CHAPITRE 43 (Guérison) (fin)
Adrien me dévisage avec surprise, il prend le verre en le regardant bizarrement.
- Qu’est-ce que c’est ??
- Rien que de l’eau mélangée à ma salive !!
- C’est une plaisanterie ?
- Je t’assure que non !!
- (Pierre) Vas-y Adrien, fais-lui confiance !!
- (Adrien) Et c’est censé me faire quoi ?
- Te guérir de ton foie malade mon oncle.
- (Adrien) Rien que ça ??
Je me contente de hocher la tête en le regardant gravement, mon oncle hésite puis pousse un soupir avant de porter le verre à ses lèvres et d’en boire cul sec le contenu, il me tend le verre vide avec une grimace qui me fait sourire d’amusement.
- Beurk !!
- Excuse-moi mais je n’ai pas eu le temps d’améliorer la mixture Hi ! Hi ! La prochaine fois je mettrai un peu de sirop, de toute façon ce ne doit pas être pire que les médicaments que tu avalais jusque-là ?
Mon père voyant que plus personne ne bouge ni ne parle.
- On est censé faire quoi maintenant ?
- Je ne sais pas pour toi p’pa !! Mais moi je commence à avoir faim !!
Une voix derrière moi me fait me retourner et faire face au regard d’Antoine.
- Florian !!
- Oui ??
- Excuse-moi pour tout à l’heure, j’ai cru que tu voulais te venger de mes paroles et je n’ai fait que me défendre, en plus ce n’était qu’un pur réflexe !!
- C’est bien comme ça que je l’ai compris, t’inquiète cousin !! Je sais qu’il va te falloir du temps pour que tu puisses enfin avoir confiance en moi après ce que j’ai appris sur ce que je t’avais fait subir.
- Tu ne te souviens vraiment de rien ?
– Oh !! Détrompe-toi !! Je me souviens de beaucoup de choses au contraire !! Mais nous étions alors très proches et je ne souhaite qu’une chose crois le bien !! C’est que tout redevienne comme dans mes souvenirs et que tu arrives à oublier les tiens.
- (Hellènes) Je pense que vous y arriverez les garçons, regardez-vous déjà !! Vous n’arrêtez pas de vous sourire depuis tout à l’heure.
- (Florence) Je l’avais aussi remarqué et je suis heureuse de voir comment tournent les choses, je vous avouerai que cette visite ne m’enchantait guère. J’étais même prête à y renoncer si Adrien n’avait pas tant insisté et fini par me persuader que vous aviez besoin de notre présence auprès de vous.
J’écoute d’une oreille la conversation des adultes, mes yeux rivés dans ceux d’Antoine et je peux y lire tous les changements d’expression qu’il a à mon encontre, d’abord prudent voire méfiant, puis de plus en plus détendu pour enfin me sourire sans plus se forcer en réponse au mien amical que je porte sur lui et qui ne m’a pas quitté.
Un petit signe de tête pour qu’il me suive dans la cuisine pendant que nos parents sont pris dans leur conversation et nous voilà bientôt attablé à nous confectionner des sandwiches que nous dévorons à pleines dents tellement l’heure tardive et la journée bien remplie nous ont mis en appétit.
- Il en reste pour moi ? Je crève la dalle moi aussi Hi ! Hi !
Antoine se tourne surpris vers son père.
- Tes boîtes sont encore dans la valise p’pa !! Je vais aller t’en chercher une !!
- Il y en a marre de cette mixture !! J’ai envie d’une bonne tranche de jambon avec des cornichons et du beurre dans du bon pain frais comme il n’y a qu’en France qu’on en trouve !!
- Tu sais bien que tu ne peux plus manger ces choses-là p’pa !!
- Bien sûr que si qu’il peut !!
Je coupe la moitié de mon sandwich, je lui tends la partie où je n’ai pas mordu dedans.
- Tiens tonton !! Régale-toi !! Je te promets que tu ne risques plus rien !!
- (Adrien) Merci Florian !! Je ne pensais pas te dire ça un jour tu sais ?
- C’est le passé tonton !!
Je le regarde mettre la nourriture à sa bouche et mordre dedans avec envie, j’en ai les larmes aux yeux de le voir aussi heureux d’apprécier un simple sandwich comme si c’était le repas le plus raffiné du monde.
Il ne lui faut que quelques minutes pour en venir à bout, juste le temps pour moi de lui en préparer un autre et de le lui tendre.
- Eh bien dis donc !! C’est un vrai plaisir de te voir te régaler autant !!
Adrien entre deux bouchées.
- Rends-toi compte que ça fait presque trois ans que je n’avale plus que ces mixtures en boîtes !! Hum !! Ahhh !!! Comme c’est bon !!!
Je croque dans le mien avec appétit.
- Ché vrai que ché cro bon !!
