Chapitre 24
Dans l'antre d'Angolliat.
Evran sursaute en voyant Anthony s'approcher d'un mur, sans doute pour s'y adosser.
- Non ! Fais pas ça ! chuchote l'autochtone.
- Pourquoi ?
- La mousse va hurler ! dit-il en désignant une mousse blanchâtre qui ressemble de loin à du calcaire et de près à rien du tout.
- Mais encore ? s'énerve Anthony.
- Ah oui, excusez-moi, j'oublie souvent que vous n'êtes pas d'ici... Cette mousse se met à crier quand on la touche.
- À crier ? Tu te fous de moi ? demande Tony, aussi incrédule qu'irrité.
- Non, ces plantes sont sensibles au bruit et elles répètent le son qui les a le plus marqué quand on les touche ; c'est comme un mécanisme de défense destiné à effrayer... Personnellement, ça ne me fait pas peur mais ça attirerait les araignées. Surtout que le Hurlement de Grohen doit être sonore... Dit Evran, pensif.
- Le hurlement de Grohen ? c'est quoi ? demande Justin, intéressé par ce qui semble être une autre légende de Sterrn.
- Lors de la chute de Morgal, comme tu le sais, Grohen s'est enfui avec une petite armée mais au fil des siècles, elle s'amenuisait. Pour le capturer, Shyna s'est servie de son maître comme appât mais Grohen n'avait plus assez de troupes pour tenter un raid si près de Valtunin, alors il s'est souvenu de l'alliance passée par Morgal avec Angolliat. Il est donc venu ici pour demander son aide mais il n'a ni le charisme ni la force de Morgal et l'araignée a décliné son offre. Elle lui a laissé la vie sauve, en raison de son ancienne loyauté pour Morgal, car il était son dernier serviteur.
« Thamos ne m'a pas raconté celle-ci ! », pense Justin, content d'étoffer sa culture.
- ... Sauf que Grohen a insisté et Angolliat n'a jamais été très patiente. Elle s'est jetée sur lui, l'a frappé, puis a tenté de le manger. Grohen a hurlé si fort sa terreur que toute les mousses ont retenu son cri et se le sont transmises de génération en génération. Aujourd'hui encore, le Hurlement de Grohen se réveille si on ne fait pas attention aux mousses. Ce cri se répercute dans toutes les cavernes, jusqu'à être entendu à Valtunin.
- Comment se fait-il que Grohen n'en soit pas mort ? demande Justin, intéressé.
- Son cri a attiré quelques Valvors de son armée personnelle et ils ont pu intervenir à temps et s'enfuir. Ça aurait épargné beaucoup de vies s'il avait péri dans cette caverne.
Après quelques minutes de silence, Evran fait signe de s'arrêter. Il leur montre du doigt le cadavre de... quelque chose. C'aurait pu être un homme difforme, un insecte géant, ou un mélange des deux.
Le cadavre est couvert d'un exosquelette, dont la forme un peu biscornue est vaguement humanoïde, si on excepte les pointes sur le dos, les pinces au niveau du creux de la bouche, ainsi que les griffes. Deux fentes verticales indiquent où se trouvaient autrefois des yeux à fossettes.
- Un Valvor. J'en avais jamais vu avant, explique Evran.
- Peut être un de ceux qui ont secouru Grohen.
- Sûrement, il a l'air d'être mort depuis longtemps.
Soudain, Evran se retourne, pousse violemment Anthony, puis lance sa lame vers... Une araignée d'un mètre de diamètre qui s'approchait dans l'ombre, prête à nuire. La bête se débat et meurt en lançant des cris perçant.
- Préparez-vous quand une araignée crie, c'est mauvais signe ! avertit Evran, en cassant son zak en deux afin de donner un semblant d'arme à Justin. Anthony quant à lui, dégaine sa matraque télescopique.
Les trois compagnons vont face à un tumulte qui fonce vers eux, avant d'apercevoir trois arachnides qui surgissent de la caverne.
Curieusement, la plus imposante reste en retrait et laisse le travail à ses cadettes. L'une d'elle bondit vers Justin mais est détournée de son objectif par Anthony, qui abat sa matraque sur son dos. La créature couine et se retourne vers ses assaillants mais il est trop tard pour elle, car Justin, d'un geste aussi précis que puissant, lui enfonce sa lame dans l'œil. Le monstre hurle de plus belle. Il ne meurt pas immédiatement et utilise ses dernières forces pour causer le plus de mal possible à son adversaire.
