CHAPITRE 107 (Paris) (Le SDF) (suite)
« Retour en arrière à la veille dans la journée »
Pierre est à l’agence de la DBIFC de Paris quand son téléphone sonne et qu’il décroche en souriant quand il lit sur l’écran qui l’appelle.
- Allô chérie ?
- …
Pierre surpris du ton hystérique de sa femme.
- Calme-toi allons !! Redis-moi ça plus calmement parce que là, je n’ai absolument rien compris !!
- …
- Oui bien sûr que je vois qui c’est !! Je lui donne même une pièce à chaque fois que je le croise !!
- …
- De quoi ??? Répète un peu !!!
- …
- Comment tu sais ça d’abord ?
- …
- Bien sûr que je me rappelle que tu m’en as parlé, mais je ne pensais pas… Ça alors !!!! Tu as été le voir ? Tu lui as parlé ? Tu es certaine que c’est le même garçon que sur les dessins de Florian ?
- …
- Écoute chérie !! On en discute ce soir, pour l’instant je ne peux pas faire grand-chose et non seulement j’ai du travail, mais il faut aussi que je réfléchisse avant de faire quoi que ce soit pour aider ce gamin.
- …
- Non !! Surtout pas !! Notre fils a déjà assez de choses à débrouiller sans qu’on en rajoute, nous mettrons quelque chose au point ce soir !!
- …
- Que veux-tu qu’il lui arrive ? Ça fait déjà plusieurs mois qu’il fait la manche ici, ce n’est plus à une journée près et puis comme je te l’ai déjà dit chérie, il faut me laisser le temps de réfléchir. On ne sort pas comme ça un jeune homme de la rue, je lui dis quoi ? Viens mon garçon, il me semble que tu étais l’ami de mon fils dans une autre vie ?
- …
- Tu trouves ça drôle en plus ? Bon !! On en discute ce soir, bisous !!
- …
Pierre raccroche, son visage soucieux démontre que ce qu’il vient d’apprendre le touche particulièrement. Sans doute parce qu’il ressentait déjà quelque chose pour ce jeune garçon dont la misère mais surtout l’extrême douceur de ses traits et de sa voix le touchait vraiment et qu’il s’était également plusieurs fois posé la question de ce qu’il pourrait faire pour l’aider sans paraître avoir des vues sur lui comme beaucoup pourraient en avoir en le regardant de plus près.
Pierre sourit de cette pensée qui ne lui serait certainement jamais venue avant d’avoir eu cette conversation avec son fils sur ses amours entre garçons et soupire en reprenant son travail là où il l’avait interrompu avant l’appel de sa femme.
***/***
« Soirée chez les De Bierne »
- Tu es certaine alors que c’est bien de ce jeune homme qu’il s’agit ?
- (Hellènes) Puisque je te le dis !! J’ai été suffisamment subjugué par le visage d’ange de ce garçon pour m’en souvenir et quand j’ai aperçu ce mendiant dans la rue, ça m’a immédiatement fait un choc à l’estomac.
- De toute façon ce n’est pas si grave que ça que ce soit lui ou pas !! J’avais déjà envisagé de lui venir en aide et ton coup de téléphone fera juste que je me décide enfin à le faire !!
- (Hellènes) Je crois pouvoir te montrer quelque chose qui te fera y croire, attends-moi là !!
Hellènes se lève de son fauteuil et va tout droit dans la chambre de son fils pour revenir avec la poubelle où plusieurs feuilles à dessins s’y trouvent en boules et visiblement jetées là par Florian mais également quelques feuilles fripées qu’elle avait déjà dépliées et qu’elle avait laissées sur le bureau pour demander à son fils s’il voulait vraiment les jeter.
- Regarde ce que j’ai trouvé dans la poubelle de « Flo » ??
- (Pierre amusé) Depuis quand tu fais ses poubelles toi ?
- Depuis que j’ai vu ses dessins et que ma curiosité a été plus forte que tout quand je me suis aperçue de quoi elle était remplie !!
- Qu’as-tu donc trouvé ? Une esquisse de ce garçon je présume ?
Hellènes lui tend plusieurs feuilles.
- Si tu appelles ça une esquisse !! Moi j’appelle ça un chef-d’œuvre, regarde !!
Pierre a d’abord un sourire ironique en pensant que sa femme, comme toute mère n’est absolument pas objective quand il s’agit de juger des choses crées par un de leur enfant et a alors plus que tendance à en rajouter.
Son sourire toutefois ne tient pas longtemps devant les portraits qu’il a devant les yeux et les cinq garçons qui y sont croqués, il n’en reconnaît pourtant qu’un seul sans avoir souvenir de l’existence des quatre autres sauf bien sûr celui qui semble le plus fragile et dans lequel il reconnaît le jeune SDF sans erreur possible de sa part.
Le fait qu’ils soient cinq avec Yuan et que Florian lui ait révélé avoir eu dans ses souvenirs cinq amants, fait comme un flash dans la tête de Pierre qui comprend soudainement l’importance de ce jeune homme pour son fils.
Ses yeux ne peuvent d’ailleurs pas se détacher des portraits, mais surtout de la beauté resplendissante qui émane de ces visages et il n’est pas plus que ça étonné quand sa femme pointe son doigt sur l’un d’eux en particulier.
