CHAPITRE XI (suite)
Passée le pont rose, Alice se gare sur le parking du port près de la capitainerie. Elle coupe le moteur de son quatre-quatre et elle me gratifie d'un sourire comme j’adore. Elle est radieuse.
- Viens, me dit-elle. On va se promener le long du port. J’aime bien. Ça fait ambiance vacances.
Bras dessus, bras dessous, nous arpentons le port de plaisance. Alice regarde admirative les différentes embarcations, les quelques voiliers, catamarans, bateaux à moteur. On s’assoit sur un banc isolé, côte à côte.
- J’aime beaucoup la mer. J’aimerais bien un jour faire une promenade en mer, rien que tous les deux, se retrouver ballotter par les vagues un peu comme sur une coquille de noix. Tiens, regarde. Celui-là, il est magnifique. Tu aimerais toi ?
- J’adore la mer moi aussi. Peut-être qu’on pourra regarder pour en louer un. J’ai le permis qui va bien.
- On pourrait plonger nus dans l’eau loin de tout, seuls au monde. Ça doit être super sympa. Tu me feras l’amour sur le bateau mon chéri ?
- On pourrait même commencer par faire l’amour, se rafraîchir un peu et recommencer juste après. Ça te va ma princesse ?
- Tu es trop coquin. C’est beau de pouvoir rêver et avec toi j’adore. J’ai l’impression parfois de redevenir une petite fille avec tout son panel de rêves des plus simples aux plus extravagants. Et toi tu pioches dans le panier. Tu me sors l’un de mes rêves et je n’ai plus qu’à cocher : réalisé ou en cours de réalisation. Je ne sais pas comment tu fais pour les deviner mais tu fais mouche à chaque coup. Essaye encore un peu pour voir ?
- Je crois que je viens de tirer un gros ticket ma chérie. Tu rêves d’avoir des enfants.
J’ai à peine terminé que je prends conscience de l’énormité de ma réponse. Alice tourne son visage sur le mien. Ses yeux sont embués, très embués. Une larme s’échappe, puis une autre.
- Tu es fou Pascal. C’est un rêve d’avenir et moi … je … Je n’ai pas… Je n’ose pas regarder l’avenir. Chez moi, il est incertain. Est-ce que tu te rends compte ?
Alice se lève. Elle est bouleversée, perdue. Elle s’éloigne de quelques pas. Elle ne sait plus. Elle se retourne vers moi. Elle me regarde presque sans me voir. Elle pleure maintenant à grosses larmes. Elle s’assoit sur un banc à quelques mètres de celui sur lequel nous étions. Elle prend sa tête dans ses mains. Je comprends que je viens de faire une énorme gaffe, que le cataclysme que je viens de déclencher dans sa tête la perturbe au plus haut point. Je reçois aussi en pleine figure le fait qu’elle puisse disparaître un jour, qu’elle puisse ne plus être de ce monde dans un horizon que je ne maîtrise pas. Cette idée me révolte. Elle m’insupporte. Et même si cette pensée m’avait effleurée à l’annonce de son cancer, je l’avais totalement occultée, peut-être par lâcheté, masquée par le rideau de joie et de bonheur dans lequel nous nous sommes drapés tous les deux. Je suis anéanti, effondré moi aussi. Les larmes inondent mes yeux. Je n’arrive pas à les refouler alors je les laisse couler.
Une main se pose sur mon épaule. Un doigt sous le menton me fait relever la tête. Devant moi deux yeux rougis, tout mouillés qui me scrutent profondément. La tristesse est immense mais plus que tout Alice est bouleversée de me voir moi aussi dans cet état.
- C’est dur. C’est très dur à entendre et je n'y étais pas du tout préparée mais… Merci mon amour pour ce rêve. Je t’aime. Tu ne peux même pas savoir comment je t'aime. Allez ne pleure plus. Je vais avoir besoin de toute la force de ton amour. Et puis, je ne suis pas encore dans le trou. Je n’ai pas dit mon dernier mot tu sais.
Alice s’est assise à califourchon sur mes jambes, sa tête en appui contre la mienne. Ses bras entourent mes épaules et les miens enserrent sa taille. Je la serre très fort contre moi et elle fait de même. Nos larmes ne tarissent pas. Elles sont juste silencieuses. Alice lève la tête et dépose un baiser merveilleux sur mes lèvres toutes mouillées.
- Il faudrait peut-être arrêter de chialer mon chéri sinon on va faire déborder la rivière tu ne crois pas ? Tu as un mouchoir ?
Il y a une immense tendresse dans sa voix. Elle me caresse le visage, sèche mes larmes et les siennes en même temps. Son sourire est revenu même si un voile mélancolique subsiste encore. Alice a repris le dessus. Cette petite femme si fragile a une force incommensurable. Je suis admiratif. J’espère de tout mon cœur que cette force sera suffisante pour vaincre cette maladie sournoise. J’ai peur. Je me rends compte que j’ai terriblement peur de la perdre mais j’ai aussi une très grande confiance en elle. Je voudrais me fier à sa soif de vivre démesurée, au bonheur suprême qu’elle mérite.
