16-12-2020, 11:10 AM
C’est un infirmier qui vient ouvrir la porte, il savait déjà qui attendait devant cette porte, une caméra de surveillance scrute tout le temps les allées et venues. Il nous accueille très dignement, sans hausser l’intensité de sa voix, il est tout juste audible. Il nous demande à nous aussi de parler à voix basse pour le bien des personnes hospitalisées. Il se présente alors, c’est Yvan. Il nous dirige vers le bureau des médecins et des infirmiers. L’assistante sociale nous présente aux trois personnes assises autour de la table. L’une d’elle se lève et vient serrer la main de Stéphanie. Il fait de même avec nous tous, en terminant par moi. Il a été mis au courant de ma relation avec Julien. Il me dit qu’il est important que je sois calme, posé et que je parle d’une manière normale, sans à-coups pour le bien de Julien, lors de son réveil. Il ajoute que la parole entre en ligne de compte pour un grand pourcentage dans le réveil d’un patient. Stéphanie vient alors près de moi et me dit à l’oreille :
Sté : « Tu vois Phil, Julien a besoin de toi. Nous serons avec toi, mais reste fort, je t’en supplie pour lui, pour vous, pour nous !
Moi : Je vais me contrôler, je vais faire tout mon possible et même au-delà pour Julien. Je l’aime tellement !
Sté : Je sais Phil, nous l’aimons tous d’une autre manière que toi.
Moi : Je sais. Puis-je te demander de me tenir la main quand nous serons près de lui et que je lui parlerai ?
Sté : Oui Phil, on est tous avec toi.
Mam : Nous serons avec toi mon grand, aie confiance en toi.
Médecin : Très bien, tu vois Phil, je vais t’appeler comme ça, tu vois Phil, Julien va avoir besoin de soutien, d’un soutien fort, très fort. Alors bon courage et tu sais que ta famille est avec toi dans cette épreuve, dans l’épreuve que Julien vit actuellement. Voilà, nous allons nous rendre auprès de Julien. Ne soyez pas impressionnés par toutes les machines et les bips, restez concentrés sur Julien et ce que vous devez lui dire pour qu’il soit en confiance. Nous serons trois médecins autour de lui pour diminuer les narcotiques en vue de le libérer de ce coma artificiel. Si vous avez des questions c’est le moment.
Moi : Si Julien réagit mal, que va-t-il se passer ?
Médecin : Si c’est le cas, alors en lui donne une nouvelle dose de narcotique et nous tenterons un autre jour de le réveiller.
Moi : Merci docteur, mais cela arrive-t-il souvent ?
Médecin : Non, cela arrive parfois, mais c’est rare. Plus de question ? »
Nous suivons le médecin ainsi que son confère et l’anesthésiste. L’infirmer Yvan ferme la marche. Avant d’entrer le médecin demande que seulement trois personnes entrent dans le local, moi, bien entendu puis Stéphanie et Maman. Papa et Delphine vont attendre derrière la vitre. L’assistante sociale reste elles aussi dans le couloir.
Julien est couché sur un lit, il a des tuyaux partout, je ne veux pas les compter, c’est impressionnant. On entend des bips émanant de plusieurs machines, des écrans avec des diagrammes en couleurs sont visibles de partout étant donné qu’ils sont fixés aux murs. L’un de ce cadran indique la fréquence cardiaque de Juju. Il n’y a pas beaucoup de lumière, c’est comme si c’était une sorte de pénombre, les écrans donnent par eux-mêmes de la clarté.
Je vois la poitrine de Julien se soulever au rythme imposé par la machine, un tuyau l’aidant à respirer. Il y a plusieurs poches de baxter avec des produits de différentes couleurs. C’est assez impressionnant. Je m’approche du lit de soin où se trouve couché Julien, je prends doucement sa main gauche, oui j’ai pris la main du cœur, je pense que c’est la meilleure. Ce contact avec cette main sans force est difficilement pensable, j’ai souvent eu la main de Juju dans la mienne, mais c’est bien différent. Je ne faiblis pas et la garde bien posée dans la mienne. Je lui caresse le dos de la main avec mon autre main. C’est bizarre, mais le nombre de battement de cœur de Julien a augmenté.
