14-12-2020, 11:04 AM
Chapitre 14.
Moments difficiles.
Je monte me coucher. Je ne suis pas bien. Je pense à Béatrice, elle qui m’avait ouvert sa porte. Elle m’avait fait confiance et nous avait aidés, Julien et moi. Puis c’est à Julien que je pense. Je me demande comment il sera demain, s’il sort de ce coma artificiel. Va-t-il me reconnaitre ? Se souviendra-t-il que nous sommes amants ? Quand pourra-t-il sortir de l’hôpital ? J’ai un tas de questions qui me viennent toutes en même temps. Mes yeux s’humidifient, je pleure alors doucement en ayant l’image de mon Juju à l’esprit. Je m’endors assez vite tellement je suis fatigué par tous ces événements.
C’est à sept heures que papa vient me réveiller. Je suis au-dessus de mes draps, nu comme un ver, il a fait très chaud cette nuit, j’ai même la gaule du matin. Je m’en aperçois mais bon, papa en a déjà vu d’autres. Il affiche un petit sourire, disons moqueur. Mais rien de bien méchant. C’est plutôt moi qui suis un peu gêné. Je prends vite ma douche et je m’habille. Je sais que la journée va être très difficile. Je vais revoir Julien, en espérant qu’il se réveille, mais aussi Stéphanie et ma sœur Delphine, elles ont veillé Béatrice qui s’est endormie pour l’éternité hier soir. Je sais très bien que je vais encore verser des larmes, comme je voudrais que cet accident ne fût jamais arrivé ! Que de blessures faudra-t-il encore subir, mais pourquoi tant de malheurs !
Je descends pour prendre le petit-déjeuner. Je n’ai pas faim, mais voyant maman qui insiste pour que je mange un bout, je me force à manger deux tartines à la confiture avec une tasse de café. Nous ne parlons presque pas, juste le nécessaire. Il y a comme une chape de plomb dans l’air, d’autant plus qu’il annonce à la radio de fortes chaleurs pour l’après-midi. Je pense toujours à Julien et je me pose encore et encore des questions, va-t-il me reconnaitre ? Se souviendra-t-il qu’il est mon petit-ami ? Gardera-t-il des séquelles ? Maman voit bien que je suis en pleine cogitation, elle me sort de ma méditation pour me dire qu’il va bientôt être temps de partir. Je débarrasse la table pour donner un coup de main.
Maman prépare un sac avec des affaires de rechange pour les deux filles. Elles ont passé la nuit à l’hôpital dans la chambre de Béatrice et elles auront donc envie de mettre des vêtements propres. Papa prépare de son côté quelques babioles pour manger au cas où quelqu’un aurait un petit creux. Pour ma part j’ai pris une petite radio portative avec des écouteurs, car je me doute bien que cela va être long, très long.
Nous montons dans la voiture. Je suis donc assis à l’arrière. Je demande à mes parents de bien boucler leur ceinture de sécurité, mais à l’arrière il n’y en a pas. (Le port de la ceinture sera obligatoire à l’avant des voitures en novembre 1975 en Belgique)
Une heure après nous arrivons à l’hôpital. J’ai les jambes en coton. J’ai peur de voir Julien, je ne sais pas à quel point il est blessé ! Puis comment sont les filles à la suite du décès de Béatrice ? Maman voit bien que je ne suis pas dans mon assiette. Elle me prend le bras et me regarde dans les yeux, elle me dit alors :
Mam : « Mon Phil, je sais que ce n’est pas facile pour toi. Il faut quand même que tu sois fort, même très fort, pour toi, mais aussi pour les filles et bien sûr pour Julien.
Moi : Mais je ne sais pas dans quel état je vais le revoir ! Ça m’angoisse.
Mam : Je le comprends Phil, mais tu vas devoir prendre sur toi et mordre sur ta chique.
Moi : Oui, je vais essayer.
Mam : Non Phil, tu vas le faire !
Moi : Oui, je vais être fort, mais reste à côté de moi, s’il te plait Maman.
