Zeppelin de la Fondation
Chapitre 38
Au-dessus de la forêt de Syl, dans un zeppelin.
Le seigneur Frégast observe l'horizon. Il est un peu étonné de constater qu'une portion de la forêt a brûlé en son absence et qu'une fumée très épaisse provient de la direction dans laquelle se trouve sa base.
Tout cela le rend assez nerveux. Il espère que rien de fâcheux n'est arrivé alors que ses plans sont en marche.
Un appel du colonel Melvis le sort de ses pensées mais il redoute d'entendre de mauvaises nouvelles.
- Monseigneur... Il y a un gros problème !
- Qu'est-ce qui se passe ? répondez !
- La Base-Noyau a été attaquée par une armée d'indigènes. Au début ça allait mais pendant la bataille, il y a eu une arrivée massive de dinosaures qui a foutu la merde... Et un dragon est venu.
- Un dragon ? C'est une blague ?
- Non, monseigneur ! D'ailleurs il me poursuit ! J'arrive vers vous à peine vitesse. Envoyez-moi vos hélicos, il ne craint que les roquettes !
- Je m'en occupe, essayez de gagner du temps !
Le seigneur Frégast raccroche et court au poste de pilotage occupé par Richard, pour voir arriver l'hélicoptère du colonel. Une vague de panique s'empare de lui lorsqu'il distingue une colonne de flammes ayant pour origine une tache brune à peine visible dans le ciel.
- Monseigneur, c'est quoi ça ? lui demande le militaire, assis sur un banc.
Le maître ne relève même pas et s'empresse d'avertir les six hélicoptères qui entourent son dirigeable.
- Ici votre seigneur, armez-vous de lances-roquettes ! Un dragon arrive et il est hors de question qu'il touche à mon zeppelin !
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Le Dragon s'élance dans les airs à une telle allure que ses trois passagers doivent se cramponner à s'en faire mal pour éviter une chute qui leur serait fatale. L'être légendaire compte bien en finir avec cet humain ignoble qu'est Melvis.
Mais le zeppelin, ainsi que six hélicoptères apparaissent au loin. Le Dragon grogne, il sait qu'il ne lui sera pas facile de les battre.
« Je peux les vaincre mais vous devez descendre, ou vous n'y survivrez pas. », assure-il, avec un air malgré tout moins confiant que précédemment.
Justin se renfrogne, il devine déjà où le dieu veut en venir.
« Je vais survoler ce gros engin. Vous sauterez dessus. »
- Heu... Mais si je saute, vous êtes sûr que je ne m'écraserai pas ? s'inquiète Anthony.
« Ça ne fait aucun doute, les crevures de ton genre ont la vie dure. »
Le jeune homme se crispe mais reste silencieux. La franchise du Dragon est on ne peut plus désarmante et son ton n'encourage pas à discuter.
Ils arrivent à portée de la flottille aérienne et les premiers appareils ouvrent le feu. L'être se laisse tomber de quelques mètres afin d'éviter la demi-douzaine de roquettes, qui foncent vers lui.
Il passe sous ses adversaires et remonte afin de se positionner au-dessus du zeppelin. Les passagers sautent un à un, Anthony en dernier, pour atterrir le cœur battant à tout rompre sur le dirigeable.
Le Dragon ne perd pas davantage de temps, car la plupart des appareils ouvrent de nouveau le feu.
- Regardez, colonel ! Fournier est sur le dirigeable ! crie Adrien, qui est le passager de Melvis.
- Il va falloir aider notre seigneur ! Tu vas sauter aussi et tu captureras Anthony Fournier. Je le veux vivant, tu m'entends ? lui hurle le colonel, pour couvrir le tumulte.
- Mais ils sont trois ! J'vais crever !
- Je vais avertir Frégast par radio. Il est indestructible, ça équilibrera.
Adrien n'est que peu enthousiaste mais consent à sauter. Quelque secondes après, l'appareil s'éloigne de la zone de combat contre le Dragon.
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Dans le zeppelin.
Richard s'inquiète sérieusement, même s'il ne le montre pas. Son maître ne sait plus où donner de la tête avec la radio et le militaire qui court d'une vitre à l'autre n'est pas pour le calmer.
