19-05-2025, 03:21 PM
Chapitre 38
7H15 ! Les diodes rouges du radio réveil brillent dans l'obscurité. C'est l'heure !
Pas le temps de traîner, le train part à 9h04 de la gare de Hannover.
— Thomas, je file à la douche et toi tu fais ta valise, ok !
C'est vrai qu'on est rentré très tard hier soir et que du coup rien n'est prêt...
— Ok, ça marche !
En sortant de la chambre, Robin allume le plafonnier ce qui fait que de toute façon, la lumière achevant de me réveiller, je ne risque pas me rendormir. Il me connaît bien l'animal !
« Allez c'est pas le moment de traîner, on met le paquet et en dix minutes ça doit être bouclé ! »
Je me lève et ouvre en grand la valise vide dans laquelle je déverse, en tassant bien, tout ce qu'il y a dans le placard.
Tout est propre ! Birgit tenait absolument à ce que nous ne partions avec tout notre linge propre et il a fallu vraiment protester pour l'empêcher de le repasser !
Je termine juste de boucler ma valise, difficilement, on ne sait pas pourquoi mais c'est toujours plus difficile au retour... comme si les vêtements s'étaient imprégnés de souvenirs et de ce fait prenaient plus de place... , quand Robin rentre dans la chambre.
— Vas-y Thomas, à toi !
Décidément il est speed ce matin. Moi, je dois me faire violence pour être efficace et puis si ça ne tenait qu'à moi je le raterai bien ce foutu train !
...
Quand nous descendons, tout le monde est là, à nous attendre. Même Dieter a sacrifié sa grasse matinée pour nous accompagner au train, c'est vraiment super sympa.
Je n'ai pas trop faim mais je mange car je vois que ça fait plaisir à Birgit.
— Ich werde doch nicht ihr mit einem leeren Magen weg fahren lassen! (Je ne vais quand même pas vous laisser partir le ventre vide !)
Dieter nous regarde et sourit. Quand Birgit a décidé quelque chose ce n'est pas la peine d'essayer de vouloir lui expliquer que j'ai déjà l'estomac plein après mon bol de céréale et que je n'ai pas d'appétit aujourd'hui...
8h05. Branle bas de combat !
On a déjà cinq minutes de retard sur l'horaire prévu...
Nous remontons chercher nos valises dans la chambre tandis que Birgit sort sa voiture du garage et que Dieter embarque les enfants dans l'Audi.
Je regarde une dernière fois cette chambre, témoin privilégié de notre amour. Elle va me manquer. Je jette un regard circulaire et grave en moi tous les éléments qui ont constitués notre havre, notre nid...
Trois coups de klaxon retentissent. Je m'arrache à mes pensées et descends les escaliers à toute vitesse.
— Ich komme, ich komme ! (J'arrive, j'arrive !)
J'enfourne la valise dans le coffre et vient m'asseoir à l'avant à coté de Birgit. Robin est dans l'Audi avec Andreas et Florian et le petit Michaël derrière moi dans son siège auto.
— Es ist schon zehn nach acht, wir sind spät!" (Il est déjà huit heures dix, nous sommes en retard !)
Birgit démarre brusquement et la voiture sort de l'allée. Juste le temps pour moi de regarder une dernière fois la maison, le jardin et nous tournons déjà dans la rue du lotissement.
Ça y est Laatzen, c'est fini !
...
— Du bist doch sehr still Thomas... (Tu es bien silencieux Thomas...)
— Ja, alles geht so schnell, alles ist schon vorbei... das macht mich melancholisch. " (Oui, tout est allé si vite, c'est déjà fini..)
J'ai le coeur serré mais je m'efforce de ne pas trop le laisser paraître...
Elle appuie sur le champignon, Birgit, cette fois-ci, on dirait qu'elle ne veut pas se faire semer par Dieter sur l'autoroute...
On est samedi matin, il n'y a personne sur la route. Je ne suis pas inquiet, on n'arrivera pas en retard.
— Birgit, ich glaube wir haben doch Zeit oder? (Birgit, on a le temps, non ?)