Mam : C’est bien, on va faire comme ça, nous serons papa et moi près de toi.
Moi : Merci maman."
Maman me fait alors un câlin. Il y a des gens qui passent, mais je m’enfiche bien. Avant ça aurait été la honte, mais aujourd’hui j’en ai besoin de ce petit témoignage d’amour de maman.
Nous entrons dans le hall d’accueil. L’hôtesse est la même que l’avant-veille. Elle nous reconnaît. Directement elle nous donne le numéro de la chambre où se trouvait Béatrice, c’est là que sont Stéphanie et Delphine. Elle nous demande si nous voulons patienter cinq minutes pour que l’assistante sociale puisse nous expliquer la marche à suivre. Nous nous prenons place sur les chaises placées à droite dans le hall.
L’assistante sociale arrive et nous présente ses condoléances. Elle nous demande de la suivre dans son bureau pour être plus au calme. Une fois installés, elle nous explique que les démarches ont débuté en vue de faire le transfert de Pierre et de Béatrice lors du même convoi funéraire. Elle ajoute qu’elle a d’ailleurs, avec le consentement de Stéphanie, pris contact avec les pompes funèbres. Le responsable s’attache à ce que tout soit fait dans les règles de l’art pour que la famille puisse retourner à Bruxelles dans les meilleures conditions. Il semble qu’il ait déjà contacté la ville de Charleroi pour avoir tous les documents en ordre. Papa remercie alors cette dame.
L’assistante sociale est une personne d’une cinquantaine d’années, taille moyenne, cheveux mi-longs châtains. Elle a beaucoup d’empathie envers nous et les filles. Elle nous dit qu’elle va monter avec nous à la chambre où se trouvent les filles, pour ensuite nous accompagner jusqu’à la chapelle ardente, où se trouve Béatrice.
Je n’ai pas de nouvelle de Julien et je me décide à poser cette question :
Moi : « Madame, pouvez-vous me dire comment va Julien.
Ass.S : Oui, je n’ai pas oublié. Voilà, normalement le médecin qui s’occupe de lui, de même que l’anesthésiste, vont entreprendre de réveiller Julien. Ils expliqueront ce qu’ils vont faire, ils sont plus qualifiés que moi.
Moi : Mais il va bien ?
Ass.S : Oui, il est toujours endormi mais il semble aller mieux. Tu pourras poser toutes tes questions d’ici une heure environ.
Moi : Donc c’est dans une heure que les deux médecins vont le réveiller.
Ass.S : Oui c’est bien ça.
Moi : Merci.
Ass.S : De rien. Bon courage. Voilà nous allons aller retrouver les deux demoiselles.
Mam : Merci. »
Nous suivons alors l’assistante sociale qui nous mène à la chambre où les filles sont restées. Une fois devant la porte, elle frappe et entre. Nous suivons et nous trouvons Stéphanie et Delphine assises autour de la table. Elles parlent entre elles. En nous voyant Stéphanie se lève et se met à pleurer. Il y a comme de la tristesse qui plane dans cette chambre. Maman et ensuite papa vont la saluer et l’embrasser. Ils font de même avec Delphine. Je reste un peu à l’écart, je ne sais pas très bien où me mettre. J’ai l’impression d’être de trop. Puis je pense à Julien. C’est assez spécial comme situation. Je suis décontenancé par ce qui se passe sous mes yeux et dans ma tête. Je suis comme hors connexion, comme hors du temps. C’est Delphine qui vient près de moi et qui me secoue un peu. Elle me pince pour me faire revenir à la réalité.
Moi : « Arrête, tu me fais mal.
Del : Eh Phil, ça va, tu as l’air d’un zombie !
Moi : Mais t’es folle ou quoi !
Del : Non je t’assure, tu n’es pas dans ton état normal.
Moi : J’ai peur, j’ai peur pour Julien !
Del : Mais non il va aller de mieux en mieux.
Mam : Phil, tu dois te ressaisir, tu sais que tu dois être fort.
