Début du livre 3
***/***
CHAPITRE 3 (Avant l’accident)
« Aix en Provence, un autre temps »
« Dring ! Dring ! »
Une main ridée et tremblante attrape le combiné et l’amène à son oreille.
- Oui !! Allô !!
-…
- Ah !! C’est toi ma chérie !!
-…
- Oh mon Dieu !! Tu es sûre ?
-…
- Merci de nous avoir prévenus, donne un gros bisou à Pierre !!
La vieille femme raccroche, une larme perle sur sa joue ridée par les années.
- C’était qui ?
- Hellènes !! Florian vient de sortir du coma, les médecins n’y croyaient plus !! Tu vois que nous avons eu raison d’insister pour qu’ils le gardent sous assistance après son accident ?
Michel préfère ne pas répondre, sachant très bien que sa femme ne comprendrait pas qu’il ne puisse pas être aussi heureux qu’elle du réveil de son petit-fils.
Un petit-fils qui pourtant leur en fait voir de toutes les couleurs depuis son plus jeune âge, ne les respectant pas quand il ne s’acharne pas sur eux avec une méchanceté qui est devenue pour lui une seconde nature.
Un petit-fils qui ne fréquente que des voyous de la pire espèce, qui se drogue, vole et multiplie depuis quelques années les accidents, en faisant un patient bien connu pour les médecins et le service soignant de l’hôpital de la Salpêtrière de Paris, subissant son mauvais caractère avec une patience que beaucoup leur envieraient.
***/***
« Paris, quelques mois plus tôt »
La sirène de police retentit soudainement en surprenant les trois garçons en pleins hold-up dans la bijouterie.
- Putain les flics !!
- T’affole pas, c’était prévu !! Le rouquin doit nous attendre avec une caisse dans la ruelle, magnez-vous le cul les gars !!
La vision de la vitrine explosée par un « crossover » volé qui a encore les deux roues avant dans le magasin, interpelle les policiers qui sortent de leur véhicule et tentent de passer à travers les bris de vitres, s’efforçant de ne pas s’écorcher avec les pointes tranchantes.
Les trois garçons cagoulés ne semblent pas plus effrayés que ça de les voir venir vers eux, l’un d’entre eux leur fait même un bras d’honneur avant de s’éclipser par l’arrière-boutique en courant.
Le sous-officier de police :
- Faites le tour !! Sinon ils vont s’échapper par-derrière !!
Ses deux collègues s’élancent dans la rue pour faire le tour du pâté de maisons, ils sont presque arrivés devant la ruelle quand un grondement de moteur les fait se jeter en arrière pour ne pas se faire écraser.
Juste le temps pour eux de voir les longs cheveux roux du chauffeur qui ne cherche même pas à les éviter et fonce pied au plancher pour rejoindre l’avenue la plus proche, un sourire sardonique aux lèvres.
Les deux policiers se relèvent.
- Le con !! Il aurait pu nous tuer !!
- Tu l’as reconnu ?
- Tu en connais d’autres toi des rouquins ? En plus il ne se cachait même pas l’enfoiré, c’est encore le fils De Bierne pas de doute !!
- Son dernier séjour en tôle ne lui aura pas suffi on dirait !!
- Pour le temps qu’il y reste !! Mais cette fois-ci il est cuit, le juge l’avait prévenu !!
- Bah !! Il s’en sortira encore comme d’habitude, l’argent de son père paiera les meilleurs avocats qui trouveront bien de quoi le faire sortir !!
Un des deux hommes sort sa radio.
- Vol avec effraction rue Lepic !! Quatre jeunes en Opel Astra blanche, l’un d’entre eux est sans doute le jeune De Bierne !! Prévenez toutes les voitures en patrouille pour qu’elles les bloquent avant qu’ils planquent leur butin !!
- Bien reçu !!
***/***
Les quatre garçons éclatent de rire, Florian accélère encore et l’aiguille titille les cent trente kilomètres heures quand un de ses potes lui en fait la remarque.
- Hé !! Ne va pas nous tuer, ralentis un peu tu veux bien ?
- Tu crois que les poulets nous ont vus ?
- Putain Florian !! Pourquoi t’as viré ta cagoule ?
- Je crevais de chaud là-dessous !!