- Ce doit être celui-là le fameux Thomas !! Tu verrais le portrait de ce garçon qu’a fait ton fils !! Brrr !! J’en ai encore des frissons rien que d’y penser!!
CHAPITRE 108 (Paris) (Le SDF) (Fin)
« Retour en arrière, le matin avant la rencontre »
Pierre s’est levé tôt ce matin-là, déjà et c’est la raison principale parce qu’il n’arrivait pas à trouver le sommeil mais aussi pour être certain de ne pas manquer le garçon et ce même s’il ne se rappelle pas qu’il ait raté une seule journée, du moins pour celles où lui passait par cette route.
Il gare sa voiture en amont du carrefour, juste à quelques dizaines de mètres à peine et attend en écoutant à la radio les informations qui comme à leur habitude ne donnent que des mauvaises nouvelles et que ce soit des combats aux quatre coins du monde ou des accidents plus près de chez nous, il y a décidément toujours quelque chose qui tourne mal dans ce bas monde.
Pierre se dit que pour une fois ils pourraient annoncer quelque chose de joyeux ou au moins de rassurant, mais cette fois encore ce n’est que le lot habituel de chômage, pollution, crise économique, accident et tuerie qui dessert l’actualité du jour.
En parlant de tuerie, Pierre repense aux informations de la veille ou l’arrestation d’un tueur en série a été annoncé sans entrer dans les détails des découvertes macabres qui ont suivi sa capture et se félicite que le courrier de Florian ait été pris au sérieux aussi rapidement car il ne doute pas un instant que ce soit bien de la même personne qu’il s’agit, encore un d’arrêter pense-t-il alors mais ça ne changera pas grand-chose dans ce bas monde manquant de plus en plus d’humanité et de compassion.
Bien sûr cet hiver au moment des grands froids, quelques médias feront leur une de la misère humaine et il se dit que lui ce jour même et surtout sans faire d’effet d’annonce, fera en sorte d’en sortir au moins un de sa triste condition.
C’est à ce moment précis où il aperçoit la silhouette frêle et misérable du jeune blondinet sortir d’une petite rue, la démarche lente et hésitante montrant sa faiblesse, mais surtout à quel point de solitude et de misère il en est arrivé.
Pierre voit son regard qui se porte vers la boulangerie, il capte également le geste que le garçon fait à fouiller dans sa poche pour n’en ressortir certainement que quelques maigres centimes, trop peu apparemment pour qu’il les remette en poche et s’avance la main tendue et misérable vers le carrefour, lui faisant nerveusement mettre le contact pour démarrer la voiture et sans plus attendre aller à sa rencontre.
Les pensées de Pierre sont obnubilées par l’état de misère et de détresse physique tout autant que morale qu’il perçoit de ce gamin amaigri, il lui semble même qu’il soit encore plus chétif que lors de la dernière fois qu’il l’a vu et qui ne remonte qu’à quelques semaines.
Il ralentit son véhicule en s’approchant de lui, sourit néanmoins quand le visage angélique du garçon se tourne vers lui et le reconnais en lui adressant à son tour un maigre sourire, montrant la reconnaissance qu’il a par avance de la pièce qu’il va recevoir de lui.
Pierre lit la surprise dans ses yeux quand il ouvre la portière passager au lieu de baisser la vitre comme il le fait habituellement et qu’il l’invite à monter dans la voiture pour venir avec lui, il capte son œil craintif qui se demande certainement pourquoi et surtout s’il doit lui faire confiance et le suivre.
Pierre le fait enfin réellement sourire quand il lui parle de ce que risquent de penser les gens de lui s’il attend trop longtemps de prendre sa décision, il lit la même surprise sur son visage qu’Antonin a également ressenti quand il se retrouve assis à côté de cet homme sans réfléchir et surtout en ne s’en rendant compte qu’une fois chose faite.
Pierre voit bien combien il se retrouve troublé de son geste.
- N’aie aucune crainte, mes intentions à ton égard n’ont que pour but de t’aider à t’en sortir !! Moi c’est Pierre et tu vas bientôt connaître mon épouse qui se prénomme Hellènes !!
- Moi c’est…
- (Pierre) Laisse-moi deviner s’il te plaît !! J’ai une chance sur trois de tomber bon du premier coup Hi ! Hi !
L’air ahuri du garçon lui fait revenir aux choses sérieuses, se rendant bien compte de ce que ses paroles peuvent amener comme questions sur sa bonne santé mentale vis-à-vis de son jeune passager.
- Ne t’inquiète pas, je ne suis pas fou et tu sauras très vite pourquoi je crois connaître ton prénom !!
- Ce serait étonnant vous savez !! Je ne l’ai pas entendu prononcer depuis bien longtemps !!
***/***
Pierre est dans ses pensées tout en conduisant, il se remémore la conversation avec son fils quand celui-ci lui demandait s’il ne connaissait pas ses « chéris ».
Il a parlé de ceux du sud, Thomas et Éric !! Ensuite il lui a parlé de Yuan et de deux autres garçons !! Un certain Raphaël, mais il semble bien à Pierre que Florian en parlant de lui l’avait mis avec Éric donc dans le Sud !! Reste le dernier… Ah !! Comment c’était déjà !! Antonin !!! Oui c’est bien ce prénom, Pierre s’en rappelle bien maintenant et se tourne un instant vers son passager en lui faisant un léger clin d’œil.