Moi : Je sais, mais je ne sais pas si je vais avoir la force de…
Sté : Phil, tu sais que je compte sur toi pour aider Julien, alors ne baisse pas les bras, je t’en conjure.
Je peux voir dans les yeux de Stéphanie comme une lueur jamais observée. Elle m’implore de l’aider, ou plus tôt de venir en aide à Julien, de m’investir pour sa guérison. C’est incroyable ce que les yeux peuvent faire passer comme messages. Je sens que je vais devoir réagir, il faut que je réponde à Stéphanie. Je la regarde et aussi maman. Puis j’avale ma salive et je lui réponds :
Moi : Je vais faire ce qu’il faut pour aider Julien à traverser toute cette épreuve, mais je vous demande de bien vouloir m’aider aussi à ne pas craquer.
Sté : Merci Phil, tu sais que je compte sur toi et toi tu pourras compter sur nous.
Mam : C’est bien vrai mon Phil, nous serons avec toi aussi bien qu’avec Stéphanie.
Papa : Il faut de toute façon que nous nous serions les coudes. Nous allons faire face, en famille, car vous êtres tous membres de cette même famille désormais.
Del : Merci pour ces bonnes paroles. »
L’assistante sociale, qui est restée auprès de nous, n’a rien dit. Elle s’est contentée de voir et d’écouter ce qui se passait. Elle nous rappelle que nous devons nous rendre à la chapelle ardente pour rendre hommage à Béatrice. Nous suivons donc notre guide dans le dédale des couloirs et des étages. Nous arrivons au sous-sol et nous entrons dans la morgue de l’hôpital. Il y a plusieurs pièces, ainsi qu’une chapelle. C’est dans cette chapelle que le cercueil de Béatrice est placé. Nous faisons silence et nous nous recueillons. C’est assez difficile de voir ainsi un cercueil en sachant que la dépouille mortelle de Béatrice s’y trouve. L’assistante sociale explique alors qu’il a été refermé car elle souhaite que nous gardions une belle image de Béatrice. Je me souviens qu’on avait dit qu’elle avait eu un traumatisme au niveau de la tête. Il est donc préférable que cela se passe sans avoir de chocs émotionnels supplémentaires.
Elle explique ensuite que les deux corps partiront des installations des pompes funèbres lundi après-midi en direction de Bruxelles. Elle ajoute que nous serons avertis de ce voyage. Elle nous laisse alors le temps de penser à Béatrice.
Après un bon quart d’heure, l’assistante sociale nous demande si nous voulons voir Julien. Je suis tellement fébrile que j’ai failli tomber à terre, heureusement Papa était près de moi pour me retenir.
Bien entendu que je voulais voir Julien tout comme Stéphanie par ailleurs. Nous suivons l’assistante sociale dans le dédale des couloirs en passant aussi par des ascenseurs. Enfin nous arrivons dans un quartier particulier de l’hôpital. Nous pouvons tous lire l’indication « Soins Intensifs » et à côté « Urgences » entre deux portes blanches, sans serrure ni clenche. Les deux services sont proches l’un de l’autre. J’ai froid, c’est bien entendu le stress qui s’empare de mon corps. Je transpire aussi malgré le fait d’avoir froid. Quel drôle de sensation, je m’en serai bien passée ! Stéphanie est blanche elle aussi, Delphine lui tient la main. Maman s’est rapprochée de moi. Elle prend ma main dans la sienne. Je sens que Papa est derrière nous, prêt à intervenir en cas de défaillance de l’un de nous. C’est bien mon père ; mais que je l’aime ainsi que Maman et ma sœur. Je n’ai pas compté Julien, il est au-dessus du lot ! C’est celui qui me fait le plus d’effet, que j’aime, que je veux auprès de moi pour le reste de mes jours. C’est bête à dire, même si je n’ai que dix-huit ans, c’est avec lui que je veux vivre !
Notre guide sonne en appuyant sur le bouton en vue de pour pénétrer dans ce lieu ô combien gardé, à l’écart du monde extérieur et de toutes ses turpitudes, pour le bien des patients et leur rétablissement primaire.
