Chapitre XXVI
Il fait nuit. Il pleut des cordes. Les essuie-glaces sont au maximum. Je n’y vois rien. Un vrai temps de chien. Je fais une pause sur la dernière aire d’autoroute avant la sortie. Je vais bientôt retrouver les bras d’Alice. Je suis fatigué, énervé par cette journée où rien n’a été.
Ce matin, j’ai dû monter sur Reims en urgence. Le directeur du site est furieux. Marie accuse un de ses proches collaborateurs de harcèlement sexuel et d’attouchements. Vrai, faux, je n’en sais rien. Moi je n’ai rien constaté d’anormal et Marie ne s’est jamais plainte d’un quelconque comportement déviant. Elle m’a juste dit une fois au téléphone qu’une personne du site était un peu lourde mais qu’elle gérait. Ceci étant, Gaétan confirme que ledit monsieur passe fréquemment dans son bureau le matin, l’après-midi et en fin de service. Parfois aussi, il l’a fait convoquer par sa secrétaire. Dans tous les cas, elle sort exaspérée et lorsqu’elle est conviée, elle y va à reculons. Il arrive souvent en rentrant qu’elle s’enferme décontenancée dans son bureau pour pleurer.
Le directeur rencontré m’a demandé de licencier Marie pour faute grave. Je lui ai proposé de déplacer ma collaboratrice sur un autre site le temps d’y voir plus clair et de calmer les esprits et qu’il en fasse autant avec son collaborateur. Il m’a tout simplement ri au nez en me menaçant de rompre le contrat si je n’obtempérais pas sur le champ. J’ai refusé l’injonction. Devant la tournure qu’a pris cet entretien, je l’ai informé que je ne chercherais pas m’opposer à un quelconque dépôt de plainte si ma collaboratrice le jugeait nécessaire.
Fort de cet entretien, j’ai accompagné Marie au commissariat de police où nous avons passé toute l’après-midi en audition et à priori ce monsieur n’en n’est pas à son coup d’essai. Une autre plainte est toujours en instance et les deux précédentes ont bizarrement été retirées coup sur coup par les plaignantes. J’ai placé Marie en congés le temps qu’elle puisse se retourner pour rejoindre le site de la Côte d’Opale. Je lui ai conseillé de voir un psychologue pour préserver son équilibre affectif.
J’ai quitté la capitale rémoise à dix-huit heures sous une pluie battante.
Depuis l’aire de repos où je me suis arrêté, je suis maintenant à quelques kilomètres de la sortie. Je ne suis pas spécialement pressé puisque Alice est du soir. Elle rentrera vers 22 heures. J’essaye de m’assoupir mais le bruit de la pluie sur la carrosserie est trop violent. Je décide de me remettre en route à petite vitesse. Je sors de l’autoroute une demi-heure plus tard et passé le rond-point, j’emprunte la route d’Étaples. La pluie a redoublé. On n’y voit presque rien avec la buée qui s’est formée et l’eau qui n’arrive pas a s’évacuer suffisamment rapidement sous les essuie-glaces.
La route est déserte. Dans l’obscurité, je distingue droit devant une forme qui gesticule sur la voie d’en face. A priori, il y a quelque chose sur la route. Des phares devant moi viennent m’éblouir. Je distingue maintenant une moto couchée par terre avec un casque coincé dessous et quelqu’un à côté qui fait des signes désespérés pour prévenir du danger. Je suis à vingt mètres, impossible de m’arrêter. Les phares en face se déportent sur ma voie. Je comprends qu’il n’y aura pas assez de place pour tout le monde et je me jette contre la glissière de sécurité, debout sur les freins. Le véhicule d’en face semble lui aussi en perdition. Juste avant l’impact, j’ai le temps de reconnaître la cabine d’un semi-remorque. Après, il y a eu un bruit assourdissant. J’ai l’impression que mon véhicule s’est enroulé sur la glissière de sécurité avec moi dedans tant la violence du choc a été terrible. D’un seul coup, tout s’est éteint ; les phares, les lumières sur mon tableau de bord, plus rien que la nuit. J’ai très mal au visage. Il y a quelque chose qui appuie sur ma tête. Le pare-brise a éclaté. Je ne sens plus mes jambes. Mon bras gauche est en sang dans une position bizarre. Le volant malgré l’airbag m’est rentré dans le thorax. J’ai du mal à respirer. Je sens une forte odeur de gasoil. Les tôles continuent de craquer. Mon visage est en feu tellement la douleur est intense maintenant, je n’arrive même plus à ouvrir les yeux, je voudrais appeler mais je n’arrive pas à parler.