- Les deux flics ont dû te repérer alors !! Merde !! Tu fais chier !!
- Du calme les gars !! Vous savez bien que je ne dirais rien et mon paternel ne me laissera pas aller en tôle, alors relaxe !!
Un crissement de pneus suivit d’une sirène stoppe leur conversation, le jeune rouquin avec un rictus narquois braque à fond pour prendre une rue secondaire et freine brusquement.
- Allez !! Barrez-vous vite fait avec les sacs !! On se retrouve comme d’hab !!
Les trois portières claquent et le rouquin appuie nerveusement sur l’accélérateur, semblant s’amuser comme un fou.
- Allez la poulaille !! Essayez donc de m’attraper !! On va bien rire !!!
CHAPITRE 4 (Après l’accident)
Les minutes qui suivent ne sont que crissements de pneus et sirènes hurlantes, l’Opel prenant de plus en plus de vitesse et traversant sans ralentir les carrefours, son chauffeur semblant complètement inconscient du danger.
Une camionnette passe au vert, son conducteur voit trop tard arriver sur lui l’Opel blanche et le choc terrible qui s’ensuit ameute les passants, l’enchevêtrement de ferraille les faisant pousser des cris de stupeurs et pour les plus sensibles, s’évanouir à la vue des deux corps ensanglantés coincés dans l’amas de tôles que sont devenus les deux véhicules.
***/***
« Hôpital de la Salpêtrière, début de soirée »
Pierre De Bierne arrive à l’accueil la mine sombre, il a quitté une importante réunion d’affaires à l’étranger pour venir immédiatement au chevet de son fils.
Son avocat l’a déjà contacté pour lui expliquer ce qu’il en est, il est à peine surpris d’apprendre l’accusation de vol avec effraction et préfère encore une fois laisser à ses avocats trouver la brèche juridique qui annulera purement et simplement la procédure en cours.
Ce qui compte pour l’instant pour lui, c’est de connaître exactement l’état de santé de son fils unique et c’est d’ailleurs la première chose qu’il demande à l’hôtesse quand il se présente devant elle.
- Pierre De Bierne !! Je viens aux nouvelles de mon fils, Florian De Bierne qui a eu un accident dans la matinée !!
- Un instant monsieur, je consulte les entrées de ce matin !!
Pierre la regarde taper sur son ordinateur.
- Oui en effet !! Votre fils est bien ici !! Mais j’ai bien peur que les visites lui soient interdites pour le moment, il sort d’une longue opération vous comprenez ?
- Pourrais-je au moins parler avec le chirurgien qui a opéré mon fils ?
- Je me renseigne pour savoir s’il n’est pas déjà rentré chez lui et s’il a le temps pour vous recevoir.
- Faites donc mademoiselle !!
- Si vous voulez bien vous rendre en salle d’attente, je vous tiens au courant dès que j’en sais plus !!
- Entendu mademoiselle, vous êtes bien aimable !!
Pierre va s’asseoir après avoir pris une revue au passage, il feuillette nerveusement les pages pendant un temps lui paraissant très long.
- Monsieur De Bierne ?
- Oui !!!
Pierre relève la tête et reconnaît immédiatement l’homme qui se présente devant lui.
- Cela me rappelle des souvenirs.
- En effet monsieur, votre fils semble être abonné à cet hôpital !! Mais je crains que cette fois soit une fois de trop !!
- Expliquez-vous ?
- Nous avons fait ce que nous avons pu pour son corps, mais son cerveau est atteint d’un grave traumatisme et il est dans le coma depuis l’accident !!
- C’est si grave que ça ??
- Suivez-moi !! Vous en jugerez par vous-même !!
Les deux hommes se rendent jusqu’à une salle spécialement appareillée pour les cas graves de comas traumatiques profonds, Pierre découvre alors son fils et son cœur se serre devant l’aspect pitoyable dans lequel il se trouve.
Le chirurgien lui tend un dossier en gardant en main quelques clichés de scanners qu’il étale sur une table en face du lit.
- Regardez ces taches, ce sont des caillots de sang que nous ne pouvons extraire !!
- Soyez direct docteur !!
- Votre fils et dans un état très proche de la mort cérébrale, son cerveau ne réagit quasiment plus à aucuns stimuli.
