09-12-2020, 10:40 AM
Papa arrive enfin. Il est pâle et il ne dit pas grand-chose. Nous montons dans la voiture et nous allons chercher Stéphanie et Delphine. Durant le trajet Papa nous explique qu’il a sonné aux services d’urgence et aux gendarmes pour savoir ce qui s’est passé. En fait c’est un camion qui a dévié de sa trajectoire, à la suite d’un éblouissement dû au soleil, et qu’il est alors entré en collision avec le véhicule de Pierre. Ils étaient sur le trajet de retour à l’issue de la réception organisée pour les funérailles du parrain de Julien.
Pierre a été tué sur le coup mais Béatrice et Julien ont été emmenés aux soins intensifs dans un hôpital à Charleroi. Selon les informations Julien était à l’arrière droit de la voiture. Béatrice était à l’avant droit et ses jours sont en danger. Pour Julien il n’y pas de pronostic pour le moment. Nous arrivons chez Stéphanie. Nous ne disons plus rien. Les deux filles sont en pleurs. Elles prennent place à l’arrière de l’auto, à côté de moi. Elles se tiennent par les mains, des larmes coulent encore et encore sur leurs joues. Nous quittons alors Bruxelles pour Charleroi. Selon les informations reçues, il appert qu’il s’agit de l’Hôpital Civil du Sacré-Cœur. (Actuellement Vincent Van Gogh)
Nous arrivons enfin à destination en moins d’une heure. La voiture est garée sur le parking. Stéphanie est livide, elle tient à peine debout. Delphine et Maman la soutiennent. Papa reste à côté de moi. Il sait que je vais avoir besoin de soutien moi aussi. C’est l’entrée dans l’hôpital qui est stressante. Je sais que nous allons arriver près des êtres que nous aimons et qui sont dans un état désespéré. Puis il y a Pierre qui est décédé. Comment va réagir Stéphanie ? Julien ne sait sûrement pas que son papa est mort et il ne connaît rien sur l’état de santé de Béatrice, sa maman. Je suis dans tous mes états. Je suis tellement anxieux J’ai peur de savoir. J’ai peur de perdre mon amour, alors je m’imagine ce que Stéphanie doit ressentir, c’est invivable !
Nous sommes à l’accueil, un panneau « information » indique que nous sommes au bon guichet. C’est Papa qui s’adresse à l’hôtesse d’accueil. Il demande à avoir un contact avec les urgences concernant les victimes de l’accident. Il obtient des réponses mais très fragmentaires. Puis cette femme lui demande s’il fait partie de la famille. Papa fulmine et dit que la fille de la dame est présente avec lui et qu’elle sait que son Papa est décédé et qu’elle souhaite savoir ce qu’il se passe pour sa Maman et son frère ! Enfin, un peu d’humanité ! Elle prend alors contact avec le service des urgences.
Les nouvelles ne sont pas bonnes. Béatrice est tombée dans le coma lors de son transfert en ambulance en direction de l’hôpital. Elle est opérée d’une hémorragie au niveau du lobe temporal gauche. Ses jours sont en danger, elle a subi un très gros traumatisme au niveau de la tête ainsi qu’au niveau thoracique. Stéphanie s’effondre littéralement. Delphine et maman la soutiennent.
Nous sommes dans la salle d’attente. Stéphanie est toujours soutenue par maman et Delphine. Je suis tellement anxieux que je ne me rends même plus compte de ce qui se passe autour de moi ! C’est encore papa qui va voir à l’accueil pour avoir quelqu’un pour s’occuper de Stéphanie qui devient hystérique. C’est invivable pour elle, son papa est décédé, sa maman est en danger de mort et elle n’a pas de nouvelle de son frère. Enfin un médecin vient pour administrer un calmant à Stéphanie.
Un autre médecin se présente après un bon quart d’heure. Il explique que Béatrice est dans le coma et qu’elle est en salle d’opération pour un œdème au niveau du temporal gauche, qu’elle présente de multiples fractures. Puis ce praticien demande qui est la personne de la famille. Papa désigne Stéphanie qui est sens dessus dessous.
Le médecin dit que Julien est toujours en vie, qu’il est polytraumatisé. C’est quoi ce charabia, que veut-il dire ? Ce médecin voyant que je suis dans un état indescriptible demande à une infirmière de m’injecter un calmant.
