Chapitre 45
Ils se mettent à courir en file indienne, jusqu'à déboucher dans une caverne où coule une rivière souterraine apparemment chaude. La vapeur les empêche de bien voir mais Justin, en tête de ligne, est capable de guider le groupe dans le tunnel qui remonte vers la forêt.
Il ne s'aperçoit pas qu'Anthony, en dernière position, s'arrête puis fait demi-tour, tout en bouillonnant de colère. C'est en trébuchant que Jérémy se rend compte de son absence.
- Bah il est où ? se demande-il, avant de comprendre et de retourner en arrière.
--- --- ---
Dans les débris de la maison de l'archonte Esso.
Les hommes viennent de terminer de déblayer ce qui reste de la trappe et le colonel s'en félicite. Il ne tient pas à s'éterniser ici, car le bluff d'Anthony a eu le mérite de le faire réfléchir, maintenant que sa pulsion est retombée. Il est vrai que les autochtones ne doivent pas être ravis.
Comme pour confirmer, une flèche noire se fiche dans le cœur d'un des hommes, puis d'autres soldats tombent à leur tour, victimes de traits mortels.
- Tuez ces profanateurs ! Par le dieu-Foudre ! hurle Gwornal, qui commande aux archers.
Sentant les choses tourner en sa défaveur, le colonel saute dans le tunnel, prêt à en découdre avec ce maudit Anthony Fournier.
--- --- ---
De son côté, Jérémy s'élance aux trousses de son ami mais il n'ose pas l'appeler de peur d'être repéré par un ennemi.
Le jeune homme jure intérieurement lorsqu'il constate que la mousse lumineuse se fait plus rare dans ce boyau. Ses yeux ne sont plus habitués à l'obscurité environnante.
Après une minute infernale, il entend une respiration saccadée arriver dans sa direction mais ne parvient pas à voir de qui elle provient.
Pensant qu'il s'agit d'Anthony et ne désirant pas se faire attaquer sur un malentendu, il s'apprête à se dévoiler mais il est doublé par une petite voix aiguë et insidieuse.
- Tu vas payer...
Cette voix n'a rien à voir avec celle d'Anthony et Jérémy sursaute vivement, avant de tomber à la renverse, terrorisé. Il ne sait pas par quel côté mais il entend quelqu'un approcher.
- J'aime tuer...
Le jeune homme recule sans même se relever, trop apeuré pour y penser. De toute façon, l'obscurité l'en empêche. Il tente vainement de repérer la position du colonel Costa mais tout est faussé par les échos et ce dernier en abuse.
- Tu veux jouer avec moi ? shhh...
Si Jérémy avait encore un doute, il fond comme neige au soleil : cet homme est complètement fou, se comporte comme un prédateur qui joue avec ses proies. La boule qui s'est formée dans son ventre devient une enclume.
- Je ne suis pas Anthony... Je suis Jérémy... Jérémy Cauchoix...
Il n'en mène pas large, ce qui procure un plaisir pervers au colonel, toujours masqué par les ténèbres.
- Je suis tout près de toi... Tuer... Tuer... Tuer...
- Tuez-moi ou laissez-moi partir mais par pitié, arrêtez ça ! supplie Jérémy, qui fond en larmes.
Le colonel sourit, satisfait et frustré à la fois. Il aurait aimé que son petit jeu dure plus longtemps avant que sa victime ne craque. Tant pis, maintenant c'est terminé et il s'apprête à lui porter le coup fatal.
D'une brusque détente, il bondit sur la proie en dégainant son poignard, tout en hurlant. Répercuté par l'écho, ce cri effraierait un tigre.
- NOOON ! hurle Jérémy, qui se se recroqueville de terreur.
- JE VAIS TE TUER !!! répond le colonel, rendu hors de contrôle par ses pulsions malsaines.
Il amorce un geste pour trancher la gorge de Jérémy, qui est toujours sous l'effet de la terreur et s'évanouit. Soudain, le meurtrier sent plusieurs de ses vertèbres se briser le long de sa colonne vertébrale. Dans un sursaut de détermination, il tente tout de même de faire descendre le couteau mais un vigoureux coup de pied le propulse sur la gauche du boyau, dans les ténèbres.
Bien qu'amoché, Costa comprend qu'un autre joueur a rejoint la partie. Il est temps pour lui de filer, afin de tuer plus tard. Heureusement pour lui, la couverture des ténèbres joue en sa faveur.
Le colonel tente alors de se lever mais ouvre grand les yeux et ne peut s'empêcher de laisser s'échapper un cri tant sa situation est peu enviable. Ses jambes ne lui obéissent plus et restent inertes ! Il est devenu paraplégique !