- J’adorerai avoir des enfants. Mais pour ça, il me faut trouver un futur papa qui sache les faire. Tu sauras toi ?
- Jusqu’à présent, je n’ai pas réussi mais c’est vrai aussi que je n’ai pas beaucoup essayé. Peut-être qu’à deux on trouvera ?
- Oui, Pascal. Si c’est possible, il n’y a aucune raison qu’on n'y arrive pas tous les deux. J’avais envie de te poser la question mais j’ai estimé que c’était trop tôt. Que tu n’étais peut-être pas prêt à y répondre. Et puis je ne voulais pas t’embêter avec cela. Je me suis trompée encore une fois parce que tu es un homme surprenant et formidable. De toute façon, ce n’est pas pour maintenant. Dans le cas le plus favorable, il faudra attendre la fin de mon traitement, une petite année. Mais rien ne nous empêche de nous entraîner en attendant. J’aime quand tu me fais l’amour. Il y a énormément de délicatesse, de respect, de partage, de don de toi et je reçois toutes ces bonnes choses comme une offrande. Je me laisse enivrer et emporter par tout ce que tu me donnes et tout ce que j’ai envie de prendre aussi. Nous deux, c’est extraordinaire parce que moi aussi, je voudrais pouvoir répondre à tous tes désirs.
Alice fait une pause et reprend.
- Il faut garder à l’esprit qu’il y a des cas où le traitement ne marche pas. C’est comme ça. On n’y peut rien. Dans cette configuration, il faudra accepter de me voir partir plus tôt que prévu. Tu te rappelleras : pas de pitié, pas de condescendance. Ce serait pour moi le pire des supplices. Il faudra que tu apprennes à me donner du bonheur jusqu’au bout et à prendre tout le bonheur que j’essayerai de t’apporter si j’en suis encore capable. Et si tu n'y arrives pas, si c'est plus fort que toi, il sera temps pour toi de partir. Parfois, je me dis que tu ne mérites pas de vivre cela et qu’il est égoïste de ma part de me laisser t’entraîner dans de tels tourments. Mais je me dis aussi que si ça marche, nous deux ça va être quelque chose. Un raz de marée d'allégresse, un tsunami de bonheur si puissant que j’ai vraiment envie de connaître ça dans tes bras.
- Je t'aime ma chérie. Je ne sais plus quoi dire. Des conneries, je suis capable d'en faire et toi, tu rattrapes tout à la sauce petit bonheur. Tu es vraiment extraordinaire.
Passée le pont rose, Alice se gare sur le parking du port près de la capitainerie. Elle coupe le moteur de son quatre-quatre et elle me gratifie d'un sourire comme j’adore. Elle est radieuse.
- Viens, me dit-elle. On va se promener le long du port. J’aime bien. Ça fait ambiance vacances.
Bras dessus, bras dessous, nous arpentons le port de plaisance. Alice regarde admirative les différentes embarcations, les quelques voiliers, catamarans, bateaux à moteur. On s’assoit sur un banc isolé, côte à côte.
- J’aime beaucoup la mer. J’aimerais bien un jour faire une promenade en mer, rien que tous les deux, se retrouver ballotter par les vagues un peu comme sur une coquille de noix. Tiens, regarde. Celui-là, il est magnifique. Tu aimerais toi ?
- J’adore la mer moi aussi. Peut-être qu’on pourra regarder pour en louer un. J’ai le permis qui va bien.
- On pourrait plonger nus dans l’eau loin de tout, seuls au monde. Ça doit être super sympa. Tu me feras l’amour sur le bateau mon chéri ?
- On pourrait même commencer par faire l’amour, se rafraîchir un peu et recommencer juste après. Ça te va ma princesse ?
- Tu es trop coquin. C’est beau de pouvoir rêver et avec toi j’adore. J’ai l’impression parfois de redevenir une petite fille avec tout son panel de rêves des plus simples aux plus extravagants. Et toi tu pioches dans le panier. Tu me sors l’un de mes rêves et je n’ai plus qu’à cocher : réalisé ou en cours de réalisation. Je ne sais pas comment tu fais pour les deviner mais tu fais mouche à chaque coup. Essaye encore un peu pour voir ?
- Je crois que je viens de tirer un gros ticket ma chérie. Tu rêves d’avoir des enfants.
J’ai à peine terminé que je prends conscience de l’énormité de ma réponse. Alice tourne son visage sur le mien. Ses yeux sont embués, très embués. Une larme s’échappe, puis une autre.
- Tu es fou Pascal. C’est un rêve d’avenir et moi … je … Je n’ai pas… Je n’ose pas regarder l’avenir. Chez moi, il est incertain. Est-ce que tu te rends compte ?
