Plaines de Kyzam
Chapitre 38
A Valtunin, sur les remparts.
Deux des hommes dépêchés par la Fondation dans la cité contemplent l'horizon, lorsque l'un d'entre eux aperçoit au loin trois grands zeppelins.
- Les renforts arrivent... Il va être temps pour nous de passer à l'action.
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A bord du zeppelin de Franz, près des monts Thilas, en route vers Syl.
- J'ai une mauvaise nouvelle, annonce le pilote.
- Quoi ?
- Si nous voyons ces montagnes, c'est parce que le vent est de plus en plus fort et qu'il nous emporte malgré nous vers le nord...
- Vers la Base-Noyau... Comprend Anthony.
- Exact. Et comme le vent ne fait que se lever, si on reste en altitude, on ne pourra plus rien faire pour éviter la Base.
- Il y a une solution ? demande Justin.
- Oui, il faut atterrir et attendre, on n'a pas le choix.
« Super... », pense Justin, qui est inquiet pour Bertrand. Il se serait bien passé de cet arrêt imprévu.
- Puisqu'il le faut...
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Plus tard, à Valtunin, dans une maison réquisitionnée par les Éclairs de la Nuit.
L'un des conseillers du maître de la guilde a rassemblé ses hommes dans cette cave, dans le plus grand secret. Le lieu s'y prête particulièrement, se situant dans un quartier presque désert. Une fois la trentaine d'hommes entassée dans la pièce, alors qu'ils discutent à voix basse, le conseiller réclame l'attention.
- Éclairs, écoutez-moi attentivement, la situation est très grave. Mais avant de vous en parler, nous devons rejoindre tous les autres dans la plus grande discrétion. C'est pourquoi, exceptionnellement, nous allons passer par les égouts...
- Y a des araignées géantes là-dedans ! C'est pas que je sois un lâche mais elles sont bien plus nombreuses que nous ! proteste une grosse brute.
- Silence ! J'ai dit que la situation de Valtunin était très grave ! Pire encore que lorsque Grohen a envoyé des hommes à sa solde dans nos murs !
- À vos ordres... Se résigne l'homme.
Après l'ouverture du passage vers les égouts, les hommes s'y engouffrent, inquiets mais sans rien laisser transparaître.
Curieusement, ils ne rencontrent pas d'araignées et se rendent sans encombre dans une grande salle souterraine se situant sous la Tour Noire. D'autres hommes en armures les accueillent, ils sont apparemment le dernier groupe attendu.
Les sept conseillers se concertent, parlant à voix basse et à toute vitesse.
- Étrange tout de même qu'on n'ait pas vu la moindre araignée...
- Elles doivent être occupées ailleurs, répond un autre homme, sans se douter le moins du monde du degré de véracité de ses propos.
- Éclairs ! s'écrie l'un des sept chefs, en faisant un signe de la main pour bien capter l'attention des hommes. J'ai quelque chose de grave à vous annoncer...
Il laisse planer le suspense quelques secondes, avant de reprendre.
- Vous devez vous demander pourquoi nous avons pris le risque de nous rassembler ici, à l'insu de tous... Sachez que les étrangers qui viennent d'arriver dans les engins du ciel veulent nous réduire en esclavage, comme Morgal jadis !
La tension monte d'un cran : Les hommes jusqu'alors attentifs émettent des murmures de désapprobation, voire des cris scandalisés, certains allant jusqu'à maudire les Terriens, les comparants aux valvors.
- Un peu de silence ! Vous allez réveiller Angolliat !
L'avertissement fait mouche et les guerriers sont calmés pour un moment.
- En effet, reprend le conseiller. Ils ont pris les membres du conseil et notre archonte en otage. Ils n'ont pas eu le choix et ils ont dû se soumettre aux étrangers... Seuls les deux prophètes absents ont été épargnés. Et le glorieux chef de notre ordre, Tructor, n'a pas cédé aux menaces. Il est emprisonné dans la Tour Noire, dans une cellule adjacente à celle occupée par Grohen...
Les extrémistes sont de plus en plus furieux. Privés de leur chef, outrés par l'audace des nouveaux arrivants et finalement poussés à bout par l'ultime provocation des Terriens : Reléguer Tructor à la même enseigne que Grohen.
- Silence ! Silence ! ordonne le conseiller, qui commence à se laisser déborder.
- Nous allons aller délivrer notre chef ! Puis sous son commandement, nous vaincrons ces étrangers et nous nourrirons Grohen de leurs cadavres ! reprend son collègue.
- POUR LE DIEU-FOUDRE ! scandent les guerriers, d'une seule voix.
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Grandes plaines de Kyzam, au sud-ouest de Syl.
Après l'atterrissage du zeppelin, les conditions climatiques s'aggravant, la petite équipe a décidé de rejoindre Syl à pied. Tous se sont mis en route, à l'exception de Franz. Celui-ci refuse d'abandonner son appareil et compte trouver refuge dans un village humain en attendant que les choses se calment. Le capitaine John lui a néanmoins laissé entendre que son rôle dans cette histoire pourrait ne pas être complètement terminé.
Après une heure de marche, la troupe tombe en admiration devant un immense troupeau de... Tricératops.
A l'image des bisons dans l'ancienne Amérique, ces dinosaures se déplacent en horde de quelques centaines d'individus.
- Whaaaa... Souffle Justin, béat d'admiration.
- C'est sans danger ? demande Anthony, inquiet.
- Vous pouvez même les toucher, ils se sont pas agressifs, ce qui tombe bien étant donné que nous devons traverser ce petit troupeau... Le rassure John.
- Petit ? relève le jeune, interloqué.
Craintifs au départ, Justin et Anthony se tiennent le plus éloigné possible des gros animaux. Mais en voyant l'aisance et la confiance affichées par Evran, qui n'hésite pas à en caresser quelques-uns au passage, ils se détendent.
Au bout de quelques minutes, ils s'amusent avec les dinosaures, sous l'œil attendri du capitaine, touché par leur innocence.
- Dommage qu'ils ne soient pas dressés, on n'aurait plus à marcher, regrette Evran.
Soudainement, le capitaine John se raidit, ses yeux s'agrandissent de stupeur, avant qu'il ne s'allonge au sol.
- Couchez-vous ! ordonne-il. Des valvors arrivent !
« Oh non... », pense Justin, qui n'a pas vraiment envie de rencontrer de nouveaux ennemis.
Tous s'exécutent, en tendant l'oreille mais personne n'entend le moindre bruit anormal.
- Comment vous le savez ? lui demande Evran.
- Mon don psychique... Je les sens approcher...
- Ils sont combien ? s'enquiert Anthony.
- Trois ! C'est trop pour nous, l'un d'eux est puissant...
- Avec nos flingues, ça sera vite fait.
- N'y pense même pas, les balles ne traverseront pas leur coquille !
- Pfff... Il y a des solutions ? soupire Anthony.
- D'après les pensées des deux alcoyles, ils viennent chasser. Ils devraient se contenter de tuer un des dinosaures mais ils vont faire ça avec un tricératops qui est en retrait pour ne pas s'exposer à la colère du troupeau...
- Qu'est-ce qu'on fait alors ? demande Evran.
- On reste couché et on attend qu'ils s'en aillent. Je n'ose pas pénétrer dans l'esprit de leur chef, il risquerait de s'en rendre compte et il attaquerait certainement, murmure le capitaine, qui rampe pour mieux se cacher.