Chapitre 25
Lille.
Richard se tient à l'écart, il a pu poser les yeux sur le cadavre d'Antoine Hasting mais la bague ne s'y trouve plus.
Le bras droit du seigneur de la Fondation est très ennuyé, car s'il revient sans le bijou, il sait que son maître pourrait le tuer dans un accès de folie furieuse, tant il est obsédé par ces joyaux.
Alors qu'il s'apprête à quitter le funérarium, il reconnaît un vieil ennemi. Rodolphe Hasting se tient à plusieurs dizaines de mètres de lui, le visage miné par le deuil.
Ne voulant pas se faire remarquer, Richard préfère s'éclipser discrètement, alors qu'une idée pour ne pas revenir les mains vides germe dans son esprit : cette personne est propriétaire de la bague dorée. La seconde.
Sans trop s'éloigner du bâtiment, Richard sort son téléphone et fait défiler le répertoire. Un instant plus tard, il est en relation avec un sbire de son maître, à qui ordonne de suivre Rodolphe discrètement, après avoir communiqué une description sommaire de la cible. Par son physique singulier, le dernier des Hasting (si on excepte le seigneur Frégast) est facilement identifiable.
Ne souhaitant pas s'attarder, Richard retourne au parking et monte dans la splendide Lotus Élise qui appartenait à son employeur il y a bien longtemps. Il prend la direction de l'hôtel Brueghel, le théâtre du dernier combat d'Antoine Hasting.
Pendant qu'il roule, l'homme est plongé dans ses souvenirs. Il se rappelle l'époque où son maître n'était pas encore réduit à l'état de cerveau dans un scaphandre, bien avant qu'il ne soit appelé Frégast.
Suite à une crise de folie due au contact simultané des deux bagues ancestrales, Jean-François Hasting perdit la raison. Les jours suivants, sa famille l'a vu devenir un monstre prêt à tuer pour récupérer les fameux bijoux. Les bagues furent séparées et placées hors de sa portée, en raison de sa démence. Mais malgré le mal étrange qui frappait leur fils, les parents du futur seigneur l'aimaient et ils tentèrent tout pour le guérir.
Après bien du temps, un semblant de vie normale s'installa de nouveau. Jean-François restait très perturbé mais un traitement particulièrement efficace lui permettait d'être suffisamment stabilisé pour vivre en société.
Il reprit donc les études, passa son permis de conduire et envoya ses premiers CV... La seule contrainte dans la nouvelle vie de Jean-François était qu'il devait quotidiennement prendre des cachets. Leur seul effet indésirable étaient d'embrumer son esprit, qui tournait parfois au ralenti.
Ce n'était en soi pas vraiment gênant, car comme le jeune adulte était surdoué, ses capacités s'en voyaient bien moins altérées qu'elles auraient pu l'être.
Jean-François souffrait de savoir des trésors d'ingéniosité inaccessibles mais ses parents et son médecin lui ont toujours formellement interdit d'arrêter son traitement, même pour faire un essai de quelques jours.
Il ne se souvenait plus pourquoi il devait prendre quotidiennement ses pilules blanches et le sujet était dans la famille trop sensible pour en parler ouvertement. Par amour pour les siens, il accepta leur silence pendant encore quelques temps.
Malheureusement, monsieur et madame Hasting trouvèrent la mort dans un accident de voiture quelques temps après et chacun de leur fils, à l'exception de Jean-François, reçu une bague en héritage. L'argentée pour Antoine et l'autre pour Rodolphe. Dans l'espoir de trouver un jour comment guérir Jean-François de la folie causée par les bijoux, la famille a toujours pris soin de les conserver, séparément bien sûr.
Jean-François remarqua les joyaux, car ceux-ci lui étaient familiers, sans qu'il ne sache pourquoi. Il questionna ses frères, qui se trouvèrent très mal à l'aise et restèrent totalement muets. Malgré la mort du couple parental, le tabou restait bien ancré, comme un traumatisme.
