CHAPITRE V
L’alarme de mon smartphone retentit. Il est huit heures.
Café, douche, le réveil est difficile.
J’enfile un short et un polo, socquettes, baskets, lunette de soleil, masque dans le sac à dos et me voilà fin prêt pour retrouver Alice.
Direction le centre équestre.
Je n’ai jamais assisté à une compétition. Pour moi le cheval est associé au tiercé et comme je n’y ai jamais joué, je n’ai pas la moindre notion de ce que je vais découvrir.
Premier barrage, l’entrée est payante. J’aurais dû m’en douter. Mes fonds de poches ne suffisent pas. Retour à la voiture. Je récupère ma carte de crédit. De nouveau à la billetterie, je demande au caissier :
- Je cherche une certaine Alice qui monte « Voie lactée ». Elle doit passer vers 10h00.
- Vers 10h00, c’est la club élite qui passe, dans la carrière Jappeloup. C’est de l’autre côté du centre.
- Vous auriez un plan ?
- Non mais si vous longez la route de la Dune aux loups à gauche, il y a un autre accès à 500 mètres. Avec votre billet, ils vous laisseront passer. La carrière Jappeloup est à droite après l’entrée.
Cinq cents mètres ? il a été un peu court le guichetier. J’arrive enfin au point d’accès. Je passe sans difficulté le contrôle et j’entends la musique, des paroles jetées dans un micro difficilement audible. Un cavalier est en piste. Il vient de terminer son parcours. Un autre prend place pour le départ. Il arrive du fond du terrain là où d’autres cavaliers semblent s’entraîner. Je longe la clôture et arrivé à l’extrémité, je prends appui sur les barrières en bois qui délimitent l’espace d’entraînement en cherchant un cheval blanc. Il y en a deux qui évoluent sur la piste. L’un d’eux se dirige dans ma direction. De loin, je peine à reconnaître Alice sous sa bombe et il faut qu’elle se rapproche de plus près pour que je puisse l’identifier à coup sûr.
- Merci d’être venu Pascal. Je suis vraiment contente.
Elle a de l’allure ma petite amazone, avec son pantalon basanes blanc, son polo de même coloris, sa ceinture cuir, ses bottes d’équitation et son casque noir. Cravache à la main, droite comme un paon, ses fesses dans le creux de la selle et ses jambes effilées légèrement repliées en appui dans les étrillés.
- Je t’avais promis alors je suis venu mais ne t’occupe pas de moi. Fais ce que tu as à faire. Euh … Alice ?
- Oui
- Tu es … magnifique !
Elle sourit de son sourire naturel. Elle est encore plus éblouissante.
- On se retrouve ici après que je sois passée. Le meilleur endroit pour une vue d’ensemble, c’est là-bas, près du banc. A toute à l’heure Pascal.
- Ok, merci. A tout à l’heure Alice.
Je n’ai pas osé lui souhaiter bonne chance mais le cœur y était. Elle s’éloigne au trot pour reprendre l’échauffement. Mes yeux sont captivés par ce postérieur si joli qui suit en cadence le mouvement de la monture. J’apprendrai plus tard qu’il s’agit du « trot enlevé » mais pour l’heure, je me laisse envahir par les clichés qui me passent par la tête et qui feraient pâlir tout bon samaritain.
Je me positionne à l’endroit qu’Alice m’a indiqué. Effectivement, d’ici je couvre tout le parcours. J’essaye de comprendre. La présentation du cavalier, de sa monture et du club d’affiliation, Le top départ, le cavalier qui prend son temps. Passé le premier obstacle, tout semble s’accélérer. Je suis impressionné par la hauteur des murs et la facilité déconcertante pour les franchir. Pas évident non plus de mémoriser le parcours même si les obstacles sont numérotés.
Sur la piste, un bruit sourd. Une barre tombe et c’est une pénalité. Les concurrents défilent les uns derrière les autres. Je commence à me faire une idée de la complexité du tracé, des principales difficultés, là où les chutes sont les plus fréquentes, les refus, les dérobades. Le circuit semble difficile car peu de cavaliers arrivent à le terminer sans faute.