Moments difficiles.
Je monte me coucher. Je ne suis pas bien. Je pense à Béatrice, elle qui m’avait ouvert sa porte. Elle m’avait fait confiance et nous avait aidés, Julien et moi. Puis c’est à Julien que je pense. Je me demande comment il sera demain, s’il sort de ce coma artificiel. Va-t-il me reconnaitre ? Se souviendra-t-il que nous sommes amants ? Quand pourra-t-il sortir de l’hôpital ? J’ai un tas de questions qui me viennent toutes en même temps. Mes yeux s’humidifient, je pleure alors doucement en ayant l’image de mon Juju à l’esprit. Je m’endors assez vite tellement je suis fatigué par tous ces événements.
C’est à sept heures que papa vient me réveiller. Je suis au-dessus de mes draps, nu comme un ver, il a fait très chaud cette nuit, j’ai même la gaule du matin. Je m’en aperçois mais bon, papa en a déjà vu d’autres. Il affiche un petit sourire, disons moqueur. Mais rien de bien méchant. C’est plutôt moi qui suis un peu gêné. Je prends vite ma douche et je m’habille. Je sais que la journée va être très difficile. Je vais revoir Julien, en espérant qu’il se réveille, mais aussi Stéphanie et ma sœur Delphine, elles ont veillé Béatrice qui s’est endormie pour l’éternité hier soir. Je sais très bien que je vais encore verser des larmes, comme je voudrais que cet accident ne fût jamais arrivé ! Que de blessures faudra-t-il encore subir, mais pourquoi tant de malheurs !
Je descends pour prendre le petit-déjeuner. Je n’ai pas faim, mais voyant maman qui insiste pour que je mange un bout, je me force à manger deux tartines à la confiture avec une tasse de café. Nous ne parlons presque pas, juste le nécessaire. Il y a comme une chape de plomb dans l’air, d’autant plus qu’il annonce à la radio de fortes chaleurs pour l’après-midi. Je pense toujours à Julien et je me pose encore et encore des questions, va-t-il me reconnaitre ? Se souviendra-t-il qu’il est mon petit-ami ? Gardera-t-il des séquelles ? Maman voit bien que je suis en pleine cogitation, elle me sort de ma méditation pour me dire qu’il va bientôt être temps de partir. Je débarrasse la table pour donner un coup de main.
Maman prépare un sac avec des affaires de rechange pour les deux filles. Elles ont passé la nuit à l’hôpital dans la chambre de Béatrice et elles auront donc envie de mettre des vêtements propres. Papa prépare de son côté quelques babioles pour manger au cas où quelqu’un aurait un petit creux. Pour ma part j’ai pris une petite radio portative avec des écouteurs, car je me doute bien que cela va être long, très long.
Nous montons dans la voiture. Je suis donc assis à l’arrière. Je demande à mes parents de bien boucler leur ceinture de sécurité, mais à l’arrière il n’y en a pas. (Le port de la ceinture sera obligatoire à l’avant des voitures en novembre 1975 en Belgique)
Une heure après nous arrivons à l’hôpital. J’ai les jambes en coton. J’ai peur de voir Julien, je ne sais pas à quel point il est blessé ! Puis comment sont les filles à la suite du décès de Béatrice ? Maman voit bien que je ne suis pas dans mon assiette. Elle me prend le bras et me regarde dans les yeux, elle me dit alors :
Mam : « Mon Phil, je sais que ce n’est pas facile pour toi. Il faut quand même que tu sois fort, même très fort, pour toi, mais aussi pour les filles et bien sûr pour Julien.
Moi : Mais je ne sais pas dans quel état je vais le revoir ! Ça m’angoisse.
Mam : Je le comprends Phil, mais tu vas devoir prendre sur toi et mordre sur ta chique.
Moi : Oui, je vais essayer.
Mam : Non Phil, tu vas le faire !
Moi : Oui, je vais être fort, mais reste à côté de moi, s’il te plait Maman.