— Ja, das weiß ich aber ich bin nervös und ich muss Etwas machen, so schimpfe ich nach allen! (Oui, je sais mais je suis nerveuse et il faut que je m'occupe c'est pour ça que je râle après tout le monde !)
— Genau so wie meine Mutter! (Exactement comme ma mère !)
— Die Mütter machen sich immer Sorgen für ihre große Jungen, wusstest du es nicht? (Les mères se font toujours du souci pour leurs grands garçons, tu ne savais pas ça ?)
Je souris. Elle vient presque de me dire qu'elle se fait du souci pour moi, comme une mère...
...
8h39. Nous rentrons à la gare. Il n'y a vraiment pas le feu, nous avons six minutes pour arriver jusqu'au train et retrouver tous les autres...
Tout d'un coup, j'ai envie que tout soit fini et que nous soyons déjà partis. Je n'aime pas ces moments, ça me met mal à l'aise et j'ai toujours l'impression de ne pas être à la hauteur...
Ça y est je les vois ! Tout le groupe est là sur le quai encore vide. Patrick et Jutta s'agitent dans tous les sens, discutent avec tout le monde, règlent mille problèmes, la routine quoi !...
Nous nous signalons auprès d'eux et après avoir fait un petit signe à Marjo et Alexis, nous retournons vers toute la famille Kirchman.
Le train rentre en gare quelques minutes plus tard. C'est le moment des adieux !
Tout le monde est un peu emprunté, on n'a pas grand-chose à se dire sinon qu'on est tous tristes de se séparer, certainement conscients que l'on ne se reverra plus même si on ne le formule pas... ce n'est pas de l'hypocrisie, c'est juste le désir de ne pas se faire trop de mal ou de croire à un hypothétique retour...
C'est Birgit qui coupe court et se lance.
— Birgit : Jungen, ihre Abreise macht uns sehr traurig aber wir haben drei wunderbare Wochen mit ihnen verbracht und ich glaube dass es für alle eine sehr schöne und bereichernde Erfahrung war. Bitte, gib uns Nachrichte, wir werden darauf warten... (Les garçons, votre départ nous attriste vraiment mais nous avons passé trois magnifiques semaines ensembles et je crois que pour tout le monde ce fut une très belle et très riche expérience. Donnez- nous de vos nouvelles, nous les attendrons avec impatience...)
— Robin : Danke, Birgit! Danke für alles und ich meine es wirklich! (Merci Birgit ! Merci pour tout et je le pense vraiment !)
— Thomas : Ja danke! Wir sind euch für viel mehr als ein schöner Spachaufenthalt verdankt. (Oui, merci ! Pour nous, ça a été beaucoup plus qu'un simple séjour linguistique.)
Ihr habt alle erlaubt dass unseres Lebens eine Bedeutung haben kann... (Vous nous avez permis de donner un sens à notre vie...)
On se regarde, visiblement tous émus et on s'embrasse chaleureusement en souhaitant se revoir bientôt... qui sait ça arrivera peut-être...
Jutta vient interrompre cette séance d'adieu en nous demandant de monter au plus vite dans le train. Derniers baisers, dernières accolades et nous embarquons...
C'est vraiment la fin du séjour...
On s'installe rapidement en face d'Alexis et Marjo, qui nous ont gardé des places et on retourne à la fenêtre, coté quai, pour faire un dernier au revoir à tout le monde...
Le train s'ébranle doucement, les visages se contractent un peu puis s'éloignent avant de disparaître happés par la distance... cette fois c'est vraiment fini...
...
Dans le wagon flotte d'abord un peu de mélancolie, vite oubliée, à notre âge on zappe vite... et c'est bien sûr au retour en France dans sa famille et aussi aux vacances d'août que tout le monde pense. J'y pense moi aussi, mais pas avec le même enthousiasme que les autres. Non, décidément Robin et moi, avons du mal à partager l'allégresse de nos compagnons de voyage...
— Alexis : Ça va les gars ? demande Alexis remarquant notre air abattu.