Le médecin me fait un clin d’œil comme pour me rassurer et me dire que c’est normal. Julien sent une présence « amie » à ses côtés. Mes yeux s’humidifient d’un coup, Stéphanie passe son bras autour de mon torse et me donne un bisou dans le cou pour me donner du courage. Je me retourne tout en gardant la main de Juju dans la mienne, pour ensuite plonger mes yeux dans les siens. Je ressens beaucoup d’émotion émanant de Stéphanie. Elle me donne du courage, elle me dit de ne pas m’inquiéter, de faire ce que mon cœur me dicte de faire.
Je regarde le visage de Julien. Il présente des traces bleuâtres, des pansements sont placés sur son cuir chevelu. Son bras droit est plâtré de même que ses deux jambes. Je suis un peu remué par ce que je vois. Il faut que je ne craque pas. Je serre un peu sa main et je lui dis : « Julien, Juju, c’est Phil. Je suis là, n’aie pas peur. » L’anesthésiste change les paramètres de la pompe à médocs. Je poursuis alors mon monologue avec Julien. « Alors Juju, je suis venu te voir car tu le sais, je t’aime ! ». La fréquence cardiaque a une nouvelle fois augmenté. Je vois que le médecin est content. Je continue, je parle à Julien comme si nous étions à la maison. Je lui dis qu’il fait beau, que le soleil invite à faire une balade en Forêt de Soignes et qu’ensuite nous irons nous baigner dans la piscine. Je dis alors que Maman a prévu un barbecue et qu’il est invité. Je parle ainsi durant plus de cinq minutes. Julien commence à bouger, il remue ses mains et ses bras, même celui qui est plâtré. Je me tourne alors vers Stéphanie, je vois que des larmes lui coulent sur les joues. Maman, elle aussi pleure. Je ne sais pas pourquoi, ah oui, Julien se réveille, c’est ça, il va se réveiller.
Un nouveau bip sonore se fait entendre, le médecin s’approche de Julien, je ne sais pas ce qui se passe. Il y a un chiffre rouge qui clignote sur un des cadrans. Je serre une nouvelle fois la main de Juju. Je lui parle en me rapprochant de son oreille et je lui dis doucement « Julien, c’est Phil, n’aie pas peur, je suis là. Stéphanie est aussi près de moi. Doucement Juju, doucement. Voilà, calme-toi, je suis là, tout va bien. » Le bip s’arrête, le clignotant est passé à l’orange. Je me penche encore vers Julien et je le murmure à l’oreille « Je t’aime Juju. Je t’aime. Et toi, tu m’aimes. » J’ai senti comme si sa main se serrait sur la mienne, je lui ai une nouvelle fois dis : « Je t’aime Julien, je t’aime comme un fou ! » Sa main se serre à nouveau. Le médecin le voit et me fait un clin d’œil. Maman et Stéphanie ont les larmes aux yeux. Moi-même j’ai mes yeux qui s’embrument. Je chuchote encore : « Julien, oui Julien réveille-toi, je suis là, je t’aime ! » Il serre encore plus fort ma main et je vois ses paupières bouger. Il n’en faut pas plus pour que je pleure à mon tour, je pleure le retour de mon Julien parmi nous. Maman me prend la main droite et me la serre, elle est à côté de moi, elle me donne tout son amour par le truchement de ce contact « main à main » et ce contact est aussi fort que celui que j’ai avec Julien avec ma main gauche. Je poursuis : « Julien, oui mon Juju, réveille-toi, oui réveille toi mon amour ! » J’ai l’impression que Julien va ouvrir les yeux, qu’il va me parler et venir m’embrasser. Je ne souhaite que ça, mais on en est encore loin. Je serre sa main et lui me répond en serrant la mienne. Toutes personnes qui sont dans cette pièce l’aperçoivent. Julien réagit bien. Je suis en sueur, j’ai toujours aussi froid, sauf mes mains.