Après cinq minutes, le médecin qui est resté auprès de nous explique que Julien a de multiples plaies et fractures. Que ses fonctions vitales ne semblent pas être engagées. Il ajoute que son collègue a bon espoir. Il précise que Julien va être plongé dans un coma artificiel pour qu’il ne souffre pas. Il explique ensuite toute la procédure liée aux polytraumatisés. Julien va devoir rester à l’hôpital durant plusieurs mois. J’ai mes yeux qui se brouillent, je pleure, là, assis sur cette chaise de salle d’attente, je suis anéanti, je ne sais rien faire pour Julien. Je suis mort de trouille, je me sens mal. Je ne sais plus réagir comme il faut, je sens que je vais défaillir. J’entends Stéphanie pleurer, j’entends encore de bruit de passage dans le couloir, j’entends de moins en moins, je ne vois plus rien, c’est le trou noir !
Je me réveille couché sur un brancard, en sueur, dans le coton. Je devine qu’il y a trois personnes près de moi. J’entends maman et papa, la troisième personne m’est inconnue. Puis enfin je vois maman penchée vers moi. Peu à peu, ma vue s’améliore. Papa est là et une infirmière, ils me regardent. J’ai fait un malaise. Oui je me souviens, on parlait de Julien et du fait qu’il allait être hospitalisé durant des mois.
Béatrice est entre la vie et la mort, sa vie ne tient qu’à un fil, mais un fil si ténu que l’issue est très mauvaise. De loin je vois Papa blêmir. Je ne sais pas si c’est de Béatrice ou de Julien qu’ils parlent. Je suis tétanisé. Je suis mort de peur. Je n’ose pas bouger, je suis incapable de bouger. Maman semble comprendre qu’il y a un problème, elle tente de garder son sang-froid. Elle est avec les filles et elle jette de temps à autre un coup d’œil vers moi.
Le médecin ajoute qu’il faut attendre quarante-huit heures pour donner un pronostic de viabilité pour Julien. Il demande alors à Papa de le suivre un peu à l’écart. Puis il lui demande qui il est par rapport à la blessée. Papa explique au médecin les liens qui unissent les deux familles. Pour le médecin, pas de souci pour lui et il explique sans ambages l’état de Béatrice. Papa est toujours aussi blême. Le médecin le quitte pour revenir au bloc opératoire.
Papa revient vers nous, la mine défaite. Il n’ose rien dire à ce moment alors que nous sommes tous en attente de réponses, tant pour Béatrice que pour Julien. Papa nous entraine vers la cafétéria. Il trouve une table à l’écart, dans le fond de cette grande pièce. Puis, en tenant la main de Stéphanie, il lui explique ce qu’il se passe pour sa maman. Stéphanie s’effondre littéralement. Maman et Delphine la soutiennent. Papa leur prend les mains en signe de compassion. Puis il me regarde, il voit que je reste interloqué, que je suis en attente d’une nouvelle, d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. Je n’y suis pas préparé, mais je m’attends à tout, c’est l’horreur. Papa s’assied à côté de moi sur cette banquette usée en skaï brun. Il me regarde droit dans les yeux. Je sais qu’il va me dire la vérité. Il sait très bien que c’est ce que j’attends, qu’il soit franc pour me dire ce qu’il se passe pour Julien.
Papa me prend les deux mains et les tiens dans les siennes, cela fait très, très longtemps qu’il n’avait fait ce geste. Il m’explique lentement avec une voix apaisante que Julien est en soins intensifs, qu’il doit être opéré pour de multiples fractures et que dans deux jours nous saurons s’il est tiré d’affaire. Je suis mal, je ressens comme un coup de poignard dans l’estomac. J’ai peur, je ne pense qu’à Julien en l’imaginant gisant sur un brancard ou sur la table d’opération. Je voudrai tellement lui tenir la main le dire que je l’aime. Je suis effondré, je suis mal, très mal. Je me mets à hurler, j’ai tellement peur de perdre mon amour. Papa me prends dans ses bras pour me consoler. Je ne me suis pas rendu compte que ma réaction avait eu l’effet d’une bombe. Stéphanie pensait que Julien était mort. Mais qu’elle idiot je fais, j’oublie les filles, Stéphanie doit être dans un état. Elle est transparente, on dirait un zombie. Mais alors quel con je suis !