— Thomas : Ouais, tu sais pour nous c'est dur. On compte plutôt le temps qu'il nous reste. Tout le monde décompte impatiemment les heures qui les séparent de l'arrivée et nous c'est le contraire...
— Alexis : C'est sûr mais il faut pas que vous vous laissiez abattre ! C'est aussi à partir de là que vous pourrez faire quelque chose !
— Robin : Oui mais toi, après les vacances tu retrouveras Marjo et vous continuerez à vous voir, à vous aimer... nous c'est la mort...
— Marjorie : Faut voir, après mes vacances entre filles, Alexis, ce sera peut-être qu'un lointain souvenir ! dit malicieusement Marjo.
— Alexis : Ah non, pas question ! Si tu me largues, fais le maintenant comme ça moi aussi je pourrai m'amuser ! D'ailleurs, maintenant que j'y pense j'ai plusieurs copines qui ne partent pas cet été et qui m'ont suppliées de passer les voir...
— Marjorie : C'est ça mon p'tit gars, attend que j'apprenne un truc comme ça et je t'égorge avec ma lime à ongle !
Ils sont sympas de faire leur sketch pour nous changer les idées, on n'est pas dupe mais on sourit et on essaye de ne plus penser à nous...
Patrick et Jutta font le tour du wagon et discutent un peu avec tout le monde. Ils arrivent bientôt à notre hauteur.
— Patrick : Alors les quatre inséparables, que pensez-vous de ce séjour ? C'était comment l'Allemagne ?
On leur répond d'un même élan unanime que vraiment c'était super et on les remercie pour tout ce qu'ils ont fait pour nous
— Jutta : Et la langue ? Vous avez fait des progrès ?
— Marjorie : Bon c'est sûr que je me sens pas encore suffisamment forte pour y retourner toute seule mais j'ai vachement progressé !
— Alexis : Moi c'est pareil.
— Robin : Moi aussi et je pense qu'avec un deuxième séjour j'arriverai à un bon niveau. Déjà à la fin j'avais l'impression de presque tout comprendre. C'est plus pour parler qu'il me manque encore du vocab !
— Jutta : Et toi Thomas ? J'ai l'impression que tu es quasiment bilingue maintenant ?
— Thomas : Bilingue, je sais pas mais j'ai pris confiance en moi et je pense que je peux me débrouiller correctement.
— Robin : Arrête ton char ! C'est un vrai dictionnaire français/allemand ! C'est bien simple, je crois pas qu'il du demander à quelqu'un de la famille ou à nos copains allemands de répéter une seule fois !
— Alexis : C'est vrai qu'à part peut-être du vocabulaire spécialisé dans les pharmacies...
Ça c'est un coup bas ! Je rougis en repensant à la fameuse scène et les autres éclatent de rire devant nos deux accompagnateurs un peu perplexes...
— Thomas : On a surtout eu la chance de tomber dans une famille super et on a beaucoup parlé avec tout le monde. On est pas mal resté à Laatzen avec des amis d'Andreas, le fils de notre âge, et c'est vrai que du coup on a bien profité du séjour.
— Patrick : Madame Kirchman est venue me parler tout à l'heure et elle était enchantée de vous avoir eu à la maison. Elle m'a dit que votre départ la rendait presque malade et que vous vous étiez très très bien intégrés à la famille... elle m'a montrée l'adaptation de Göttingen que vous avez fait pour elle, elle était très émue...
— Jutta : Elle nous a aussi expliqué votre situation... reprend Jutta en regardant Marjo et Alexis en hésitant.
Ceux-ci comprennent le message et se lèvent malgré nos protestations, pour nous laisser parler tranquillement.
— Robin : Birgit est vraiment quelqu'un de génial et elle a été comme une mère pour nous...
— Thomas : Et toute la famille a été incroyablement géniale alors c'est sûr, maintenant on est un peu désemparés, surtout que Robin déménage en Suède alors c'est un peu la fin du rêve...