Inlassablement je continue à parler à Julien. Ses paupières s’agitent de plus en plus. Je suis certain qu’il va finir par ouvrir les yeux. Maman et Stéphanie m’encouragent en me caressant le dos ou les bras. Je sais que je suis soutenu et que je soutiens mon amour, mon Juju tant adoré. Puis d’un coup Julien s’agite. Il bouge beaucoup. Il faut le maintenir sur le lit. Je lui parle alors doucement dans le creux de l’oreille et enfin il semble se calmer. Les médecins reprennent ses constantes, et l’auscultent. J’ai toujours sa main dans la mienne, en aucun cas je ne lâcherai sa main, c’est mon lien viscéral avec lui, il est hors de question que je ne le rompe. Trois minutes plus tard, Julien s’est calmé.
Cela fait un quart d’heure que nous sommes là, à côté de Julien, mais il n’a pas encore ouvert les yeux. Le médecin vient près de moi et me dit dans le creux de l’oreille : « Très bien Phil, ce que tu fais c’est extraordinaire. Continue, tu vas voir bientôt ton ami va ouvrir les yeux ! »
Je continue à parler de tout et de rien avec Julien en lui disant souvent que je l’aime. Je me retourne un peu et je vois Delphine et Papa qui sont derrière la vitre. Papa a pris Delphine dans ses bras, ils pleurent tous les deux. Ils se posent un tas de questions. Ils savent que j’ai un rôle important et, même s’ils ne sont pas là, à côté de moi, je sais que je peux compter sur eux, que Julien peut compter sur toute ma famille !
Les paupières de Julien s’ouvrent et se ferment régulièrement depuis une bonne minute. Julien va enfin sortir pour de bon de ce fichu coma artificiel. Il va pouvoir nous voir, parler, peut-être, mais enfin voir que nous sommes près de lui. Puis j’ai un flash, il ne verra pas ses parents. Comment va-t-il réagir ? J’ai une nouvelle fois ma vue qui se brouille. Il faut que je tienne, il faut que je sois fort, allez Phil, ressaisi-toi ! Je me force à rester concentré sur le réveil de Julien. Nous verrons par la suite comment nous ferons pour lui dire, pour l’avertir de l’impensable, du fait qu’il n’a plus de parents !
« Julien, oh Julien, c’est Phil. Ouvre les yeux Juju. » Enfin, je peux voir ses yeux, je peux voir son regard encore un peu embrumé. Il se réveille enfin, il semble être conscient ! Il veut ouvrir la bouche, mais ce tube l’empêche de parler. Directement le médecin et l’infirmier lui retirent doucement le tuyau qui lui permettait de respirer sans problème. Une fois cette entrave ôtée, Julien tousse plusieurs fois. Puis c’est d’une voix rauque, presque inaudible que Julien parvient à dire « Phil ». Mes yeux s’inondent de larmes, oui de larmes de joie de retrouver mon Julien. Je lui dépose alors un bisou sur les lèvres. Je suis tout d’un coup très fatigué, je sens que mes jambes ont du mal à me supporter. Je sens que je vais vaciller, Maman s’en aperçoit et me soutient par-dessous les aisselles. Stéphanie ne s’est rendu compte de rien. C’est Yvan qui me soutien aussi. Il apporte une chaise pour que je puisse m’asseoir. La seule chose que je sais c’est que j’ai toujours la main de Julien dans la mienne.
