Chapitre XXIV (Suite)
Cette nuit là, nous avons regagné notre chambre comme des amoureux enchantés, après un dernier baiser sous la voûte stellaire. Avec une précaution infinie nous nous sommes glissés dans le lit, chacun de son côté pour mieux se retrouver sous les couvertures, en silence, juste avec nos yeux, nos lèvres, nos doigts et nos sourires complices. Le sommeil est venu sournois comme un intrus, sans même oser frapper à la porte.
Au petit matin de ce mercredi, je me suis réveillé en pleine forme. Sur l’oreiller d’en face, il y a une petite peluche assise qui me fixe de ses grands yeux bleus ; un ours brun avec dans ses bras tendus, un petit bout de papier sur lequel elle a écrit ce simple mot : « Merci mon chéri. ».
Je suis subjugué par la délicatesse de mon amoureuse. Je n’ai pas entendu Alice se lever et je ne sais même pas quelle heure il est. Le jour pointe à travers les rideaux de la petite fenêtre. C'est un signe. Je saute du lit pour jeter un œil à l’extérieur. Youki s’étire nonchalamment dans la cour.
Je saisis mon bermuda et quelques vêtements et me voilà dehors. Youki s’empresse de me saluer de sa queue volage. Je frappe à la porte, pas de réponse. Je rentre dans la cuisine, personne. J’appelle, rien, pas un bruit. La cafetière est encore chaude. Je me sers un café, un deuxième. Pour le troisième, je décide de le prendre sur la terrasse, au soleil matinal. Youki mendie le morceau de sucre qu’il n’a pas dû avoir au petit déjeuner. Je m’exécute et il me remercie en posant une patte fraîche sur ma jambe. J’entends au loin un bruit de machine mais je ne vois rien, juste un nuage de poussière au fond d’un champs. Je vide ma tasse et je décide d’aller voir.
Il est neuf heures. Roger, Chantal et Alice sont aux foins. Je suis éberlué. Chantal conduit un tracteur derrière lequel une moissonneuse ancestrale avale le fourrage fraîchement coupé la veille par Roger pour le transformer en bottes de foin dans un bruit mécanique assourdissant. Roger à coups de fourche charge les bottes sur une remorque attelée elle aussi à un autre tracteur et Alice, debout sur la remorque réceptionne les bottes de foin et les empile à la main. Lorsqu’il n’y a plus de bottes à proximité, Roger monte sur le tracteur pour avancer d'une dizaine de mètres et reprendre le chargement. A mon arrivée, tout ce petit monde s’arrête de travailler et Alice descend péniblement de son perchoir pour venir chercher mes bras avec un sourire embarrassé.
- Bonjour Pascal. Bien dormi ? me lance jovialement Roger.
- Bonjour tout le monde, Oui très bien. Quand je me suis réveillé, j’ai entendu du bruit alors je suis venu voir. J’ai un peu abusé du café encore chaud. J’espère que vous ne m’en voudrez-pas.
- Non, pas du tout Pascal. Tu as bien fait me dit Chantal avec un petit sourire. Je l’avais gardé au chaud exprès pour toi.
- Merci Chantal. Je vais vous donner un coup de main si vous voulez ?
Je prends Alice à part, prétextant un bonjour amoureux.
- Tu leurs as dit ?
- Non. Ils ne savent pas pour mon opération. Mais tu sais, ici, c’est la campagne. On a pas le droit d’être malade. Quand il y a du travail, il faut y aller. C'est comme ça.
- Mais tu es folle ! Te rends-tu compte du risque que tu prends. Tes seins sont à peine cicatrisés.
- Quand on fait l’amour, mon chéri, je prends autant de risque si ce n’est plus ; il suffirait que tu t’affales sur moi et paf. Mais je te rassure, pour l’instant ça va. Demain en début d’après-midi, ils annoncent de la pluie. Il faut en mettre coup aujourd’hui. On n'a pas le choix. Lorsque l’herbe est mouillée, c'est trop tard. On ne peux plus la stocker sinon ça chauffe trop et le foin peut mettre le feu à la grange.
- Mais pourquoi tu ne m’en as pas parler ? Je suis capable de comprendre ces choses là !
- Oui, je sais mon chéri mais tu dormais si bien que je n’ai pas voulu te réveiller et de toute façon, tu n’aurais pas été d’accord pour me laisser y aller.
- Dans ton état, évidemment que je ne peux pas cautionner. Ce n’est pas raisonnable.