***/***
- Ça va Antonin ??
La tête que fait le garçon n’appelle aucune réponse tellement elle marque l’extrême surprise d’Antonin de s’entendre appeler par son prénom.
Il devient soudainement livide, une main sur la poignée de la porte prêt à s’enfuir.
- Vous êtes de la police ?
- (Pierre surpris) Bien sûr que non !! Pourquoi te mets-tu dans un état pareil ? Tu as quelque chose à te reprocher?
CHAPITRE 109 (Camping du Pyla)
« Accueil du camping de la dune »
Jean s’éponge le front, enfin un peu de calme après cette dure journée consacrée comme chaque fin de semaine à placer les nouveaux arrivants sans les laisser trop attendre sous le soleil de plomb de ce samedi particulièrement chaud, voire même caniculaire.
Cette année encore le camping affiche presque complet aussi les voilà tous, lui et sa famille ainsi que ses employés saisonniers, sur la brèche pour satisfaire au mieux les desiderata de la clientèle cosmopolite qui cherche ses marques dans leur nouvel environnement de vacances.
Heureusement que son fils les a prévenus qu’il arrivait le lendemain pour les aider comme chaque année, laissant un temps les séances photos qui lui financent ses études.
Jean est fier de pouvoir mettre à la disposition de la clientèle les revues où Raphaël apparaît pour promouvoir une des marques qui l’ont retenu pour les représenter.
Son fils il doit bien le reconnaître est devenu un magnifique garçon qui arrête les regards sur lui, l’idée de faire du mannequinat qui au début il doit bien se l’avouer ne lui plaisait pas plus que ça, est devenue une fierté pour lui quand il s’est rendu compte que toutes les photos où il posait restaient décentes et ne montraient que le physique avantageux de son fils, dans des poses subjectives certes mais sans réelles connotations sexuelles ne l’exposant que pour présenter sur lui les vêtements des différentes marques qui paient pour ses services.
Ne serait-ce la santé précaire d’Anne son épouse, Jean serait très certainement ce que l’on pourrait appeler un homme comblé ; Aussi c’est avec rapidité en pensant justement à sa femme, qu’il ferme le bureau d’accueil pour aller la rejoindre afin de voir si tout va bien pour elle.
***/***
« Bordeaux »
Les derniers flashs de la journée stoppent enfin leurs crépitements incessants et amènent un sourire radieux à Raphaël, au grand dam des deux professionnels de la photo qui ont baissé leurs objectifs juste quelques secondes trop tôt.
- Rhrraaa !!! Pourquoi tu ne souriais pas comme ça tout à l’heure « Raphi » ??
Le jeune rouquin se contente d’un clin d’œil amusé et quitte le plateau de sa démarche féline naturelle qui amène comme bien souvent le tumulte dans les émotions de ceux qui sont présents lors des prises.
Ce n’est que quand il est sorti du studio que les deux hommes se regardent en soupirant quasiment en même temps, ce qui les fait sourire à leur tour.
- Il me dirait oui que je ne dirais pas non !!
- Sûr !! Ce garçon est une vraie bombe sexuelle et ne s’en rend même pas compte !!
- Tu le crois vraiment ?
- Si je te le dis !!
- Bah !! Peut-être que tu as raison !! C’est quand les prochains shoots pour les boxers Calvin Klein ?
- Fin août début septembre il me semble !! Oh !! Toi je te vois venir avec tes gros sabots, tu n’aurais pas dans l’idée de proposer le contrat à « Raphi » par hasard ?
- Si tu m’en trouves un plus sexy d’ici là, je veux bien y réfléchir sinon sûr que c’est pour lui !!
- Encore faudra-t-il qu’il accepte ? Rappelle-toi la pub Éminence, comment il a refusé quand on lui a dit qu’il devrait se mettre juste en slip devant les objectifs !!
- Oui mais c’était il y a deux ans et il était encore novice dans la profession et surtout beaucoup plus timide, rappelle-toi aussi ?
Le photographe sourit en sentant son sexe se redresser, la vision du jeune Raphaël à ses dix-huit ans venant frapper à leurs portes pour demander s’il n’y aurait pas possibilité pour lui de faire quelques photos contre un peu d’argent pour l’aider à payer ses études, est restée gravée pour toujours dans sa mémoire.
- Nous verrons bien !! De toute façon il n’en fera qu’à sa tête, trop conscient que nos clients le réclament à cor et à cri, tellement que ça en devient gênant pour les autres.
- Normal aussi !! Je trouve qu’il est de plus en plus craquant ce gamin !!
- Sa copine ne doit pas s’ennuyer avec lui c’est sur Hi ! Hi !
- Ou son copain, qui sait !!
- Ne rêve pas ma poule, il ne sera jamais pour nous et tu le sais bien, ce n’est pas faute d’avoir essayé Hi ! Hi !
- Et d’avoir pris le râteau de notre vie Hi ! Hi !
- Pourtant tu n’es pas un monstre ni moi non plus, alors il n’y a pas trente-six solutions !! C’est, ou il est hétéro pur et dur, ou il cherche l’introuvable et si c’est de ça qu’il s’agit je le plains de tout mon cœur parce que dans ce cas, il perd les plus belles années de sa vie.