Mam : C’est bien, on va faire comme ça, nous serons papa et moi près de toi.
Moi : Merci maman."
Maman me fait alors un câlin. Il y a des gens qui passent, mais je m’enfiche bien. Avant ça aurait été la honte, mais aujourd’hui j’en ai besoin de ce petit témoignage d’amour de maman.
Nous entrons dans le hall d’accueil. L’hôtesse est la même que l’avant-veille. Elle nous reconnaît. Directement elle nous donne le numéro de la chambre où se trouvait Béatrice, c’est là que sont Stéphanie et Delphine. Elle nous demande si nous voulons patienter cinq minutes pour que l’assistante sociale puisse nous expliquer la marche à suivre. Nous nous prenons place sur les chaises placées à droite dans le hall.
L’assistante sociale arrive et nous présente ses condoléances. Elle nous demande de la suivre dans son bureau pour être plus au calme. Une fois installés, elle nous explique que les démarches ont débuté en vue de faire le transfert de Pierre et de Béatrice lors du même convoi funéraire. Elle ajoute qu’elle a d’ailleurs, avec le consentement de Stéphanie, pris contact avec les pompes funèbres. Le responsable s’attache à ce que tout soit fait dans les règles de l’art pour que la famille puisse retourner à Bruxelles dans les meilleures conditions. Il semble qu’il ait déjà contacté la ville de Charleroi pour avoir tous les documents en ordre. Papa remercie alors cette dame.
L’assistante sociale est une personne d’une cinquantaine d’années, taille moyenne, cheveux mi-longs châtains. Elle a beaucoup d’empathie envers nous et les filles. Elle nous dit qu’elle va monter avec nous à la chambre où se trouvent les filles, pour ensuite nous accompagner jusqu’à la chapelle ardente, où se trouve Béatrice.
Je n’ai pas de nouvelle de Julien et je me décide à poser cette question :
Moi : « Madame, pouvez-vous me dire comment va Julien.
Ass.S : Oui, je n’ai pas oublié. Voilà, normalement le médecin qui s’occupe de lui, de même que l’anesthésiste, vont entreprendre de réveiller Julien. Ils expliqueront ce qu’ils vont faire, ils sont plus qualifiés que moi.
Moi : Mais il va bien ?
Ass.S : Oui, il est toujours endormi mais il semble aller mieux. Tu pourras poser toutes tes questions d’ici une heure environ.
Moi : Donc c’est dans une heure que les deux médecins vont le réveiller.
Ass.S : Oui c’est bien ça.
Moi : Merci.
Ass.S : De rien. Bon courage. Voilà nous allons aller retrouver les deux demoiselles.
Mam : Merci. »
Nous suivons alors l’assistante sociale qui nous mène à la chambre où les filles sont restées. Une fois devant la porte, elle frappe et entre. Nous suivons et nous trouvons Stéphanie et Delphine assises autour de la table. Elles parlent entre elles. En nous voyant Stéphanie se lève et se met à pleurer. Il y a comme de la tristesse qui plane dans cette chambre. Maman et ensuite papa vont la saluer et l’embrasser. Ils font de même avec Delphine. Je reste un peu à l’écart, je ne sais pas très bien où me mettre. J’ai l’impression d’être de trop. Puis je pense à Julien. C’est assez spécial comme situation. Je suis décontenancé par ce qui se passe sous mes yeux et dans ma tête. Je suis comme hors connexion, comme hors du temps. C’est Delphine qui vient près de moi et qui me secoue un peu. Elle me pince pour me faire revenir à la réalité.
Moi : « Arrête, tu me fais mal.
Del : Eh Phil, ça va, tu as l’air d’un zombie !
Moi : Mais t’es folle ou quoi !
Del : Non je t’assure, tu n’es pas dans ton état normal.
Moi : J’ai peur, j’ai peur pour Julien !
Del : Mais non il va aller de mieux en mieux.
Mam : Phil, tu dois te ressaisir, tu sais que tu dois être fort.
