Chapitre 30
Porte de Syl.
Anthony, Jérémy et la plupart des villageois se massent à l'entrée du village. Les guetteurs les ont informés de l'arrivée imminente des habitants de Talbyn, le hameau voisin. Quelle n'est pas leur surprise quand ils reconnaissent parmi la foule... Justin et Evran !
- Justin ! crie Anthony, en lui sautant dessus, ravi de le revoir. Mais t'étais où, bordel ?
- Je te rappelle que tout est encore de ta faute !
- T'es revenu, c'est l'essentiel ! répond le jeune homme, qui masque sa gêne par une certaine exubérance.
- Surtout que si j'extrapole, tu es responsable de la destruction d'un village entier ! affirme Justin.
- Heu... Comment ça ?
- Facile, si tu ne t'étais pas sauvé comme un idiot, je ne t'aurais pas suivi, je ne me serais pas non plus fait attaquer par des dinosaures... Du coup, Nurmiyax n'aurait pas été libéré et... Talbyn n'aurait pas été détruit !
- Whaou... j'ai vraiment fait tout ça ? souffle Anthony, qui semble ne pas tellement s'en soucier, trop heureux de revoir son ami.
Justin lui donne un coup à l'épaule, avant de rire, soulagé que son périple interminable prenne fin.
- Et ici ? Il s'est passé quoi pendant mon absence ?
- Oh, trois fois rien... On a décimé une partie des hommes de Frégast, j'ai failli me faire éparpiller à la grenade par un cinglé... Et on a empêché des araignées géantes de faire des nids trop près du village. Ah et je me suis bien gardé de dire qu'elles sont libres à cause de nous...
- Ah ouais, on a des choses à se dire !
- Je ne te le fais pas dire ! résonne une forte voix féminine que Justin reconnaîtrait entre mille.
« On non... Maman... Pas maintenant... », soupire intérieurement le jeune homme.
...
Un peu plus loin, dans la maisonnette réquisitionnée par Vena, cette dernière termine son remède final. Si celui-ci vient à échouer, elle ne pourra rien faire d'autre, sinon transférer le capitaine dans le petit cristal sombre.
Elle va d'abord avertir son patient, ce qu'elle ne peut faire que psychiquement. Elle se prépare, car le voile dégoûtant et tentaculaire engendré par l'esprit du Mal est très perturbant. L'alchimiste inspire, avant de plonger à la rencontre de l'esprit de John, portant au passage quelques coups à l'entité diabolique. Même sur le plan mental, le capitaine est en piteux état.
- Qui êtes-vous ? demande John.
- Vena, votre guérisseuse...
- Je suis malade ?
Elle soupire... La dégradation de son esprit est bien plus avancée que ce qu'elle craignait.
- Oui, cette chose vous rend malade... dit-elle, en désignant l'aura noire de la créature. Je vous préviens, j'ai peut-être trouvé de quoi vous guérir mais je pense cette chose va lutter de toutes ses forces afin de ne pas perdre le contrôle. Vous comprenez ?
- Oui, ne pas lâcher prise... Mais qui êtes-vous, déjà ?
Vena se retire. À ce stade, converser ne sert plus à rien. Plus tard, après un long repos, elle pourra peut-être l'aider à accéder de nouveau à sa mémoire, car ses souvenirs ne sont pas perdus. John est simplement trop épuisé et meurtri pour y accéder dans l'état actuel des choses. En tout cas, il faut lui injecter le remède dès maintenant.
Une fois pleinement revenue à la réalité, elle s'empare de la mixture et la raccorde au tube de verre pour préparer l'injection.
Il existe sur Sterrn un micro-organisme qui se comporte comme un bactériophage universel, en dévorant tous les autres microbes. Il est donc inutile de stériliser quoi que ce soit ici.
Les aiguilles sont autrement moins fines que sur Terre mais John est si mal en point qu'il n'a aucune réaction quand celle-ci s'enfonce dans une veine de son bras, ni quand l'épais liquide s'infiltre en lui.
Une minute après, en revanche, il ouvre de grand yeux révulsés, gesticule et lance de petites plaintes étouffées. En bonne observatrice, Vena contemple, dégoûtée, les tentacules de plusieurs centimètres qui commencent à s'agiter, en faisant de petits trous dans sa peau devenue grisâtre.