- Tu en as oublié une, c’est qu’il soit déjà amoureux.
- Je ne crois pas, non !!
- Qu’est ce qui te fait dire ça ?
- Crois-moi sur parole !! Le jour où notre « Raphi » sera amoureux, je veux être là pour prendre les photos et ma notoriété sera faite pour longtemps !!
- Si Akira ne nous le souffle pas d’ici là !! Quelle connerie de les avoir réunis pour la dernière campagne de pub !! J’ai vu tout de suite à son premier regard qu’il a été captivé par Raphaël et je suis presque certain qu’il lui a déjà fait une proposition !!
- Ce serait déloyal de sa part !! C’est un peu aussi grâce à nous s’il est devenu ce qu’il est !!
- « Business is business » qu’est-ce que tu veux !! Nous aurions fait la même chose en plus !!
CHAPITRE 110 (Aix en Provence) (Dis !! Tu veux bien redevenir mon amie ?) (Fin)
L’émotion venant de l’étage est ressenti par tous les habitants de la maison, dans la minute qui suit les choses se précipitent à la vitesse de la poudre et bientôt à part bien sûr Maurice qui ronge son frein pour rester calme et à l’écoute, ils sont tous dans le salon le cœur battant à tout rompre.
Marc et Anne-Lise se tiennent nerveusement par la main et n’ont d’yeux que pour l’escalier où ils entendent des pas hésitants descendre vers eux, ne s’apercevant même pas que deux personnes encore inconnues pour eux sont entrées avec les autres en courant.
***/***
« Quelques instants plus tôt, à l’étage »
Chloé et Maryse pleurent de joies, n’en croyant pas ce que pourtant leurs yeux leur montrent sans possibilité d’erreur et elles finissent par se retrouver dans les bras l’une de l’autre, poussant des cris qui doivent assurément alerter tout le quartier.
Maryse remarque que la jeune fille par réflexe ne pose pas sa jambe au sol depuis qu’elle est debout, sans doute son cerveau n’y est-il plus habitué et c’est avec sérieux qu’elle lui en fait la remarque, pensant que peut-être la guérison miraculeuse n’est que superficielle en ne changeant rien à la douleur ni à l’atrophie de sa jambe.
- Tu as toujours mal ma grande ?
- (Chloé surprise) Je ne sens plus rien mamie !! Juste quelques picotements au début qui semblent disparaître petit à petit !!
- Alors pourquoi ne poses-tu pas ta jambe au sol pour t’appuyer dessus ?
Maryse voit bien l’effort de Chloé pour faire ce qu’elle vient de lui demander, elle remarque surtout l’appréhension d’en ressentir une quelconque douleur et que s’arrête là l’immense joie qu’elle ressent depuis que sa cicatrice a entièrement disparu.
- (Maryse) Aie confiance ma grande !! Essaie de marcher !!
- Ça me fait tout drôle mamie !!
- (Maryse) C’est dans ta tête, il faut le temps que tu te réhabitues à marcher normalement sans ta canne !!
Chloé a son sourire qui se fige quand elle pose enfin son pied au sol et devant les encouragements de Maryse, s’appuie dessus pour faire son premier pas.
Quelques picotements sans plus, voilà ce que ressent Chloé qui du coup prend petit à petit de l’assurance et tourne lentement autour de celle qu’elle a toujours appelée mamie et qui la regarde en riant les yeux rougis de larmes.
- Tu es guérie ma grande !! Viens avec moi rejoindre tes parents, ils ne vont pas en revenir tu sais ? J’espère qu’ils pardonneront à Florian toutes ces années difficiles que tu as vécues par la faute de l’autre !!
Chloé ne trouve pas les mots pour lui répondre, déjà parce qu’il lui faut le temps de se faire à l’idée de sa guérison et en plus à celle saugrenue qu’ils essaient de faire passer sur la nouvelle raison d’être de leur petit-fils, se contentant de prendre la vieille dame par les hanches pour descendre ensemble rejoindre les autres au salon.
Une fois en bas de l’escalier, la jeune fille remarque bien qu’il y a beaucoup de monde dans la pièce mais ne voit seulement que ses parents qui se tiennent debout en se serrant la main et dans un tel état d’émotion comme elle ne les a jamais vus, à la regarder se tenir debout sans sa canne.
Le trouble du moment est encore très fort, trop peut-être pour certains des invités qui larmoient et reniflent eux aussi devant ce qui pour beaucoup tient du miracle.
Chloé voit néanmoins un garçon se détacher des autres et venir vers elle, il la fixe dans les yeux comme s’ils se connaissaient depuis toujours et ça trouble la jeune fille qui sait bien maintenant à qui elle a affaire, seulement il semble si misérable dans son attitude qu’elle ne peut s’empêcher d’en sourire.
Il ressemble à un gamin pris la main dans le sac à faire une grosse bêtise et sa démarche hésitante en rajoute encore davantage dans cette impression, mais ce qui va la rendre muette d’étonnement et lui faire remonter une étrange émotion qu’elle ne se serait pas crue capable de ressentir de nouveau un jour pour lui après ce qu’il lui a fait subir, c’est quand il lui pose la question qui tue d’une voix timide et contrite ne lui donnant qu’une envie, celle de le prendre dans ses bras pour le réconforter.