Un fou rire nous prend tous les trois qui font arriver sur nous ma tante et mes parents curieux de connaître la raison d’un tel amusement.
- (Florence) Chéri !! Qu’est-ce que tu fais ??
- (Adrien) Eh bien quoi !! Tu le vois bien, non ?? Hi ! Hi ! Je mange un sandwich avec les garçons Hi ! Hi !
CHAPITRE 44 (Amitié retrouvée)
« Vingt-trois heures, chez les De Bierne »
L’ambiance de cette fin de journée est de celle qu’ils n’avaient encore jamais connue depuis toutes ces années, amplement aidé par une facette qu’ils ne connaissaient pas de Florian, celle d’être passé maître es pitreries et surtout d’adorer se montrer en spectacle, les larmes n’étant cette fois que des larmes de bonheur qui se mélangent aux rires de cette famille qui comprend enfin que les mauvais jours sont enfin derrière eux.
Antoine n’est pas le dernier à se tortiller sur son siège devant les frasques de son cousin, oubliant le pourquoi de sa venue et ne ressentant plus pour lui qu’une amitié qui il le sent bien se renforce d’heure en heure.
Arrive le moment où les bâillements commencent à se faire ressentir d’une journée longue et bien remplie aussi bien par les heures d’éveil que par les émotions qu’ils viennent de vivre.
- (Hellènes) J’ai préparé la chambre d’amis pour vous deux, Antoine dormira dans le canapé !!
- Je lui laisse ma chambre m’man !! Le canapé m’ira très bien !!
- (Antoine) Il n’y a pas de raisons !!
- Si justement, il y en a pleins et tu vas venir me donner un coup de main pour changer les draps, pas de discussions c’est bien compris ??
- (Antoine sourit) Oui chef !!
***/***
Alors que les deux garçons ont quitté le salon, les adultes se regardent avec étonnement.
- (Florence) Si on m’avait dit ça ce matin !!
- (Hellènes) Je vous avais prévenus pourtant !!
- (Adrien) Oui mais là je reste quand même sur le cul, ce n’est pas possible que ce soit le même Florian que celui qu’on connaît !!
Un énorme éclat de rire s’échappe de la chambre.
- Quand je pense qu’Antoine n’était venu que pour lui faire une grosse tête !!
- (Pierre sarcastique) C’est un peu ce qu’il lui a fait aussi, rappelle-toi ?
- (Adrien) Oui c’est sûr !! Mais écoute-les ? Qui pourrait penser une seule seconde que ces deux garçons se haïssaient il n’y a encore que quelques heures ?
- (Florence) Je pense que cet accident nous a été salutaire à tous, vous ne croyez pas ?
- (Hellènes) J’ai quand même failli perdre mon fils je vous rappelle !!
Adrien hésite à dire tout haut la pensée qui lui vient soudainement, c’est le regard interrogateur de son beau-frère porté sur lui qui le décide.
- Je me demande si…
- (Pierre) Si quoi ? Termine ta pensée Adrien, je pense la connaître et j’ai eu la même moi aussi.
- C’est complètement dingue ce que je vais dire, mais si en fin de compte l’ancien Florian était vraiment mort ?
Nouvel éclat de rire venant de la chambre.
- (Pierre amusé) Pour un mort il semble en pleine forme pas vrai ?
- (Adrien) Dans la Bible il est dit que l’âme ne meurt pas et qu’il y a une vie après la mort !!
- (Pierre) Depuis quand tu crois en ces conneries toi ?
- (Adrien) Depuis ce soir !! Comment expliques-tu sinon ce qu’est devenu ton fils ?
La demi-heure qui suit n’est que conjecture sur ce qu’est ou ce qu’a été Florian, chacun y allant de ses idées les plus farfelues jusqu’à se rendre compte que plus aucun son ne vient de la chambre et qu’ils se lèvent tous, curieux d’en connaître la raison.
C’est Pierre qui ouvre doucement la porte, la pièce baignant dans la clarté lunaire et ce qu’ils voient alors les laissent sans voix, tellement la vision qu’ils ont des deux cousins endormis dans les bras l’un de l’autre et tout habillé sur le lit, est à l’opposé de ce qu’ils ont toujours imaginé qu’il pourrait arriver un jour entre eux.
CHAPITRE 45 (Trois semaines plus tard)
« Sortie du lycée »
Pierre attend nerveusement devant l’entrée de l’établissement, c’était la dernière session d’examen que son fils passe en candidat libre aussi c’est en le cherchant du regard qu’il voit sortir tous ces jeunes garçons et filles le visage pour certains souriant alors que pour d’autres visiblement crispés d’avoir ou non répondu correctement aux sujets pour lesquels pourtant ils s’étaient pour la plupart préparés.