- Quand en saurez-vous plus docteur ?
- Nous allons le transporter dans une chambre où il sera sous assistance cardiaque et respiratoire, je pense que d’ici quelques semaines nous y verrons plus clair.
- Quelques semaines ???
- Au mieux, oui !!
- Souffre-t-il ?
- Je peux assurer que non !! Il faut juste laisser les choses évoluer de par elles-mêmes, mais comme je vous l’ai dit, je reste très pessimiste sur les résultats. Peut-être serait-il bon de vous préparer avec votre famille à ce qu’il ne revienne jamais à lui.
- Puis je prendre l’avis d’autres spécialistes ?
- Autant que vous voudrez monsieur, je comprends bien votre position et j’en ferais tout autant s’il s’agissait de mon enfant croyez le bien !!
- Je vous remercie de votre compréhension docteur et soyez assuré que je ne mets pas vos compétences en doute un seul instant.
- Je l’avais bien compris comme ça, je vous tiendrais informé régulièrement de l’état de votre fils !! Seul le temps et un miracle pourraient vous le rendre sans séquelles.
Pierre fixe le chirurgien avec étonnement.
- Vous voulez dire que si mon fils revient à lui, il ne sera plus le même ?
- C’est très probable en effet, son cerveau a subi trop de dégâts pour qu’il en soit autrement je le crains !!
- J’ai les moyens de payer vous savez, la vie de mon fils est plus importante que tout à mes yeux.
- Hélas l’argent ne peut pas tout acheter !! Croyez bien que j’ai fait tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver votre enfant.
CHAPITRE 5 (Quatre semaines plus tard)
Pierre et sa femme attendent l’arrivée du chirurgien qui les a convoqués, l’inquiétude peut se lire sur leur visage crispé et ils ne se font pas trop d’illusions quant à la raison de cette convocation, les nouvelles régulières de l’état de leur fils n’étant pas de celles à croire encore à une rémission de son coma.
La porte du cabinet s’ouvre sans qu’ils s’en rendent compte, le médecin les observe un moment en comprenant ce qu’ils ressentent.
Ils devraient plutôt être soulagés d’un grand poids pense-t-il alors, leur fils étant un voyou de la pire espèce tandis que les deux adultes assis en face de lui sont pour leur part d’une gentillesse peu commune.
Il connaît leur histoire, cet accident d’avion qui a failli leur coûter la vie alors que leur fils n’avait que quelques mois et il comprend que depuis ce jour-là, le garçon a reçu toute leur attention au point de le pourrir et d’en avoir fait ce qu’il est devenu.
- Monsieur et madame De Bierne !! Si vous voulez bien entrer s’il vous plaît !!
Pierre et Hellènes sursautent, trop pris dans leurs pensées pour s’être aperçus de sa venue.
- (Pierre) Bonjour docteur !! Votre convocation nous a rendus nerveux, excusez-nous.
- C’est moi qui m’excuse, j’aurais dû voir que vous ne vous étiez pas aperçus de ma présence !!
Il laisse passer le couple devant lui avant de refermer la porte, ensuite il les prie de s’asseoir en cherchant visiblement ses mots pour les amener à ce qu’il veut leur faire entendre.
- Je vais être franc avec vous !! Nous ne notons aucune amélioration du traumatisme de votre fils, son corps se remet lentement mais son cerveau n’a aucune réaction aux diverses stimulations que nous lui envoyons.
Pierre prend la main de sa femme dans la sienne pour la réconforter, comprenant bien quelle sera la suite que va prendre cette conversation.
- Si vous alliez au fait docteur ?
- Justement !! J’y viens !! Je pense sincèrement qu’il est inutile de garder espoir et qu’il serait bon d’envisager de débrancher votre fils, connaissiez-vous sa position sur le don d’organe ?
- (Hellènes) Il était très difficile d’avoir une conversation avec Florian docteur !!
- (Pierre) De toute façon ce n’est pas d’actualité pour le moment, votre demande ne nous étonne pas outre mesure car nous nous sommes posé la même question et mes parents nous ont convaincus qu’il ne fallait pas mettre un terme à la vie de notre fils, il y a eu des exemples de personnes qui sont sorties du coma après de longues années et nous avons les moyens de financer les soins de notre fils, quel qu’en soit le coût.
