapables de se défendre.

Les habitants des domaines qui confiaient au début plutôt sereinement ces enfants aux représentants de l’église, commencèrent à se méfier et finirent par les cacher dans l’attente qu’ils soient en âge d’être pris sous la protection d’un seigneur.

Durant plusieurs centaines de « doubles lunes » un certain statu quo entre les deux partis permettait ainsi de conserver suffisamment de détenteurs de pouvoirs pour protéger les humains des autres races belliqueuses de Goth.

Les rumeurs ont tout de même fini par devenir des preuves tangibles, sur le triste sort advenant aux enfants confiés aux inquisiteurs qui ne se contentaient plus d’arpenter les bourgs et les hameaux, mais allaient jusqu’à pénétrer dans les demeures pour arracher les enfants des bras-mêmes de leurs parents.

Il y a presque mille « doubles lunes » de cela au moment de la grande fracture, les portes du temple commencèrent à recevoir les premières familles portant la marque et aucun parmi les grands maîtres ne pouvait se résoudre à remettre les enfants de leurs enfants dans les mains de l’église maintenant qu’ils connaissaient le sort qui leur était fait.

Au fil du temps et les « doubles lunes » passant, il fut décidé pour préserver encore mieux le secret de leurs existences qu’il serait plus judicieux de les regrouper là où ils ne courraient aucun danger et où la protection leur serait assurée.

La ville fut donc agrandie au fur et à mesure qu’ils sont devenus en âge d’y vivre en autonomie, des couples se lièrent et des enfants naquirent, nombre d’entre eux portant la marque de leurs parents.

Malgré tout la traque de l’inquisition commença à faire son œuvre partout ailleurs sur Goth et les enfants abandonnés au pied du temple devinrent de plus en plus rares, Eldarian en fut d’ailleurs l’un des derniers à s’y retrouver.

La petite communauté s’agrandit donc naturellement simplement par les naissances de ceux qui s’y marièrent, chaque nouveau-né subissant un test de pouvoir du premier grand maître avant d’être rendu à sa famille.


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Don Lubin reconnaît qu’il ait été heureux qu’une telle initiative du temple soit prise, les personnes qu’il croise depuis lors démontrant bien combien ces gens sont heureux de vivre.

Pourtant certains d’entre eux diffèrent des autres, ou alors ne serait-ce l’impression qu’il en a en les observant avec un peu plus de soin.

Au début il n’y a pas fait attention, ne cherchant pas vraiment à les détailler de la tête aux pieds ce qui aurait été des plus mal poli de sa part.

Ce n’est que la veille en fin d’après-midi que ce « détail » lui est apparu pour la première fois, alors qu’il entrait dans l’estaminet de cette petite ville pour y prendre un rafraîchissement.

Le tenancier, curieux de sa tenue alors que très certainement beaucoup se posaient déjà la question, vint s’asseoir quelques minutes à sa table pour sans doute pouvoir ensuite être fier de révéler ce qu’il aura appris à ses clients.

Ce n’est pas tant la conversation par elle-même qui au début laissa Don Lubin avec un sentiment bizarre venant de cet homme pourtant fort jovial mais un “un je ne sais quoi”, qu’il avait sur le bout de la langue et qui ne voulait pas sortir, finissant à la longue par devenir perturbant pour lui.

Le déclic s’est fait au moment où il a révélé au tenancier qu’il était l’un des plus hauts prélats de l’église et que celui-ci sous l’effet de surprise en a eu les yeux qui s’agrandirent d’étonnement, des yeux jaunes comme jamais jusqu’alors il n’en avait vus.

Depuis ce matin, alors qu’il est de nouveau en plein cœur du village et maintenant qu’il sait quoi rechercher, Don Lubin le plus discrètement possible comptabilise celles des personnes adultes ou enfants qu’il croise et qui ont cette même particularité, se promettant d’en faire part rapidement à maître « Too » qui étrangement est le seul des cinq grands maîtres présents à accepter de lui parler.

Ce n’est que bien plus tard dans la matinée qu’il a l’occasion de lui poser la question, sa réponse amenant alors un énorme trouble au prélat qui jamais n’aurait envisagé ne serait-ce qu’une seconde que lui serait révélé un autre secret du temple.