Le commentateur annonce « Voie Lactée » montée par Alice PARIS. C’est comme cela que je découvre son nom de famille. PARIS en prononçant le ‘S’ à la fin. Ça sonne bien. J’aime et de toute façon, même si je n’aimais pas, j’aimerais quand même.
Alice s’élance. J’admire la grâce de sa silhouette mais je suis crispé en mon fort intérieur. Elle fait une boucle et elle fonce sur le premier obstacle. C’est franchi. Je me détends. Le second ne pose pas de difficulté non plus. La jument semble à l’aise. Alice fait corps avec son cheval et je commence à percevoir ce qu’elle peut ressentir lors de ses chevauchées sauvages. Elle est concentrée. Très concentrée. Parfois sur un obstacle un peu plus compliqué, elle pousse un cri, un râle de crainte ou de satisfaction je ne sais pas, ça va trop vite. Je tends l’oreille pour mieux l’entendre, pour partager avec elle l’excitation ou l’appréhension de son challenge. Je suis content, je suis heureux. Ça se passe très bien.
J’ai pris quelques photos. Il reste cinq murs à franchir. Alice semble moins à l’aise. Je ne discerne pas très bien. Elle est à l’autre bout de la carrière mais il m’a semblé qu’elle a perdu un étrier. Le couple cavalier cheval semble maintenant désynchronisé. Je retiens mon souffle. Encore trois. La réception est compliquée mais ça passe. Sur l’avant dernier obstacle, « Voie-Lactée » fait un refus et se dérobe. Alice est éjectée de sa monture et tombe lourdement sur les barrières. Son corps rebondit sur la barre supérieure avant de s’affaler sur le sable.
Ceux qui étaient tombés précédemment se relevaient tant bien que mal. Mais Alice ne bouge pas. Son cheval s’est enfui à l’autre bout de la carrière. Les secondes passent et son corps gît toujours inanimé au pied du mur. Les commissaires de piste se précipitent. Je n’entends pas ce qui se dit. Des secouristes arrivent avec un brancard. Ils ont du matériel spécialisé, un matelas gonflable qui permet d’annihiler les mouvements du corps en l’enfermant dans une coque rigide. Alice est évacuée de la carrière. Elle est emmenée au poste de secours.
L’alarme de mon smartphone retentit. Il est huit heures.
Café, douche, le réveil est difficile.
J’enfile un short et un polo, socquettes, baskets, lunette de soleil, masque dans le sac à dos et me voilà fin prêt pour retrouver Alice.
Direction le centre équestre.
Je n’ai jamais assisté à une compétition. Pour moi le cheval est associé au tiercé et comme je n’y ai jamais joué, je n’ai pas la moindre notion de ce que je vais découvrir.
Premier barrage, l’entrée est payante. J’aurais dû m’en douter. Mes fonds de poches ne suffisent pas. Retour à la voiture. Je récupère ma carte de crédit. De nouveau à la billetterie, je demande au caissier :
- Je cherche une certaine Alice qui monte « Voie lactée ». Elle doit passer vers 10h00.
- Vers 10h00, c’est la club élite qui passe, dans la carrière Jappeloup. C’est de l’autre côté du centre.
- Vous auriez un plan ?
- Non mais si vous longez la route de la Dune aux loups à gauche, il y a un autre accès à 500 mètres. Avec votre billet, ils vous laisseront passer. La carrière Jappeloup est à droite après l’entrée.
Cinq cents mètres ? il a été un peu court le guichetier. J’arrive enfin au point d’accès. Je passe sans difficulté le contrôle et j’entends la musique, des paroles jetées dans un micro difficilement audible. Un cavalier est en piste. Il vient de terminer son parcours. Un autre prend place pour le départ. Il arrive du fond du terrain là où d’autres cavaliers semblent s’entraîner. Je longe la clôture et arrivé à l’extrémité, je prends appui sur les barrières en bois qui délimitent l’espace d’entraînement en cherchant un cheval blanc. Il y en a deux qui évoluent sur la piste. L’un d’eux se dirige dans ma direction. De loin, je peine à reconnaître Alice sous sa bombe et il faut qu’elle se rapproche de plus près pour que je puisse l’identifier à coup sûr.
- Merci d’être venu Pascal. Je suis vraiment contente.