Plus désireux que jamais de comprendre sa propre histoire, ainsi que le secret dont sa propre fratrie l'excluait, le jeune homme pensa qu'il aurait besoin de toutes ses capacités cognitives pour y voir plus clair. Dans cette optique, il stoppa son traitement sans avertir personne.
Sa folie lui revint de plein fouet, ainsi que les souvenirs qu'il avait oubliés. La terrible obsession également. Furieux contre sa famille qui lui a dissimulé si longtemps les joyaux qui lui revenaient de droit, Jean-François mit en place des stratagèmes diaboliques pour s'en emparer. C'est pendant cette période qu'il rencontra Richard, à qui il brisa la volonté par le moyen de tortures inimaginables. Les deux semaines d'intense barbarie détruisirent totalement l'esprit de ce dernier, faisant de lui le serviteur parfait. Incapable de la moindre rébellion.
L'escalade de la violence ne retomba que lorsque le fou apprit le retour de son frère cadet dans la région Lilloise. Perdant patience, il se rendit à la gare et tenta de le tuer pour lui voler l'anneau d'argent.
Au terme d'une terrible bagarre, durant laquelle Antoine Hasting avait le dessous, ce dernier réussit néanmoins à l'emporter en poussant son frère sur la voie, d'un coup de pied au ventre. Un train arriva et brisa la colonne vertébrale du futur maître, le condamnant à une paralysie totale, en plus de mutiler horriblement son corps...
TUUUUUUUT ! Klaxonne un véhicule, ramenant Richard dans le présent.
À trop ressasser le passé, le bras droit s'est presque engagé dans un sens interdit et il se fait vivement réprimander gestuellement par le conducteur de la voiture qui lui fait face. Se maudissant de son étourderie, le bras droit fait marche arrière et s'engage dans une petite rue.
Le trafic étant très fluide cette nuit, le reste du trajet ne dure pas très longtemps et Richard se stationne non loin de l'hôtel, sur le parking de la gare. Il entre sans problème dans le grand bâtiment, étant muni d'un badge de police et demande à voir le directeur.
Le seigneur Frégast dispose d'un réseau de relations assez conséquent : avec un commissaire de police sous sa coupe, se procurer ce genre d'accessoire est aisé et la législation en vigueur n'est pas de nature à arrêter la Fondation.
Le responsable ne se fait pas attendre. Des cernes prononcés ressortent sur le visage fatigué de ce dernier. Richard se désole intérieurement de réveiller un honnête homme à une heure aussi tardive mais les ordres de son maître n'attendent pas.
- Je suis confus de vous déranger alors que vous êtes encore sous le choc de cette tragédie qui s'est déroulée mais je suis désormais chargé de l'enquête, explique Richard, très convainquant dans son mensonge.
- Bien, inspecteur... Que puis-je faire pour vous aider ? demande l'homme, en réprimant un bâillement.
- Je n'étais pas là lors de l'ouverture de l'enquête et je souhaiterais visionner les enregistrements, pour commencer...
- Vos collègues ont déjà tout copié.
- Certes mais je devais venir de toute manière pour questionner le personnel, alors autant ne pas perdre de temps... ment Richard, qui joue son rôle à la perfection.
- Bien... Veuillez me suivre... Inspecteur comment ?
- Soltan. Répond-il sans réfléchir, en utilisant le premier nom qui lui passe par la tête.
Quelques instants plus tard, les deux hommes se retrouvent devant un écran et le directeur cherche en avance rapide la preuve du crime d'Anthony.
- Là ! s'exclame-il, alors qu'on aperçoit sur l'écran un Anthony ensanglanté et boîtant en train de s'enfuir.
Avant qu'il soit hors de vue, Richard a le temps de voir un doigt du meurtrier refléter la lumière d'un lampadaire non loin.
- Mettez sur pause, maintenant !
L'image se fige et le doute n'est plus permis : Anthony porte la bague du défunt Antoine. Voilà une information utile...
