« L’apprenti magicien »

[laurentdu51100]

Chapitre 142 : Le temps des semailles, quatrième semaine sixième jour (Loup) (3/3)


Wulfoald sent ses forces l’abandonner.

- Ça ne saurait tarder mon enfant !! Il me faut juste trouver la force d’aller jusqu’au bout de ce que j’ai à te révéler, alors écoute moi bien et ne m’interrompt plus !! Quand tu auras réactivé les canaux de magie, il te faudra ensuite te rendre jusqu’aux terres inconnues !! Le temps y a fait son œuvre et la vie y a repris ses droits, les effets secondaires de la grande fracture ont été gommés par le temps. Tu devras te mettre en quête du vaisseau spatial qui a amené les humains, il devrait avoir été épargné par les radiations !! Tu devras alors faire en sorte de pouvoir entrer à l’intérieur et ensuite d’en réveiller l’équipage qui est maintenu en vie par des appareils spécifiques d’une technologie que nous ne comprenons pas, il te faudra trouver l’action nécessaire qui occasionnera leur éveil.
- Rien que ça !!
- Tu devras utiliser tes connaissances nouvellement acquises, ça plus ta vie passée auprès des humains devrait pouvoir aller dans le sens souhaité.
- Mais enfin !! Pourquoi devrais-je réveiller ces gens ??
- Pour réaliser le troisième et dernier point de ton périple !!

Le visage de Wulfoald devient alors d’une gravité telle, que Loup en a un mouvement de recul.

- Les humains doivent quitter Penn !! C’est seulement alors que nous retrouverons la sérénité et que notre… Ou plutôt nos peuples, pourront à nouveau prospérer en retrouvant la paix qui était la nôtre avant leur arrivée.
- Tous ?? Mais enfin !! Beaucoup d’entre eux ne sont pas un danger pour Penn, j’y ai des parents ainsi que des frères et de nombreux amis !!
- Pourtant il le faut mon garçon !! Ils sont fondamentalement mauvais à toujours en vouloir plus, que ce soit l’argent ou le pouvoir !! Comment faire la distinction entre ceux qui font le bien et les autres ?? Un tel risque ne pourra être pris une seconde fois, le comprends-tu ??
- Hum !!
- Révèle-moi tes véritables pensées !!

Loup s’enferme dans son mutisme, l’idée même de devoir se séparer de sa famille ainsi que de tous ceux qui au fil des « doubles lunes » sont devenus ses amis, lui est insupportable.

Il est conscient du fond de vérité dans les paroles du vieillard, ne serait-ce déjà que par l’endroit où ils se trouvent enfermés mais condamner l’ensemble d’une espèce à cause d’une minorité, ne lui semble pas être la solution de justice que son éducation paysanne lui a inculquée.

Loup sait que Wulfoald attend de lui une réponse, il ne se sent pas de lui mentir aussi trouve-t-il une échappatoire qui lui semble acceptable.

- Je me réserve cette décision pour le jour où j’aurais cette charge qu’a été la vôtre sur mes épaules.

Le vieux roi dragon comprend en lisant dans les yeux du garçon, tout le trouble que lui amènerait l’idée même d’aller dans son sens et le fait qu’il ait choisi la voie de la vérité dans sa réponse, l’incite à lui faire confiance dans le choix final qu’il devra prendre un jour.