Une tignasse rousse apparaît enfin au fond de la cour, seul comme il fallait s’y attendre et qui sourit malgré tout avec sa démarche féline en tenant nonchalamment son sac à dos en bandoulière.
Pierre ne peut pas ne pas voir certains regards haineux posés sur son fils et même s’il en comprend bien la raison, son cœur ne peut éviter d’avoir le pincement de tristesse que lui occasionne cette vision.
Florian passe la porte toujours avec ce sourire désarmant qui ne le quitte jamais et qui est sans doute la seule raison pour que ça en reste aux simples regards, beaucoup de ces jeunes devant être surpris voir incrédules devant un tel changement.
- Alors ? Enfin terminé ?
- Oui p’pa !!
- Pas trop difficile ?
- Ni plus ni moins que comme je m’y attendais, le plus dur c’est d’attendre que le temps alloué soit passé en faisant semblant de toujours cogiter sur sa copie avant de la rendre.
- J’en connais qui s’ils t’entendaient te prendraient pour un prétentieux Hi ! Hi !
- Je sais p’pa !! Nous partons toujours à la fin de la semaine pour Aix ?
- Bien sûr fiston !! Seulement comme je te l’ai dit, nous ne resterons pas longtemps ta mère et moi, le travail nous appelle et l’entreprise doit aussi avoir toute notre attention.
- Tu crois que nous verrons tonton « Francky » à l’agence d’Aix ?
Pierre sourit, visiblement amusé.
- Je ne lui ai encore rien dit tu sais Hi ! Hi ! Normalement il y sera pour qu’on fasse le point avant qu’il prenne ses vacances.
- Cool !!
- Au fait !! Antoine est arrivé là-bas ce matin, il nous a appelés pour nous prévenir !! Comme ça, tu ne seras pas seul et ça te fera du bien d’être avec quelqu’un de ton âge.
- Je le savais p’pa !! Il m’a envoyé un texto ce matin quand il est sorti de l’avion, il m’a aussi dit qu’il allait relooker la chambre Hi ! Hi ! J’imagine déjà la tête de papi et mamie.
- (Pierre sourit) Je suis content que tout se passe bien entre vous deux maintenant, en plus là-bas vous pourrez sortir un peu !! Tu ne risqueras pas de rencontrer des gens qui te connaissaient avant.
- Bah !! Au pire j’aurais fait l’amnésique, en plus pas besoin de me forcer puisque quelque part c’est un peu la vérité. Si je ne suis pas sorti ces dernières semaines, c’était juste pour lire un maximum de bouquins et je crois que j’ai pris la bonne initiative, j’avais presque oublié tout ce que je savais d’avant !!
- C’est possible ça ?
- Je m’en doutais un peu figure toi !! Il va falloir que je reparte quasiment de zéro, mais rassure-toi !! J’ai gardé ma mémoire photographique, il faut juste que je remplisse de nouveau le disque dur Hi ! Hi !
- Comment tu expliques tout ce que tu sembles avoir perdu ?
- Oh !! Mais je n’ai rien perdu !! Du moins c’est ce qu’il me semble, juste que c’est quelque part en moi et que ça ne me revient pas !! Comme si c’était enfermé dans un coffre et que j’en ai perdu la combinaison, je sais que c’est là mais je n’arrive plus à y entrer.
- Tu retrouveras bien la clé un jour, je te fais confiance là-dessus.
La dernière phrase de mon père amène comme un souvenir diffus en moi, comme si cette clé était quelque part et qu’il me fallait la chercher, mais j’ai beau forcé ma mémoire rien n’y fait et c’est avec un soupir d’exaspération que je monte dans la voiture, tournant et retournant sa phrase en sachant bien que je n’ai pas fini de me poser la question tant que je n’en aurais pas trouvé la réponse.
Voyant que rien ne sortira aujourd’hui, je préfère passer à autre chose et je reviens vers mon père avec cette fois une question qui m’amène le sourire.
- Tu as bien envoyé le colis à Ming pour son fils ?
- Bien sûr !! Je l’ai même appelé pour lui donner les instructions.
- Tu lui as dit quoi ?
- Que c’était un cadeau d’un ami commun pour Yuan et qu’il devait suivre à la lettre les instructions que j’ai mises avec le produit, je lui ai demandé de me faire confiance et il m’a promis qu’il insisterait auprès de son fils pour qu’il fasse un essai.
- Faut s’attendre à les voir débouler d’ici peu alors Hi ! Hi ! J’ai hâte de revoir « Yu » !!
- En espérant que ça se passera aussi bien qu’avec Antoine ?
- Il n’y a pas de raisons !!
Pierre conduit quelques kilomètres avant de poser la question qui lui brûle les lèvres.
- Tu crois que ce sera pareil qu’avant pour vous deux ? Je parlais de votre liaison bien sûr !!