- Dis Chloé !! Tu veux bien redevenir mon amie?
« Retour en arrière à la veille dans la journée »
Pierre est à l’agence de la DBIFC de Paris quand son téléphone sonne et qu’il décroche en souriant quand il lit sur l’écran qui l’appelle.
- Allô chérie ?
- …
Pierre surpris du ton hystérique de sa femme.
- Calme-toi allons !! Redis-moi ça plus calmement parce que là, je n’ai absolument rien compris !!
- …
- Oui bien sûr que je vois qui c’est !! Je lui donne même une pièce à chaque fois que je le croise !!
- …
- De quoi ??? Répète un peu !!!
- …
- Comment tu sais ça d’abord ?
- …
- Bien sûr que je me rappelle que tu m’en as parlé, mais je ne pensais pas… Ça alors !!!! Tu as été le voir ? Tu lui as parlé ? Tu es certaine que c’est le même garçon que sur les dessins de Florian ?
- …
- Écoute chérie !! On en discute ce soir, pour l’instant je ne peux pas faire grand-chose et non seulement j’ai du travail, mais il faut aussi que je réfléchisse avant de faire quoi que ce soit pour aider ce gamin.
- …
- Non !! Surtout pas !! Notre fils a déjà assez de choses à débrouiller sans qu’on en rajoute, nous mettrons quelque chose au point ce soir !!
- …
- Que veux-tu qu’il lui arrive ? Ça fait déjà plusieurs mois qu’il fait la manche ici, ce n’est plus à une journée près et puis comme je te l’ai déjà dit chérie, il faut me laisser le temps de réfléchir. On ne sort pas comme ça un jeune homme de la rue, je lui dis quoi ? Viens mon garçon, il me semble que tu étais l’ami de mon fils dans une autre vie ?
- …
- Tu trouves ça drôle en plus ? Bon !! On en discute ce soir, bisous !!
- …
Pierre raccroche, son visage soucieux démontre que ce qu’il vient d’apprendre le touche particulièrement. Sans doute parce qu’il ressentait déjà quelque chose pour ce jeune garçon dont la misère mais surtout l’extrême douceur de ses traits et de sa voix le touchait vraiment et qu’il s’était également plusieurs fois posé la question de ce qu’il pourrait faire pour l’aider sans paraître avoir des vues sur lui comme beaucoup pourraient en avoir en le regardant de plus près.
Pierre sourit de cette pensée qui ne lui serait certainement jamais venue avant d’avoir eu cette conversation avec son fils sur ses amours entre garçons et soupire en reprenant son travail là où il l’avait interrompu avant l’appel de sa femme.
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« Soirée chez les De Bierne »
- Tu es certaine alors que c’est bien de ce jeune homme qu’il s’agit ?
- (Hellènes) Puisque je te le dis !! J’ai été suffisamment subjugué par le visage d’ange de ce garçon pour m’en souvenir et quand j’ai aperçu ce mendiant dans la rue, ça m’a immédiatement fait un choc à l’estomac.
- De toute façon ce n’est pas si grave que ça que ce soit lui ou pas !! J’avais déjà envisagé de lui venir en aide et ton coup de téléphone fera juste que je me décide enfin à le faire !!
- (Hellènes) Je crois pouvoir te montrer quelque chose qui te fera y croire, attends-moi là !!
Hellènes se lève de son fauteuil et va tout droit dans la chambre de son fils pour revenir avec la poubelle où plusieurs feuilles à dessins s’y trouvent en boules et visiblement jetées là par Florian mais également quelques feuilles fripées qu’elle avait déjà dépliées et qu’elle avait laissées sur le bureau pour demander à son fils s’il voulait vraiment les jeter.
- Regarde ce que j’ai trouvé dans la poubelle de « Flo » ??
- (Pierre amusé) Depuis quand tu fais ses poubelles toi ?
- Depuis que j’ai vu ses dessins et que ma curiosité a été plus forte que tout quand je me suis aperçue de quoi elle était remplie !!
- Qu’as-tu donc trouvé ? Une esquisse de ce garçon je présume ?
Hellènes lui tend plusieurs feuilles.
- Si tu appelles ça une esquisse !! Moi j’appelle ça un chef-d’œuvre, regarde !!
Pierre a d’abord un sourire ironique en pensant que sa femme, comme toute mère n’est absolument pas objective quand il s’agit de juger des choses crées par un de leur enfant et a alors plus que tendance à en rajouter.
Son sourire toutefois ne tient pas longtemps devant les portraits qu’il a devant les yeux et les cinq garçons qui y sont croqués, il n’en reconnaît pourtant qu’un seul sans avoir souvenir de l’existence des quatre autres sauf bien sûr celui qui semble le plus fragile et dans lequel il reconnaît le jeune SDF sans erreur possible de sa part.
Le fait qu’ils soient cinq avec Yuan et que Florian lui ait révélé avoir eu dans ses souvenirs cinq amants, fait comme un flash dans la tête de Pierre qui comprend soudainement l’importance de ce jeune homme pour son fils.
Ses yeux ne peuvent d’ailleurs pas se détacher des portraits, mais surtout de la beauté resplendissante qui émane de ces visages et il n’est pas plus que ça étonné quand sa femme pointe son doigt sur l’un d’eux en particulier.