Papa s’est rendu tout de suite auprès des filles pour leur expliquer ce qu’il se passait pour Julien. Stéphanie est effondrée ! Je croise le regard de Delphine, elle n’a plus d’expression, elle est elle aussi comme hors du temps. Maman me regarde elle aussi. Je vois dans ses yeux qu’elle se pose des questions sur mon état psychologique. Je vois dans ses yeux tout l’amour d’une maman, un amour assez impuissant en ces circonstances. Je me calme, je me raccroche à l’idée que Julien est encore en vie et qu’il est assez fort pour faire face. Je sais que dans quarante-huit heures nous serons fixés sur son sort.
Après cet épisode, le médecin qui s’est occupé de Béatrice revient et nous signale qu’il est impossible de les voir, car tous les deux sont en réanimation. Papa remercie le praticien pour toutes les informations reçues. Nous devons rentrer à la maison. Papa nous demande d’aller à la voiture, qu’il va arriver sans traîner.
En fait papa discute avec le médecin en vue de savoir ce que les pronostics pouvaient dire concernant l’avenir de Béatrice et de Julien. Il a été clair, le pronostic pour Béatrice est très mauvais. Si elle en réchappe, ce sera un miracle. Pour Julien, il faut attendre quarante-huit heures pour se prononcer, mais le pronostic vital est à soixante-cinq pour cent positif.
Nous reprenons la route vers Bruxelles. Pas un mot dans la voiture. Delphine enlace Stéphanie et elles sont collées l’une à l’autre durant tout le trajet. Pour ma part, je ne fais que penser à Julien et aussi à Béatrice. Nous n’avons même plus parlé de Pierre qui est mort dans l’accident. Je me pose la question de savoir ce que Stéphanie va faire, elle est seule et elle va devoir s’occuper de sa maman et de son frère. Puis en plus de l’enterrement de son papa. Elle n’y arrivera jamais, ce n’est pas possible. Puis il y a Julien, Charleroi c’est loin, enfin presque soixante kilomètres, mais aura-t-il des visites ? Puis sa rééducation, ses cours de conduite, sa rentrée à la fac, notre relation… Des larmes coulent sur mes joues, doucement, sans bruit, pas besoin de se manifester, nous sommes tous meurtris par ce qui vient d’arriver. Les prochaines semaines, les prochains mois risquent d’être pénibles à vivre. Nous arrivons à la maison vers une heure trente du matin.
Les filles montent dans la chambre de Delphine, elles sont vannées. Je reste un peu auprès de mes parents. Nous sommes assis à table et nous parlons doucement entre nous. Je dis alors :
Moi : « Vous pourrez compter sur moi, je serai là pour épauler Stéphanie car elle aura besoin de nous pour surmonter son chagrin.
Mam : Je m’en doute bien Phil, je te connais bien là, c’est très gentil à toi.
Moi : Non maman, c’est normal. Je ne peux pas les laisser sans réagir, sans être auprès d’eux. Puis il y a tellement de chose à prévoir pour eux.
Papa : Je sais Phil, nous allons devoir accompagner Stéphanie et sûrement Julien par la suite pour tout faire. Il y a la gestion de la maison, leurs études, les démarches administratives et j’en passe.
Moi : Je m’en doute tu sais Papa.
Papa : Je sais aussi que ce ne sera pas facile pour toi non plus. Julien va devoir être pris en charge pour sa rééducation car il est quand même gravement blessé. Nous verrons dans les prochains jours comment nous pourrons faire et envisager, si c’est possible, de le faire revenir dans un hôpital à Bruxelles.
Moi : Je pense aussi que ce sera le mieux. Mais je pense aussi à Béatrice, j’ai bien peur qu’elle n’en réchappe pas.
Mam : Je sais Phil, il n’y pas grand espoir qu’elle s’en sorte. Cela va être une nouvelle épreuve pour Stéphanie. Elle va être bien seule pour tout gérer. Mais nous serons à ses côtés pour l’aider le mieux que nous pourrons.
Papa : Bien entendu Fanny que nous ferons l’impossible et bien entendu que je compte un peu sur toi aussi Phil.
Moi : Mais vous savez que je serai là, auprès d’eux et de vous pour faire ce que je peux.
Mam : Bon, je crois qu’il est temps d’aller dormir. Bonne nuit Phil.
Moi : Bonne nuit Maman, bonne nuit Papa.