Alice se lève. Elle est bouleversée, perdue. Elle s’éloigne de quelques pas. Elle ne sait plus. Elle se retourne vers moi. Elle me regarde presque sans me voir. Elle pleure maintenant à grosses larmes. Elle s’assoit sur un banc à quelques mètres de celui sur lequel nous étions. Elle prend sa tête dans ses mains. Je comprends que je viens de faire une énorme gaffe, que le cataclysme que je viens de déclencher dans sa tête la perturbe au plus haut point. Je reçois aussi en pleine figure le fait qu’elle puisse disparaître un jour, qu’elle puisse ne plus être de ce monde dans un horizon que je ne maîtrise pas. Cette idée me révolte. Elle m’insupporte. Et même si cette pensée m’avait effleurée à l’annonce de son cancer, je l’avais totalement occultée, peut-être par lâcheté, masquée par le rideau de joie et de bonheur dans lequel nous nous sommes drapés tous les deux. Je suis anéanti, effondré moi aussi. Les larmes inondent mes yeux. Je n’arrive pas à les refouler alors je les laisse couler.
Une main se pose sur mon épaule. Un doigt sous le menton me fait relever la tête. Devant moi deux yeux rougis, tout mouillés qui me scrutent profondément. La tristesse est immense mais plus que tout Alice est bouleversée de me voir moi aussi dans cet état.
- C’est dur. C’est très dur à entendre et je n'y étais pas du tout préparée mais… Merci mon amour pour ce rêve. Je t’aime. Tu ne peux même pas savoir comment je t'aime. Allez ne pleure plus. Je vais avoir besoin de toute la force de ton amour. Et puis, je ne suis pas encore dans le trou. Je n’ai pas dit mon dernier mot tu sais.
Alice s’est assise à califourchon sur mes jambes, sa tête en appui contre la mienne. Ses bras entourent mes épaules et les miens enserrent sa taille. Je la serre très fort contre moi et elle fait de même. Nos larmes ne tarissent pas. Elles sont juste silencieuses. Alice lève la tête et dépose un baiser merveilleux sur mes lèvres toutes mouillées.
- Il faudrait peut-être arrêter de chialer mon chéri sinon on va faire déborder la rivière tu ne crois pas ? Tu as un mouchoir ?
Il y a une immense tendresse dans sa voix. Elle me caresse le visage, sèche mes larmes et les siennes en même temps. Son sourire est revenu même si un voile mélancolique subsiste encore. Alice a repris le dessus. Cette petite femme si fragile a une force incommensurable. Je suis admiratif. J’espère de tout mon cœur que cette force sera suffisante pour vaincre cette maladie sournoise. J’ai peur. Je me rends compte que j’ai terriblement peur de la perdre mais j’ai aussi une très grande confiance en elle. Je voudrais me fier à sa soif de vivre démesurée, au bonheur suprême qu’elle mérite.
- J’adorerai avoir des enfants. Mais pour ça, il me faut trouver un futur papa qui sache les faire. Tu sauras toi ?
- Jusqu’à présent, je n’ai pas réussi mais c’est vrai aussi que je n’ai pas beaucoup essayé. Peut-être qu’à deux on trouvera ?
- Oui, Pascal. Si c’est possible, il n’y a aucune raison qu’on n'y arrive pas tous les deux. J’avais envie de te poser la question mais j’ai estimé que c’était trop tôt. Que tu n’étais peut-être pas prêt à y répondre. Et puis je ne voulais pas t’embêter avec cela. Je me suis trompée encore une fois parce que tu es un homme surprenant et formidable. De toute façon, ce n’est pas pour maintenant. Dans le cas le plus favorable, il faudra attendre la fin de mon traitement, une petite année. Mais rien ne nous empêche de nous entraîner en attendant. J’aime quand tu me fais l’amour. Il y a énormément de délicatesse, de respect, de partage, de don de toi et je reçois toutes ces bonnes choses comme une offrande. Je me laisse enivrer et emporter par tout ce que tu me donnes et tout ce que j’ai envie de prendre aussi. Nous deux, c’est extraordinaire parce que moi aussi, je voudrais pouvoir répondre à tous tes désirs.
Alice fait une pause et reprend.
- Il faut garder à l’esprit qu’il y a des cas où le traitement ne marche pas. C’est comme ça. On n’y peut rien. Dans cette configuration, il faudra accepter de me voir partir plus tôt que prévu. Tu te rappelleras : pas de pitié, pas de condescendance. Ce serait pour moi le pire des supplices. Il faudra que tu apprennes à me donner du bonheur jusqu’au bout et à prendre tout le bonheur que j’essayerai de t’apporter si j’en suis encore capable. Et si tu n'y arrives pas, si c'est plus fort que toi, il sera temps pour toi de partir. Parfois, je me dis que tu ne mérites pas de vivre cela et qu’il est égoïste de ma part de me laisser t’entraîner dans de tels tourments. Mais je me dis aussi que si ça marche, nous deux ça va être quelque chose. Un raz de marée d'allégresse, un tsunami de bonheur si puissant que j’ai vraiment envie de connaître ça dans tes bras.
- Je t'aime ma chérie. Je ne sais plus quoi dire. Des conneries, je suis capable d'en faire et toi, tu rattrapes tout à la sauce petit bonheur. Tu es vraiment extraordinaire.
- °° -