- Ce doit être celui-là le fameux Thomas !! Tu verrais le portrait de ce garçon qu’a fait ton fils !! Brrr !! J’en ai encore des frissons rien que d’y penser!!
CHAPITRE 108 (Paris) (Le SDF) (Fin)
« Retour en arrière, le matin avant la rencontre »
Pierre s’est levé tôt ce matin-là, déjà et c’est la raison principale parce qu’il n’arrivait pas à trouver le sommeil mais aussi pour être certain de ne pas manquer le garçon et ce même s’il ne se rappelle pas qu’il ait raté une seule journée, du moins pour celles où lui passait par cette route.
Il gare sa voiture en amont du carrefour, juste à quelques dizaines de mètres à peine et attend en écoutant à la radio les informations qui comme à leur habitude ne donnent que des mauvaises nouvelles et que ce soit des combats aux quatre coins du monde ou des accidents plus près de chez nous, il y a décidément toujours quelque chose qui tourne mal dans ce bas monde.
Pierre se dit que pour une fois ils pourraient annoncer quelque chose de joyeux ou au moins de rassurant, mais cette fois encore ce n’est que le lot habituel de chômage, pollution, crise économique, accident et tuerie qui dessert l’actualité du jour.
En parlant de tuerie, Pierre repense aux informations de la veille ou l’arrestation d’un tueur en série a été annoncé sans entrer dans les détails des découvertes macabres qui ont suivi sa capture et se félicite que le courrier de Florian ait été pris au sérieux aussi rapidement car il ne doute pas un instant que ce soit bien de la même personne qu’il s’agit, encore un d’arrêter pense-t-il alors mais ça ne changera pas grand-chose dans ce bas monde manquant de plus en plus d’humanité et de compassion.
Bien sûr cet hiver au moment des grands froids, quelques médias feront leur une de la misère humaine et il se dit que lui ce jour même et surtout sans faire d’effet d’annonce, fera en sorte d’en sortir au moins un de sa triste condition.
C’est à ce moment précis où il aperçoit la silhouette frêle et misérable du jeune blondinet sortir d’une petite rue, la démarche lente et hésitante montrant sa faiblesse, mais surtout à quel point de solitude et de misère il en est arrivé.
Pierre voit son regard qui se porte vers la boulangerie, il capte également le geste que le garçon fait à fouiller dans sa poche pour n’en ressortir certainement que quelques maigres centimes, trop peu apparemment pour qu’il les remette en poche et s’avance la main tendue et misérable vers le carrefour, lui faisant nerveusement mettre le contact pour démarrer la voiture et sans plus attendre aller à sa rencontre.
Les pensées de Pierre sont obnubilées par l’état de misère et de détresse physique tout autant que morale qu’il perçoit de ce gamin amaigri, il lui semble même qu’il soit encore plus chétif que lors de la dernière fois qu’il l’a vu et qui ne remonte qu’à quelques semaines.
Il ralentit son véhicule en s’approchant de lui, sourit néanmoins quand le visage angélique du garçon se tourne vers lui et le reconnais en lui adressant à son tour un maigre sourire, montrant la reconnaissance qu’il a par avance de la pièce qu’il va recevoir de lui.
Pierre lit la surprise dans ses yeux quand il ouvre la portière passager au lieu de baisser la vitre comme il le fait habituellement et qu’il l’invite à monter dans la voiture pour venir avec lui, il capte son œil craintif qui se demande certainement pourquoi et surtout s’il doit lui faire confiance et le suivre.
Pierre le fait enfin réellement sourire quand il lui parle de ce que risquent de penser les gens de lui s’il attend trop longtemps de prendre sa décision, il lit la même surprise sur son visage qu’Antonin a également ressenti quand il se retrouve assis à côté de cet homme sans réfléchir et surtout en ne s’en rendant compte qu’une fois chose faite.
Pierre voit bien combien il se retrouve troublé de son geste.
- N’aie aucune crainte, mes intentions à ton égard n’ont que pour but de t’aider à t’en sortir !! Moi c’est Pierre et tu vas bientôt connaître mon épouse qui se prénomme Hellènes !!
- Moi c’est…
- (Pierre) Laisse-moi deviner s’il te plaît !! J’ai une chance sur trois de tomber bon du premier coup Hi ! Hi !
L’air ahuri du garçon lui fait revenir aux choses sérieuses, se rendant bien compte de ce que ses paroles peuvent amener comme questions sur sa bonne santé mentale vis-à-vis de son jeune passager.
- Ne t’inquiète pas, je ne suis pas fou et tu sauras très vite pourquoi je crois connaître ton prénom !!
- Ce serait étonnant vous savez !! Je ne l’ai pas entendu prononcer depuis bien longtemps !!
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Pierre est dans ses pensées tout en conduisant, il se remémore la conversation avec son fils quand celui-ci lui demandait s’il ne connaissait pas ses « chéris ».
Il a parlé de ceux du sud, Thomas et Éric !! Ensuite il lui a parlé de Yuan et de deux autres garçons !! Un certain Raphaël, mais il semble bien à Pierre que Florian en parlant de lui l’avait mis avec Éric donc dans le Sud !! Reste le dernier… Ah !! Comment c’était déjà !! Antonin !!! Oui c’est bien ce prénom, Pierre s’en rappelle bien maintenant et se tourne un instant vers son passager en lui faisant un léger clin d’œil.