- Alors là !! Tu me poses une colle !! Faudrait déjà qu’il ait les mêmes prédispositions avec les garçons ici et rien n’est moins sûr, rappelle-toi comment j’étais !!
CHAPITRE 46 (Chez les Tsu, Shanghai)
« Deux jours plus tard »
- Excusez-moi maître Ming !
Ming se retourne sur son majordome.
- Oui ??
- Un colis de France pour vous vient d’arriver !!
- Ah !! Très bien, je l’attendais !! Posez-le dans mon bureau !!
- Bien maître !!
Ming termine son déjeuner en réfléchissant une fois encore à la dernière conversation pour le moins bizarre qu’il a eu avec son ami de toujours, Pierre semblait sérieux dans sa demande et pourtant ce n’est pas faute pour lui de connaître tous les traitements inefficaces qu’il a tentés pour soigner l’eczéma de son fils.
Tous les spécialistes qu’il lui a fait consulter ont été unanimes, la maladie de Yuan étant inscrit dans ses gènes et de ce fait n’est pas guérissable tant qu’une avancée significative sur le génome ne permettra pas un traitement en profondeur de son mal, tout juste peuvent-ils le soulager des démangeaisons atroces qui prennent le jeune garçon quand ses crises se déclenchent.
Alors penser qu’une simple pommade pourrait en venir à bout une bonne fois pour toutes comme semblait vouloir lui faire croire « Pierrot », reste pour Ming du domaine de la gageure pure.
Ming repousse son assiette en soupirant car il a horreur de manger seul et le fait qu’il le soit ce jour-là comme à chaque fois que son fils s’enferme des semaines complètes dans sa chambre, l’attriste même s’il comprend que Yuan préfère ne pas se montrer pour éviter les regards fuyant du personnel domestique de la maison.
Le brave homme se lève pour rejoindre son bureau, curieux malgré tout d’aller déballer le paquet qui l’y attend même s’il ne se fait guère d’illusion et encore moins d’espoir sur le résultat de ce nouveau traitement.
Maintenant le ton de son ami quand il l’a appelé, semblait si convaincu et convaincant, que Ming ne pouvait pas ne pas lui faire la promesse de le tester sur son fils.
Il déballe donc le petit colis avec une nervosité qui le fait sourire bien malgré lui, le petit pot sans étiquette qu’il sort du carton ne pèse pas bien lourd et ne devrait permettre qu’une seule application, ce qui lui semble bien peu pour venir à bout de toutes ses plaques purulentes recouvrant le corps de son fils.
Il va pour jeter le carton quand il remarque une petite fiole sous la friture de polystyrène protégeant le pot des chocs du transport, celle-ci également dépourvue de toute annotation et contenant un liquide laiteux très peu ragoûtant au demeurant, suffisamment pour lui faire esquisser une grimace de dégoût.
Ming dépose les deux objets sur la table et attrape l’enveloppe jointe qu’il ouvre dans la foulée pour en sortir la lettre que lui a écrite Pierre, il sourit en reconnaissant l’écriture patte de mouche de son ami qu’il a appris à déchiffrer avec le temps.
***/***
« Lettre »
Mon petit Ming.
Je connais tes pensées comme si c’étaient les miennes et non je ne suis pas fou de croire que ce que je t’envoie soit efficace pour ce dont souffre Yuan.
Je connais également suffisamment bien ton fils pour savoir qu’il va t’envoyer bouler et donc je te propose d’appliquer la pommade à son insu, tu trouveras bien le moyen pour qu’il ne se doute de rien.
Une goutte sur une de ses plaques devrait suffire pour qu’il en ressente rapidement les effets, ensuite il devra répartir le reste du pot sur tout son corps et tu devras lui faire avaler dans la foulée le contenu de la petite fiole sans qu’il se pose de questions, niveau goût ce n’est pas le top mais quand il connaîtra sa composition il comprendra Hi ! Hi !
Je sais très bien que tu vas vouloir en savoir plus et je m’attends à votre visite dans les prochains jours, sache que tu nous trouveras chez mes parents à partir du week-end prochain où j’emmène Florian pour l’été chez mes parents.
Ferme la bouche mon ami Hi ! Hi ! Tu as bien lu !! Si je ne t’en dis pas plus c’est pour te garder la surprise et crois-moi elle va être de taille.
Ton « Pierrot »
Ps : Applique une goutte du produit sur la marque que t’ont laissé nos jeux débiles, je m’en veux toujours tu sais de t’avoir laissé te blesser ce jour-là.
***/***
Ming relit deux fois encore la lettre avant de la poser sur son bureau, ses yeux sont embués de larmes comme à chaque fois qu’il pense à son ami et cette fois-ci encore il n’y échappe pas, pourtant rien ne devrait le mettre dans un tel état puisqu’il n’y a jamais eu que du bonheur entre eux et chacune de ses visites en France pour le voir, est une joie sans cesse renouvelée.