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« Conversation avec maître « Too » »

- (Maître « Too ») Vous semblez beaucoup vous plaire ici Don Lubin ??
- Ces gens sont particulièrement chaleureux, ce qui m’étonne beaucoup je me dois de l’avouer.
- Et pourquoi donc cela vous étonne-t-il ??
- Mon appartenance à l’église ne serait-ce par les vêtements que je porte ne fait pourtant aucun doute, je ne ressens pourtant aucune suspicion ni colère venant de leur part ??
- Je présume que vous faites référence aux atrocités commises par vos pairs à l’encontre de ceux comme eux qui portent la marque ?
- A quoi d’autre pourrais-je faire référence, je vous le demande !!
- Eh bien peut-être qu’ils ignorent tout simplement tout de cette sinistre époque qui perdure encore hélas de nos jours !!
- Voudriez-vous me dire que…

Maître « Too » observe un instant cet homme qu’il commence à apprécier à sa juste valeur, il lui envoie un sourire amical en retour de l’énorme ahurissement lié à la compréhension soudaine qu’il vient d’avoir suite à sa réponse sibylline.

- Nous avons préféré les laisser dans l’ignorance de tels actes commis contre ce qu’ils sont, d’ailleurs rappelez-vous qu’ils ignorent également être des détenteurs de pouvoir et pourtant regardez-les, ne vivent-ils pas heureux comme tout un chacun ?? À quoi servirait de leur mettre la haine en tête alors qu’ils n’en ont rien vécu pour l’éprouver !! Ici ils sont comme chaque être vivant devrait l’être sur Goth, libres et en paix !!
- Pourtant certains semblent souffrir d’une santé précaire ??

Maître « Too » ouvre grand les yeux d’étonnement avant de lui poser la question.

- Mais… à quoi faites-vous allusion pour tenir un tel propos ??
- À la couleur de leurs yeux, je n’en ai jamais vu chez les humains à part lorsqu’ils sont gravement malades et encore, jamais d’une telle teinte jaune comme un soleil sans éclat !!
- Peut-être sont-ils en très bonne santé !! Peut-être ne sont-ils tout simplement pas humains, du moins comme la définition de ce qui a toujours été pour vous l’humanité.
- Pas humains !!
- Vous êtes bien trop jeune pour les avoir connus avant que l’église encore elle, ne les ait tous fait disparaître !! Du moins c’est ce qu’elle pense et ce que pensent les populations des domaines.
- Les rois dragons ??
- Encore une erreur due au manque d’informations mon cher Don Lubin !! Cette race portait le nom de Goths, les détenteurs de pouvoir quel qu’ils soient étaient les équivalents de la noblesse des domaines et le roi dragon son suzerain incontesté qui régnait sur tout être vivant, y compris Elfes, Nains, Orcs, Gobelins et autres Trolls, farfadets et Gnomes, vivants à cette époque sur Penn.

Le visage tout en pâleur du haut prélat n’est vu par le premier grand maître que comme la suite logique de ce qu’il vient de lui révéler, jamais il ne se douterait que même si c’est en partie vrai, ce n’est pourtant pas la seule raison et que son regard d’étonnement de tout à l’heure y est lui aussi pour beaucoup.


Chapitre 156 : Cinquième semaine deuxième jour (Sire Childebert) (1/3)


Sire Childebert s’est enfermé dans sa salle de travail pour y être seul et pouvoir ainsi faire le bilan de toutes ces informations qui lui arrivent depuis plusieurs jours, la dernière après l’annonce de l’avènement d’un nouveau roi dragon n’étant pas de celle à prendre à la légère.

La barrière protégeant son domaine d’après les différents rapports qu’il en a reçu, a bien cette particularité de rendre ses terres invisibles à ceux qui voudraient y semer la terreur.

Un exode massif s’en est suivi venant au début des domaines voisins, puis le bouche-à-oreille faisant son œuvre jusqu’à ceux les plus éloignés en guerre contre l’assaillant Gobelin ou Orcs.

Le rappel de ses gens d’armes pour maintenir l’ordre lui a été indispensable, prévenant les autres seigneurs qu’il n’accepterait sur ses terres que ceux n’étant pas ou plus en âge de défendre leurs propres domaines en leur permettant ainsi d’avoir l’esprit plus serein pour régler au plus vite le conflit actuel.

De ce fait, ils peuvent maintenant avoir des actions conjuguées entre eux pour venir à bout petit à petit des tribus envahisseuses et ne plus se disperser comme jusqu’à présent pour la sauvegarde des populations disséminées des bourgs et hameaux sous leur autorité.

Par contre cet afflux continu de réfugiés commence à inquiéter sérieusement Childebert qui doit pourvoir à leur nourriture et à préserver une certaine hygiène dans les campements nomades qui se forment de plus en plus nombreux tout du long de la barrière.

Heureusement que chaque famille migrante emmène avec elle ses provisions et ses animaux de boucherie, ce qui laissera quelques répits avant d’avoir à puiser dans les réserves d’hiver au cas où le conflit ne verrait pas une fin rapide.