Lille.
Richard se tient à l'écart, il a pu poser les yeux sur le cadavre d'Antoine Hasting mais la bague ne s'y trouve plus.
Le bras droit du seigneur de la Fondation est très ennuyé, car s'il revient sans le bijou, il sait que son maître pourrait le tuer dans un accès de folie furieuse, tant il est obsédé par ces joyaux.
Alors qu'il s'apprête à quitter le funérarium, il reconnaît un vieil ennemi. Rodolphe Hasting se tient à plusieurs dizaines de mètres de lui, le visage miné par le deuil.
Ne voulant pas se faire remarquer, Richard préfère s'éclipser discrètement, alors qu'une idée pour ne pas revenir les mains vides germe dans son esprit : cette personne est propriétaire de la bague dorée. La seconde.
Sans trop s'éloigner du bâtiment, Richard sort son téléphone et fait défiler le répertoire. Un instant plus tard, il est en relation avec un sbire de son maître, à qui ordonne de suivre Rodolphe discrètement, après avoir communiqué une description sommaire de la cible. Par son physique singulier, le dernier des Hasting (si on excepte le seigneur Frégast) est facilement identifiable.
Ne souhaitant pas s'attarder, Richard retourne au parking et monte dans la splendide Lotus Élise qui appartenait à son employeur il y a bien longtemps. Il prend la direction de l'hôtel Brueghel, le théâtre du dernier combat d'Antoine Hasting.
Pendant qu'il roule, l'homme est plongé dans ses souvenirs. Il se rappelle l'époque où son maître n'était pas encore réduit à l'état de cerveau dans un scaphandre, bien avant qu'il ne soit appelé Frégast.
Suite à une crise de folie due au contact simultané des deux bagues ancestrales, Jean-François Hasting perdit la raison. Les jours suivants, sa famille l'a vu devenir un monstre prêt à tuer pour récupérer les fameux bijoux. Les bagues furent séparées et placées hors de sa portée, en raison de sa démence. Mais malgré le mal étrange qui frappait leur fils, les parents du futur seigneur l'aimaient et ils tentèrent tout pour le guérir.
Après bien du temps, un semblant de vie normale s'installa de nouveau. Jean-François restait très perturbé mais un traitement particulièrement efficace lui permettait d'être suffisamment stabilisé pour vivre en société.
Il reprit donc les études, passa son permis de conduire et envoya ses premiers CV... La seule contrainte dans la nouvelle vie de Jean-François était qu'il devait quotidiennement prendre des cachets. Leur seul effet indésirable étaient d'embrumer son esprit, qui tournait parfois au ralenti.
Ce n'était en soi pas vraiment gênant, car comme le jeune adulte était surdoué, ses capacités s'en voyaient bien moins altérées qu'elles auraient pu l'être.
Jean-François souffrait de savoir des trésors d'ingéniosité inaccessibles mais ses parents et son médecin lui ont toujours formellement interdit d'arrêter son traitement, même pour faire un essai de quelques jours.
Il ne se souvenait plus pourquoi il devait prendre quotidiennement ses pilules blanches et le sujet était dans la famille trop sensible pour en parler ouvertement. Par amour pour les siens, il accepta leur silence pendant encore quelques temps.
Malheureusement, monsieur et madame Hasting trouvèrent la mort dans un accident de voiture quelques temps après et chacun de leur fils, à l'exception de Jean-François, reçu une bague en héritage. L'argentée pour Antoine et l'autre pour Rodolphe. Dans l'espoir de trouver un jour comment guérir Jean-François de la folie causée par les bijoux, la famille a toujours pris soin de les conserver, séparément bien sûr.
Jean-François remarqua les joyaux, car ceux-ci lui étaient familiers, sans qu'il ne sache pourquoi. Il questionna ses frères, qui se trouvèrent très mal à l'aise et restèrent totalement muets. Malgré la mort du couple parental, le tabou restait bien ancré, comme un traumatisme.