Adrien me dévisage avec surprise, il prend le verre en le regardant bizarrement.
- Qu’est-ce que c’est ??
- Rien que de l’eau mélangée à ma salive !!
- C’est une plaisanterie ?
- Je t’assure que non !!
- (Pierre) Vas-y Adrien, fais-lui confiance !!
- (Adrien) Et c’est censé me faire quoi ?
- Te guérir de ton foie malade mon oncle.
- (Adrien) Rien que ça ??
Je me contente de hocher la tête en le regardant gravement, mon oncle hésite puis pousse un soupir avant de porter le verre à ses lèvres et d’en boire cul sec le contenu, il me tend le verre vide avec une grimace qui me fait sourire d’amusement.
- Beurk !!
- Excuse-moi mais je n’ai pas eu le temps d’améliorer la mixture Hi ! Hi ! La prochaine fois je mettrai un peu de sirop, de toute façon ce ne doit pas être pire que les médicaments que tu avalais jusque-là ?
Mon père voyant que plus personne ne bouge ni ne parle.
- On est censé faire quoi maintenant ?
- Je ne sais pas pour toi p’pa !! Mais moi je commence à avoir faim !!
Une voix derrière moi me fait me retourner et faire face au regard d’Antoine.
- Florian !!
- Oui ??
- Excuse-moi pour tout à l’heure, j’ai cru que tu voulais te venger de mes paroles et je n’ai fait que me défendre, en plus ce n’était qu’un pur réflexe !!
- C’est bien comme ça que je l’ai compris, t’inquiète cousin !! Je sais qu’il va te falloir du temps pour que tu puisses enfin avoir confiance en moi après ce que j’ai appris sur ce que je t’avais fait subir.
- Tu ne te souviens vraiment de rien ?
– Oh !! Détrompe-toi !! Je me souviens de beaucoup de choses au contraire !! Mais nous étions alors très proches et je ne souhaite qu’une chose crois le bien !! C’est que tout redevienne comme dans mes souvenirs et que tu arrives à oublier les tiens.
- (Hellènes) Je pense que vous y arriverez les garçons, regardez-vous déjà !! Vous n’arrêtez pas de vous sourire depuis tout à l’heure.
- (Florence) Je l’avais aussi remarqué et je suis heureuse de voir comment tournent les choses, je vous avouerai que cette visite ne m’enchantait guère. J’étais même prête à y renoncer si Adrien n’avait pas tant insisté et fini par me persuader que vous aviez besoin de notre présence auprès de vous.
J’écoute d’une oreille la conversation des adultes, mes yeux rivés dans ceux d’Antoine et je peux y lire tous les changements d’expression qu’il a à mon encontre, d’abord prudent voire méfiant, puis de plus en plus détendu pour enfin me sourire sans plus se forcer en réponse au mien amical que je porte sur lui et qui ne m’a pas quitté.
Un petit signe de tête pour qu’il me suive dans la cuisine pendant que nos parents sont pris dans leur conversation et nous voilà bientôt attablé à nous confectionner des sandwiches que nous dévorons à pleines dents tellement l’heure tardive et la journée bien remplie nous ont mis en appétit.
- Il en reste pour moi ? Je crève la dalle moi aussi Hi ! Hi !
Antoine se tourne surpris vers son père.
- Tes boîtes sont encore dans la valise p’pa !! Je vais aller t’en chercher une !!
- Il y en a marre de cette mixture !! J’ai envie d’une bonne tranche de jambon avec des cornichons et du beurre dans du bon pain frais comme il n’y a qu’en France qu’on en trouve !!
- Tu sais bien que tu ne peux plus manger ces choses-là p’pa !!
- Bien sûr que si qu’il peut !!
Je coupe la moitié de mon sandwich, je lui tends la partie où je n’ai pas mordu dedans.
- Tiens tonton !! Régale-toi !! Je te promets que tu ne risques plus rien !!
- (Adrien) Merci Florian !! Je ne pensais pas te dire ça un jour tu sais ?
- C’est le passé tonton !!
Je le regarde mettre la nourriture à sa bouche et mordre dedans avec envie, j’en ai les larmes aux yeux de le voir aussi heureux d’apprécier un simple sandwich comme si c’était le repas le plus raffiné du monde.
Il ne lui faut que quelques minutes pour en venir à bout, juste le temps pour moi de lui en préparer un autre et de le lui tendre.
- Eh bien dis donc !! C’est un vrai plaisir de te voir te régaler autant !!
Adrien entre deux bouchées.
- Rends-toi compte que ça fait presque trois ans que je n’avale plus que ces mixtures en boîtes !! Hum !! Ahhh !!! Comme c’est bon !!!
Je croque dans le mien avec appétit.
- Ché vrai que ché cro bon !!