De son côté, Evran domine le combat facilement. Il plante sans difficulté son épée de fortune dans le cou velu de la bête. Cette dernière le charge mais il l'esquive en sautant sur son dos. Le monstre s'écroule sous le poids et meurt en se débattant.
Le dernier arachnide, rendu furieux par la mort de ses congénères retrouve son courage et s'avance. Mais les trois humains ne lui laissent pas le temps d'attaquer et le rouent de coups. L'araignée, ivre de douleur se recroqueville sur elle-même, avant de déployer ses pattes d'un seul coup, ce qui a pour effet d'envoyer ses assaillants s'écraser contre la mousse blanchâtre recouvrant les parois de la caverne.
La mousse émet d'abord un son à peine audible, avant de passer sans aucune transition, à un hurlement aussi déchirant que profond : le Hurlement de Grohen.
Les protagonistes sont glacés d'effroi en entendant ce cri, qui leur cause une forte douleur dans la tête. Ils se retrouvent à genoux, se bouchant les oreilles, jusqu'à ce que le calvaire prenne fin.
Ce n'est pas pour tout de suite, car le Hurlement de Grohen gagne en puissance au fil des secondes : Il est à la fois répercuté par l'écho et la mousse. De sa vie entière, Justin n'avait jamais imaginé un tel bruit possible.
Ce son insupportable dure des minutes entières, pendant lesquelles les humains perdent toute notion de l'espace et du temps et pensent devenir fous.
Lorsqu'enfin cela cesse, ils remarquent que l'araignée, probablement devenue sourde, a profité de la confusion pour s'en aller.
- Ce... Ça a sûrement réveillé toutes les araignées ! panique Evran. Tant pis pour la discrétion, COUREZ !
Les trois jeunes se regardent, avant de s'élancer d'un même geste dans le plus grand boyau. Ils abandonnent tout ce qu'ils portaient jusqu'alors, à l'exception des armes.
Ils courent ainsi un bon moment, trempés dans leur sueur, jusqu'à ce qu'ils entendent un bruit de nombreux cliquetis derrière eux.
- NE VOUS RETOURNEZ PAS !
- PLUS VITE ! hurle Evran, dans un souffle.
- ON PEUT PAS ! réplique Anthony.
De toute manière, courir est désormais inutile : ils viennent d'arriver dans une immense salle souterraine, suffisamment grande pour y mettre plusieurs fois le hangar de la Fondation...
Une fois au centre de cet immense espace, ils se rendent compte que la route est coupée par des centaines, voire des milliers d'araignées qui les encerclent. Ils cherchent instinctivement une issue mais chaque passage dégouline d'arachnides qui arrivent.
- On est foutus...
Les araignées forment un cercle autour des trois explorateurs qui préparent leurs armes. Les cliquetis reprennent, les monstres chargent, afin de se repaître de leur chair...
Bom ! bom ! bom !
Elles s'arrêtent dans leur élan, comme pétrifiées, puis rebroussent chemin à toute vitesse, prises de panique. Les Terriens soufflent de soulagement mais pas Evran.
- Vous savez ce qu'on dit ? demande-il.
- Non... Répond Justin, en craignant la réponse de son homme, en jugeant de son expression.
- On raconte que la faim d'Angolliat la pousse à manger jusqu'à sa descendance quand ses enfants sont incapables de la satisfaire par la chasse...
Le sol se remet à trembler et quand le groupe se retourne, ils ne voient qu'un nuage de poussière, qui est soulevé par une forme immense. L'araignée légendaire elle-même.
« Elle existe. »
Dans l'antre d'Angolliat.
Evran sursaute en voyant Anthony s'approcher d'un mur, sans doute pour s'y adosser.
- Non ! Fais pas ça ! chuchote l'autochtone.
- Pourquoi ?
- La mousse va hurler ! dit-il en désignant une mousse blanchâtre qui ressemble de loin à du calcaire et de près à rien du tout.
- Mais encore ? s'énerve Anthony.
- Ah oui, excusez-moi, j'oublie souvent que vous n'êtes pas d'ici... Cette mousse se met à crier quand on la touche.
