Chapitre 11
Sterrn, Base-Noyau...
Le seigneur Frégast a terminé sa lecture concernant les découvertes effectuées sur Sterrn. Il n'est pas de très bonne humeur. Observer les photos de ces innombrables endroits inexplorés alors qu'il se trouve confiné sur une base Terrienne à moitié détruite n'est pas pour l'enchanter.
- Monseigneur ?
Le maître ne détourne même pas son regard, il reconnaît cette voix. Il s'agit du colonel Melvis, un trentenaire androgyne aux mimiques particulièrement exaspérantes, bien qu'il soit malgré tout dévoué.
- Quoi ?
- Je viens de recevoir une information qui risque de vous attrister...
Étonné, le terrible seigneur se tourne dans sa direction.
- Plait-il ?
- Votre frère est mort...
- Rodolphe ?
- Non l'autre... Antoine.
Le maître furieux se lève brusquement, saisissant le colonel par le cou.
- Ne prononcez plus jamais ce nom, vous m'entendez ? Comment ?
- Tout porte à croire que c'est l'œuvre d'Anthony Fournier, d'après le témoignage du personnel de l'hôtel où cela s'est produit... répond l'homme, d'une voix monocorde.
Être malmené par son supérieur ne semble pas l'émouvoir plus que cela.
Incrédule, le seigneur Frégast lâche son colonel, avant d'éclater d'un rire tonitruant, qui est très mal restitué par le scaphandre.
- Ça ne vous fait rien ? s'étonne Melvis, d'autant plus abasourdi qu'il a lui-même un frère.
- Allons, vous savez tout comme moi qu'il était contre nous !
- Monseigneur, je ne vous comprends pas...
- Quoi donc ?
- Pourquoi nous avoir formellement interdit de le tuer, alors qu'il était un ennemi et qu'apparemment, vous n'y teniez pas ?
- C'était un adversaire redoutable. J'ai beaucoup aimé me battre contre lui. J'aurais voulu le retourner à ma cause, sans parler qu'il possède quelque chose qui m'intéresse au plus haut point... répond évasivement le maître, un peu nostalgique. Mais je trouve désopilant que ce soit Fournier qui l'ait tué, car ils étaient, sans le savoir, dans le même camp !
- Je vois.
- Mais assez parlé de ça. Sortez !
- Monseigneur... salue le colonel Melvis, en tournant les talons.
Le maître observe son officier s'éloigner, pensif... De nouveaux plans se dessinent dans son esprit malade. Des plans qui impliquent son seul véritable homme de confiance.
- RICHARD !
- Oui, monseigneur ? répond le concerné, en accourant depuis une autre pièce du vaste bâtiment.
- Tu te souviens de l'affaire des bagues de Montfort ?
- Oui, elle a failli vous coûter la vie... répond-il, alors qu'une ombre passe sur son visage.
- Antoine est mort. Je veux que tu ailles sur Terre. Retrouve sa bague. Elle m'appartient.
Richard considère la demande, ou plutôt l'ordre. Il est visiblement peu enthousiaste et se sent le cran d'en faire part à son maître.
- Sauf votre respect... Vous devriez laisser tomber. Vous semblez avoir oublié comment ça s'est terminé la dernière fois... Vous y avez laissé votre corps, qu'allez-vous encore perdre cette fois ?
- SILENCE ! TU FERAS CE QUE J'ORDONNE ! hurle le maître, en se redressant, comme s'il avait envie de le frapper.
- Oui ! Pardon monseigneur ! Je n'étais pas à ma place... panique le serviteur, qui se fait tout petit.
- Sache que ces bagues me font rêver depuis toujours et elles n'ont été en ma possession que quelques malheureuses minutes ! Je les aurai ! rien ne me détournera de mon but !
Si d'ordinaire le maitre paraît simplement froid et distant devant son serviteur, il laisse cette fois éclater sa démence. Cependant, il n'a pas toujours été ainsi. Adolescent, le seigneur Frégast, qui se nommait alors Jean-François Hasting était tout ce qu'il y a de plus équilibré. Seuls deux aspect peu communs le différenciaient des autres jeunes. D'abord, la richesse dans laquelle il a toujours baigné, grâce à l'héritage conséquent de sa famille, qui est issue de la noblesse napoléonienne. Ainsi que son gigantesque potentiel intellectuel, qui lui a ouvert les portes des meilleures écoles. C'est pendant cette période que les fameuses bagues sont intervenues dans sa vie.
Il faut avant tout savoir que ces bijoux ont été créés à partir de deux morceaux d'un même cristal étrange jusqu'alors inconnu sur Terre, qui a été ramassé au cours d'une promenade par Henri de Montfort, l'illustre ancêtre de la famille.