Elle a de l’allure ma petite amazone, avec son pantalon basanes blanc, son polo de même coloris, sa ceinture cuir, ses bottes d’équitation et son casque noir. Cravache à la main, droite comme un paon, ses fesses dans le creux de la selle et ses jambes effilées légèrement repliées en appui dans les étrillés.
- Je t’avais promis alors je suis venu mais ne t’occupe pas de moi. Fais ce que tu as à faire. Euh … Alice ?
- Oui
- Tu es … magnifique !
Elle sourit de son sourire naturel. Elle est encore plus éblouissante.
- On se retrouve ici après que je sois passée. Le meilleur endroit pour une vue d’ensemble, c’est là-bas, près du banc. A toute à l’heure Pascal.
- Ok, merci. A tout à l’heure Alice.
Je n’ai pas osé lui souhaiter bonne chance mais le cœur y était. Elle s’éloigne au trot pour reprendre l’échauffement. Mes yeux sont captivés par ce postérieur si joli qui suit en cadence le mouvement de la monture. J’apprendrai plus tard qu’il s’agit du « trot enlevé » mais pour l’heure, je me laisse envahir par les clichés qui me passent par la tête et qui feraient pâlir tout bon samaritain.
Je me positionne à l’endroit qu’Alice m’a indiqué. Effectivement, d’ici je couvre tout le parcours. J’essaye de comprendre. La présentation du cavalier, de sa monture et du club d’affiliation, Le top départ, le cavalier qui prend son temps. Passé le premier obstacle, tout semble s’accélérer. Je suis impressionné par la hauteur des murs et la facilité déconcertante pour les franchir. Pas évident non plus de mémoriser le parcours même si les obstacles sont numérotés.
Sur la piste, un bruit sourd. Une barre tombe et c’est une pénalité. Les concurrents défilent les uns derrière les autres. Je commence à me faire une idée de la complexité du tracé, des principales difficultés, là où les chutes sont les plus fréquentes, les refus, les dérobades. Le circuit semble difficile car peu de cavaliers arrivent à le terminer sans faute.
Le commentateur annonce « Voie Lactée » montée par Alice PARIS. C’est comme cela que je découvre son nom de famille. PARIS en prononçant le ‘S’ à la fin. Ça sonne bien. J’aime et de toute façon, même si je n’aimais pas, j’aimerais quand même.
Alice s’élance. J’admire la grâce de sa silhouette mais je suis crispé en mon fort intérieur. Elle fait une boucle et elle fonce sur le premier obstacle. C’est franchi. Je me détends. Le second ne pose pas de difficulté non plus. La jument semble à l’aise. Alice fait corps avec son cheval et je commence à percevoir ce qu’elle peut ressentir lors de ses chevauchées sauvages. Elle est concentrée. Très concentrée. Parfois sur un obstacle un peu plus compliqué, elle pousse un cri, un râle de crainte ou de satisfaction je ne sais pas, ça va trop vite. Je tends l’oreille pour mieux l’entendre, pour partager avec elle l’excitation ou l’appréhension de son challenge. Je suis content, je suis heureux. Ça se passe très bien.
J’ai pris quelques photos. Il reste cinq murs à franchir. Alice semble moins à l’aise. Je ne discerne pas très bien. Elle est à l’autre bout de la carrière mais il m’a semblé qu’elle a perdu un étrier. Le couple cavalier cheval semble maintenant désynchronisé. Je retiens mon souffle. Encore trois. La réception est compliquée mais ça passe. Sur l’avant dernier obstacle, « Voie-Lactée » fait un refus et se dérobe. Alice est éjectée de sa monture et tombe lourdement sur les barrières. Son corps rebondit sur la barre supérieure avant de s’affaler sur le sable.
Ceux qui étaient tombés précédemment se relevaient tant bien que mal. Mais Alice ne bouge pas. Son cheval s’est enfui à l’autre bout de la carrière. Les secondes passent et son corps gît toujours inanimé au pied du mur. Les commissaires de piste se précipitent. Je n’entends pas ce qui se dit. Des secouristes arrivent avec un brancard. Ils ont du matériel spécialisé, un matelas gonflable qui permet d’annihiler les mouvements du corps en l’enfermant dans une coque rigide. Alice est évacuée de la carrière. Elle est emmenée au poste de secours.
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