- Je t'ai entendu ! se moque Anthony, en s'approchant de lui, en tremblant de fureur. Ses yeux brûlent d'une haine qui lui est tellement étrangère... C'est au tour du colonel d'être terrifié.
- Attends... Attends ! Tu ne peux pas me tuer ! J'ai d'autres otages ! avertit le colonel, qui reprend des manières d'homme civilisé.
En entendant le jeune homme s'approcher de lui sans l'écouter, le colonel Costa poursuit son monologue de plus en plus rapidement. Il est maintenant la proie et il est conscient que sa vie ne tient plus qu'à un fil.
- Ceux qui ont refusé le commandement de notre seigneur ! Ils sont enfermés dans un hangar et ils seront bientôt exécutés, sauf si je donne les bons ordres ! Fais pas le con ! Tu peux sauver une trentaine de vies, ne te laisse pas emporter par la colère à propos de ton frère !
L'allusion au défunt Alexis Fournier met Anthony hors de lui et c'est avec encore plus de violence qu'il abat plusieurs fois sa matraque sur le crâne rasé du colonel Costa, le réduisant en bouillie. Il frappe si fort qu'il se fait mal aux bras mais il n'en a cure.
Une fois sa sanglante besogne effectuée, Anthony s'assied près du cadavre et l'observe en réfléchissant rapidement. Il a vengé la mort de son frère mais ça ne suffit pas à apaiser son désir de vengeance. Sa culpabilité, quant au sort d'Alexis est immense.
Le jeune homme endeuillé est conscient que rien ne sera plus jamais comme avant après cette mort. Un changement s'est déjà opéré en lui, car il commence à ressentir les premiers et uniques remords de sa vie.
Il envisage très sérieusement de mettre fin à ses jours pour être délivré de cette souffrance écrasante mais ce serait du gâchis, car le principal responsable, le seigneur Frégast, vit toujours.
Anthony se relève, les yeux embués de larmes, avec la ferme intention de corriger ça, quitte à y laisser sa vie.
--- --- ---
Quelque part entre le château de Shyna et la grande cité d'Aqwamil.
- Ma déesse ? demande Mévik, le garde que Shyna affectionne particulièrement.
- Oui ?
- Pourquoi doit-on aller à la bibliothèque d'Aqwamil ? Celle de Valtunin est moins éloignée et plus complète...
- Certes mais nous avons besoin d'un document unique pour nous rendre dans la demeure du Dragon.
- Personne ne sait où elle se trouve ?
- Si, le Dragon vit sur une île non répertoriée sur les cartes, on ne sait pas où, ni à quel moment cette île va apparaître... Répond Xinizyam, sous forme de pensées, depuis la dague de Shyna.
- Une île qui disparaît ? Mais pour aller où ? demande Mévik, incrédule.
- Cette île se déplace entre les mondes, comme ceux qui se font appeler les Terriens. D'ailleurs, c'est pour les en empêcher qu'on doit avertir le dragon.
- Ils ont fait quelque chose de mal ?
- Les rumeurs ne sont pas très encourageantes... En tout cas le Dragon est formel : des passages naturels et temporaires peuvent se créer entre les mondes dans certaines conditions, bien que ce soit très rare. Le problème, c'est qu'une faille ouverte par des hommes entraîne une grande augmentation du nombre de passages naturels...
- Je ne comprends pas, en quoi est-ce un problème ?
- L'un de ces autres mondes est dominé par des créatures maléfiques qui se nourrissent de tout ce qui vit. Ce sont elles qui ont causé le déclin des Dragons lors du grand cataclysme, à l'aube des temps. Elles rêvent de conquérir d'autres mondes, pour enfin se nourrir convenablement, explique Xini, aussi érudit que la déesse sur le sujet.
- C'est pourquoi un passage, même temporaire, entre le Mal et Sterrn, entraînerait à terme la mort de notre monde. À l'époque, même les Dragons n'ont pu les arrêter, conclut Shyna.
Mévik considère un moment ces informations. S'il est habitué à côtoyer une déesse, plus le temps passe et plus il a l'impression que des enjeux sont bien au-delà de sa condition de mortel.
- Mais ça finira par arriver, non ? Que ce soit demain, ou dans mille ans, le résultat sera le même. Sauf votre respect, je doute que vous et les autres dieux pouvez y changer quelque chose...
- Il faut tenir les créatures du Mal à l'écart le plus longtemps possible. Le Dragon et l'illustre Deloraï travaillent sur une solution pour écarter définitivement cette menace.
- Deloraï, l'alchimiste légendaire ? Il existe ? s'étonne Mévik, en se remémorant toutes les histoires fabuleuses qui lui ont été racontées sur cet homme extraordinaire, pendant son enfance.