Quand l'ancêtre passa les deux anneaux à ses doigts, il fut pris d'une crise de démence particulièrement spectaculaire et mourut en se défenestrant. Après cela, les deux bijoux furent considérés comme maudits et plus personne n'osa y toucher. Ils furent stockés dans un coffret pendant quelques siècles, avant d'être retrouvés au cours d'un déménagement. Pendant un repas de famille chez les Hasting, cet héritage oublié refit surface. Si ses frères avaient essayé les bagues une à la fois, Jean-François les passa toutes-deux simultanément à ses doigts, comme son ancêtre jadis.
Le même phénomène étrange se reproduisit. La conscience du jeune fut agressée, lacérée et même torturée par une entité qui semblait en grande souffrance, comme coupée de son essence. Dans un réflexe de conversation, l'entité a tenté d'envahir l'esprit de l'adolescent mais elle était bien trop diminuée pour y parvenir et n'a pu qu'y déverser une part de sa souffrance, de son incomplétude.
Jean-François hurla et faillit mourir comme Henri de Montfort avant lui, si son père n'était pas intervenu. Toute la famille a été choquée par le pouvoir dévastateur des bijoux et ils furent séparés pour éviter qu'un pareil drame ne se reproduise.
Mais les graines du mal avaient été plantées en Jean-François, qui n'est pas sorti indemne de cette soirée. Le sentiment de morcellement et d'incomplétude des bagues, qui souffraient de ne plus être qu'une, est encore si ancré dans l'esprit du seigneur Frégast, qu'il en est devenu fou.
Une passion dévorante et irraisonnée est née en lui ce soir-là et ne l'a plus jamais quitté. Pendant des années, il a bataillé pour s'emparer des deux bijoux, qui avaient été placés hors de sa portée par sa famille. Ils lui semblaient être devenus aussi nécessaires que l'air qu'il respirait.
C'est toujours à cause de cette obsession, qu'il s'est rendu il y a une quinzaine d'année, dans une gare pour agresser son frère Antoine. Le but était de lui voler une des bagues, que l'aîné transportait. Au cours de cet affrontement, ce dernier est parvenu à le jeter sur les rails lors du passage d'un train. Cet évènement blessa grièvement le jeune seigneur Frégast, qui a souffert longtemps d'une paralysie générale.
Ces deux joyaux constituent encore maintenant le point faible du seigneur Frégast. Une simple allusion à eux lui fait perdre la tête. Richard le sait mais son maître ne l'entendra jamais.
- Nous allons nous séparer, reprend le maître, plus calmement. Pendant que tu seras sur Terre pour récupérer la bague d'Antoine, j'irai m'installer à Valtunin, qui est tombée entre nos mains. Je ne veux plus rester ici.
Sterrn, Base-Noyau...
Le seigneur Frégast a terminé sa lecture concernant les découvertes effectuées sur Sterrn. Il n'est pas de très bonne humeur. Observer les photos de ces innombrables endroits inexplorés alors qu'il se trouve confiné sur une base Terrienne à moitié détruite n'est pas pour l'enchanter.
- Monseigneur ?
Le maître ne détourne même pas son regard, il reconnaît cette voix. Il s'agit du colonel Melvis, un trentenaire androgyne aux mimiques particulièrement exaspérantes, bien qu'il soit malgré tout dévoué.
- Quoi ?
- Je viens de recevoir une information qui risque de vous attrister...
Étonné, le terrible seigneur se tourne dans sa direction.
- Plait-il ?
- Votre frère est mort...
- Rodolphe ?
- Non l'autre... Antoine.
Le maître furieux se lève brusquement, saisissant le colonel par le cou.
- Ne prononcez plus jamais ce nom, vous m'entendez ? Comment ?
- Tout porte à croire que c'est l'œuvre d'Anthony Fournier, d'après le témoignage du personnel de l'hôtel où cela s'est produit... répond l'homme, d'une voix monocorde.
Être malmené par son supérieur ne semble pas l'émouvoir plus que cela.
Incrédule, le seigneur Frégast lâche son colonel, avant d'éclater d'un rire tonitruant, qui est très mal restitué par le scaphandre.
- Ça ne vous fait rien ? s'étonne Melvis, d'autant plus abasourdi qu'il a lui-même un frère.
- Allons, vous savez tout comme moi qu'il était contre nous !
- Monseigneur, je ne vous comprends pas...
- Quoi donc ?
- Pourquoi nous avoir formellement interdit de le tuer, alors qu'il était un ennemi et qu'apparemment, vous n'y teniez pas ?
- C'était un adversaire redoutable. J'ai beaucoup aimé me battre contre lui. J'aurais voulu le retourner à ma cause, sans parler qu'il possède quelque chose qui m'intéresse au plus haut point... répond évasivement le maître, un peu nostalgique. Mais je trouve désopilant que ce soit Fournier qui l'ait tué, car ils étaient, sans le savoir, dans le même camp !
- Je vois.
- Mais assez parlé de ça. Sortez !
- Monseigneur... salue le colonel Melvis, en tournant les talons.
Le maître observe son officier s'éloigner, pensif... De nouveaux plans se dessinent dans son esprit malade. Des plans qui impliquent son seul véritable homme de confiance.