Puis sans raison apparente, tout s'arrête et le capitaine qui s'était redressé retombe comme une masse sur le lit. Seuls ses yeux et son thorax bougent encore et Vena comprend. Son patient fait une fulgurante crise cardiaque !
Il va mourir, c'est maintenant une question de secondes. Vulnérable au traitement, l'infection du Mal préfère tuer son hôte, plutôt que le laisser s'en sortir vivant, quitte à s'éteindre avec lui.
L'alchimiste ne tente pas de stabiliser les battements du cœur, car dans son état, le capitaine n'y survivra pas sans d'irréversibles séquelles. Elle fonce chercher le Daukn, au fond de la pièce et revient à toute vitesse vers son patient, pour toucher son front.
Elle tend son esprit vers la conscience du mourant et elle malaxe son énergie de manière à lui donner la forme d'une passerelle de lumière, vers le cristal. La structure paraît bien plus accueillante que le cerveau de John, dévasté par l'infection. Ce dernier s'y faufile immédiatement, fuyant la mort et surtout la créature qui le persécute. Heureusement pour Vena que l'être humain est doté d'un instinct de survie si puissant, car étant donné la concentration qu'elle doit mobiliser pour simplement maintenir la passerelle, elle n'aurait pas pu y pousser John de force.
Une fois la totalité de la conscience extrêmement affaiblie du capitaine en sécurité dans le Daukn, Vena soupire, soulagée. Elle effondre la passerelle dans le néant, alors que des tentacules hideux s'y faufilent, s'accrochant à leur proie comme une tique attirée par le sang.
L'alchimiste relâche son effort et s'écroule sur une chaise de bois, près du lit. Le corps du capitaine est maintenant parfaitement inerte, la mort ayant fait son œuvre. Au moins, son esprit est sauf, même s'il faudra sans doute des années de soin pour qu'il récupère de ce qu'il a subi.
Quelques instants passent, pendant lesquels elle reprend son souffle mais quelque chose attire son attention. Le mort vient de remuer.
Les yeux écarquillés, l'alchimiste se redresse tout net, pour mieux contempler ce qui est impossible. Non seulement ce corps est mort, son cœur ne battant plus mais son esprit n'y siège plus. Cela fait deux raisons.
Elle n'est pas au bout de ses surprises, car le cadavre s'assoit et bouge légèrement les lèvres, comme s'il voulait parler. Ce qui serait encore plus improbable, puisque ses poumons sont maintenant à jamais vides. Ne parvenant pas à s'exprimer, il agite ses membres de manière désordonnée, toujours sous le regard médusé de Vena.
- Ne remuez pas trop, vous n'êtes pas en parfaite santé, John... bredouille-elle, presque niaisement tant ses certitudes vacillent.
- Il y a erreur !
Vena sursaute. Cette voix aussi forte que profonde n'est pas celle du capitaine, elle en est convaincue. Elle recule, alors que le cadavre se lève.
Il fixe la guérisseuse dans les yeux, avant de mordre sauvagement son propre bras gauche, le déchiquetant. Du sang asperge le sol mais cela ne semble pas le déranger, car il se mord plusieurs fois en d'autres endroits. Une fois ses mutilations achevées, ce qui était autrefois le capitaine John sourit à l'alchimiste, avant d'être secoué par des spasmes. Le bras déchiré sur toute sa longueur cogne contre le lit et se fend en trois tentacules de chair vive, dont chacun se termine par une phalange dont seul l'os est encore visible.
La peau du monstre se plisse, avant de craqueler, puis se détacher à mesure que ses mouvements violents s'amplifient. Vena comprend alors par quel sinistre miracle cette chose vit alors qu'elle devrait être morte. Le corps de John avait tellement changé, à l'intérieur, que les organes vitaux humains ne lui étaient plus nécessaires.
Il est devenu une créature du Mal, un hybride des plus monstrueux.
Vena recule doucement, pour aller s'emparer du glaive accroché sur le mur du fond, comme un trophée. Mais lorsqu'elle se retourne pour affronter son nouvel ennemi, celui-ci a disparu, ne laissant derrière lui que du sang et des tripes.