Un fou rire nous prend tous les trois qui font arriver sur nous ma tante et mes parents curieux de connaître la raison d’un tel amusement.
- (Florence) Chéri !! Qu’est-ce que tu fais ??
- (Adrien) Eh bien quoi !! Tu le vois bien, non ?? Hi ! Hi ! Je mange un sandwich avec les garçons Hi ! Hi !
CHAPITRE 44 (Amitié retrouvée)
« Vingt-trois heures, chez les De Bierne »
L’ambiance de cette fin de journée est de celle qu’ils n’avaient encore jamais connue depuis toutes ces années, amplement aidé par une facette qu’ils ne connaissaient pas de Florian, celle d’être passé maître es pitreries et surtout d’adorer se montrer en spectacle, les larmes n’étant cette fois que des larmes de bonheur qui se mélangent aux rires de cette famille qui comprend enfin que les mauvais jours sont enfin derrière eux.
Antoine n’est pas le dernier à se tortiller sur son siège devant les frasques de son cousin, oubliant le pourquoi de sa venue et ne ressentant plus pour lui qu’une amitié qui il le sent bien se renforce d’heure en heure.
Arrive le moment où les bâillements commencent à se faire ressentir d’une journée longue et bien remplie aussi bien par les heures d’éveil que par les émotions qu’ils viennent de vivre.
- (Hellènes) J’ai préparé la chambre d’amis pour vous deux, Antoine dormira dans le canapé !!
- Je lui laisse ma chambre m’man !! Le canapé m’ira très bien !!
- (Antoine) Il n’y a pas de raisons !!
- Si justement, il y en a pleins et tu vas venir me donner un coup de main pour changer les draps, pas de discussions c’est bien compris ??
- (Antoine sourit) Oui chef !!
***/***
Alors que les deux garçons ont quitté le salon, les adultes se regardent avec étonnement.
- (Florence) Si on m’avait dit ça ce matin !!
- (Hellènes) Je vous avais prévenus pourtant !!
- (Adrien) Oui mais là je reste quand même sur le cul, ce n’est pas possible que ce soit le même Florian que celui qu’on connaît !!
Un énorme éclat de rire s’échappe de la chambre.
- Quand je pense qu’Antoine n’était venu que pour lui faire une grosse tête !!
- (Pierre sarcastique) C’est un peu ce qu’il lui a fait aussi, rappelle-toi ?
- (Adrien) Oui c’est sûr !! Mais écoute-les ? Qui pourrait penser une seule seconde que ces deux garçons se haïssaient il n’y a encore que quelques heures ?
- (Florence) Je pense que cet accident nous a été salutaire à tous, vous ne croyez pas ?
- (Hellènes) J’ai quand même failli perdre mon fils je vous rappelle !!
Adrien hésite à dire tout haut la pensée qui lui vient soudainement, c’est le regard interrogateur de son beau-frère porté sur lui qui le décide.
- Je me demande si…
- (Pierre) Si quoi ? Termine ta pensée Adrien, je pense la connaître et j’ai eu la même moi aussi.
- C’est complètement dingue ce que je vais dire, mais si en fin de compte l’ancien Florian était vraiment mort ?
Nouvel éclat de rire venant de la chambre.
- (Pierre amusé) Pour un mort il semble en pleine forme pas vrai ?
- (Adrien) Dans la Bible il est dit que l’âme ne meurt pas et qu’il y a une vie après la mort !!
- (Pierre) Depuis quand tu crois en ces conneries toi ?
- (Adrien) Depuis ce soir !! Comment expliques-tu sinon ce qu’est devenu ton fils ?
La demi-heure qui suit n’est que conjecture sur ce qu’est ou ce qu’a été Florian, chacun y allant de ses idées les plus farfelues jusqu’à se rendre compte que plus aucun son ne vient de la chambre et qu’ils se lèvent tous, curieux d’en connaître la raison.
C’est Pierre qui ouvre doucement la porte, la pièce baignant dans la clarté lunaire et ce qu’ils voient alors les laissent sans voix, tellement la vision qu’ils ont des deux cousins endormis dans les bras l’un de l’autre et tout habillé sur le lit, est à l’opposé de ce qu’ils ont toujours imaginé qu’il pourrait arriver un jour entre eux.
CHAPITRE 45 (Trois semaines plus tard)
« Sortie du lycée »
Pierre attend nerveusement devant l’entrée de l’établissement, c’était la dernière session d’examen que son fils passe en candidat libre aussi c’est en le cherchant du regard qu’il voit sortir tous ces jeunes garçons et filles le visage pour certains souriant alors que pour d’autres visiblement crispés d’avoir ou non répondu correctement aux sujets pour lesquels pourtant ils s’étaient pour la plupart préparés.
Une tignasse rousse apparaît enfin au fond de la cour, seul comme il fallait s’y attendre et qui sourit malgré tout avec sa démarche féline en tenant nonchalamment son sac à dos en bandoulière.