- Je t’ai menti Pascal. Je ne suis pas venue ici pour me reposer. Je suis venue pour leurs donner un coup de main. A deux, la fenaison c’est juste impossible et cet été, avec la sécheresse, ils n’ont pas ramassé assez de fourrage pour passer l’hiver. Ils m’ont demandé de venir les aider. J’ai accepté.
- Je comprends ma puce mais ça reste de la pure folie.
Je réfléchis quelques secondes.
- Bon ok. Je te propose une solution : Tu vas conduire le tracteur qui tire la remorque de foin et moi je rangerai la-haut les ballots que Roger me passera. En plus, on ira beaucoup plus vite à quatre qu’à trois. Ça te va ?
- Tu ne sauras pas faire mon cœur. C’est tout un art pour que ça tienne jusqu'à la grange.
- Commence déjà par me montrer et on avisera après. Alors c’est d’accord ?
- Bon, d’accord si tu y tiens mais je te préviens. Tu auras les mains toutes abîmées, tu auras mal au dos, aux jambes, un peu partout.
- Je m’en fous ma puce. Tu as déjà bien dégusté avec ton opération. Et maintenant qu’on retrouve un peu de sérénité, je m’en voudrais s’il t’arrivait quoi que ce soit. Ce serait vraiment trop con. Allez embrasse moi et on y va.
J’expose le mode opératoire envisagé à Roger et Chantal. Roger me lance un défi avec un grand sourire et un ton narquois :
- On va voir ce qu’ils savent faire les gens de la ville.
- On va voir Roger, on va voir lui répondis-je amusé.
Le challenge est donné ; la ville contre la campagne, même si je ne me fais aucune illusion.
Alice et moi, on monte tous les deux sur la remorque et je retrouve mon institutrice préférée. L’élève très attentionné que je suis ne tarde pas à faire ses premières bêtises.
- Non pas comme ça.
- Eh bé ! Pourquoi ?
- Parce que ça va pas tenir jusqu’à la grange. Il faut impérativement les mettre en quinconce très serrés sinon au premier cahot, tout va s’effondrer.
- Bon d’accord. Un bi bi !
- Pas à chaque ballot quand même. Gros gourmand.
- Pff ! Toujours aussi radine, toi !
J’hallucine devant la force de Roger. A l’aide d’une fourche, il saisit les bottes de foin au sol pour les propulser à plusieurs mètres de hauteur sur la remorque. Le mouvement est si ample qu’il semble facile, presque sans effort. J'essayerai un peu plus tard en catimini, sans témoin heureusement, pour me rendre compte consterné que je peine à n'en soulever un seul.
Alice finit par estimer que je suis apte à me débrouiller tout seul. Elle descend de la remorque pour piloter le tracteur. Je me retrouve seul avec ma volonté et mes incertitudes. L’avantage, c’est qu’on avance bon train et on a même fini par rattraper Chantal qui constitue maintenant le maillon faible. Avec Alice on part décharger la remorque dans le hangar pendant que Roger commence à faucher une nouvelle parcelle en nous attendant.
Debout dans la cabine du tracteur, j’admire mon amoureuse. Elle est sensationnelle. Elle sait tout faire. Et ce que j’aime le plus c’est lorsqu’elle me gratifie son sourire joyeux, empreint de fierté. Dans la grange le déchargement de la remorque n’est pas une mince affaire d’autant que le foin donne des idées, probablement des vertus aphrodisiaques.
Ce jour-là, on fera cinq remorques et le soir venu, je n’ai pas demandé mon reste. Demain on devrait pouvoir en faire au moins deux de plus avant la pluie.
- Alors les travaux des champs, ça te plaît ?
- Crevé ma puce. Je ne pensais pas que c’était aussi physique. Dis-moi, quand je me suis promené seul, là-haut, il y a une maisonnette qui dépareille toute en pierre du pays elle aussi mais de construction beaucoup plus récente. On dirait une résidence secondaire, avec une terrasse qui plonge sur la vallée.
- J’avais ma meilleure amie qui habitait là-bas. Elle s’appelait Julie. Elle avait un énorme chien tout blanc tout comme son cheval d’ailleurs. C’est mon père qui le gardait. J’admirais cette fille, un vrai garçon manqué. Elle ne venait que pendant les vacances. Le reste de l’année elle habitait du côté de Rouen je crois. On s’est perdue de vue depuis.
- Ça va tes seins ?
- Oui ça va mon chérie. Ça tire un peu mais ça va. Donne-moi ta main et dodo maintenant.
Je me suis endormi épuisé, ma main rugueuse dans celle tout aussi écaillée de ma fiancée.