Une importante troupe d’hommes d’armes est encore hors du domaine, conduite par sire Willibert lui-même et sa mission est de récupérer à n’importe quel prix l’apprenti magicien du vieux Maistre, afin de le ramener au plus vite au château sous la protection de sa bannière.

Dogon, tout comme Ebbon, a tellement insisté qu’il ne pouvait refuser d’engager ses troupes et cela même contre l’église du dieu unique, au risque de se mettre à dos les populations des villes et des campagnes très croyantes.

Les deux Maistres déjà bien stupéfaits par la puissance de la barrière telle qu’elle leur apparaît suite aux différents rapports, en n’arrivant pas à comprendre comment un tel prodige a pu être possible surtout du seul fait d’un garçon à peine adulte et n’étant pas instruit des arcanes de la magie, depuis qu’ils ont ressenti les tremblements de Penn sont devenus fébriles et les explications de ce phénomène fort peu naturel n’étaient pas de celles à leur faire retrouver leur calme.

Ils sont depuis lors enfermés au sommet du donjon à chercher dans les écrits quelques similitudes ayant existé en des temps révolus et qui pourraient sinon leur en apprendre davantage sur ce qui se prépare, tout du moins leur donner quelques assurances qu’il n’y aurait point là un présage néfaste auquel serait confrontée la petite communauté humaine ayant trouvé refuge sur Penn.

Sire Childebert du coup se sent bien seul, il soupire en jetant un œil vers le « perchoir » avant de revenir à ses dossiers et reprendre la tâche ardue de régisseur qu’il n’a jamais voulu déléguer à qui que ce soit, n’ayant personne de réelle confiance à mettre à ce poste clef du domaine.


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« Une bonne heure plus tard »

Des pas de bottes rapides sur le marbre du couloir lui font relever la tête de tous ses chiffres qui commençaient à lui donner le tournis, Childebert attend maintenant de connaître la raison d’un tel empressement.

« Toc ! Toc ! »

- Oui !!!

La porte s’ouvre sur un des sergents de garde du château.

- Un visiteur à la porte du château demande à être introduit auprès de vous, c’est un maître guerrier de Linn !!
- Vous a-t-il donné son nom ??
- Il s’est présenté au poste de garde comme maître « Koo », dixième dans la hiérarchie de l’ordre du temple !!
- Très bien !! Je le recevrai donc !!
- Bien messire !!

Le sergent quitte la pièce pour s’en aller quérir le guerrier attendant patiemment son retour.

- Veuillez me suivre maître « Koo », Sire Childebert vous attend dans sa salle de travail !!

Quand maître « Koo » entre dans la pièce où se trouve le seigneur du domaine, il reste un moment à observer avec attention son arrangement et apprécie à sa juste valeur l’aspect austère et reposant du lieu en démontrant mieux que toute parole des qualités de son hôte.

Sire Childebert relève les yeux de ses dossiers pour observer à son tour l’homme en face de lui, comme pour Eldarian il ne voit que son regard derrière ses vêtements noirs bardés d’armes avec les deux épées croisées, marque de son rang.

- Bienvenu en ma demeure maître « Koo », vous êtes le deuxième maître du temple en quelques semaines à honorer nos murs de votre présence !!
- Je suis au courant que maître « Xoo » a été votre invité durant les dernières fêtes, c’est d’ailleurs dans le but de vous apprendre les dernières nouvelles à son sujet que je suis ici !!
- J’espère qu’il va bien et que rien de fâcheux ne lui est arrivé, il est parti au secours de son frère avec quelques compagnons.
- Les renforts demandés au temple sont à présent avec lui devant l’enceinte de la citadelle, il ne fait nul doute que cette histoire verra son dénouement dans les prochains jours.
- Mes hommes d’armes s’y dirigent également à bride abattue, j’espère qu’ils arriveront à temps pour vous épauler !!
- Je vais prévenir de leur arrivée, inutile de prendre le risque d’un éventuel quiproquo sur leur intention !!
- Vos faucons peuvent donc vous retrouver où que vous soyez ?? J’aimerais bien connaître la façon utilisée pour y parvenir, j’avoue que vous piquez là ma curiosité !!

Maître « Koo » sort de sa poche un disque de métal épais d’un pouce et de deux de diamètre.

- Point n’est besoin de faucons pour correspondre entre nous, chaque maître itinérant se voit confier un disque semblable qui nous permet en cas d’urgence d’entrer en contact avec le temple ou l’un des cinq autres maîtres guerriers en errance.
- Est-ce donc là de la magie ??
- Ne prenez nullement ombrage au fait que cela doit rester un secret du temple, je ne répondrais donc pas à votre question !!