Je reprends peu à peu mes esprits. Je reparle à Julien, je lui dis que je l’aime. Puis j’entends faiblement « Moi aussi je t’aime ». Je vois que les médecins s’affairent autour de mon amour. Ils sont satisfaits de voir comment Julien s’est réveillé. Je sais que pour moi, ce réveil va rester gravé à vie dans ma mémoire. Puis je me pose des questions. Il va voir qu’il est plâtré, que ses jambes sont lourdes, qu’il y a un tas de tubes et tuyaux qui sont branchés à son corps. Je redoute ce moment-là. Je ne sais plus trop quoi dire. Je me décide à être attentif au visage et aux yeux de Juju. Le regard est très important pour nous, je vais m’en servir pour rester en contact avec lui. Il y a un tas de choses qui passent par le regard. Je me plonge alors dans ses yeux. Je tente de faire passer un maximum d’amour pour qu’il puisse réagir positivement. Nous nous regardons comme ça durant des minutes et des minutes. Je puis voir que la lueur de ses yeux est de plus en plus intense. Je suis certain qu’il se rend compte qu’il est à l’hôpital.
A un moment, les médecins nous demandent de quitter cette « chambre » de réanimation. Ils veulent prendre tous les paramètres de Julien et faire une évaluation des dommages dus à l’accident. Avec Maman et Stéphanie, je rejoins Papa et Delphine ainsi que l’assistante sociale qui est restée tout ce temps avec nous. Je suis assez faible. Il faut que je prenne l’air. Un infirmier me prend en charge pour m’emmener respirer un bon bol d’air à l’extérieur. Ce que je viens de vivre est éprouvant, mais bien moins que ce qui attend Julien dans les semaines et les mois qui vont suivre.
Une fois remis sur pied, je reviens pour voir Julien. Le médecin me dit qu’il est encore assez faible. Il me donne dix minutes pour être avec lui. Je dois éviter les questions pour ne pas trop le faire réfléchir. J’entre dans la chambre et je me replace comme je m’étais mis au début. Je reprends la main de Julien. Il ouvre les yeux. Je le regarde. Il me regarde et me dit :
Jul : « Phil, c’est bien toi. Oh Phil, tu m’as manqué. Je t’aime.
Moi : Moi aussi Julien tu m’as manqué et tu sais combien je t’aime !
Jul : Je suis fatigué, on en parle demain. Bonne nuit.
Moi : Oui Juju. A demain ! »
Je vois Julien qui ferme ses yeux. Il semble très fatigué. Le médecin me dit que c’est normal. Julien ira de mieux en mieux. Il me demande si je peux passer régulièrement auprès de Julien pour le stimuler. Je lui réponds que oui, que je vais aller chez ma tante qui habite à un quart d’heure d’ici. Je sors de la chambre, non sans avoir déposé mes lèvres sur celle de mon amoureux. Je suis rassuré, il m’a reconnu et il m’a dit qu’il m’aimait !
Sté : « Tu vois Phil, Julien a besoin de toi. Nous serons avec toi, mais reste fort, je t’en supplie pour lui, pour vous, pour nous !
Moi : Je vais me contrôler, je vais faire tout mon possible et même au-delà pour Julien. Je l’aime tellement !
Sté : Je sais Phil, nous l’aimons tous d’une autre manière que toi.
Moi : Je sais. Puis-je te demander de me tenir la main quand nous serons près de lui et que je lui parlerai ?
Sté : Oui Phil, on est tous avec toi.
Mam : Nous serons avec toi mon grand, aie confiance en toi.
Médecin : Très bien, tu vois Phil, je vais t’appeler comme ça, tu vois Phil, Julien va avoir besoin de soutien, d’un soutien fort, très fort. Alors bon courage et tu sais que ta famille est avec toi dans cette épreuve, dans l’épreuve que Julien vit actuellement. Voilà, nous allons nous rendre auprès de Julien. Ne soyez pas impressionnés par toutes les machines et les bips, restez concentrés sur Julien et ce que vous devez lui dire pour qu’il soit en confiance. Nous serons trois médecins autour de lui pour diminuer les narcotiques en vue de le libérer de ce coma artificiel. Si vous avez des questions c’est le moment.
Moi : Si Julien réagit mal, que va-t-il se passer ?
Médecin : Si c’est le cas, alors en lui donne une nouvelle dose de narcotique et nous tenterons un autre jour de le réveiller.