- Promets-moi au moins de parler au commandant du vaisseau ??
- Pourquoi ne l’avez-vous pas fait quand vous étiez libre ??
- Oh !! Mais comme beaucoup d’autres avant moi j’ai essayé !! Seulement je ne suis pas plus qu’eux parvenu à entrer à l’intérieur !! Et puis à cette époque il était encore dangereux de rester trop longtemps dans les terres inconnues.
- Qu’est-ce qui vous dit que j’y parviendrais ?? Et pourquoi cela vous semble-t-il si important que je parle à cet homme, peut-être est-il mort avec son équipage depuis longtemps !!
- Le vaisseau a navigué dans l’espace durant bien plus longtemps qu’il n’est sur cette terre, il n’y a donc pas de raisons que ce qui les a maintenus en vie jusque-là n’ait pas pu continuer à le faire.
- En admettant qu’il soit encore vivant !! Ça ne répond pas à mes autres questions ??
- Celui de mes prédécesseurs qui les a accueillis, a noté une chose qui longtemps m’a donné source à réflexions !! Il a écrit que le vaisseau n’était pas arrivé au but de son voyage en se posant sur Penn, notre planète n’était pas répertoriée et pour cause dans ce qu’ils appelaient « leurs banques de données », seule la curiosité leur a fait prendre la décision de s’y arrêter. Ils se seraient très vite aperçus que l’atmosphère de Penn correspondait exactement à celle de leur ancienne planète et ils auraient donc pris la décision d’écourter leur long voyage pour s’y installer, utilisant déjà le mensonge pour s’y faire accepter alors que notre civilisation était au sommet de sa puissance et aurait pu sans peine les renvoyer d’où ils venaient, nous n’aurions alors jamais connu le déclin qui a été le nôtre.
- Le mensonge ??
- En nous faisant croire que leur vaisseau était en perdition !! Ce n’est que bien plus tard que la vérité nous a été connue !!
- Vous me demandez donc de les renvoyer terminer leur voyage ??
- N’est-ce pas justice ??
- Peut-être bien que oui, du moins si cela avait été entrepris alors qu’ils avaient encore les connaissances nécessaires !! De nos jours cela ne semble plus être le cas, mes parents disaient qu’ils étaient retombés des millénaires en arrière du temps où leurs ancêtres vivaient comme eux de nos jours.
- Tu oublies l’équipage ??
- Je n’oublie absolument rien !! Ils représentent maintenant deux espèces que tout éloigne. Comment croyez-vous qu’ils vivraient ce qui doit être comme je l’imagine bien, une culture entièrement différente à la leur ?? Je serais pour ma part terrifié de quitter Goth pour me retrouver enfermé dans un vaisseau qui traverse l’espace, pour rejoindre un lieu inconnu où rien ne prouve qu’ils pourront y vivre !!
- Tu préfères donc qu’ils continuent à détruire le nôtre ??
- Bien sûr que non !! Juste qu’il doit y avoir une autre solution et que je la trouverai, si Penn m’a choisi !! Ce qui reste d’ailleurs encore à prouver, c’est aussi sans doute parce qu’elle connaissait mes pensées. Je vous promets toutefois d’aller dans les terres inconnues afin d’y retrouver ce vaisseau et si j’y parviens, d’avoir une conversation avec ceux qui y seraient toujours à l’intérieur. Quoique j’aie des doutes à ce sujet, je me dis que si c’est bien le cas il n’y a pas de raisons pour qu’ils attendent je ne sais quel signe pour repartir et d’ailleurs je serais déjà bien curieux de connaître la raison qui les a fait y rester alors qu’une autre vie les attendait ici !!
- De cela je n’ai malheureusement pas la réponse, je m’étonne même que ton raisonnement aille jusque-là car je t’avouerais que moi-même ne l’ai pas poussé à ce point.
- Peut-être est-ce dû tout simplement au fait que vous n’avez pas été élevé comme je l’ai été !!
- D’où ma conviction que tu y arriveras mon garçon !!
- Reste le dernier point, comment entrer dans le vaisseau ??
- Nous avons nos livres et nos grimoires qui retracent ce que nous sommes, sans parler de la magie fabuleuse que tu sembles avoir en toi !! Les humains doivent aussi avoir les leurs, à toi de les trouver !! Les seigneurs des domaines gardent eux aussi leurs secrets, à toi de les découvrir !!
- Vous rendez vous compte de la tâche qui m’attends ??
- Ta vie sera longue, très certainement beaucoup plus longue que la mienne a été !! Je sens en toi des vertus qui t’aideront à ne pas perdre tout espoir, Penn mérite qu’on la sauve et tu es celui qui devra le faire !!

Chapitre 143 : Le temps des semailles, quatrième semaine septième jour (Don Artaud)


« Cabinet de travail de l’archiprêtre »

Don Artaud fulmine de colère depuis son lever, les nouvelles qui lui arrivent ont rapidement effacé la bonne humeur de la veille au retour de ses dernières troupes d’hommes d’armes rappelées pour protéger la citadelle des seigneurs des domaines.

La découverte fortuite de l’arrivée imminente d’un maître guerrier accompagné d’un si grand nombre de disciples, lui ôte tout espoir de sortir gagnant d’un éventuel conflit.

Don Artaud doit maintenant faire contre mauvaise fortune bon cœur en calmant dans un premier temps sa colère, pour réfléchir ensuite sur la situation pour le moins embarrassante dans laquelle il s’est mis.

Plus question de se débarrasser de son prisonnier comme son premier plan le prévoyait et ce déjà pour la simple et bonne raison qu’il ne lui est plus accessible, ce qui d’ailleurs le laisse dans l’incompréhension totale de la façon qu’il s’y est pris pour isoler à ce point le dernier niveau de cachots.

Le haut prélat est pourtant certain qu’aucune magie n’imprègne le jeune maître guerrier et cela pour deux raisons majeures, la première venant de l’anneau qu’il lui a passé lui-même au doigt et la deuxième venant de sa haute fonction au sein du temple de Linn, temple qui honnit la magie autant que l’église.

Reste la seule solution logique, qu’il ait pu d’une façon ou d’une autre ouvrir les grilles des deux geôles pour libérer Wulfoald de l’emprise du second anneau.

Cette seule pensée lui amène des sueurs froides depuis le premier jour où le gardien lui a annoncé qu’il semblait tourner en boucle dans l’escalier, sans jamais en atteindre le dernier palier.