Cette nuit là, nous avons regagné notre chambre comme des amoureux enchantés, après un dernier baiser sous la voûte stellaire. Avec une précaution infinie nous nous sommes glissés dans le lit, chacun de son côté pour mieux se retrouver sous les couvertures, en silence, juste avec nos yeux, nos lèvres, nos doigts et nos sourires complices. Le sommeil est venu sournois comme un intrus, sans même oser frapper à la porte.
Au petit matin de ce mercredi, je me suis réveillé en pleine forme. Sur l’oreiller d’en face, il y a une petite peluche assise qui me fixe de ses grands yeux bleus ; un ours brun avec dans ses bras tendus, un petit bout de papier sur lequel elle a écrit ce simple mot : « Merci mon chéri. ».
Je suis subjugué par la délicatesse de mon amoureuse. Je n’ai pas entendu Alice se lever et je ne sais même pas quelle heure il est. Le jour pointe à travers les rideaux de la petite fenêtre. C'est un signe. Je saute du lit pour jeter un œil à l’extérieur. Youki s’étire nonchalamment dans la cour.
Je saisis mon bermuda et quelques vêtements et me voilà dehors. Youki s’empresse de me saluer de sa queue volage. Je frappe à la porte, pas de réponse. Je rentre dans la cuisine, personne. J’appelle, rien, pas un bruit. La cafetière est encore chaude. Je me sers un café, un deuxième. Pour le troisième, je décide de le prendre sur la terrasse, au soleil matinal. Youki mendie le morceau de sucre qu’il n’a pas dû avoir au petit déjeuner. Je m’exécute et il me remercie en posant une patte fraîche sur ma jambe. J’entends au loin un bruit de machine mais je ne vois rien, juste un nuage de poussière au fond d’un champs. Je vide ma tasse et je décide d’aller voir.
Il est neuf heures. Roger, Chantal et Alice sont aux foins. Je suis éberlué. Chantal conduit un tracteur derrière lequel une moissonneuse ancestrale avale le fourrage fraîchement coupé la veille par Roger pour le transformer en bottes de foin dans un bruit mécanique assourdissant. Roger à coups de fourche charge les bottes sur une remorque attelée elle aussi à un autre tracteur et Alice, debout sur la remorque réceptionne les bottes de foin et les empile à la main. Lorsqu’il n’y a plus de bottes à proximité, Roger monte sur le tracteur pour avancer d'une dizaine de mètres et reprendre le chargement. A mon arrivée, tout ce petit monde s’arrête de travailler et Alice descend péniblement de son perchoir pour venir chercher mes bras avec un sourire embarrassé.
- Bonjour Pascal. Bien dormi ? me lance jovialement Roger.
- Bonjour tout le monde, Oui très bien. Quand je me suis réveillé, j’ai entendu du bruit alors je suis venu voir. J’ai un peu abusé du café encore chaud. J’espère que vous ne m’en voudrez-pas.
- Non, pas du tout Pascal. Tu as bien fait me dit Chantal avec un petit sourire. Je l’avais gardé au chaud exprès pour toi.
- Merci Chantal. Je vais vous donner un coup de main si vous voulez ?
Je prends Alice à part, prétextant un bonjour amoureux.
- Tu leurs as dit ?
- Non. Ils ne savent pas pour mon opération. Mais tu sais, ici, c’est la campagne. On a pas le droit d’être malade. Quand il y a du travail, il faut y aller. C'est comme ça.
- Mais tu es folle ! Te rends-tu compte du risque que tu prends. Tes seins sont à peine cicatrisés.
- Quand on fait l’amour, mon chéri, je prends autant de risque si ce n’est plus ; il suffirait que tu t’affales sur moi et paf. Mais je te rassure, pour l’instant ça va. Demain en début d’après-midi, ils annoncent de la pluie. Il faut en mettre coup aujourd’hui. On n'a pas le choix. Lorsque l’herbe est mouillée, c'est trop tard. On ne peux plus la stocker sinon ça chauffe trop et le foin peut mettre le feu à la grange.
- Mais pourquoi tu ne m’en as pas parler ? Je suis capable de comprendre ces choses là !
- Oui, je sais mon chéri mais tu dormais si bien que je n’ai pas voulu te réveiller et de toute façon, tu n’aurais pas été d’accord pour me laisser y aller.
- Dans ton état, évidemment que je ne peux pas cautionner. Ce n’est pas raisonnable.