Moi : Merci docteur, mais cela arrive-t-il souvent ?
Médecin : Non, cela arrive parfois, mais c’est rare. Plus de question ? »
Nous suivons le médecin ainsi que son confère et l’anesthésiste. L’infirmer Yvan ferme la marche. Avant d’entrer le médecin demande que seulement trois personnes entrent dans le local, moi, bien entendu puis Stéphanie et Maman. Papa et Delphine vont attendre derrière la vitre. L’assistante sociale reste elles aussi dans le couloir.
Julien est couché sur un lit, il a des tuyaux partout, je ne veux pas les compter, c’est impressionnant. On entend des bips émanant de plusieurs machines, des écrans avec des diagrammes en couleurs sont visibles de partout étant donné qu’ils sont fixés aux murs. L’un de ce cadran indique la fréquence cardiaque de Juju. Il n’y a pas beaucoup de lumière, c’est comme si c’était une sorte de pénombre, les écrans donnent par eux-mêmes de la clarté.
Je vois la poitrine de Julien se soulever au rythme imposé par la machine, un tuyau l’aidant à respirer. Il y a plusieurs poches de baxter avec des produits de différentes couleurs. C’est assez impressionnant. Je m’approche du lit de soin où se trouve couché Julien, je prends doucement sa main gauche, oui j’ai pris la main du cœur, je pense que c’est la meilleure. Ce contact avec cette main sans force est difficilement pensable, j’ai souvent eu la main de Juju dans la mienne, mais c’est bien différent. Je ne faiblis pas et la garde bien posée dans la mienne. Je lui caresse le dos de la main avec mon autre main. C’est bizarre, mais le nombre de battement de cœur de Julien a augmenté.
Le médecin me fait un clin d’œil comme pour me rassurer et me dire que c’est normal. Julien sent une présence « amie » à ses côtés. Mes yeux s’humidifient d’un coup, Stéphanie passe son bras autour de mon torse et me donne un bisou dans le cou pour me donner du courage. Je me retourne tout en gardant la main de Juju dans la mienne, pour ensuite plonger mes yeux dans les siens. Je ressens beaucoup d’émotion émanant de Stéphanie. Elle me donne du courage, elle me dit de ne pas m’inquiéter, de faire ce que mon cœur me dicte de faire.
Je regarde le visage de Julien. Il présente des traces bleuâtres, des pansements sont placés sur son cuir chevelu. Son bras droit est plâtré de même que ses deux jambes. Je suis un peu remué par ce que je vois. Il faut que je ne craque pas. Je serre un peu sa main et je lui dis : « Julien, Juju, c’est Phil. Je suis là, n’aie pas peur. » L’anesthésiste change les paramètres de la pompe à médocs. Je poursuis alors mon monologue avec Julien. « Alors Juju, je suis venu te voir car tu le sais, je t’aime ! ». La fréquence cardiaque a une nouvelle fois augmenté. Je vois que le médecin est content. Je continue, je parle à Julien comme si nous étions à la maison. Je lui dis qu’il fait beau, que le soleil invite à faire une balade en Forêt de Soignes et qu’ensuite nous irons nous baigner dans la piscine. Je dis alors que Maman a prévu un barbecue et qu’il est invité. Je parle ainsi durant plus de cinq minutes. Julien commence à bouger, il remue ses mains et ses bras, même celui qui est plâtré. Je me tourne alors vers Stéphanie, je vois que des larmes lui coulent sur les joues. Maman, elle aussi pleure. Je ne sais pas pourquoi, ah oui, Julien se réveille, c’est ça, il va se réveiller.