— Jutta : Voulez-vous qu'on contacte vos parents, quand vous leur aurez parlé, qu'on leur explique, qu'on leur dise tout simplement que vous êtes deux garçons très bien dans vos têtes et qu'ils peuvent avoir confiance en vous...
— Thomas : C'est vraiment très gentil de votre part. Non, c'est beaucoup plus que ça d'ailleurs ! Mais on ne sait vraiment pas comment ça va se passer, si on va en parler à nos parents tout de suite ou si on attend un peu pour essayer de pas trop les choquer...
— Jutta : Ecoutez, je vous donne mon numéro de téléphone et si vous croyez que ça peut être utile, téléphonez-moi ou dites à vos parents de m'appeler...
On les remercie tous les deux, un peu surpris quand même de cette démarche, mais très touchés et assez remués...
Vraiment on a rencontré au cours de ce voyage des personnes d'une grande ouverture d'esprit qui ont fait preuve à notre égard de compréhension de façon incroyable. Comme si elles étaient touchées par notre sort et manifestaient alors une volonté de nous protéger, de nous aider à porter une partie de notre fardeau...
Cela dit, c'est à nous de faire le boulot auprès de nos familles et à personne d'autre !... et après on verra...
...
Que dire d'autre ?
Que ce fut un peu misérable, que l'ambiance ne s'est pas franchement égayée... On a joué aux cartes pour passer le temps mais sans grande conviction...
Le seul moment un peu marrant c'est quand Marjo est allée aux toilettes et que Robin a demandé à Alexis si les capotes lui avaient été utiles...
Il a rougi avant de nous avouer que non, que Marjo se sent pas encore prête, mais que... il ne désespère pas... et que peut-être avant la fin des vacances...
Les adieux ont été douloureux. Marjo, qui feint toujours une certaine insensibilité, a un peu craqué ce qui nous a tous obligé à sortir un mouchoir...
C'était sympa et douloureux en même temps. On s'est promis de s'écrire, de s'appeler...
On s'est embrassé une dernière fois et on s'est quitté dans un couloir de métro, eux filant gare de Lyon et nous prenant la direction de Montparnasse.
7H15 ! Les diodes rouges du radio réveil brillent dans l'obscurité. C'est l'heure !
Pas le temps de traîner, le train part à 9h04 de la gare de Hannover.
— Thomas, je file à la douche et toi tu fais ta valise, ok !
C'est vrai qu'on est rentré très tard hier soir et que du coup rien n'est prêt...
— Ok, ça marche !
En sortant de la chambre, Robin allume le plafonnier ce qui fait que de toute façon, la lumière achevant de me réveiller, je ne risque pas me rendormir. Il me connaît bien l'animal !
« Allez c'est pas le moment de traîner, on met le paquet et en dix minutes ça doit être bouclé ! »
Je me lève et ouvre en grand la valise vide dans laquelle je déverse, en tassant bien, tout ce qu'il y a dans le placard.
Tout est propre ! Birgit tenait absolument à ce que nous ne partions avec tout notre linge propre et il a fallu vraiment protester pour l'empêcher de le repasser !
Je termine juste de boucler ma valise, difficilement, on ne sait pas pourquoi mais c'est toujours plus difficile au retour... comme si les vêtements s'étaient imprégnés de souvenirs et de ce fait prenaient plus de place... , quand Robin rentre dans la chambre.
— Vas-y Thomas, à toi !
Décidément il est speed ce matin. Moi, je dois me faire violence pour être efficace et puis si ça ne tenait qu'à moi je le raterai bien ce foutu train !
...
Quand nous descendons, tout le monde est là, à nous attendre. Même Dieter a sacrifié sa grasse matinée pour nous accompagner au train, c'est vraiment super sympa.
Je n'ai pas trop faim mais je mange car je vois que ça fait plaisir à Birgit.
— Ich werde doch nicht ihr mit einem leeren Magen weg fahren lassen! (Je ne vais quand même pas vous laisser partir le ventre vide !)
Dieter nous regarde et sourit. Quand Birgit a décidé quelque chose ce n'est pas la peine d'essayer de vouloir lui expliquer que j'ai déjà l'estomac plein après mon bol de céréale et que je n'ai pas d'appétit aujourd'hui...
