Les monts Thilas
Chapitre 35
Dans le village de Syl, au même instant.
Adrien et son ami Joshua se promènent dans Syl. Ils s'ennuient beaucoup, n'ayant que de maigres connaissances du dialecte local. Heureusement pour leurs nerfs, Jérémy ne les cherche plus trop ouvertement. Il est possible qu'il soit maintenant trop occupé avec Gralik, pour penser à eux. Adrien n'ose même pas imaginer leurs occupations. Alors qu'il ne s'y attendait plus du tout et s'était résigné à l'idée d'être oublié dans ce village, Richard Archer le contacte par radio.
La conversation ne dure que quelques secondes mais le sourire d'Adrien s'élargit, signe que les choses changent.
- Ce sera fait monsieur Archer, j'attends ça depuis longtemps, répond l'homme, qui met fin à la conversation.
- L'heure est venue ? demande Joshua, qui devine ce que ce sourire signifie.
- Oui, occupe-toi du vieux, j'ai un compte à régler avec l'autre tarlouze... Depuis le temps que j'en rêve, on va voir s'il va jouer la provoc, cette fois ! annonce Adrien, en regardant malsainement la demeure de Gralik.
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Dans les monts Thilas.
- Allez-y ! ordonne Christophe Lambert, en tendant les cordes qui vont permettre l'escalade d'une façade de glace.
Cela fait plusieurs jours que l'équipe recherche une trace de l'autre civilisation de Sterrn dans ces montagnes, les Neldars. Christophe pense toucher au but et espère localiser bientôt cette civilisation. Il ne sait pas ce qui l'attend.
- S'il y a une bête là-haut, on va se faire tuer bêtement, proteste un des hommes.
Ulcéré des désobéissances constantes de ses hommes, Christophe s'attache et décide de passer devant.
Peu habitué à l'exercice, il est excessivement long, ce qui permet à ses hommes de faire une pause sans lui. Pendant celle-ci, le responsable militaire du groupe reçoit un appel radio, qu'il clôture assez rapidement d'un « Oui, monsieur ».
Sans perdre de temps, il donne à voix basse quelques consignes à ses collèges, qui hochent la tête, avant de saisir leurs armes. De concert, ils vident leurs chargeurs sur l'infortuné Christophe.
Alors qu'il s'y attend le moins, le scientifique entend une des détonations, puis est transpercé par une série de vives douleurs dans le dos.
- AAAAAH ! QU'ES CE QUI SE PASSE ? hurle Christophe, qui s'efforce de rester agrippé malgré tout.
- Laissez-moi faire... Ordonne le chef des mutins, qui s'applique tout particulièrement pour viser.
- J'ai mal ! J'ai mal ! geint le scientifique, alors qu'un flot de sang s'écroule de son être et vient souiller la neige environnante.
PAN !
- RHAAAA ! crie encore la victime, alors qu'une de ses mains est perforée par une balle. ARRÊTEZ !
Il lutte quelques instants de toutes ses forces pour retenir un mauvais réflexe, qui pourrait le pousser à lâcher la corniche, qu'il agrippe encore de sa main blessée. Mais, la souffrance couplée à la peur l'emporte et Christophe court au désastre.
Lorsque sa main lâche prise, l'horreur et l'imminence de la mort l'envahissent tout entier. Pendant les quelques secondes de chute libre, qui pour Chris sont des heures, la terreur le tétanise complètement. C'est comme ce rêve étrange, qu'il faisait étant enfant, où il tombait et se réveillait en sueur, au dernier moment. Sauf que cette fois, il sait pertinemment qu'il ne se réveillera pas.
Il est délivré de ce premier calvaire par un grand froid qui traverse de part en part son plastron thoracique. Il n'a même plus la force de hurler cette nouvelle souffrance.
Lorsqu'il ouvre les yeux, il constate avec une horreur renouvelée qu'il a terminé sa chute sur un pic rocheux de quelques mètres de long, sur lequel il s'est empalé. Contrairement à ce qu'il aurait cru, sa douleur n'est pas la vive brûlure d'une coupure superficielle, elle est sourde, lancinante et profonde. C'est une douleur qui irradie chaque parcelle de son corps, grignotant ce qui lui reste de vie.
Sous le regard de ses assassins, la voix de Christophe se fait suppliante.
- ... Achevez-moi... S'il vous plaît...
Mais ses tortionnaires sont déjà partis, le laissant pour mort. Alors que le scientifique sent sa prise sur le monde lui échapper, ce dernier refuse de mourir en vain. Dans un ultime effort, il se dépêche de trouver sa radio, qui pend toujours à sa ceinture.