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- Ça va Antonin ??
La tête que fait le garçon n’appelle aucune réponse tellement elle marque l’extrême surprise d’Antonin de s’entendre appeler par son prénom.
Il devient soudainement livide, une main sur la poignée de la porte prêt à s’enfuir.
- Vous êtes de la police ?
- (Pierre surpris) Bien sûr que non !! Pourquoi te mets-tu dans un état pareil ? Tu as quelque chose à te reprocher?
CHAPITRE 109 (Camping du Pyla)
« Accueil du camping de la dune »
Jean s’éponge le front, enfin un peu de calme après cette dure journée consacrée comme chaque fin de semaine à placer les nouveaux arrivants sans les laisser trop attendre sous le soleil de plomb de ce samedi particulièrement chaud, voire même caniculaire.
Cette année encore le camping affiche presque complet aussi les voilà tous, lui et sa famille ainsi que ses employés saisonniers, sur la brèche pour satisfaire au mieux les desiderata de la clientèle cosmopolite qui cherche ses marques dans leur nouvel environnement de vacances.
Heureusement que son fils les a prévenus qu’il arrivait le lendemain pour les aider comme chaque année, laissant un temps les séances photos qui lui financent ses études.
Jean est fier de pouvoir mettre à la disposition de la clientèle les revues où Raphaël apparaît pour promouvoir une des marques qui l’ont retenu pour les représenter.
Son fils il doit bien le reconnaître est devenu un magnifique garçon qui arrête les regards sur lui, l’idée de faire du mannequinat qui au début il doit bien se l’avouer ne lui plaisait pas plus que ça, est devenue une fierté pour lui quand il s’est rendu compte que toutes les photos où il posait restaient décentes et ne montraient que le physique avantageux de son fils, dans des poses subjectives certes mais sans réelles connotations sexuelles ne l’exposant que pour présenter sur lui les vêtements des différentes marques qui paient pour ses services.
Ne serait-ce la santé précaire d’Anne son épouse, Jean serait très certainement ce que l’on pourrait appeler un homme comblé ; Aussi c’est avec rapidité en pensant justement à sa femme, qu’il ferme le bureau d’accueil pour aller la rejoindre afin de voir si tout va bien pour elle.
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« Bordeaux »
Les derniers flashs de la journée stoppent enfin leurs crépitements incessants et amènent un sourire radieux à Raphaël, au grand dam des deux professionnels de la photo qui ont baissé leurs objectifs juste quelques secondes trop tôt.
- Rhrraaa !!! Pourquoi tu ne souriais pas comme ça tout à l’heure « Raphi » ??
Le jeune rouquin se contente d’un clin d’œil amusé et quitte le plateau de sa démarche féline naturelle qui amène comme bien souvent le tumulte dans les émotions de ceux qui sont présents lors des prises.
Ce n’est que quand il est sorti du studio que les deux hommes se regardent en soupirant quasiment en même temps, ce qui les fait sourire à leur tour.
- Il me dirait oui que je ne dirais pas non !!
- Sûr !! Ce garçon est une vraie bombe sexuelle et ne s’en rend même pas compte !!
- Tu le crois vraiment ?
- Si je te le dis !!
- Bah !! Peut-être que tu as raison !! C’est quand les prochains shoots pour les boxers Calvin Klein ?
- Fin août début septembre il me semble !! Oh !! Toi je te vois venir avec tes gros sabots, tu n’aurais pas dans l’idée de proposer le contrat à « Raphi » par hasard ?
- Si tu m’en trouves un plus sexy d’ici là, je veux bien y réfléchir sinon sûr que c’est pour lui !!
- Encore faudra-t-il qu’il accepte ? Rappelle-toi la pub Éminence, comment il a refusé quand on lui a dit qu’il devrait se mettre juste en slip devant les objectifs !!
- Oui mais c’était il y a deux ans et il était encore novice dans la profession et surtout beaucoup plus timide, rappelle-toi aussi ?
Le photographe sourit en sentant son sexe se redresser, la vision du jeune Raphaël à ses dix-huit ans venant frapper à leurs portes pour demander s’il n’y aurait pas possibilité pour lui de faire quelques photos contre un peu d’argent pour l’aider à payer ses études, est restée gravée pour toujours dans sa mémoire.
- Nous verrons bien !! De toute façon il n’en fera qu’à sa tête, trop conscient que nos clients le réclament à cor et à cri, tellement que ça en devient gênant pour les autres.
- Normal aussi !! Je trouve qu’il est de plus en plus craquant ce gamin !!
- Sa copine ne doit pas s’ennuyer avec lui c’est sur Hi ! Hi !
- Ou son copain, qui sait !!
- Ne rêve pas ma poule, il ne sera jamais pour nous et tu le sais bien, ce n’est pas faute d’avoir essayé Hi ! Hi !
- Et d’avoir pris le râteau de notre vie Hi ! Hi !
- Pourtant tu n’es pas un monstre ni moi non plus, alors il n’y a pas trente-six solutions !! C’est, ou il est hétéro pur et dur, ou il cherche l’introuvable et si c’est de ça qu’il s’agit je le plains de tout mon cœur parce que dans ce cas, il perd les plus belles années de sa vie.
- Tu en as oublié une, c’est qu’il soit déjà amoureux.