8h05. Branle bas de combat !
On a déjà cinq minutes de retard sur l'horaire prévu...
Nous remontons chercher nos valises dans la chambre tandis que Birgit sort sa voiture du garage et que Dieter embarque les enfants dans l'Audi.
Je regarde une dernière fois cette chambre, témoin privilégié de notre amour. Elle va me manquer. Je jette un regard circulaire et grave en moi tous les éléments qui ont constitués notre havre, notre nid...
Trois coups de klaxon retentissent. Je m'arrache à mes pensées et descends les escaliers à toute vitesse.
— Ich komme, ich komme ! (J'arrive, j'arrive !)
J'enfourne la valise dans le coffre et vient m'asseoir à l'avant à coté de Birgit. Robin est dans l'Audi avec Andreas et Florian et le petit Michaël derrière moi dans son siège auto.
— Es ist schon zehn nach acht, wir sind spät!" (Il est déjà huit heures dix, nous sommes en retard !)
Birgit démarre brusquement et la voiture sort de l'allée. Juste le temps pour moi de regarder une dernière fois la maison, le jardin et nous tournons déjà dans la rue du lotissement.
Ça y est Laatzen, c'est fini !
...
— Du bist doch sehr still Thomas... (Tu es bien silencieux Thomas...)
— Ja, alles geht so schnell, alles ist schon vorbei... das macht mich melancholisch. " (Oui, tout est allé si vite, c'est déjà fini..)
J'ai le coeur serré mais je m'efforce de ne pas trop le laisser paraître...
Elle appuie sur le champignon, Birgit, cette fois-ci, on dirait qu'elle ne veut pas se faire semer par Dieter sur l'autoroute...
On est samedi matin, il n'y a personne sur la route. Je ne suis pas inquiet, on n'arrivera pas en retard.
— Birgit, ich glaube wir haben doch Zeit oder? (Birgit, on a le temps, non ?)
— Ja, das weiß ich aber ich bin nervös und ich muss Etwas machen, so schimpfe ich nach allen! (Oui, je sais mais je suis nerveuse et il faut que je m'occupe c'est pour ça que je râle après tout le monde !)
— Genau so wie meine Mutter! (Exactement comme ma mère !)
— Die Mütter machen sich immer Sorgen für ihre große Jungen, wusstest du es nicht? (Les mères se font toujours du souci pour leurs grands garçons, tu ne savais pas ça ?)
Je souris. Elle vient presque de me dire qu'elle se fait du souci pour moi, comme une mère...
...
8h39. Nous rentrons à la gare. Il n'y a vraiment pas le feu, nous avons six minutes pour arriver jusqu'au train et retrouver tous les autres...
Tout d'un coup, j'ai envie que tout soit fini et que nous soyons déjà partis. Je n'aime pas ces moments, ça me met mal à l'aise et j'ai toujours l'impression de ne pas être à la hauteur...
Ça y est je les vois ! Tout le groupe est là sur le quai encore vide. Patrick et Jutta s'agitent dans tous les sens, discutent avec tout le monde, règlent mille problèmes, la routine quoi !...
Nous nous signalons auprès d'eux et après avoir fait un petit signe à Marjo et Alexis, nous retournons vers toute la famille Kirchman.
Le train rentre en gare quelques minutes plus tard. C'est le moment des adieux !
Tout le monde est un peu emprunté, on n'a pas grand-chose à se dire sinon qu'on est tous tristes de se séparer, certainement conscients que l'on ne se reverra plus même si on ne le formule pas... ce n'est pas de l'hypocrisie, c'est juste le désir de ne pas se faire trop de mal ou de croire à un hypothétique retour...
C'est Birgit qui coupe court et se lance.