Moi : Je sais, mais je ne sais pas si je vais avoir la force de…
Sté : Phil, tu sais que je compte sur toi pour aider Julien, alors ne baisse pas les bras, je t’en conjure.
Je peux voir dans les yeux de Stéphanie comme une lueur jamais observée. Elle m’implore de l’aider, ou plus tôt de venir en aide à Julien, de m’investir pour sa guérison. C’est incroyable ce que les yeux peuvent faire passer comme messages. Je sens que je vais devoir réagir, il faut que je réponde à Stéphanie. Je la regarde et aussi maman. Puis j’avale ma salive et je lui réponds :
Moi : Je vais faire ce qu’il faut pour aider Julien à traverser toute cette épreuve, mais je vous demande de bien vouloir m’aider aussi à ne pas craquer.
Sté : Merci Phil, tu sais que je compte sur toi et toi tu pourras compter sur nous.
Mam : C’est bien vrai mon Phil, nous serons avec toi aussi bien qu’avec Stéphanie.
Papa : Il faut de toute façon que nous nous serions les coudes. Nous allons faire face, en famille, car vous êtres tous membres de cette même famille désormais.
Del : Merci pour ces bonnes paroles. »
L’assistante sociale, qui est restée auprès de nous, n’a rien dit. Elle s’est contentée de voir et d’écouter ce qui se passait. Elle nous rappelle que nous devons nous rendre à la chapelle ardente pour rendre hommage à Béatrice. Nous suivons donc notre guide dans le dédale des couloirs et des étages. Nous arrivons au sous-sol et nous entrons dans la morgue de l’hôpital. Il y a plusieurs pièces, ainsi qu’une chapelle. C’est dans cette chapelle que le cercueil de Béatrice est placé. Nous faisons silence et nous nous recueillons. C’est assez difficile de voir ainsi un cercueil en sachant que la dépouille mortelle de Béatrice s’y trouve. L’assistante sociale explique alors qu’il a été refermé car elle souhaite que nous gardions une belle image de Béatrice. Je me souviens qu’on avait dit qu’elle avait eu un traumatisme au niveau de la tête. Il est donc préférable que cela se passe sans avoir de chocs émotionnels supplémentaires.
Elle explique ensuite que les deux corps partiront des installations des pompes funèbres lundi après-midi en direction de Bruxelles. Elle ajoute que nous serons avertis de ce voyage. Elle nous laisse alors le temps de penser à Béatrice.
Après un bon quart d’heure, l’assistante sociale nous demande si nous voulons voir Julien. Je suis tellement fébrile que j’ai failli tomber à terre, heureusement Papa était près de moi pour me retenir.
Bien entendu que je voulais voir Julien tout comme Stéphanie par ailleurs. Nous suivons l’assistante sociale dans le dédale des couloirs en passant aussi par des ascenseurs. Enfin nous arrivons dans un quartier particulier de l’hôpital. Nous pouvons tous lire l’indication « Soins Intensifs » et à côté « Urgences » entre deux portes blanches, sans serrure ni clenche. Les deux services sont proches l’un de l’autre. J’ai froid, c’est bien entendu le stress qui s’empare de mon corps. Je transpire aussi malgré le fait d’avoir froid. Quel drôle de sensation, je m’en serai bien passée ! Stéphanie est blanche elle aussi, Delphine lui tient la main. Maman s’est rapprochée de moi. Elle prend ma main dans la sienne. Je sens que Papa est derrière nous, prêt à intervenir en cas de défaillance de l’un de nous. C’est bien mon père ; mais que je l’aime ainsi que Maman et ma sœur. Je n’ai pas compté Julien, il est au-dessus du lot ! C’est celui qui me fait le plus d’effet, que j’aime, que je veux auprès de moi pour le reste de mes jours. C’est bête à dire, même si je n’ai que dix-huit ans, c’est avec lui que je veux vivre !
Notre guide sonne en appuyant sur le bouton en vue de pour pénétrer dans ce lieu ô combien gardé, à l’écart du monde extérieur et de toutes ses turpitudes, pour le bien des patients et leur rétablissement primaire.