- QUOI ? Il est ici ? Continuez à combattre le dragon, je me charge personnellement de Fournier ! annonce le maître, avant de serrer sa radio si fortement qu'il la détruit.
Richard lui lance un regard interrogatif, alors que Frégast se dirige vers la porte.
- Monseigneur, que faites-vous ? demande le militaire, devançant le bras-droit.
- Fournier et deux autres ennemis sont sur le toit... C'est l'occasion rêvée d'en finir et de récupérer mon dû ! lance-il, en pensant à la bague portée par Anthony.
Il laisse tomber sa cape, révélant son apparence robotique, avant d'ouvrir la porte à la volée. Le squelette d'acier se munit d'un petit sac, avant de déployer des griffes aux extrémités de ses membres, pour entamer l'escalade du dirigeable.
Plus haut, le combat fait rage. Le colonel Melvis utilise son engin pour tenter d'écraser ses ennemis en passant au ras du zeppelin.
- Maintenant ! hurle-il, avant de reprendre joyeusement ses manœuvres.
Adrien Hube saute de l'appareil et retombe sur ses genoux, un couteau à la main. Le colonel quant à lui repart combattre le Dragon, qui rencontre de lourdes difficultés face à tant d'adversaires.
- Tu es perdu l'ami, seul contre trois ! nargue Anthony.
- Je ne suis pas seul ! répond-il, en faisant un signe de tête dans une certaine direction.
Tous se retournent, pour voir une silhouette de plus de deux mètres leur faire face à l'autre extrémité du ballon.
- Nom de dieu... souffle Justin.
- Assez ri, maintenant ! Donne-moi cette bague, immédiatement, Fournier !
- Elle vaut cher ? demande-il, provoquant, en regardant son doigt.
Incapable de se contenir plus longtemps, le maître charge son ennemi juré, les griffes en avant. N'ayant pas d'arme, le jeune homme recule, alors que Justin et Evran s'interposent.
- Vous pensez vraiment faire le poids contre moi ? raille le seigneur Frégast. Hube ! Capturez Fournier ! Je m'occupe des autres...
- Avec plaisir ! Se réjouit-il, en se voyant déjà promu colonel.
Il se place derrière son maître, qui semble les défier du regard un instant.
- Surtout, on l'affronte à deux ! dit Justin.
- Vaut mieux pas, j'ai des armes spéciales conçues par Vena et ça fait du dégât ! répond Evran, en chargeant son adversaire.
- EVRAN ! Non !
Mais, l'autochtone disparaît déjà à la vitesse de l'éclair. Il se précipite sur Frégast comme un inconscient, sa lame en avant.
Justin s'agace face au caractère tête brûlée de son homme, avant de se lancer à ses trousses. Juste à temps, car l'ennemi lève ses bras, prêt à frapper.
La traversée du zeppelin est assez délicate car, en plus de bouger de façon désordonnée, la conduite de Richard est brusque. Fixé tranquillement par ses griffes, Frégast observe les deux guerriers se rapprocher progressivement de lui.
Et, comme pour rajouter un peu de piment, le maître de la Fondation n'hésite pas à sortir des grenades flash de son sac, pour les lancer sur ses adversaires avec une stupéfiante précision. Ceux-ci se font surprendre plusieurs fois mais sans être mis à terre pour autant. Cependant, il arrive un moment où Evran lève son zak pour tenter de renvoyer les grenades à l'expéditeur. Mais ces dernières sont lancées avec une telle force qu'elles parviennent à arracher le bâton des mains du villageois en explosant. Comble de malchance, l'arme poursuit sa course dans le vide.
L'autochtone n'en démord pas pour autant. Comme s'il participait à une bataille de boules de neige, il s'empresse de balancer sur Frégast des dizaines de tubes incendiaires fournis par Vena, qu'il sort des larges poches de sa tunique. Le maître réussit à les repousser avec plus ou moins de succès. Il ne craint pas le feu mais se retrouve complètement aveuglé par l'épaisse fumée générée par les multiples explosions. Evran en profite pour foncer sur lui et amorcer un coup de pied magistral.
Malheureusement, Frégast anticipe cette attaque et, au lieu de tomber dans le vide comme prévu, il rattrape son vol plané et atterrit en tournoyant, à quelques pas de son ancienne position.