- Les patients auxquels vous faites allusion n’avaient pas la même pathologie, le cerveau de votre garçon a subi de graves dommages qui ont pour résultats qu’une partie de celui-ci n’est plus alimentée correctement par l’oxygène qui lui est nécessaire.
- Notre décision est prise docteur !! Nous ne donnerons jamais notre accord pour que vous débranchiez Florian !!
Le chirurgien prend le temps de répondre, il comprend parfaitement la position du couple et décide donc de leur faire une proposition alternative.
- Dans ce cas je vous propose de revoir votre position dans quelques mois, nous verrons d’ici là comment évoluent les choses et je vous promets que votre fils recevra tous les soins possibles en attendant.
Pierre De Bierne a un faible sourire en se levant et en aidant son épouse à faire de même, il se tourne ensuite vers le chirurgien pour prendre congé.
- Envoyez-moi vos honoraires, je ne demande rien de plus que vous fassiez votre possible pour le bien de mon fils.
- (Hellènes) Pouvons-nous le voir ?
- Bien entendu madame !! J’appelle un infirmier qui va vous conduire à sa chambre.
- (Pierre) C’est inutile docteur, nous connaissons le chemin !!
***/***
« Dans la chambre »
Bip… Bip… Bip…
Le couple écoute le son lancinant des appareils qui maintiennent Florian en vie, la femme a le visage ravagé par les larmes comme à chaque visite et l’homme reste grave, réfléchissant à ce qu’est devenu son enfant qui a petit à petit plongé dans la délinquance sans qu’il ne puisse rien y faire.
Il souhaite presque qu’il reste comme ça, étendu comme endormi dans ce lit d’hôpital.
- Regarde-le, chérie !! Ce n’est encore qu’un enfant, pourquoi a-t-il si mal tourné ?
- Nous avons été trop faibles avec lui sans doute !!
- Comme j’aimerais pouvoir revenir en arrière !! Avoir un fils normal !!
- Je prie chaque jour pour mon petit Florian, peut-être que notre seigneur écoutera enfin mes prières.
- Puisse-t-il t’entendre ma chérie !! Puisse-t-il t’entendre !!!
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CHAPITRE 3 (Avant l’accident)
« Aix en Provence, un autre temps »
« Dring ! Dring ! »
Une main ridée et tremblante attrape le combiné et l’amène à son oreille.
- Oui !! Allô !!
-…
- Ah !! C’est toi ma chérie !!
-…
- Oh mon Dieu !! Tu es sûre ?
-…
- Merci de nous avoir prévenus, donne un gros bisou à Pierre !!
La vieille femme raccroche, une larme perle sur sa joue ridée par les années.
- C’était qui ?
- Hellènes !! Florian vient de sortir du coma, les médecins n’y croyaient plus !! Tu vois que nous avons eu raison d’insister pour qu’ils le gardent sous assistance après son accident ?
Michel préfère ne pas répondre, sachant très bien que sa femme ne comprendrait pas qu’il ne puisse pas être aussi heureux qu’elle du réveil de son petit-fils.
Un petit-fils qui pourtant leur en fait voir de toutes les couleurs depuis son plus jeune âge, ne les respectant pas quand il ne s’acharne pas sur eux avec une méchanceté qui est devenue pour lui une seconde nature.
Un petit-fils qui ne fréquente que des voyous de la pire espèce, qui se drogue, vole et multiplie depuis quelques années les accidents, en faisant un patient bien connu pour les médecins et le service soignant de l’hôpital de la Salpêtrière de Paris, subissant son mauvais caractère avec une patience que beaucoup leur envieraient.
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« Paris, quelques mois plus tôt »
La sirène de police retentit soudainement en surprenant les trois garçons en pleins hold-up dans la bijouterie.
- Putain les flics !!
- T’affole pas, c’était prévu !! Le rouquin doit nous attendre avec une caisse dans la ruelle, magnez-vous le cul les gars !!
La vision de la vitrine explosée par un « crossover » volé qui a encore les deux roues avant dans le magasin, interpelle les policiers qui sortent de leur véhicule et tentent de passer à travers les bris de vitres, s’efforçant de ne pas s’écorcher avec les pointes tranchantes.