Papa : Bonne nuit mon fils. »
Nous nous sommes fait la bise avant d’aller nous coucher. Je ne passe pas prendre de douche à la salle de bain, je la prendrai à mon réveil. Je m’affale sur mon lit. Je repense à cette journée horrible. Je pense à Julien qui est dans le coma artificiel et qui ne sait pas que son papa est mort. Puis Béatrice, elle est si gentille, sa disparition va créer un vide énorme pour Stéphanie et Julien. Ils se retrouvent du jour au lendemain orphelins. Je n’ose imaginer l’état dans lequel ils vont être durant des semaines. Il faudra que je sois très fort pour eux. Je vais devoir faire le maximum possible pour eux.
Au bout d’une bonne heure je m’endors enfin. Je suis dans les bras de Morphée et je rêve à mon Julien. J’ai tellement envie de le serrer dans mes bras, de l’embrasser. Je l’aime mon Juju. Puis j’entends des bruits sourds dans mon sommeil, puis des pleurs. Je me réveille et je me rends compte que c’est Stéphanie qui pleure, elle fait une crise de nerf. Il est cinq heures du matin. Maman lui donne un calmant et elle reste auprès d’elle avec Delphine. Après un bon quart d’heure je me rendors.
Il est neuf heures, le soleil est déjà bien présent. Je me lève et directement je repense à Julien et à cette maudite journée d’hier. Je vais à la salle de bain prendre ma douche. Une fois habillé je rejoins le reste de la famille à la cuisine pour le petit-déjeuner. J’embrasse les filles et mes parents. Personne ne dit grand-chose. Nous mangeons par nécessité car nous n’avons pas d’appétit. Stéphanie a les yeux rouges tellement elle a pleuré. Delphine a des cernes sous les yeux, elle n’a presque pas dormi.
Papa reste assis à table et demande un peu d’attention. Il veut être clair et que tous nous puissions savoir comment nous allons nous organiser. Il faut s’occuper des pompes funèbres pour les obsèques de Pierre. Il faut aussi avoir des nouvelles de Béatrice et de Julien. Il faut aussi prendre contact avec les administrations communales pour tous les actes officiels.
Papa va aller avec les deux filles à Charleroi pour contacter un service de pompes funèbres et prendre des nouvelles des deux blessés. Maman reste avec moi pour les démarches auprès de l’aumônier, qui est un ami de la famille, pour préparer la célébration pour Pierre et prévoir tout ce qu’il faut pour le jour des funérailles. Je sais que Julien étant dans le coma, je ne pourrai pas le voir car il est toujours en soins intensifs. Je m’en suis fait une raison. Papa m’a promis d’aller le voir demain.
Pierre a été tué sur le coup mais Béatrice et Julien ont été emmenés aux soins intensifs dans un hôpital à Charleroi. Selon les informations Julien était à l’arrière droit de la voiture. Béatrice était à l’avant droit et ses jours sont en danger. Pour Julien il n’y pas de pronostic pour le moment. Nous arrivons chez Stéphanie. Nous ne disons plus rien. Les deux filles sont en pleurs. Elles prennent place à l’arrière de l’auto, à côté de moi. Elles se tiennent par les mains, des larmes coulent encore et encore sur leurs joues. Nous quittons alors Bruxelles pour Charleroi. Selon les informations reçues, il appert qu’il s’agit de l’Hôpital Civil du Sacré-Cœur. (Actuellement Vincent Van Gogh)
Nous arrivons enfin à destination en moins d’une heure. La voiture est garée sur le parking. Stéphanie est livide, elle tient à peine debout. Delphine et Maman la soutiennent. Papa reste à côté de moi. Il sait que je vais avoir besoin de soutien moi aussi. C’est l’entrée dans l’hôpital qui est stressante. Je sais que nous allons arriver près des êtres que nous aimons et qui sont dans un état désespéré. Puis il y a Pierre qui est décédé. Comment va réagir Stéphanie ? Julien ne sait sûrement pas que son papa est mort et il ne connaît rien sur l’état de santé de Béatrice, sa maman. Je suis dans tous mes états. Je suis tellement anxieux J’ai peur de savoir. J’ai peur de perdre mon amour, alors je m’imagine ce que Stéphanie doit ressentir, c’est invivable !