Porte de Syl.
Anthony, Jérémy et la plupart des villageois se massent à l'entrée du village. Les guetteurs les ont informés de l'arrivée imminente des habitants de Talbyn, le hameau voisin. Quelle n'est pas leur surprise quand ils reconnaissent parmi la foule... Justin et Evran !
- Justin ! crie Anthony, en lui sautant dessus, ravi de le revoir. Mais t'étais où, bordel ?
- Je te rappelle que tout est encore de ta faute !
- T'es revenu, c'est l'essentiel ! répond le jeune homme, qui masque sa gêne par une certaine exubérance.
- Surtout que si j'extrapole, tu es responsable de la destruction d'un village entier ! affirme Justin.
- Heu... Comment ça ?
- Facile, si tu ne t'étais pas sauvé comme un idiot, je ne t'aurais pas suivi, je ne me serais pas non plus fait attaquer par des dinosaures... Du coup, Nurmiyax n'aurait pas été libéré et... Talbyn n'aurait pas été détruit !
- Whaou... j'ai vraiment fait tout ça ? souffle Anthony, qui semble ne pas tellement s'en soucier, trop heureux de revoir son ami.
Justin lui donne un coup à l'épaule, avant de rire, soulagé que son périple interminable prenne fin.
- Et ici ? Il s'est passé quoi pendant mon absence ?
- Oh, trois fois rien... On a décimé une partie des hommes de Frégast, j'ai failli me faire éparpiller à la grenade par un cinglé... Et on a empêché des araignées géantes de faire des nids trop près du village. Ah et je me suis bien gardé de dire qu'elles sont libres à cause de nous...
- Ah ouais, on a des choses à se dire !
- Je ne te le fais pas dire ! résonne une forte voix féminine que Justin reconnaîtrait entre mille.
« On non... Maman... Pas maintenant... », soupire intérieurement le jeune homme.
...
Un peu plus loin, dans la maisonnette réquisitionnée par Vena, cette dernière termine son remède final. Si celui-ci vient à échouer, elle ne pourra rien faire d'autre, sinon transférer le capitaine dans le petit cristal sombre.
Elle va d'abord avertir son patient, ce qu'elle ne peut faire que psychiquement. Elle se prépare, car le voile dégoûtant et tentaculaire engendré par l'esprit du Mal est très perturbant. L'alchimiste inspire, avant de plonger à la rencontre de l'esprit de John, portant au passage quelques coups à l'entité diabolique. Même sur le plan mental, le capitaine est en piteux état.
- Qui êtes-vous ? demande John.
- Vena, votre guérisseuse...
- Je suis malade ?
Elle soupire... La dégradation de son esprit est bien plus avancée que ce qu'elle craignait.
- Oui, cette chose vous rend malade... dit-elle, en désignant l'aura noire de la créature. Je vous préviens, j'ai peut-être trouvé de quoi vous guérir mais je pense cette chose va lutter de toutes ses forces afin de ne pas perdre le contrôle. Vous comprenez ?
- Oui, ne pas lâcher prise... Mais qui êtes-vous, déjà ?
Vena se retire. À ce stade, converser ne sert plus à rien. Plus tard, après un long repos, elle pourra peut-être l'aider à accéder de nouveau à sa mémoire, car ses souvenirs ne sont pas perdus. John est simplement trop épuisé et meurtri pour y accéder dans l'état actuel des choses. En tout cas, il faut lui injecter le remède dès maintenant.
Une fois pleinement revenue à la réalité, elle s'empare de la mixture et la raccorde au tube de verre pour préparer l'injection.
Il existe sur Sterrn un micro-organisme qui se comporte comme un bactériophage universel, en dévorant tous les autres microbes. Il est donc inutile de stériliser quoi que ce soit ici.
Les aiguilles sont autrement moins fines que sur Terre mais John est si mal en point qu'il n'a aucune réaction quand celle-ci s'enfonce dans une veine de son bras, ni quand l'épais liquide s'infiltre en lui.
Une minute après, en revanche, il ouvre de grand yeux révulsés, gesticule et lance de petites plaintes étouffées. En bonne observatrice, Vena contemple, dégoûtée, les tentacules de plusieurs centimètres qui commencent à s'agiter, en faisant de petits trous dans sa peau devenue grisâtre.