- Je t’ai menti Pascal. Je ne suis pas venue ici pour me reposer. Je suis venue pour leurs donner un coup de main. A deux, la fenaison c’est juste impossible et cet été, avec la sécheresse, ils n’ont pas ramassé assez de fourrage pour passer l’hiver. Ils m’ont demandé de venir les aider. J’ai accepté.
- Je comprends ma puce mais ça reste de la pure folie.
Je réfléchis quelques secondes.
- Bon ok. Je te propose une solution : Tu vas conduire le tracteur qui tire la remorque de foin et moi je rangerai la-haut les ballots que Roger me passera. En plus, on ira beaucoup plus vite à quatre qu’à trois. Ça te va ?
- Tu ne sauras pas faire mon cœur. C’est tout un art pour que ça tienne jusqu'à la grange.
- Commence déjà par me montrer et on avisera après. Alors c’est d’accord ?
- Bon, d’accord si tu y tiens mais je te préviens. Tu auras les mains toutes abîmées, tu auras mal au dos, aux jambes, un peu partout.
- Je m’en fous ma puce. Tu as déjà bien dégusté avec ton opération. Et maintenant qu’on retrouve un peu de sérénité, je m’en voudrais s’il t’arrivait quoi que ce soit. Ce serait vraiment trop con. Allez embrasse moi et on y va.
J’expose le mode opératoire envisagé à Roger et Chantal. Roger me lance un défi avec un grand sourire et un ton narquois :
- On va voir ce qu’ils savent faire les gens de la ville.
- On va voir Roger, on va voir lui répondis-je amusé.
Le challenge est donné ; la ville contre la campagne, même si je ne me fais aucune illusion.
Alice et moi, on monte tous les deux sur la remorque et je retrouve mon institutrice préférée. L’élève très attentionné que je suis ne tarde pas à faire ses premières bêtises.
- Non pas comme ça.
- Eh bé ! Pourquoi ?
- Parce que ça va pas tenir jusqu’à la grange. Il faut impérativement les mettre en quinconce très serrés sinon au premier cahot, tout va s’effondrer.
- Bon d’accord. Un bi bi !
- Pas à chaque ballot quand même. Gros gourmand.
- Pff ! Toujours aussi radine, toi !
J’hallucine devant la force de Roger. A l’aide d’une fourche, il saisit les bottes de foin au sol pour les propulser à plusieurs mètres de hauteur sur la remorque. Le mouvement est si ample qu’il semble facile, presque sans effort. J'essayerai un peu plus tard en catimini, sans témoin heureusement, pour me rendre compte consterné que je peine à n'en soulever un seul.
Alice finit par estimer que je suis apte à me débrouiller tout seul. Elle descend de la remorque pour piloter le tracteur. Je me retrouve seul avec ma volonté et mes incertitudes. L’avantage, c’est qu’on avance bon train et on a même fini par rattraper Chantal qui constitue maintenant le maillon faible. Avec Alice on part décharger la remorque dans le hangar pendant que Roger commence à faucher une nouvelle parcelle en nous attendant.
Debout dans la cabine du tracteur, j’admire mon amoureuse. Elle est sensationnelle. Elle sait tout faire. Et ce que j’aime le plus c’est lorsqu’elle me gratifie son sourire joyeux, empreint de fierté. Dans la grange le déchargement de la remorque n’est pas une mince affaire d’autant que le foin donne des idées, probablement des vertus aphrodisiaques.
Ce jour-là, on fera cinq remorques et le soir venu, je n’ai pas demandé mon reste. Demain on devrait pouvoir en faire au moins deux de plus avant la pluie.
- Alors les travaux des champs, ça te plaît ?
- Crevé ma puce. Je ne pensais pas que c’était aussi physique. Dis-moi, quand je me suis promené seul, là-haut, il y a une maisonnette qui dépareille toute en pierre du pays elle aussi mais de construction beaucoup plus récente. On dirait une résidence secondaire, avec une terrasse qui plonge sur la vallée.
- J’avais ma meilleure amie qui habitait là-bas. Elle s’appelait Julie. Elle avait un énorme chien tout blanc tout comme son cheval d’ailleurs. C’est mon père qui le gardait. J’admirais cette fille, un vrai garçon manqué. Elle ne venait que pendant les vacances. Le reste de l’année elle habitait du côté de Rouen je crois. On s’est perdue de vue depuis.
- Ça va tes seins ?
- Oui ça va mon chérie. Ça tire un peu mais ça va. Donne-moi ta main et dodo maintenant.
Je me suis endormi épuisé, ma main rugueuse dans celle tout aussi écaillée de ma fiancée.
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