Nous sommes à l’accueil, un panneau « information » indique que nous sommes au bon guichet. C’est Papa qui s’adresse à l’hôtesse d’accueil. Il demande à avoir un contact avec les urgences concernant les victimes de l’accident. Il obtient des réponses mais très fragmentaires. Puis cette femme lui demande s’il fait partie de la famille. Papa fulmine et dit que la fille de la dame est présente avec lui et qu’elle sait que son Papa est décédé et qu’elle souhaite savoir ce qu’il se passe pour sa Maman et son frère ! Enfin, un peu d’humanité ! Elle prend alors contact avec le service des urgences.
Les nouvelles ne sont pas bonnes. Béatrice est tombée dans le coma lors de son transfert en ambulance en direction de l’hôpital. Elle est opérée d’une hémorragie au niveau du lobe temporal gauche. Ses jours sont en danger, elle a subi un très gros traumatisme au niveau de la tête ainsi qu’au niveau thoracique. Stéphanie s’effondre littéralement. Delphine et maman la soutiennent.
Nous sommes dans la salle d’attente. Stéphanie est toujours soutenue par maman et Delphine. Je suis tellement anxieux que je ne me rends même plus compte de ce qui se passe autour de moi ! C’est encore papa qui va voir à l’accueil pour avoir quelqu’un pour s’occuper de Stéphanie qui devient hystérique. C’est invivable pour elle, son papa est décédé, sa maman est en danger de mort et elle n’a pas de nouvelle de son frère. Enfin un médecin vient pour administrer un calmant à Stéphanie.
Un autre médecin se présente après un bon quart d’heure. Il explique que Béatrice est dans le coma et qu’elle est en salle d’opération pour un œdème au niveau du temporal gauche, qu’elle présente de multiples fractures. Puis ce praticien demande qui est la personne de la famille. Papa désigne Stéphanie qui est sens dessus dessous.
Le médecin dit que Julien est toujours en vie, qu’il est polytraumatisé. C’est quoi ce charabia, que veut-il dire ? Ce médecin voyant que je suis dans un état indescriptible demande à une infirmière de m’injecter un calmant.
Après cinq minutes, le médecin qui est resté auprès de nous explique que Julien a de multiples plaies et fractures. Que ses fonctions vitales ne semblent pas être engagées. Il ajoute que son collègue a bon espoir. Il précise que Julien va être plongé dans un coma artificiel pour qu’il ne souffre pas. Il explique ensuite toute la procédure liée aux polytraumatisés. Julien va devoir rester à l’hôpital durant plusieurs mois. J’ai mes yeux qui se brouillent, je pleure, là, assis sur cette chaise de salle d’attente, je suis anéanti, je ne sais rien faire pour Julien. Je suis mort de trouille, je me sens mal. Je ne sais plus réagir comme il faut, je sens que je vais défaillir. J’entends Stéphanie pleurer, j’entends encore de bruit de passage dans le couloir, j’entends de moins en moins, je ne vois plus rien, c’est le trou noir !
Je me réveille couché sur un brancard, en sueur, dans le coton. Je devine qu’il y a trois personnes près de moi. J’entends maman et papa, la troisième personne m’est inconnue. Puis enfin je vois maman penchée vers moi. Peu à peu, ma vue s’améliore. Papa est là et une infirmière, ils me regardent. J’ai fait un malaise. Oui je me souviens, on parlait de Julien et du fait qu’il allait être hospitalisé durant des mois.
Béatrice est entre la vie et la mort, sa vie ne tient qu’à un fil, mais un fil si ténu que l’issue est très mauvaise. De loin je vois Papa blêmir. Je ne sais pas si c’est de Béatrice ou de Julien qu’ils parlent. Je suis tétanisé. Je suis mort de peur. Je n’ose pas bouger, je suis incapable de bouger. Maman semble comprendre qu’il y a un problème, elle tente de garder son sang-froid. Elle est avec les filles et elle jette de temps à autre un coup d’œil vers moi.
Le médecin ajoute qu’il faut attendre quarante-huit heures pour donner un pronostic de viabilité pour Julien. Il demande alors à Papa de le suivre un peu à l’écart. Puis il lui demande qui il est par rapport à la blessée. Papa explique au médecin les liens qui unissent les deux familles. Pour le médecin, pas de souci pour lui et il explique sans ambages l’état de Béatrice. Papa est toujours aussi blême. Le médecin le quitte pour revenir au bloc opératoire.