- RICHARD !
- Oui, monseigneur ? répond le concerné, en accourant depuis une autre pièce du vaste bâtiment.
- Tu te souviens de l'affaire des bagues de Montfort ?
- Oui, elle a failli vous coûter la vie... répond-il, alors qu'une ombre passe sur son visage.
- Antoine est mort. Je veux que tu ailles sur Terre. Retrouve sa bague. Elle m'appartient.
Richard considère la demande, ou plutôt l'ordre. Il est visiblement peu enthousiaste et se sent le cran d'en faire part à son maître.
- Sauf votre respect... Vous devriez laisser tomber. Vous semblez avoir oublié comment ça s'est terminé la dernière fois... Vous y avez laissé votre corps, qu'allez-vous encore perdre cette fois ?
- SILENCE ! TU FERAS CE QUE J'ORDONNE ! hurle le maître, en se redressant, comme s'il avait envie de le frapper.
- Oui ! Pardon monseigneur ! Je n'étais pas à ma place... panique le serviteur, qui se fait tout petit.
- Sache que ces bagues me font rêver depuis toujours et elles n'ont été en ma possession que quelques malheureuses minutes ! Je les aurai ! rien ne me détournera de mon but !
Si d'ordinaire le maitre paraît simplement froid et distant devant son serviteur, il laisse cette fois éclater sa démence. Cependant, il n'a pas toujours été ainsi. Adolescent, le seigneur Frégast, qui se nommait alors Jean-François Hasting était tout ce qu'il y a de plus équilibré. Seuls deux aspect peu communs le différenciaient des autres jeunes. D'abord, la richesse dans laquelle il a toujours baigné, grâce à l'héritage conséquent de sa famille, qui est issue de la noblesse napoléonienne. Ainsi que son gigantesque potentiel intellectuel, qui lui a ouvert les portes des meilleures écoles. C'est pendant cette période que les fameuses bagues sont intervenues dans sa vie.
Il faut avant tout savoir que ces bijoux ont été créés à partir de deux morceaux d'un même cristal étrange jusqu'alors inconnu sur Terre, qui a été ramassé au cours d'une promenade par Henri de Montfort, l'illustre ancêtre de la famille.
Quand l'ancêtre passa les deux anneaux à ses doigts, il fut pris d'une crise de démence particulièrement spectaculaire et mourut en se défenestrant. Après cela, les deux bijoux furent considérés comme maudits et plus personne n'osa y toucher. Ils furent stockés dans un coffret pendant quelques siècles, avant d'être retrouvés au cours d'un déménagement. Pendant un repas de famille chez les Hasting, cet héritage oublié refit surface. Si ses frères avaient essayé les bagues une à la fois, Jean-François les passa toutes-deux simultanément à ses doigts, comme son ancêtre jadis.
Le même phénomène étrange se reproduisit. La conscience du jeune fut agressée, lacérée et même torturée par une entité qui semblait en grande souffrance, comme coupée de son essence. Dans un réflexe de conversation, l'entité a tenté d'envahir l'esprit de l'adolescent mais elle était bien trop diminuée pour y parvenir et n'a pu qu'y déverser une part de sa souffrance, de son incomplétude.
Jean-François hurla et faillit mourir comme Henri de Montfort avant lui, si son père n'était pas intervenu. Toute la famille a été choquée par le pouvoir dévastateur des bijoux et ils furent séparés pour éviter qu'un pareil drame ne se reproduise.
Mais les graines du mal avaient été plantées en Jean-François, qui n'est pas sorti indemne de cette soirée. Le sentiment de morcellement et d'incomplétude des bagues, qui souffraient de ne plus être qu'une, est encore si ancré dans l'esprit du seigneur Frégast, qu'il en est devenu fou.
Une passion dévorante et irraisonnée est née en lui ce soir-là et ne l'a plus jamais quitté. Pendant des années, il a bataillé pour s'emparer des deux bijoux, qui avaient été placés hors de sa portée par sa famille. Ils lui semblaient être devenus aussi nécessaires que l'air qu'il respirait.
C'est toujours à cause de cette obsession, qu'il s'est rendu il y a une quinzaine d'année, dans une gare pour agresser son frère Antoine. Le but était de lui voler une des bagues, que l'aîné transportait. Au cours de cet affrontement, ce dernier est parvenu à le jeter sur les rails lors du passage d'un train. Cet évènement blessa grièvement le jeune seigneur Frégast, qui a souffert longtemps d'une paralysie générale.
Ces deux joyaux constituent encore maintenant le point faible du seigneur Frégast. Une simple allusion à eux lui fait perdre la tête. Richard le sait mais son maître ne l'entendra jamais.
- Nous allons nous séparer, reprend le maître, plus calmement. Pendant que tu seras sur Terre pour récupérer la bague d'Antoine, j'irai m'installer à Valtunin, qui est tombée entre nos mains. Je ne veux plus rester ici.