Plus désireux que jamais de comprendre sa propre histoire, ainsi que le secret dont sa propre fratrie l'excluait, le jeune homme pensa qu'il aurait besoin de toutes ses capacités cognitives pour y voir plus clair. Dans cette optique, il stoppa son traitement sans avertir personne.
Sa folie lui revint de plein fouet, ainsi que les souvenirs qu'il avait oubliés. La terrible obsession également. Furieux contre sa famille qui lui a dissimulé si longtemps les joyaux qui lui revenaient de droit, Jean-François mit en place des stratagèmes diaboliques pour s'en emparer. C'est pendant cette période qu'il rencontra Richard, à qui il brisa la volonté par le moyen de tortures inimaginables. Les deux semaines d'intense barbarie détruisirent totalement l'esprit de ce dernier, faisant de lui le serviteur parfait. Incapable de la moindre rébellion.
L'escalade de la violence ne retomba que lorsque le fou apprit le retour de son frère cadet dans la région Lilloise. Perdant patience, il se rendit à la gare et tenta de le tuer pour lui voler l'anneau d'argent.
Au terme d'une terrible bagarre, durant laquelle Antoine Hasting avait le dessous, ce dernier réussit néanmoins à l'emporter en poussant son frère sur la voie, d'un coup de pied au ventre. Un train arriva et brisa la colonne vertébrale du futur maître, le condamnant à une paralysie totale, en plus de mutiler horriblement son corps...
TUUUUUUUT ! Klaxonne un véhicule, ramenant Richard dans le présent.
À trop ressasser le passé, le bras droit s'est presque engagé dans un sens interdit et il se fait vivement réprimander gestuellement par le conducteur de la voiture qui lui fait face. Se maudissant de son étourderie, le bras droit fait marche arrière et s'engage dans une petite rue.
Le trafic étant très fluide cette nuit, le reste du trajet ne dure pas très longtemps et Richard se stationne non loin de l'hôtel, sur le parking de la gare. Il entre sans problème dans le grand bâtiment, étant muni d'un badge de police et demande à voir le directeur.
Le seigneur Frégast dispose d'un réseau de relations assez conséquent : avec un commissaire de police sous sa coupe, se procurer ce genre d'accessoire est aisé et la législation en vigueur n'est pas de nature à arrêter la Fondation.
Le responsable ne se fait pas attendre. Des cernes prononcés ressortent sur le visage fatigué de ce dernier. Richard se désole intérieurement de réveiller un honnête homme à une heure aussi tardive mais les ordres de son maître n'attendent pas.
- Je suis confus de vous déranger alors que vous êtes encore sous le choc de cette tragédie qui s'est déroulée mais je suis désormais chargé de l'enquête, explique Richard, très convainquant dans son mensonge.
- Bien, inspecteur... Que puis-je faire pour vous aider ? demande l'homme, en réprimant un bâillement.
- Je n'étais pas là lors de l'ouverture de l'enquête et je souhaiterais visionner les enregistrements, pour commencer...
- Vos collègues ont déjà tout copié.
- Certes mais je devais venir de toute manière pour questionner le personnel, alors autant ne pas perdre de temps... ment Richard, qui joue son rôle à la perfection.
- Bien... Veuillez me suivre... Inspecteur comment ?
- Soltan. Répond-il sans réfléchir, en utilisant le premier nom qui lui passe par la tête.
Quelques instants plus tard, les deux hommes se retrouvent devant un écran et le directeur cherche en avance rapide la preuve du crime d'Anthony.
- Là ! s'exclame-il, alors qu'on aperçoit sur l'écran un Anthony ensanglanté et boîtant en train de s'enfuir.
Avant qu'il soit hors de vue, Richard a le temps de voir un doigt du meurtrier refléter la lumière d'un lampadaire non loin.
- Mettez sur pause, maintenant !
L'image se fige et le doute n'est plus permis : Anthony porte la bague du défunt Antoine. Voilà une information utile...