Papa revient vers nous, la mine défaite. Il n’ose rien dire à ce moment alors que nous sommes tous en attente de réponses, tant pour Béatrice que pour Julien. Papa nous entraine vers la cafétéria. Il trouve une table à l’écart, dans le fond de cette grande pièce. Puis, en tenant la main de Stéphanie, il lui explique ce qu’il se passe pour sa maman. Stéphanie s’effondre littéralement. Maman et Delphine la soutiennent. Papa leur prend les mains en signe de compassion. Puis il me regarde, il voit que je reste interloqué, que je suis en attente d’une nouvelle, d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. Je n’y suis pas préparé, mais je m’attends à tout, c’est l’horreur. Papa s’assied à côté de moi sur cette banquette usée en skaï brun. Il me regarde droit dans les yeux. Je sais qu’il va me dire la vérité. Il sait très bien que c’est ce que j’attends, qu’il soit franc pour me dire ce qu’il se passe pour Julien.
Papa me prend les deux mains et les tiens dans les siennes, cela fait très, très longtemps qu’il n’avait fait ce geste. Il m’explique lentement avec une voix apaisante que Julien est en soins intensifs, qu’il doit être opéré pour de multiples fractures et que dans deux jours nous saurons s’il est tiré d’affaire. Je suis mal, je ressens comme un coup de poignard dans l’estomac. J’ai peur, je ne pense qu’à Julien en l’imaginant gisant sur un brancard ou sur la table d’opération. Je voudrai tellement lui tenir la main le dire que je l’aime. Je suis effondré, je suis mal, très mal. Je me mets à hurler, j’ai tellement peur de perdre mon amour. Papa me prends dans ses bras pour me consoler. Je ne me suis pas rendu compte que ma réaction avait eu l’effet d’une bombe. Stéphanie pensait que Julien était mort. Mais qu’elle idiot je fais, j’oublie les filles, Stéphanie doit être dans un état. Elle est transparente, on dirait un zombie. Mais alors quel con je suis !
Papa s’est rendu tout de suite auprès des filles pour leur expliquer ce qu’il se passait pour Julien. Stéphanie est effondrée ! Je croise le regard de Delphine, elle n’a plus d’expression, elle est elle aussi comme hors du temps. Maman me regarde elle aussi. Je vois dans ses yeux qu’elle se pose des questions sur mon état psychologique. Je vois dans ses yeux tout l’amour d’une maman, un amour assez impuissant en ces circonstances. Je me calme, je me raccroche à l’idée que Julien est encore en vie et qu’il est assez fort pour faire face. Je sais que dans quarante-huit heures nous serons fixés sur son sort.
Après cet épisode, le médecin qui s’est occupé de Béatrice revient et nous signale qu’il est impossible de les voir, car tous les deux sont en réanimation. Papa remercie le praticien pour toutes les informations reçues. Nous devons rentrer à la maison. Papa nous demande d’aller à la voiture, qu’il va arriver sans traîner.
En fait papa discute avec le médecin en vue de savoir ce que les pronostics pouvaient dire concernant l’avenir de Béatrice et de Julien. Il a été clair, le pronostic pour Béatrice est très mauvais. Si elle en réchappe, ce sera un miracle. Pour Julien, il faut attendre quarante-huit heures pour se prononcer, mais le pronostic vital est à soixante-cinq pour cent positif.
Nous reprenons la route vers Bruxelles. Pas un mot dans la voiture. Delphine enlace Stéphanie et elles sont collées l’une à l’autre durant tout le trajet. Pour ma part, je ne fais que penser à Julien et aussi à Béatrice. Nous n’avons même plus parlé de Pierre qui est mort dans l’accident. Je me pose la question de savoir ce que Stéphanie va faire, elle est seule et elle va devoir s’occuper de sa maman et de son frère. Puis en plus de l’enterrement de son papa. Elle n’y arrivera jamais, ce n’est pas possible. Puis il y a Julien, Charleroi c’est loin, enfin presque soixante kilomètres, mais aura-t-il des visites ? Puis sa rééducation, ses cours de conduite, sa rentrée à la fac, notre relation… Des larmes coulent sur mes joues, doucement, sans bruit, pas besoin de se manifester, nous sommes tous meurtris par ce qui vient d’arriver. Les prochaines semaines, les prochains mois risquent d’être pénibles à vivre. Nous arrivons à la maison vers une heure trente du matin.
Les filles montent dans la chambre de Delphine, elles sont vannées. Je reste un peu auprès de mes parents. Nous sommes assis à table et nous parlons doucement entre nous. Je dis alors :
Moi : « Vous pourrez compter sur moi, je serai là pour épauler Stéphanie car elle aura besoin de nous pour surmonter son chagrin.