Puis sans raison apparente, tout s'arrête et le capitaine qui s'était redressé retombe comme une masse sur le lit. Seuls ses yeux et son thorax bougent encore et Vena comprend. Son patient fait une fulgurante crise cardiaque !
Il va mourir, c'est maintenant une question de secondes. Vulnérable au traitement, l'infection du Mal préfère tuer son hôte, plutôt que le laisser s'en sortir vivant, quitte à s'éteindre avec lui.
L'alchimiste ne tente pas de stabiliser les battements du cœur, car dans son état, le capitaine n'y survivra pas sans d'irréversibles séquelles. Elle fonce chercher le Daukn, au fond de la pièce et revient à toute vitesse vers son patient, pour toucher son front.
Elle tend son esprit vers la conscience du mourant et elle malaxe son énergie de manière à lui donner la forme d'une passerelle de lumière, vers le cristal. La structure paraît bien plus accueillante que le cerveau de John, dévasté par l'infection. Ce dernier s'y faufile immédiatement, fuyant la mort et surtout la créature qui le persécute. Heureusement pour Vena que l'être humain est doté d'un instinct de survie si puissant, car étant donné la concentration qu'elle doit mobiliser pour simplement maintenir la passerelle, elle n'aurait pas pu y pousser John de force.
Une fois la totalité de la conscience extrêmement affaiblie du capitaine en sécurité dans le Daukn, Vena soupire, soulagée. Elle effondre la passerelle dans le néant, alors que des tentacules hideux s'y faufilent, s'accrochant à leur proie comme une tique attirée par le sang.
L'alchimiste relâche son effort et s'écroule sur une chaise de bois, près du lit. Le corps du capitaine est maintenant parfaitement inerte, la mort ayant fait son œuvre. Au moins, son esprit est sauf, même s'il faudra sans doute des années de soin pour qu'il récupère de ce qu'il a subi.
Quelques instants passent, pendant lesquels elle reprend son souffle mais quelque chose attire son attention. Le mort vient de remuer.
Les yeux écarquillés, l'alchimiste se redresse tout net, pour mieux contempler ce qui est impossible. Non seulement ce corps est mort, son cœur ne battant plus mais son esprit n'y siège plus. Cela fait deux raisons.
Elle n'est pas au bout de ses surprises, car le cadavre s'assoit et bouge légèrement les lèvres, comme s'il voulait parler. Ce qui serait encore plus improbable, puisque ses poumons sont maintenant à jamais vides. Ne parvenant pas à s'exprimer, il agite ses membres de manière désordonnée, toujours sous le regard médusé de Vena.
- Ne remuez pas trop, vous n'êtes pas en parfaite santé, John... bredouille-elle, presque niaisement tant ses certitudes vacillent.
- Il y a erreur !
Vena sursaute. Cette voix aussi forte que profonde n'est pas celle du capitaine, elle en est convaincue. Elle recule, alors que le cadavre se lève.
Il fixe la guérisseuse dans les yeux, avant de mordre sauvagement son propre bras gauche, le déchiquetant. Du sang asperge le sol mais cela ne semble pas le déranger, car il se mord plusieurs fois en d'autres endroits. Une fois ses mutilations achevées, ce qui était autrefois le capitaine John sourit à l'alchimiste, avant d'être secoué par des spasmes. Le bras déchiré sur toute sa longueur cogne contre le lit et se fend en trois tentacules de chair vive, dont chacun se termine par une phalange dont seul l'os est encore visible.
La peau du monstre se plisse, avant de craqueler, puis se détacher à mesure que ses mouvements violents s'amplifient. Vena comprend alors par quel sinistre miracle cette chose vit alors qu'elle devrait être morte. Le corps de John avait tellement changé, à l'intérieur, que les organes vitaux humains ne lui étaient plus nécessaires.
Il est devenu une créature du Mal, un hybride des plus monstrueux.
Vena recule doucement, pour aller s'emparer du glaive accroché sur le mur du fond, comme un trophée. Mais lorsqu'elle se retourne pour affronter son nouvel ennemi, celui-ci a disparu, ne laissant derrière lui que du sang et des tripes.