Un nouveau bip sonore se fait entendre, le médecin s’approche de Julien, je ne sais pas ce qui se passe. Il y a un chiffre rouge qui clignote sur un des cadrans. Je serre une nouvelle fois la main de Juju. Je lui parle en me rapprochant de son oreille et je lui dis doucement « Julien, c’est Phil, n’aie pas peur, je suis là. Stéphanie est aussi près de moi. Doucement Juju, doucement. Voilà, calme-toi, je suis là, tout va bien. » Le bip s’arrête, le clignotant est passé à l’orange. Je me penche encore vers Julien et je le murmure à l’oreille « Je t’aime Juju. Je t’aime. Et toi, tu m’aimes. » J’ai senti comme si sa main se serrait sur la mienne, je lui ai une nouvelle fois dis : « Je t’aime Julien, je t’aime comme un fou ! » Sa main se serre à nouveau. Le médecin le voit et me fait un clin d’œil. Maman et Stéphanie ont les larmes aux yeux. Moi-même j’ai mes yeux qui s’embrument. Je chuchote encore : « Julien, oui Julien réveille-toi, je suis là, je t’aime ! » Il serre encore plus fort ma main et je vois ses paupières bouger. Il n’en faut pas plus pour que je pleure à mon tour, je pleure le retour de mon Julien parmi nous. Maman me prend la main droite et me la serre, elle est à côté de moi, elle me donne tout son amour par le truchement de ce contact « main à main » et ce contact est aussi fort que celui que j’ai avec Julien avec ma main gauche. Je poursuis : « Julien, oui mon Juju, réveille-toi, oui réveille toi mon amour ! » J’ai l’impression que Julien va ouvrir les yeux, qu’il va me parler et venir m’embrasser. Je ne souhaite que ça, mais on en est encore loin. Je serre sa main et lui me répond en serrant la mienne. Toutes personnes qui sont dans cette pièce l’aperçoivent. Julien réagit bien. Je suis en sueur, j’ai toujours aussi froid, sauf mes mains.
Inlassablement je continue à parler à Julien. Ses paupières s’agitent de plus en plus. Je suis certain qu’il va finir par ouvrir les yeux. Maman et Stéphanie m’encouragent en me caressant le dos ou les bras. Je sais que je suis soutenu et que je soutiens mon amour, mon Juju tant adoré. Puis d’un coup Julien s’agite. Il bouge beaucoup. Il faut le maintenir sur le lit. Je lui parle alors doucement dans le creux de l’oreille et enfin il semble se calmer. Les médecins reprennent ses constantes, et l’auscultent. J’ai toujours sa main dans la mienne, en aucun cas je ne lâcherai sa main, c’est mon lien viscéral avec lui, il est hors de question que je ne le rompe. Trois minutes plus tard, Julien s’est calmé.
Cela fait un quart d’heure que nous sommes là, à côté de Julien, mais il n’a pas encore ouvert les yeux. Le médecin vient près de moi et me dit dans le creux de l’oreille : « Très bien Phil, ce que tu fais c’est extraordinaire. Continue, tu vas voir bientôt ton ami va ouvrir les yeux ! »
Je continue à parler de tout et de rien avec Julien en lui disant souvent que je l’aime. Je me retourne un peu et je vois Delphine et Papa qui sont derrière la vitre. Papa a pris Delphine dans ses bras, ils pleurent tous les deux. Ils se posent un tas de questions. Ils savent que j’ai un rôle important et, même s’ils ne sont pas là, à côté de moi, je sais que je peux compter sur eux, que Julien peut compter sur toute ma famille !
Les paupières de Julien s’ouvrent et se ferment régulièrement depuis une bonne minute. Julien va enfin sortir pour de bon de ce fichu coma artificiel. Il va pouvoir nous voir, parler, peut-être, mais enfin voir que nous sommes près de lui. Puis j’ai un flash, il ne verra pas ses parents. Comment va-t-il réagir ? J’ai une nouvelle fois ma vue qui se brouille. Il faut que je tienne, il faut que je sois fort, allez Phil, ressaisi-toi ! Je me force à rester concentré sur le réveil de Julien. Nous verrons par la suite comment nous ferons pour lui dire, pour l’avertir de l’impensable, du fait qu’il n’a plus de parents !