Mam : Je m’en doute bien Phil, je te connais bien là, c’est très gentil à toi.
Moi : Non maman, c’est normal. Je ne peux pas les laisser sans réagir, sans être auprès d’eux. Puis il y a tellement de chose à prévoir pour eux.
Papa : Je sais Phil, nous allons devoir accompagner Stéphanie et sûrement Julien par la suite pour tout faire. Il y a la gestion de la maison, leurs études, les démarches administratives et j’en passe.
Moi : Je m’en doute tu sais Papa.
Papa : Je sais aussi que ce ne sera pas facile pour toi non plus. Julien va devoir être pris en charge pour sa rééducation car il est quand même gravement blessé. Nous verrons dans les prochains jours comment nous pourrons faire et envisager, si c’est possible, de le faire revenir dans un hôpital à Bruxelles.
Moi : Je pense aussi que ce sera le mieux. Mais je pense aussi à Béatrice, j’ai bien peur qu’elle n’en réchappe pas.
Mam : Je sais Phil, il n’y pas grand espoir qu’elle s’en sorte. Cela va être une nouvelle épreuve pour Stéphanie. Elle va être bien seule pour tout gérer. Mais nous serons à ses côtés pour l’aider le mieux que nous pourrons.
Papa : Bien entendu Fanny que nous ferons l’impossible et bien entendu que je compte un peu sur toi aussi Phil.
Moi : Mais vous savez que je serai là, auprès d’eux et de vous pour faire ce que je peux.
Mam : Bon, je crois qu’il est temps d’aller dormir. Bonne nuit Phil.
Moi : Bonne nuit Maman, bonne nuit Papa.
Papa : Bonne nuit mon fils. »
Nous nous sommes fait la bise avant d’aller nous coucher. Je ne passe pas prendre de douche à la salle de bain, je la prendrai à mon réveil. Je m’affale sur mon lit. Je repense à cette journée horrible. Je pense à Julien qui est dans le coma artificiel et qui ne sait pas que son papa est mort. Puis Béatrice, elle est si gentille, sa disparition va créer un vide énorme pour Stéphanie et Julien. Ils se retrouvent du jour au lendemain orphelins. Je n’ose imaginer l’état dans lequel ils vont être durant des semaines. Il faudra que je sois très fort pour eux. Je vais devoir faire le maximum possible pour eux.
Au bout d’une bonne heure je m’endors enfin. Je suis dans les bras de Morphée et je rêve à mon Julien. J’ai tellement envie de le serrer dans mes bras, de l’embrasser. Je l’aime mon Juju. Puis j’entends des bruits sourds dans mon sommeil, puis des pleurs. Je me réveille et je me rends compte que c’est Stéphanie qui pleure, elle fait une crise de nerf. Il est cinq heures du matin. Maman lui donne un calmant et elle reste auprès d’elle avec Delphine. Après un bon quart d’heure je me rendors.
Il est neuf heures, le soleil est déjà bien présent. Je me lève et directement je repense à Julien et à cette maudite journée d’hier. Je vais à la salle de bain prendre ma douche. Une fois habillé je rejoins le reste de la famille à la cuisine pour le petit-déjeuner. J’embrasse les filles et mes parents. Personne ne dit grand-chose. Nous mangeons par nécessité car nous n’avons pas d’appétit. Stéphanie a les yeux rouges tellement elle a pleuré. Delphine a des cernes sous les yeux, elle n’a presque pas dormi.
Papa reste assis à table et demande un peu d’attention. Il veut être clair et que tous nous puissions savoir comment nous allons nous organiser. Il faut s’occuper des pompes funèbres pour les obsèques de Pierre. Il faut aussi avoir des nouvelles de Béatrice et de Julien. Il faut aussi prendre contact avec les administrations communales pour tous les actes officiels.
Papa va aller avec les deux filles à Charleroi pour contacter un service de pompes funèbres et prendre des nouvelles des deux blessés. Maman reste avec moi pour les démarches auprès de l’aumônier, qui est un ami de la famille, pour préparer la célébration pour Pierre et prévoir tout ce qu’il faut pour le jour des funérailles. Je sais que Julien étant dans le coma, je ne pourrai pas le voir car il est toujours en soins intensifs. Je m’en suis fait une raison. Papa m’a promis d’aller le voir demain.