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Village de Syl maison de Gralik.
Les deux amants sont allongés l'un sur l'autre depuis un moment, pour reprendre leur souffle après leur ébats.
- T'étais génial, à mon tour ! s'impatiente l'autochtone.
Tout à coup, un énorme fracas retentit et la porte de la demeure se renverse à terre. Dans l'encadrement se tient Adrien, qui tient deux armes.
Ils relèvent la tête pour le fixer, étonnés. Le cœur de Jérémy s'emballe à la vue des armes et du rictus qui n'annonce rien de bon collé sur le visage du nouvel arrivant.
- MAINTENANT J'VAIS TE FINIR, CONNARD ! hurle Adrien, qui annonce clairement la couleur.
Sans sommation il braque ses deux pistolets mitrailleurs sur eux mais avant qu'il ne puisse s'en servir, Gralik, revenu de sa stupeur, lui lance le pot de lubrifiant au visage. Ce dernier éclate et le contenu se répand sur le visage déformé par la haine.
Adrien jure et s'essuie rapidement les yeux avec son avant-bras mais soudainement et sans raison apparente, il se met hurler de douleur. Jérémy se rappelle que cette mixture a la faculté de sensibiliser davantage les parties intimes. Il grimace en imaginant son action sur les yeux.
Gralik, moins long à la détente, se jette sur l'intrus et le jette à terre. Ils échangent quelques coups de poings avant que le militaire ne reprenne ses esprits et ouvre le feu partout autour de lui. Il n'est pas encore capable de soulever les paupières.
L'autochtone, inconscient du danger, continue ses assauts mais Jérémy l'attrape par une jambe avant de le traîner à toute vitesse pour l'emmener se réfugier derrière la cheminée de pierre.
Malheureusement, toutes les balles ne sont pas perdues mais viennent ravager la totalité de la pauvre maison. Gralik en reçoit une dans l'épaule, ce qui refroidit considérablement ses ardeurs.
- Ahhh ! J'ai mal ! geint-il.
- Chut ! Si cet imbécile continue comme ça, il n'aura plus de munitions, tiens-toi prêt !
Après encore cinq secondes de fusillade, Adrien est effectivement à sec. Le juron qu'il laisse échapper semble le confirmer.
- On y va ! lance Gralik, qui s'enhardit.
- Attends ! proteste Jérémy, en le tirant par le bras, ce qui lui arrache une grimace. Désolé... Il a sûrement autre chose sur lui, faut faire gaffe ! Il est con mais pas à ce point. On y va ensemble...
Quand ils sortent de leur abri de fortune, les sens en alerte, une surprise de taille les attend. Leur agresseur s'est volatilisé.
- Il s'est enfui...
- Le lâche... Gronde Gralik.
- Faudrait avertir quelqu'un... Imagine s'il lui prend l'envie de tuer au hasard ?
Jérémy est interrompu par un petit bruit, près de lui. Il s'agit d'un petit objet métallique, qui traverse l'encadrement de ce qui était il y a quelques minutes une porte.
- C'est quoi ça ? demande Gralik, en se penchant vers l'objet en question, dans l'intention de le ramasser.
Les yeux de Jérémy s'agrandissent d'horreur lorsqu'il reconnaît une grenade à fragmentation. Celle-ci est dégoupillée.
- COURS ! ordonne le Terrien, d'un ton sans réplique.
Il tire son compagnon à lui de toutes ses forces. Inquiété par la panique soudaine de Jérémy, ce dernier suit sans sourciller.
Ils ne sont qu'à quelques enjambées de la demeure lorsqu'elle est anéantie dans une terrible explosion, dont le souffle projette les deux hommes à terre.
Secoués par la déflagration, ils se relèvent avec difficultés, les oreilles bourdonnantes. L'instant suivant, Gralik contemple les ruines fumantes qui restent de sa maison, la bouche grande ouverte, avant que les larmes ne lui montent aux yeux.
- Ma maison... Il a tout détruit en quelques secondes... Ma maison ! Je vais le tuer... souffle l'autochtone, avant de fondre en larmes.
- Il est déjà trop loin... Mais je te jure que ses crimes ne resteront pas impunis, répond Jérémy, qui ne sait quoi dire d'autre mais se veut le plus réconfortant possible.
Ils restent quelques instants ainsi, indifférents au cercle de curieux qui s'est formé autour des décombres de la maison.
- BERTRAND ! glapit Jérémy, qui pense au pire.