Ils se mettent à courir en file indienne, jusqu'à déboucher dans une caverne où coule une rivière souterraine apparemment chaude. La vapeur les empêche de bien voir mais Justin, en tête de ligne, est capable de guider le groupe dans le tunnel qui remonte vers la forêt.
Il ne s'aperçoit pas qu'Anthony, en dernière position, s'arrête puis fait demi-tour, tout en bouillonnant de colère. C'est en trébuchant que Jérémy se rend compte de son absence.
- Bah il est où ? se demande-il, avant de comprendre et de retourner en arrière.
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Dans les débris de la maison de l'archonte Esso.
Les hommes viennent de terminer de déblayer ce qui reste de la trappe et le colonel s'en félicite. Il ne tient pas à s'éterniser ici, car le bluff d'Anthony a eu le mérite de le faire réfléchir, maintenant que sa pulsion est retombée. Il est vrai que les autochtones ne doivent pas être ravis.
Comme pour confirmer, une flèche noire se fiche dans le cœur d'un des hommes, puis d'autres soldats tombent à leur tour, victimes de traits mortels.
- Tuez ces profanateurs ! Par le dieu-Foudre ! hurle Gwornal, qui commande aux archers.
Sentant les choses tourner en sa défaveur, le colonel saute dans le tunnel, prêt à en découdre avec ce maudit Anthony Fournier.
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De son côté, Jérémy s'élance aux trousses de son ami mais il n'ose pas l'appeler de peur d'être repéré par un ennemi.
Le jeune homme jure intérieurement lorsqu'il constate que la mousse lumineuse se fait plus rare dans ce boyau. Ses yeux ne sont plus habitués à l'obscurité environnante.
Après une minute infernale, il entend une respiration saccadée arriver dans sa direction mais ne parvient pas à voir de qui elle provient.
Pensant qu'il s'agit d'Anthony et ne désirant pas se faire attaquer sur un malentendu, il s'apprête à se dévoiler mais il est doublé par une petite voix aiguë et insidieuse.
- Tu vas payer...
Cette voix n'a rien à voir avec celle d'Anthony et Jérémy sursaute vivement, avant de tomber à la renverse, terrorisé. Il ne sait pas par quel côté mais il entend quelqu'un approcher.
- J'aime tuer...
Le jeune homme recule sans même se relever, trop apeuré pour y penser. De toute façon, l'obscurité l'en empêche. Il tente vainement de repérer la position du colonel Costa mais tout est faussé par les échos et ce dernier en abuse.
- Tu veux jouer avec moi ? shhh...
Si Jérémy avait encore un doute, il fond comme neige au soleil : cet homme est complètement fou, se comporte comme un prédateur qui joue avec ses proies. La boule qui s'est formée dans son ventre devient une enclume.
- Je ne suis pas Anthony... Je suis Jérémy... Jérémy Cauchoix...
Il n'en mène pas large, ce qui procure un plaisir pervers au colonel, toujours masqué par les ténèbres.
- Je suis tout près de toi... Tuer... Tuer... Tuer...
- Tuez-moi ou laissez-moi partir mais par pitié, arrêtez ça ! supplie Jérémy, qui fond en larmes.
Le colonel sourit, satisfait et frustré à la fois. Il aurait aimé que son petit jeu dure plus longtemps avant que sa victime ne craque. Tant pis, maintenant c'est terminé et il s'apprête à lui porter le coup fatal.
D'une brusque détente, il bondit sur la proie en dégainant son poignard, tout en hurlant. Répercuté par l'écho, ce cri effraierait un tigre.
- NOOON ! hurle Jérémy, qui se se recroqueville de terreur.
- JE VAIS TE TUER !!! répond le colonel, rendu hors de contrôle par ses pulsions malsaines.
Il amorce un geste pour trancher la gorge de Jérémy, qui est toujours sous l'effet de la terreur et s'évanouit. Soudain, le meurtrier sent plusieurs de ses vertèbres se briser le long de sa colonne vertébrale. Dans un sursaut de détermination, il tente tout de même de faire descendre le couteau mais un vigoureux coup de pied le propulse sur la gauche du boyau, dans les ténèbres.
Bien qu'amoché, Costa comprend qu'un autre joueur a rejoint la partie. Il est temps pour lui de filer, afin de tuer plus tard. Heureusement pour lui, la couverture des ténèbres joue en sa faveur.
Le colonel tente alors de se lever mais ouvre grand les yeux et ne peut s'empêcher de laisser s'échapper un cri tant sa situation est peu enviable. Ses jambes ne lui obéissent plus et restent inertes ! Il est devenu paraplégique !