Les trois garçons cagoulés ne semblent pas plus effrayés que ça de les voir venir vers eux, l’un d’entre eux leur fait même un bras d’honneur avant de s’éclipser par l’arrière-boutique en courant.
Le sous-officier de police :
- Faites le tour !! Sinon ils vont s’échapper par-derrière !!
Ses deux collègues s’élancent dans la rue pour faire le tour du pâté de maisons, ils sont presque arrivés devant la ruelle quand un grondement de moteur les fait se jeter en arrière pour ne pas se faire écraser.
Juste le temps pour eux de voir les longs cheveux roux du chauffeur qui ne cherche même pas à les éviter et fonce pied au plancher pour rejoindre l’avenue la plus proche, un sourire sardonique aux lèvres.
Les deux policiers se relèvent.
- Le con !! Il aurait pu nous tuer !!
- Tu l’as reconnu ?
- Tu en connais d’autres toi des rouquins ? En plus il ne se cachait même pas l’enfoiré, c’est encore le fils De Bierne pas de doute !!
- Son dernier séjour en tôle ne lui aura pas suffi on dirait !!
- Pour le temps qu’il y reste !! Mais cette fois-ci il est cuit, le juge l’avait prévenu !!
- Bah !! Il s’en sortira encore comme d’habitude, l’argent de son père paiera les meilleurs avocats qui trouveront bien de quoi le faire sortir !!
Un des deux hommes sort sa radio.
- Vol avec effraction rue Lepic !! Quatre jeunes en Opel Astra blanche, l’un d’entre eux est sans doute le jeune De Bierne !! Prévenez toutes les voitures en patrouille pour qu’elles les bloquent avant qu’ils planquent leur butin !!
- Bien reçu !!
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Les quatre garçons éclatent de rire, Florian accélère encore et l’aiguille titille les cent trente kilomètres heures quand un de ses potes lui en fait la remarque.
- Hé !! Ne va pas nous tuer, ralentis un peu tu veux bien ?
- Tu crois que les poulets nous ont vus ?
- Putain Florian !! Pourquoi t’as viré ta cagoule ?
- Je crevais de chaud là-dessous !!
- Les deux flics ont dû te repérer alors !! Merde !! Tu fais chier !!
- Du calme les gars !! Vous savez bien que je ne dirais rien et mon paternel ne me laissera pas aller en tôle, alors relaxe !!
Un crissement de pneus suivit d’une sirène stoppe leur conversation, le jeune rouquin avec un rictus narquois braque à fond pour prendre une rue secondaire et freine brusquement.
- Allez !! Barrez-vous vite fait avec les sacs !! On se retrouve comme d’hab !!
Les trois portières claquent et le rouquin appuie nerveusement sur l’accélérateur, semblant s’amuser comme un fou.
- Allez la poulaille !! Essayez donc de m’attraper !! On va bien rire !!!
CHAPITRE 4 (Après l’accident)
Les minutes qui suivent ne sont que crissements de pneus et sirènes hurlantes, l’Opel prenant de plus en plus de vitesse et traversant sans ralentir les carrefours, son chauffeur semblant complètement inconscient du danger.
Une camionnette passe au vert, son conducteur voit trop tard arriver sur lui l’Opel blanche et le choc terrible qui s’ensuit ameute les passants, l’enchevêtrement de ferraille les faisant pousser des cris de stupeurs et pour les plus sensibles, s’évanouir à la vue des deux corps ensanglantés coincés dans l’amas de tôles que sont devenus les deux véhicules.
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« Hôpital de la Salpêtrière, début de soirée »
Pierre De Bierne arrive à l’accueil la mine sombre, il a quitté une importante réunion d’affaires à l’étranger pour venir immédiatement au chevet de son fils.
Son avocat l’a déjà contacté pour lui expliquer ce qu’il en est, il est à peine surpris d’apprendre l’accusation de vol avec effraction et préfère encore une fois laisser à ses avocats trouver la brèche juridique qui annulera purement et simplement la procédure en cours.
Ce qui compte pour l’instant pour lui, c’est de connaître exactement l’état de santé de son fils unique et c’est d’ailleurs la première chose qu’il demande à l’hôtesse quand il se présente devant elle.
- Pierre De Bierne !! Je viens aux nouvelles de mon fils, Florian De Bierne qui a eu un accident dans la matinée !!