Pierre ne peut pas ne pas voir certains regards haineux posés sur son fils et même s’il en comprend bien la raison, son cœur ne peut éviter d’avoir le pincement de tristesse que lui occasionne cette vision.
Florian passe la porte toujours avec ce sourire désarmant qui ne le quitte jamais et qui est sans doute la seule raison pour que ça en reste aux simples regards, beaucoup de ces jeunes devant être surpris voir incrédules devant un tel changement.
- Alors ? Enfin terminé ?
- Oui p’pa !!
- Pas trop difficile ?
- Ni plus ni moins que comme je m’y attendais, le plus dur c’est d’attendre que le temps alloué soit passé en faisant semblant de toujours cogiter sur sa copie avant de la rendre.
- J’en connais qui s’ils t’entendaient te prendraient pour un prétentieux Hi ! Hi !
- Je sais p’pa !! Nous partons toujours à la fin de la semaine pour Aix ?
- Bien sûr fiston !! Seulement comme je te l’ai dit, nous ne resterons pas longtemps ta mère et moi, le travail nous appelle et l’entreprise doit aussi avoir toute notre attention.
- Tu crois que nous verrons tonton « Francky » à l’agence d’Aix ?
Pierre sourit, visiblement amusé.
- Je ne lui ai encore rien dit tu sais Hi ! Hi ! Normalement il y sera pour qu’on fasse le point avant qu’il prenne ses vacances.
- Cool !!
- Au fait !! Antoine est arrivé là-bas ce matin, il nous a appelés pour nous prévenir !! Comme ça, tu ne seras pas seul et ça te fera du bien d’être avec quelqu’un de ton âge.
- Je le savais p’pa !! Il m’a envoyé un texto ce matin quand il est sorti de l’avion, il m’a aussi dit qu’il allait relooker la chambre Hi ! Hi ! J’imagine déjà la tête de papi et mamie.
- (Pierre sourit) Je suis content que tout se passe bien entre vous deux maintenant, en plus là-bas vous pourrez sortir un peu !! Tu ne risqueras pas de rencontrer des gens qui te connaissaient avant.
- Bah !! Au pire j’aurais fait l’amnésique, en plus pas besoin de me forcer puisque quelque part c’est un peu la vérité. Si je ne suis pas sorti ces dernières semaines, c’était juste pour lire un maximum de bouquins et je crois que j’ai pris la bonne initiative, j’avais presque oublié tout ce que je savais d’avant !!
- C’est possible ça ?
- Je m’en doutais un peu figure toi !! Il va falloir que je reparte quasiment de zéro, mais rassure-toi !! J’ai gardé ma mémoire photographique, il faut juste que je remplisse de nouveau le disque dur Hi ! Hi !
- Comment tu expliques tout ce que tu sembles avoir perdu ?
- Oh !! Mais je n’ai rien perdu !! Du moins c’est ce qu’il me semble, juste que c’est quelque part en moi et que ça ne me revient pas !! Comme si c’était enfermé dans un coffre et que j’en ai perdu la combinaison, je sais que c’est là mais je n’arrive plus à y entrer.
- Tu retrouveras bien la clé un jour, je te fais confiance là-dessus.
La dernière phrase de mon père amène comme un souvenir diffus en moi, comme si cette clé était quelque part et qu’il me fallait la chercher, mais j’ai beau forcé ma mémoire rien n’y fait et c’est avec un soupir d’exaspération que je monte dans la voiture, tournant et retournant sa phrase en sachant bien que je n’ai pas fini de me poser la question tant que je n’en aurais pas trouvé la réponse.
Voyant que rien ne sortira aujourd’hui, je préfère passer à autre chose et je reviens vers mon père avec cette fois une question qui m’amène le sourire.
- Tu as bien envoyé le colis à Ming pour son fils ?
- Bien sûr !! Je l’ai même appelé pour lui donner les instructions.
- Tu lui as dit quoi ?
- Que c’était un cadeau d’un ami commun pour Yuan et qu’il devait suivre à la lettre les instructions que j’ai mises avec le produit, je lui ai demandé de me faire confiance et il m’a promis qu’il insisterait auprès de son fils pour qu’il fasse un essai.
- Faut s’attendre à les voir débouler d’ici peu alors Hi ! Hi ! J’ai hâte de revoir « Yu » !!
- En espérant que ça se passera aussi bien qu’avec Antoine ?
- Il n’y a pas de raisons !!
Pierre conduit quelques kilomètres avant de poser la question qui lui brûle les lèvres.
- Tu crois que ce sera pareil qu’avant pour vous deux ? Je parlais de votre liaison bien sûr !!
- Alors là !! Tu me poses une colle !! Faudrait déjà qu’il ait les mêmes prédispositions avec les garçons ici et rien n’est moins sûr, rappelle-toi comment j’étais !!