- Je ne crois pas, non !!
- Qu’est ce qui te fait dire ça ?
- Crois-moi sur parole !! Le jour où notre « Raphi » sera amoureux, je veux être là pour prendre les photos et ma notoriété sera faite pour longtemps !!
- Si Akira ne nous le souffle pas d’ici là !! Quelle connerie de les avoir réunis pour la dernière campagne de pub !! J’ai vu tout de suite à son premier regard qu’il a été captivé par Raphaël et je suis presque certain qu’il lui a déjà fait une proposition !!
- Ce serait déloyal de sa part !! C’est un peu aussi grâce à nous s’il est devenu ce qu’il est !!
- « Business is business » qu’est-ce que tu veux !! Nous aurions fait la même chose en plus !!
CHAPITRE 110 (Aix en Provence) (Dis !! Tu veux bien redevenir mon amie ?) (Fin)
L’émotion venant de l’étage est ressenti par tous les habitants de la maison, dans la minute qui suit les choses se précipitent à la vitesse de la poudre et bientôt à part bien sûr Maurice qui ronge son frein pour rester calme et à l’écoute, ils sont tous dans le salon le cœur battant à tout rompre.
Marc et Anne-Lise se tiennent nerveusement par la main et n’ont d’yeux que pour l’escalier où ils entendent des pas hésitants descendre vers eux, ne s’apercevant même pas que deux personnes encore inconnues pour eux sont entrées avec les autres en courant.
***/***
« Quelques instants plus tôt, à l’étage »
Chloé et Maryse pleurent de joies, n’en croyant pas ce que pourtant leurs yeux leur montrent sans possibilité d’erreur et elles finissent par se retrouver dans les bras l’une de l’autre, poussant des cris qui doivent assurément alerter tout le quartier.
Maryse remarque que la jeune fille par réflexe ne pose pas sa jambe au sol depuis qu’elle est debout, sans doute son cerveau n’y est-il plus habitué et c’est avec sérieux qu’elle lui en fait la remarque, pensant que peut-être la guérison miraculeuse n’est que superficielle en ne changeant rien à la douleur ni à l’atrophie de sa jambe.
- Tu as toujours mal ma grande ?
- (Chloé surprise) Je ne sens plus rien mamie !! Juste quelques picotements au début qui semblent disparaître petit à petit !!
- Alors pourquoi ne poses-tu pas ta jambe au sol pour t’appuyer dessus ?
Maryse voit bien l’effort de Chloé pour faire ce qu’elle vient de lui demander, elle remarque surtout l’appréhension d’en ressentir une quelconque douleur et que s’arrête là l’immense joie qu’elle ressent depuis que sa cicatrice a entièrement disparu.
- (Maryse) Aie confiance ma grande !! Essaie de marcher !!
- Ça me fait tout drôle mamie !!
- (Maryse) C’est dans ta tête, il faut le temps que tu te réhabitues à marcher normalement sans ta canne !!
Chloé a son sourire qui se fige quand elle pose enfin son pied au sol et devant les encouragements de Maryse, s’appuie dessus pour faire son premier pas.
Quelques picotements sans plus, voilà ce que ressent Chloé qui du coup prend petit à petit de l’assurance et tourne lentement autour de celle qu’elle a toujours appelée mamie et qui la regarde en riant les yeux rougis de larmes.
- Tu es guérie ma grande !! Viens avec moi rejoindre tes parents, ils ne vont pas en revenir tu sais ? J’espère qu’ils pardonneront à Florian toutes ces années difficiles que tu as vécues par la faute de l’autre !!
Chloé ne trouve pas les mots pour lui répondre, déjà parce qu’il lui faut le temps de se faire à l’idée de sa guérison et en plus à celle saugrenue qu’ils essaient de faire passer sur la nouvelle raison d’être de leur petit-fils, se contentant de prendre la vieille dame par les hanches pour descendre ensemble rejoindre les autres au salon.
Une fois en bas de l’escalier, la jeune fille remarque bien qu’il y a beaucoup de monde dans la pièce mais ne voit seulement que ses parents qui se tiennent debout en se serrant la main et dans un tel état d’émotion comme elle ne les a jamais vus, à la regarder se tenir debout sans sa canne.
Le trouble du moment est encore très fort, trop peut-être pour certains des invités qui larmoient et reniflent eux aussi devant ce qui pour beaucoup tient du miracle.
Chloé voit néanmoins un garçon se détacher des autres et venir vers elle, il la fixe dans les yeux comme s’ils se connaissaient depuis toujours et ça trouble la jeune fille qui sait bien maintenant à qui elle a affaire, seulement il semble si misérable dans son attitude qu’elle ne peut s’empêcher d’en sourire.
Il ressemble à un gamin pris la main dans le sac à faire une grosse bêtise et sa démarche hésitante en rajoute encore davantage dans cette impression, mais ce qui va la rendre muette d’étonnement et lui faire remonter une étrange émotion qu’elle ne se serait pas crue capable de ressentir de nouveau un jour pour lui après ce qu’il lui a fait subir, c’est quand il lui pose la question qui tue d’une voix timide et contrite ne lui donnant qu’une envie, celle de le prendre dans ses bras pour le réconforter.
- Dis Chloé !! Tu veux bien redevenir mon amie?