- Un instant monsieur, je consulte les entrées de ce matin !!
Pierre la regarde taper sur son ordinateur.
- Oui en effet !! Votre fils est bien ici !! Mais j’ai bien peur que les visites lui soient interdites pour le moment, il sort d’une longue opération vous comprenez ?
- Pourrais-je au moins parler avec le chirurgien qui a opéré mon fils ?
- Je me renseigne pour savoir s’il n’est pas déjà rentré chez lui et s’il a le temps pour vous recevoir.
- Faites donc mademoiselle !!
- Si vous voulez bien vous rendre en salle d’attente, je vous tiens au courant dès que j’en sais plus !!
- Entendu mademoiselle, vous êtes bien aimable !!
Pierre va s’asseoir après avoir pris une revue au passage, il feuillette nerveusement les pages pendant un temps lui paraissant très long.
- Monsieur De Bierne ?
- Oui !!!
Pierre relève la tête et reconnaît immédiatement l’homme qui se présente devant lui.
- Cela me rappelle des souvenirs.
- En effet monsieur, votre fils semble être abonné à cet hôpital !! Mais je crains que cette fois soit une fois de trop !!
- Expliquez-vous ?
- Nous avons fait ce que nous avons pu pour son corps, mais son cerveau est atteint d’un grave traumatisme et il est dans le coma depuis l’accident !!
- C’est si grave que ça ??
- Suivez-moi !! Vous en jugerez par vous-même !!
Les deux hommes se rendent jusqu’à une salle spécialement appareillée pour les cas graves de comas traumatiques profonds, Pierre découvre alors son fils et son cœur se serre devant l’aspect pitoyable dans lequel il se trouve.
Le chirurgien lui tend un dossier en gardant en main quelques clichés de scanners qu’il étale sur une table en face du lit.
- Regardez ces taches, ce sont des caillots de sang que nous ne pouvons extraire !!
- Soyez direct docteur !!
- Votre fils et dans un état très proche de la mort cérébrale, son cerveau ne réagit quasiment plus à aucuns stimuli.
- Quand en saurez-vous plus docteur ?
- Nous allons le transporter dans une chambre où il sera sous assistance cardiaque et respiratoire, je pense que d’ici quelques semaines nous y verrons plus clair.
- Quelques semaines ???
- Au mieux, oui !!
- Souffre-t-il ?
- Je peux assurer que non !! Il faut juste laisser les choses évoluer de par elles-mêmes, mais comme je vous l’ai dit, je reste très pessimiste sur les résultats. Peut-être serait-il bon de vous préparer avec votre famille à ce qu’il ne revienne jamais à lui.
- Puis je prendre l’avis d’autres spécialistes ?
- Autant que vous voudrez monsieur, je comprends bien votre position et j’en ferais tout autant s’il s’agissait de mon enfant croyez le bien !!
- Je vous remercie de votre compréhension docteur et soyez assuré que je ne mets pas vos compétences en doute un seul instant.
- Je l’avais bien compris comme ça, je vous tiendrais informé régulièrement de l’état de votre fils !! Seul le temps et un miracle pourraient vous le rendre sans séquelles.
Pierre fixe le chirurgien avec étonnement.
- Vous voulez dire que si mon fils revient à lui, il ne sera plus le même ?
- C’est très probable en effet, son cerveau a subi trop de dégâts pour qu’il en soit autrement je le crains !!
- J’ai les moyens de payer vous savez, la vie de mon fils est plus importante que tout à mes yeux.
- Hélas l’argent ne peut pas tout acheter !! Croyez bien que j’ai fait tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver votre enfant.
CHAPITRE 5 (Quatre semaines plus tard)
Pierre et sa femme attendent l’arrivée du chirurgien qui les a convoqués, l’inquiétude peut se lire sur leur visage crispé et ils ne se font pas trop d’illusions quant à la raison de cette convocation, les nouvelles régulières de l’état de leur fils n’étant pas de celles à croire encore à une rémission de son coma.
La porte du cabinet s’ouvre sans qu’ils s’en rendent compte, le médecin les observe un moment en comprenant ce qu’ils ressentent.