Ils ont tenté tout ce qui était possible de faire pour y parvenir, allant même jusqu’à tenter de percer le sol du niveau supérieur pour recevoir en retour les gravats sur la tête du plafond de leur propre niveau.

Don Artaud s’étonne quand même qu’après tout ce temps de douleurs et de privations, Wulfoald ait encore pu trouver l’énergie suffisante pour avoir mis en œuvre un sort aussi puissant mais surtout de pouvoir l’y maintenir depuis lors.

L’archiprêtre a rameuté depuis, le ban et l’arrière-ban de ses troupes, pour fortifier la citadelle le temps nécessaire à ce que son nouveau plan d’action se réalise mais c’était sans compter sur l’arrivée dans la matinée des renforts envoyés par le temple pour secourir son jeune maître guerrier.

Il comptait attendre encore quelques semaines avant justement de leur réclamer de l’aide, jugeant alors que le défaut d’eau et de nourriture aurait eu raison de son prisonnier des plus encombrants, dénonçant ensuite les manœuvres d’un vieux magicien détenu par l’église pour faire reconnaître sa bonne foi.

Don Artaud ayant tout organisé depuis pour que dès l’accès aux cellules, celui-ci ne soit plus en état de proférer de quelconques dénégations sur ces accusations.

De toute façon se dit-il, il n’aura certainement pas survécu beaucoup plus longtemps et le haut prélat s’étonne même que ça ait été encore le cas, Wulfoald étant emprisonné par l’église depuis la construction de la citadelle.

L’archiprêtre d’alors voulait garder en vie le dernier des rois dragons dans le seul but d’éviter qu’un autre haut mage encore vivant ne se voie attribuer le titre à sa mort, ce qui était sans doute la chose à faire à cette époque mais qui à présent n’a plus lieu d’être depuis que l’église a éradiqué l’ancienne race dominante de Penn.

Il s’apprête donc à diligenter un émissaire, pour porter au maître guerrier qui arrivera dans la matinée un courrier écrit de sa main expliquant à sa façon bien particulière mais surtout mensongère, la présence d’un de ses pairs dans les sous-sols de la cathédrale du dieu unique en lui demandant l’assistance nécessaire pour lui prêter main-forte.

C’est donc en peaufinant son histoire que Don Artaud retrouve quelques couleurs, se doutant bien qu’il n’arrivera pas plus que lui à atteindre le niveau concerné et que ce temps jouera en sa faveur en faisant périr d’inanition ce gamin imbu de sa personne qui pourtant s'est laissé capturer sans combat, pensant sans doute qu’une fois avoir justifié de sa qualité il serait libre de reprendre sa route.

Le haut prélat en apposant son sceau sur le courrier, se maudit intérieurement de n’avoir pas pris cette décision, plutôt que celle complètement idiote il s’en rend compte maintenant qu’il a le couteau sous la gorge, consistant à s’en débarrasser.

Il fait mander celui qui sera le porteur de son courrier, en lui spécifiant bien qu’il devra avoir l’air étonné de trouver là un maître guerrier alors qu’il prévoyait un long voyage jusqu’au temple de Linn pour y porter sa missive.


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« Quelques minutes plus tard, campement de Voldarian »

Aerandir qui surveillait les portes de la citadelle, voit le pont-levis descendre lentement et va de suite en avertir ses compagnons qui tous s’approchent alors de façon à suivre la manœuvre, mais surtout pour assouvir la forte curiosité qu’ils ont d’en connaître la raison.

Ils voient alors le cavalier piquer des deux comme s’il avait le diable aux trousses.

- (Durin) Il va crever son destrier avant la mi-journée à ce rythme !!
- (Voldarian) C’est étrange en effet, sauf s’il ne compte pas aller bien loin !!
- (Eldarian) De toute façon il n’ira pas loin où qu’il aille, il se dirige droit sur mes frères d’armes !!
- (Conrad) Je ne sais pas pour vous les gars, mais ça sent la carabistouille !!
- (Voldarian curieux) Explique toi ??
- Il porte les couleurs des émissaires de l’église, je ne vois rien dans la direction qu’il vient de prendre à moins d’une journée de cheval !!
- (Eldarian) Sauf s’il porte un courrier à Maître « Yoo » !!
- (Lorgan) L’archiprêtre serait donc déjà informé de son arrivée ??
- (Eldarian) « Yoo » ne se cachait pas non plus, il aura sans doute croisé en chemin une des dernières troupes rentrées à la citadelle hier soir !!
- (Voldarian) Intéressant !! Ne reste plus qu’à connaître ses intentions !!
- (Durin) J’en suis curieux également !! J’imagine que la nouvelle a dû le perturber plus que de raison, il a dû en mouiller sa soutane ! Ha ! Ha !