CHAPITRE 46 (Chez les Tsu, Shanghai)
« Deux jours plus tard »
- Excusez-moi maître Ming !
Ming se retourne sur son majordome.
- Oui ??
- Un colis de France pour vous vient d’arriver !!
- Ah !! Très bien, je l’attendais !! Posez-le dans mon bureau !!
- Bien maître !!
Ming termine son déjeuner en réfléchissant une fois encore à la dernière conversation pour le moins bizarre qu’il a eu avec son ami de toujours, Pierre semblait sérieux dans sa demande et pourtant ce n’est pas faute pour lui de connaître tous les traitements inefficaces qu’il a tentés pour soigner l’eczéma de son fils.
Tous les spécialistes qu’il lui a fait consulter ont été unanimes, la maladie de Yuan étant inscrit dans ses gènes et de ce fait n’est pas guérissable tant qu’une avancée significative sur le génome ne permettra pas un traitement en profondeur de son mal, tout juste peuvent-ils le soulager des démangeaisons atroces qui prennent le jeune garçon quand ses crises se déclenchent.
Alors penser qu’une simple pommade pourrait en venir à bout une bonne fois pour toutes comme semblait vouloir lui faire croire « Pierrot », reste pour Ming du domaine de la gageure pure.
Ming repousse son assiette en soupirant car il a horreur de manger seul et le fait qu’il le soit ce jour-là comme à chaque fois que son fils s’enferme des semaines complètes dans sa chambre, l’attriste même s’il comprend que Yuan préfère ne pas se montrer pour éviter les regards fuyant du personnel domestique de la maison.
Le brave homme se lève pour rejoindre son bureau, curieux malgré tout d’aller déballer le paquet qui l’y attend même s’il ne se fait guère d’illusion et encore moins d’espoir sur le résultat de ce nouveau traitement.
Maintenant le ton de son ami quand il l’a appelé, semblait si convaincu et convaincant, que Ming ne pouvait pas ne pas lui faire la promesse de le tester sur son fils.
Il déballe donc le petit colis avec une nervosité qui le fait sourire bien malgré lui, le petit pot sans étiquette qu’il sort du carton ne pèse pas bien lourd et ne devrait permettre qu’une seule application, ce qui lui semble bien peu pour venir à bout de toutes ses plaques purulentes recouvrant le corps de son fils.
Il va pour jeter le carton quand il remarque une petite fiole sous la friture de polystyrène protégeant le pot des chocs du transport, celle-ci également dépourvue de toute annotation et contenant un liquide laiteux très peu ragoûtant au demeurant, suffisamment pour lui faire esquisser une grimace de dégoût.
Ming dépose les deux objets sur la table et attrape l’enveloppe jointe qu’il ouvre dans la foulée pour en sortir la lettre que lui a écrite Pierre, il sourit en reconnaissant l’écriture patte de mouche de son ami qu’il a appris à déchiffrer avec le temps.
***/***
« Lettre »
Mon petit Ming.
Je connais tes pensées comme si c’étaient les miennes et non je ne suis pas fou de croire que ce que je t’envoie soit efficace pour ce dont souffre Yuan.
Je connais également suffisamment bien ton fils pour savoir qu’il va t’envoyer bouler et donc je te propose d’appliquer la pommade à son insu, tu trouveras bien le moyen pour qu’il ne se doute de rien.
Une goutte sur une de ses plaques devrait suffire pour qu’il en ressente rapidement les effets, ensuite il devra répartir le reste du pot sur tout son corps et tu devras lui faire avaler dans la foulée le contenu de la petite fiole sans qu’il se pose de questions, niveau goût ce n’est pas le top mais quand il connaîtra sa composition il comprendra Hi ! Hi !
Je sais très bien que tu vas vouloir en savoir plus et je m’attends à votre visite dans les prochains jours, sache que tu nous trouveras chez mes parents à partir du week-end prochain où j’emmène Florian pour l’été chez mes parents.
Ferme la bouche mon ami Hi ! Hi ! Tu as bien lu !! Si je ne t’en dis pas plus c’est pour te garder la surprise et crois-moi elle va être de taille.
Ton « Pierrot »
Ps : Applique une goutte du produit sur la marque que t’ont laissé nos jeux débiles, je m’en veux toujours tu sais de t’avoir laissé te blesser ce jour-là.
***/***
Ming relit deux fois encore la lettre avant de la poser sur son bureau, ses yeux sont embués de larmes comme à chaque fois qu’il pense à son ami et cette fois-ci encore il n’y échappe pas, pourtant rien ne devrait le mettre dans un tel état puisqu’il n’y a jamais eu que du bonheur entre eux et chacune de ses visites en France pour le voir, est une joie sans cesse renouvelée.