Je … Je …
Il fait nuit. Il pleut des cordes. Les essuie-glaces sont au maximum. Je n’y vois rien. Un vrai temps de chien. Je fais une pause sur la dernière aire d’autoroute avant la sortie. Je vais bientôt retrouver les bras d’Alice. Je suis fatigué, énervé par cette journée où rien n’a été.
Ce matin, j’ai dû monter sur Reims en urgence. Le directeur du site est furieux. Marie accuse un de ses proches collaborateurs de harcèlement sexuel et d’attouchements. Vrai, faux, je n’en sais rien. Moi je n’ai rien constaté d’anormal et Marie ne s’est jamais plainte d’un quelconque comportement déviant. Elle m’a juste dit une fois au téléphone qu’une personne du site était un peu lourde mais qu’elle gérait. Ceci étant, Gaétan confirme que ledit monsieur passe fréquemment dans son bureau le matin, l’après-midi et en fin de service. Parfois aussi, il l’a fait convoquer par sa secrétaire. Dans tous les cas, elle sort exaspérée et lorsqu’elle est conviée, elle y va à reculons. Il arrive souvent en rentrant qu’elle s’enferme décontenancée dans son bureau pour pleurer.
Le directeur rencontré m’a demandé de licencier Marie pour faute grave. Je lui ai proposé de déplacer ma collaboratrice sur un autre site le temps d’y voir plus clair et de calmer les esprits et qu’il en fasse autant avec son collaborateur. Il m’a tout simplement ri au nez en me menaçant de rompre le contrat si je n’obtempérais pas sur le champ. J’ai refusé l’injonction. Devant la tournure qu’a pris cet entretien, je l’ai informé que je ne chercherais pas m’opposer à un quelconque dépôt de plainte si ma collaboratrice le jugeait nécessaire.
Fort de cet entretien, j’ai accompagné Marie au commissariat de police où nous avons passé toute l’après-midi en audition et à priori ce monsieur n’en n’est pas à son coup d’essai. Une autre plainte est toujours en instance et les deux précédentes ont bizarrement été retirées coup sur coup par les plaignantes. J’ai placé Marie en congés le temps qu’elle puisse se retourner pour rejoindre le site de la Côte d’Opale. Je lui ai conseillé de voir un psychologue pour préserver son équilibre affectif.
J’ai quitté la capitale rémoise à dix-huit heures sous une pluie battante.
Depuis l’aire de repos où je me suis arrêté, je suis maintenant à quelques kilomètres de la sortie. Je ne suis pas spécialement pressé puisque Alice est du soir. Elle rentrera vers 22 heures. J’essaye de m’assoupir mais le bruit de la pluie sur la carrosserie est trop violent. Je décide de me remettre en route à petite vitesse. Je sors de l’autoroute une demi-heure plus tard et passé le rond-point, j’emprunte la route d’Étaples. La pluie a redoublé. On n’y voit presque rien avec la buée qui s’est formée et l’eau qui n’arrive pas a s’évacuer suffisamment rapidement sous les essuie-glaces.
La route est déserte. Dans l’obscurité, je distingue droit devant une forme qui gesticule sur la voie d’en face. A priori, il y a quelque chose sur la route. Des phares devant moi viennent m’éblouir. Je distingue maintenant une moto couchée par terre avec un casque coincé dessous et quelqu’un à côté qui fait des signes désespérés pour prévenir du danger. Je suis à vingt mètres, impossible de m’arrêter. Les phares en face se déportent sur ma voie. Je comprends qu’il n’y aura pas assez de place pour tout le monde et je me jette contre la glissière de sécurité, debout sur les freins. Le véhicule d’en face semble lui aussi en perdition. Juste avant l’impact, j’ai le temps de reconnaître la cabine d’un semi-remorque. Après, il y a eu un bruit assourdissant. J’ai l’impression que mon véhicule s’est enroulé sur la glissière de sécurité avec moi dedans tant la violence du choc a été terrible. D’un seul coup, tout s’est éteint ; les phares, les lumières sur mon tableau de bord, plus rien que la nuit. J’ai très mal au visage. Il y a quelque chose qui appuie sur ma tête. Le pare-brise a éclaté. Je ne sens plus mes jambes. Mon bras gauche est en sang dans une position bizarre. Le volant malgré l’airbag m’est rentré dans le thorax. J’ai du mal à respirer. Je sens une forte odeur de gasoil. Les tôles continuent de craquer. Mon visage est en feu tellement la douleur est intense maintenant, je n’arrive même plus à ouvrir les yeux, je voudrais appeler mais je n’arrive pas à parler.
Je … Je …
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