- Je t'ai entendu ! se moque Anthony, en s'approchant de lui, en tremblant de fureur. Ses yeux brûlent d'une haine qui lui est tellement étrangère... C'est au tour du colonel d'être terrifié.
- Attends... Attends ! Tu ne peux pas me tuer ! J'ai d'autres otages ! avertit le colonel, qui reprend des manières d'homme civilisé.
En entendant le jeune homme s'approcher de lui sans l'écouter, le colonel Costa poursuit son monologue de plus en plus rapidement. Il est maintenant la proie et il est conscient que sa vie ne tient plus qu'à un fil.
- Ceux qui ont refusé le commandement de notre seigneur ! Ils sont enfermés dans un hangar et ils seront bientôt exécutés, sauf si je donne les bons ordres ! Fais pas le con ! Tu peux sauver une trentaine de vies, ne te laisse pas emporter par la colère à propos de ton frère !
L'allusion au défunt Alexis Fournier met Anthony hors de lui et c'est avec encore plus de violence qu'il abat plusieurs fois sa matraque sur le crâne rasé du colonel Costa, le réduisant en bouillie. Il frappe si fort qu'il se fait mal aux bras mais il n'en a cure.
Une fois sa sanglante besogne effectuée, Anthony s'assied près du cadavre et l'observe en réfléchissant rapidement. Il a vengé la mort de son frère mais ça ne suffit pas à apaiser son désir de vengeance. Sa culpabilité, quant au sort d'Alexis est immense.
Le jeune homme endeuillé est conscient que rien ne sera plus jamais comme avant après cette mort. Un changement s'est déjà opéré en lui, car il commence à ressentir les premiers et uniques remords de sa vie.
Il envisage très sérieusement de mettre fin à ses jours pour être délivré de cette souffrance écrasante mais ce serait du gâchis, car le principal responsable, le seigneur Frégast, vit toujours.
Anthony se relève, les yeux embués de larmes, avec la ferme intention de corriger ça, quitte à y laisser sa vie.
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Quelque part entre le château de Shyna et la grande cité d'Aqwamil.
- Ma déesse ? demande Mévik, le garde que Shyna affectionne particulièrement.
- Oui ?
- Pourquoi doit-on aller à la bibliothèque d'Aqwamil ? Celle de Valtunin est moins éloignée et plus complète...
- Certes mais nous avons besoin d'un document unique pour nous rendre dans la demeure du Dragon.
- Personne ne sait où elle se trouve ?
- Si, le Dragon vit sur une île non répertoriée sur les cartes, on ne sait pas où, ni à quel moment cette île va apparaître... Répond Xinizyam, sous forme de pensées, depuis la dague de Shyna.
- Une île qui disparaît ? Mais pour aller où ? demande Mévik, incrédule.
- Cette île se déplace entre les mondes, comme ceux qui se font appeler les Terriens. D'ailleurs, c'est pour les en empêcher qu'on doit avertir le dragon.
- Ils ont fait quelque chose de mal ?
- Les rumeurs ne sont pas très encourageantes... En tout cas le Dragon est formel : des passages naturels et temporaires peuvent se créer entre les mondes dans certaines conditions, bien que ce soit très rare. Le problème, c'est qu'une faille ouverte par des hommes entraîne une grande augmentation du nombre de passages naturels...
- Je ne comprends pas, en quoi est-ce un problème ?
- L'un de ces autres mondes est dominé par des créatures maléfiques qui se nourrissent de tout ce qui vit. Ce sont elles qui ont causé le déclin des Dragons lors du grand cataclysme, à l'aube des temps. Elles rêvent de conquérir d'autres mondes, pour enfin se nourrir convenablement, explique Xini, aussi érudit que la déesse sur le sujet.
- C'est pourquoi un passage, même temporaire, entre le Mal et Sterrn, entraînerait à terme la mort de notre monde. À l'époque, même les Dragons n'ont pu les arrêter, conclut Shyna.
Mévik considère un moment ces informations. S'il est habitué à côtoyer une déesse, plus le temps passe et plus il a l'impression que des enjeux sont bien au-delà de sa condition de mortel.
- Mais ça finira par arriver, non ? Que ce soit demain, ou dans mille ans, le résultat sera le même. Sauf votre respect, je doute que vous et les autres dieux pouvez y changer quelque chose...
- Il faut tenir les créatures du Mal à l'écart le plus longtemps possible. Le Dragon et l'illustre Deloraï travaillent sur une solution pour écarter définitivement cette menace.
- Deloraï, l'alchimiste légendaire ? Il existe ? s'étonne Mévik, en se remémorant toutes les histoires fabuleuses qui lui ont été racontées sur cet homme extraordinaire, pendant son enfance.