— Birgit : Jungen, ihre Abreise macht uns sehr traurig aber wir haben drei wunderbare Wochen mit ihnen verbracht und ich glaube dass es für alle eine sehr schöne und bereichernde Erfahrung war. Bitte, gib uns Nachrichte, wir werden darauf warten... (Les garçons, votre départ nous attriste vraiment mais nous avons passé trois magnifiques semaines ensembles et je crois que pour tout le monde ce fut une très belle et très riche expérience. Donnez- nous de vos nouvelles, nous les attendrons avec impatience...)
— Robin : Danke, Birgit! Danke für alles und ich meine es wirklich! (Merci Birgit ! Merci pour tout et je le pense vraiment !)
— Thomas : Ja danke! Wir sind euch für viel mehr als ein schöner Spachaufenthalt verdankt. (Oui, merci ! Pour nous, ça a été beaucoup plus qu'un simple séjour linguistique.)
Ihr habt alle erlaubt dass unseres Lebens eine Bedeutung haben kann... (Vous nous avez permis de donner un sens à notre vie...)
On se regarde, visiblement tous émus et on s'embrasse chaleureusement en souhaitant se revoir bientôt... qui sait ça arrivera peut-être...
Jutta vient interrompre cette séance d'adieu en nous demandant de monter au plus vite dans le train. Derniers baisers, dernières accolades et nous embarquons...
C'est vraiment la fin du séjour...
On s'installe rapidement en face d'Alexis et Marjo, qui nous ont gardé des places et on retourne à la fenêtre, coté quai, pour faire un dernier au revoir à tout le monde...
Le train s'ébranle doucement, les visages se contractent un peu puis s'éloignent avant de disparaître happés par la distance... cette fois c'est vraiment fini...
...
Dans le wagon flotte d'abord un peu de mélancolie, vite oubliée, à notre âge on zappe vite... et c'est bien sûr au retour en France dans sa famille et aussi aux vacances d'août que tout le monde pense. J'y pense moi aussi, mais pas avec le même enthousiasme que les autres. Non, décidément Robin et moi, avons du mal à partager l'allégresse de nos compagnons de voyage...
— Alexis : Ça va les gars ? demande Alexis remarquant notre air abattu.
— Thomas : Ouais, tu sais pour nous c'est dur. On compte plutôt le temps qu'il nous reste. Tout le monde décompte impatiemment les heures qui les séparent de l'arrivée et nous c'est le contraire...
— Alexis : C'est sûr mais il faut pas que vous vous laissiez abattre ! C'est aussi à partir de là que vous pourrez faire quelque chose !
— Robin : Oui mais toi, après les vacances tu retrouveras Marjo et vous continuerez à vous voir, à vous aimer... nous c'est la mort...
— Marjorie : Faut voir, après mes vacances entre filles, Alexis, ce sera peut-être qu'un lointain souvenir ! dit malicieusement Marjo.
— Alexis : Ah non, pas question ! Si tu me largues, fais le maintenant comme ça moi aussi je pourrai m'amuser ! D'ailleurs, maintenant que j'y pense j'ai plusieurs copines qui ne partent pas cet été et qui m'ont suppliées de passer les voir...
— Marjorie : C'est ça mon p'tit gars, attend que j'apprenne un truc comme ça et je t'égorge avec ma lime à ongle !
Ils sont sympas de faire leur sketch pour nous changer les idées, on n'est pas dupe mais on sourit et on essaye de ne plus penser à nous...
Patrick et Jutta font le tour du wagon et discutent un peu avec tout le monde. Ils arrivent bientôt à notre hauteur.
— Patrick : Alors les quatre inséparables, que pensez-vous de ce séjour ? C'était comment l'Allemagne ?
On leur répond d'un même élan unanime que vraiment c'était super et on les remercie pour tout ce qu'ils ont fait pour nous
— Jutta : Et la langue ? Vous avez fait des progrès ?
— Marjorie : Bon c'est sûr que je me sens pas encore suffisamment forte pour y retourner toute seule mais j'ai vachement progressé !
— Alexis : Moi c'est pareil.
— Robin : Moi aussi et je pense qu'avec un deuxième séjour j'arriverai à un bon niveau. Déjà à la fin j'avais l'impression de presque tout comprendre. C'est plus pour parler qu'il me manque encore du vocab !