« Julien, oh Julien, c’est Phil. Ouvre les yeux Juju. » Enfin, je peux voir ses yeux, je peux voir son regard encore un peu embrumé. Il se réveille enfin, il semble être conscient ! Il veut ouvrir la bouche, mais ce tube l’empêche de parler. Directement le médecin et l’infirmier lui retirent doucement le tuyau qui lui permettait de respirer sans problème. Une fois cette entrave ôtée, Julien tousse plusieurs fois. Puis c’est d’une voix rauque, presque inaudible que Julien parvient à dire « Phil ». Mes yeux s’inondent de larmes, oui de larmes de joie de retrouver mon Julien. Je lui dépose alors un bisou sur les lèvres. Je suis tout d’un coup très fatigué, je sens que mes jambes ont du mal à me supporter. Je sens que je vais vaciller, Maman s’en aperçoit et me soutient par-dessous les aisselles. Stéphanie ne s’est rendu compte de rien. C’est Yvan qui me soutien aussi. Il apporte une chaise pour que je puisse m’asseoir. La seule chose que je sais c’est que j’ai toujours la main de Julien dans la mienne.
Je reprends peu à peu mes esprits. Je reparle à Julien, je lui dis que je l’aime. Puis j’entends faiblement « Moi aussi je t’aime ». Je vois que les médecins s’affairent autour de mon amour. Ils sont satisfaits de voir comment Julien s’est réveillé. Je sais que pour moi, ce réveil va rester gravé à vie dans ma mémoire. Puis je me pose des questions. Il va voir qu’il est plâtré, que ses jambes sont lourdes, qu’il y a un tas de tubes et tuyaux qui sont branchés à son corps. Je redoute ce moment-là. Je ne sais plus trop quoi dire. Je me décide à être attentif au visage et aux yeux de Juju. Le regard est très important pour nous, je vais m’en servir pour rester en contact avec lui. Il y a un tas de choses qui passent par le regard. Je me plonge alors dans ses yeux. Je tente de faire passer un maximum d’amour pour qu’il puisse réagir positivement. Nous nous regardons comme ça durant des minutes et des minutes. Je puis voir que la lueur de ses yeux est de plus en plus intense. Je suis certain qu’il se rend compte qu’il est à l’hôpital.
A un moment, les médecins nous demandent de quitter cette « chambre » de réanimation. Ils veulent prendre tous les paramètres de Julien et faire une évaluation des dommages dus à l’accident. Avec Maman et Stéphanie, je rejoins Papa et Delphine ainsi que l’assistante sociale qui est restée tout ce temps avec nous. Je suis assez faible. Il faut que je prenne l’air. Un infirmier me prend en charge pour m’emmener respirer un bon bol d’air à l’extérieur. Ce que je viens de vivre est éprouvant, mais bien moins que ce qui attend Julien dans les semaines et les mois qui vont suivre.
Une fois remis sur pied, je reviens pour voir Julien. Le médecin me dit qu’il est encore assez faible. Il me donne dix minutes pour être avec lui. Je dois éviter les questions pour ne pas trop le faire réfléchir. J’entre dans la chambre et je me replace comme je m’étais mis au début. Je reprends la main de Julien. Il ouvre les yeux. Je le regarde. Il me regarde et me dit :
Jul : « Phil, c’est bien toi. Oh Phil, tu m’as manqué. Je t’aime.
Moi : Moi aussi Julien tu m’as manqué et tu sais combien je t’aime !
Jul : Je suis fatigué, on en parle demain. Bonne nuit.
Moi : Oui Juju. A demain ! »
Je vois Julien qui ferme ses yeux. Il semble très fatigué. Le médecin me dit que c’est normal. Julien ira de mieux en mieux. Il me demande si je peux passer régulièrement auprès de Julien pour le stimuler. Je lui réponds que oui, que je vais aller chez ma tante qui habite à un quart d’heure d’ici. Je sors de la chambre, non sans avoir déposé mes lèvres sur celle de mon amoureux. Je suis rassuré, il m’a reconnu et il m’a dit qu’il m’aimait !