Malgré la fumée causée par ses propres projectiles et sans faire attention aux avertissements de Justin, encore assez loin derrière, Evran reprend son élan et bondit en direction de son adversaire.
Tout à coup, Frégast lui envoie un coup féroce avec son bras. L'autochtone l'esquive avec difficulté mais il est dévié de sa trajectoire et commence à glisser vers le vide.
D'un pur réflexe, il dégaine une dague et la plante profondément dans le ballon. Heureusement, il arrive à se retenir à l'engin sans pour autant complètement abîmer l'épais matériau qui recouvre la structure rigide.
Il s'empresse de se hisser sur la paroi lisse où se trouve son ennemi, maintenant hors de sa portée. Ce dernier, enragé de voir que ce sauvage s'en sort encore trop bien, lui envoie d'autres grenades pour changer son destin. Mais il est rapidement gêné par Justin qui, n'ayant rien perdu de la scène, l'attaque avec sa lourde épée.
Comme son équilibre est instable, l'autochtone se dépêche de s'accrocher à la paroi avec ses lames. Il remonte progressivement alors que son homme combat dans la fumée. Une fois au sommet, il profite que l'attention de Frégast soit détournée pour lancer un tube en direction de l'une des mains du maître.
La manœuvre paie car, au moment où le seigneur veut arracher le visage de son ennemi, ses griffes se désintègrent. Elles sont réduites en poussière avant même de rentrer au contact de la peau de Justin, qui tombe néanmoins à la renverse, sonné par le choc. Le seigneur Frégast, si grand et si puissant soit-il, est abasourdi par cette évaporation soudaine et cela se lit dans sa posture qu'il est fou de rage et de désillusion.
Fier de cette petite victoire sur ce géant, Evran se prépare à en finir. Il saute aussi haut qu'il peut et s'apprête à lancer un autre tube du même type dans la poitrine de son adversaire.
Mais ce dernier sort des griffes de félins au bout de chacun de ses autres doigts, pieds et mains et porte un coup de sa main en forme de crochet. Heureusement, il rate sa cible et ne lui inflige qu'une coupure superficielle au niveau de la cuisse. Par malheur, une partie de la tunique d'Evran est déchirée et toute la provision de tubes se répand sur le sol.
- C'est ce qu'on appelle revenir à égalité ! raille Frégast.
- Je sais me battre, je n'ai pas besoin de ça !
- C'est ce qu'on va voir, petit arrogant !
Evran redresse ses dagues et les deux combattants se ruent l'un sur l'autre en poussant des cris barbares.
Ce qui suit n'est qu'un échange de coups de griffes et de lames qui partent dans tous les sens. Les deux ennemis en sont réduits à se battre comme des bêtes.
À ce jeu sauvage, Evran s'en sort mieux que son adversaire, car sa petite taille et son agilité lui permettent de mieux esquiver les coups du maître. Il parvient même à planter l'une de ses armes dans un creux du cou métallique du terrible seigneur et la secoue sans ménagement.
Ce dernier, à chaque passage de la dague, émet des cris de douleur si insupportables qu'ils font vibrer le zeppelin tout entier.
Le maître arrive malgré tout à s'emparer de l'autochtone d'une main et à le jeter brutalement hors de sa portée. Il ôte la lame de son cou et devient encore plus furieux en se rendant compte qu'elle a tranché un câble, rendant son œil droit aveugle.
Il hurle de nouveau et reporte sa rage sur Justin qui profite de la confusion pour attaquer à son tour. Cela permet à Evran de se relever et d'accourir derrière le dos de Frégast. Mais ils sont interrompus dans leur manœuvre par un grondement rauque. Tous tournent la tête pour apercevoir le Dragon en train d'envoyer valser un hélicoptère dans leur direction, d'un coup de queue trop violent.
Si Evran et Justin peuvent sauter à temps pour s'en écarter, ce n'est pas le cas du maître. L'appareil le heurte à pleine vitesse et l'hélice tournoyante vient s'écraser contre son ventre, y laissant une large fente.
L'hélicoptère finit par glisser avant de tomber dans le vide mais ce n'est pas le cas de Frégast, qui s'accroche toujours à l'aide de ses griffes.