— Jutta : Et toi Thomas ? J'ai l'impression que tu es quasiment bilingue maintenant ?
— Thomas : Bilingue, je sais pas mais j'ai pris confiance en moi et je pense que je peux me débrouiller correctement.
— Robin : Arrête ton char ! C'est un vrai dictionnaire français/allemand ! C'est bien simple, je crois pas qu'il du demander à quelqu'un de la famille ou à nos copains allemands de répéter une seule fois !
— Alexis : C'est vrai qu'à part peut-être du vocabulaire spécialisé dans les pharmacies...
Ça c'est un coup bas ! Je rougis en repensant à la fameuse scène et les autres éclatent de rire devant nos deux accompagnateurs un peu perplexes...
— Thomas : On a surtout eu la chance de tomber dans une famille super et on a beaucoup parlé avec tout le monde. On est pas mal resté à Laatzen avec des amis d'Andreas, le fils de notre âge, et c'est vrai que du coup on a bien profité du séjour.
— Patrick : Madame Kirchman est venue me parler tout à l'heure et elle était enchantée de vous avoir eu à la maison. Elle m'a dit que votre départ la rendait presque malade et que vous vous étiez très très bien intégrés à la famille... elle m'a montrée l'adaptation de Göttingen que vous avez fait pour elle, elle était très émue...
— Jutta : Elle nous a aussi expliqué votre situation... reprend Jutta en regardant Marjo et Alexis en hésitant.
Ceux-ci comprennent le message et se lèvent malgré nos protestations, pour nous laisser parler tranquillement.
— Robin : Birgit est vraiment quelqu'un de génial et elle a été comme une mère pour nous...
— Thomas : Et toute la famille a été incroyablement géniale alors c'est sûr, maintenant on est un peu désemparés, surtout que Robin déménage en Suède alors c'est un peu la fin du rêve...
— Jutta : Voulez-vous qu'on contacte vos parents, quand vous leur aurez parlé, qu'on leur explique, qu'on leur dise tout simplement que vous êtes deux garçons très bien dans vos têtes et qu'ils peuvent avoir confiance en vous...
— Thomas : C'est vraiment très gentil de votre part. Non, c'est beaucoup plus que ça d'ailleurs ! Mais on ne sait vraiment pas comment ça va se passer, si on va en parler à nos parents tout de suite ou si on attend un peu pour essayer de pas trop les choquer...
— Jutta : Ecoutez, je vous donne mon numéro de téléphone et si vous croyez que ça peut être utile, téléphonez-moi ou dites à vos parents de m'appeler...
On les remercie tous les deux, un peu surpris quand même de cette démarche, mais très touchés et assez remués...
Vraiment on a rencontré au cours de ce voyage des personnes d'une grande ouverture d'esprit qui ont fait preuve à notre égard de compréhension de façon incroyable. Comme si elles étaient touchées par notre sort et manifestaient alors une volonté de nous protéger, de nous aider à porter une partie de notre fardeau...
Cela dit, c'est à nous de faire le boulot auprès de nos familles et à personne d'autre !... et après on verra...
...
Que dire d'autre ?
Que ce fut un peu misérable, que l'ambiance ne s'est pas franchement égayée... On a joué aux cartes pour passer le temps mais sans grande conviction...
Le seul moment un peu marrant c'est quand Marjo est allée aux toilettes et que Robin a demandé à Alexis si les capotes lui avaient été utiles...
Il a rougi avant de nous avouer que non, que Marjo se sent pas encore prête, mais que... il ne désespère pas... et que peut-être avant la fin des vacances...
Les adieux ont été douloureux. Marjo, qui feint toujours une certaine insensibilité, a un peu craqué ce qui nous a tous obligé à sortir un mouchoir...
C'était sympa et douloureux en même temps. On s'est promis de s'écrire, de s'appeler...
On s'est embrassé une dernière fois et on s'est quitté dans un couloir de métro, eux filant gare de Lyon et nous prenant la direction de Montparnasse.