Ils devraient plutôt être soulagés d’un grand poids pense-t-il alors, leur fils étant un voyou de la pire espèce tandis que les deux adultes assis en face de lui sont pour leur part d’une gentillesse peu commune.
Il connaît leur histoire, cet accident d’avion qui a failli leur coûter la vie alors que leur fils n’avait que quelques mois et il comprend que depuis ce jour-là, le garçon a reçu toute leur attention au point de le pourrir et d’en avoir fait ce qu’il est devenu.
- Monsieur et madame De Bierne !! Si vous voulez bien entrer s’il vous plaît !!
Pierre et Hellènes sursautent, trop pris dans leurs pensées pour s’être aperçus de sa venue.
- (Pierre) Bonjour docteur !! Votre convocation nous a rendus nerveux, excusez-nous.
- C’est moi qui m’excuse, j’aurais dû voir que vous ne vous étiez pas aperçus de ma présence !!
Il laisse passer le couple devant lui avant de refermer la porte, ensuite il les prie de s’asseoir en cherchant visiblement ses mots pour les amener à ce qu’il veut leur faire entendre.
- Je vais être franc avec vous !! Nous ne notons aucune amélioration du traumatisme de votre fils, son corps se remet lentement mais son cerveau n’a aucune réaction aux diverses stimulations que nous lui envoyons.
Pierre prend la main de sa femme dans la sienne pour la réconforter, comprenant bien quelle sera la suite que va prendre cette conversation.
- Si vous alliez au fait docteur ?
- Justement !! J’y viens !! Je pense sincèrement qu’il est inutile de garder espoir et qu’il serait bon d’envisager de débrancher votre fils, connaissiez-vous sa position sur le don d’organe ?
- (Hellènes) Il était très difficile d’avoir une conversation avec Florian docteur !!
- (Pierre) De toute façon ce n’est pas d’actualité pour le moment, votre demande ne nous étonne pas outre mesure car nous nous sommes posé la même question et mes parents nous ont convaincus qu’il ne fallait pas mettre un terme à la vie de notre fils, il y a eu des exemples de personnes qui sont sorties du coma après de longues années et nous avons les moyens de financer les soins de notre fils, quel qu’en soit le coût.
- Les patients auxquels vous faites allusion n’avaient pas la même pathologie, le cerveau de votre garçon a subi de graves dommages qui ont pour résultats qu’une partie de celui-ci n’est plus alimentée correctement par l’oxygène qui lui est nécessaire.
- Notre décision est prise docteur !! Nous ne donnerons jamais notre accord pour que vous débranchiez Florian !!
Le chirurgien prend le temps de répondre, il comprend parfaitement la position du couple et décide donc de leur faire une proposition alternative.
- Dans ce cas je vous propose de revoir votre position dans quelques mois, nous verrons d’ici là comment évoluent les choses et je vous promets que votre fils recevra tous les soins possibles en attendant.
Pierre De Bierne a un faible sourire en se levant et en aidant son épouse à faire de même, il se tourne ensuite vers le chirurgien pour prendre congé.
- Envoyez-moi vos honoraires, je ne demande rien de plus que vous fassiez votre possible pour le bien de mon fils.
- (Hellènes) Pouvons-nous le voir ?
- Bien entendu madame !! J’appelle un infirmier qui va vous conduire à sa chambre.
- (Pierre) C’est inutile docteur, nous connaissons le chemin !!
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« Dans la chambre »
Bip… Bip… Bip…
Le couple écoute le son lancinant des appareils qui maintiennent Florian en vie, la femme a le visage ravagé par les larmes comme à chaque visite et l’homme reste grave, réfléchissant à ce qu’est devenu son enfant qui a petit à petit plongé dans la délinquance sans qu’il ne puisse rien y faire.
Il souhaite presque qu’il reste comme ça, étendu comme endormi dans ce lit d’hôpital.
- Regarde-le, chérie !! Ce n’est encore qu’un enfant, pourquoi a-t-il si mal tourné ?
- Nous avons été trop faibles avec lui sans doute !!
- Comme j’aimerais pouvoir revenir en arrière !! Avoir un fils normal !!
- Je prie chaque jour pour mon petit Florian, peut-être que notre seigneur écoutera enfin mes prières.
- Puisse-t-il t’entendre ma chérie !! Puisse-t-il t’entendre !!!