- À crier ? Tu te fous de moi ? demande Tony, aussi incrédule qu'irrité.
- Non, ces plantes sont sensibles au bruit et elles répètent le son qui les a le plus marqué quand on les touche ; c'est comme un mécanisme de défense destiné à effrayer... Personnellement, ça ne me fait pas peur mais ça attirerait les araignées. Surtout que le Hurlement de Grohen doit être sonore... Dit Evran, pensif.
- Le hurlement de Grohen ? c'est quoi ? demande Justin, intéressé par ce qui semble être une autre légende de Sterrn.
- Lors de la chute de Morgal, comme tu le sais, Grohen s'est enfui avec une petite armée mais au fil des siècles, elle s'amenuisait. Pour le capturer, Shyna s'est servie de son maître comme appât mais Grohen n'avait plus assez de troupes pour tenter un raid si près de Valtunin, alors il s'est souvenu de l'alliance passée par Morgal avec Angolliat. Il est donc venu ici pour demander son aide mais il n'a ni le charisme ni la force de Morgal et l'araignée a décliné son offre. Elle lui a laissé la vie sauve, en raison de son ancienne loyauté pour Morgal, car il était son dernier serviteur.
« Thamos ne m'a pas raconté celle-ci ! », pense Justin, content d'étoffer sa culture.
- ... Sauf que Grohen a insisté et Angolliat n'a jamais été très patiente. Elle s'est jetée sur lui, l'a frappé, puis a tenté de le manger. Grohen a hurlé si fort sa terreur que toute les mousses ont retenu son cri et se le sont transmises de génération en génération. Aujourd'hui encore, le Hurlement de Grohen se réveille si on ne fait pas attention aux mousses. Ce cri se répercute dans toutes les cavernes, jusqu'à être entendu à Valtunin.
- Comment se fait-il que Grohen n'en soit pas mort ? demande Justin, intéressé.
- Son cri a attiré quelques Valvors de son armée personnelle et ils ont pu intervenir à temps et s'enfuir. Ça aurait épargné beaucoup de vies s'il avait péri dans cette caverne.
Après quelques minutes de silence, Evran fait signe de s'arrêter. Il leur montre du doigt le cadavre de... quelque chose. C'aurait pu être un homme difforme, un insecte géant, ou un mélange des deux.
Le cadavre est couvert d'un exosquelette, dont la forme un peu biscornue est vaguement humanoïde, si on excepte les pointes sur le dos, les pinces au niveau du creux de la bouche, ainsi que les griffes. Deux fentes verticales indiquent où se trouvaient autrefois des yeux à fossettes.
- Un Valvor. J'en avais jamais vu avant, explique Evran.
- Peut être un de ceux qui ont secouru Grohen.
- Sûrement, il a l'air d'être mort depuis longtemps.
Soudain, Evran se retourne, pousse violemment Anthony, puis lance sa lame vers... Une araignée d'un mètre de diamètre qui s'approchait dans l'ombre, prête à nuire. La bête se débat et meurt en lançant des cris perçant.
- Préparez-vous quand une araignée crie, c'est mauvais signe ! avertit Evran, en cassant son zak en deux afin de donner un semblant d'arme à Justin. Anthony quant à lui, dégaine sa matraque télescopique.
Les trois compagnons vont face à un tumulte qui fonce vers eux, avant d'apercevoir trois arachnides qui surgissent de la caverne.
Curieusement, la plus imposante reste en retrait et laisse le travail à ses cadettes. L'une d'elle bondit vers Justin mais est détournée de son objectif par Anthony, qui abat sa matraque sur son dos. La créature couine et se retourne vers ses assaillants mais il est trop tard pour elle, car Justin, d'un geste aussi précis que puissant, lui enfonce sa lame dans l'œil. Le monstre hurle de plus belle. Il ne meurt pas immédiatement et utilise ses dernières forces pour causer le plus de mal possible à son adversaire.
De son côté, Evran domine le combat facilement. Il plante sans difficulté son épée de fortune dans le cou velu de la bête. Cette dernière le charge mais il l'esquive en sautant sur son dos. Le monstre s'écroule sous le poids et meurt en se débattant.
Le dernier arachnide, rendu furieux par la mort de ses congénères retrouve son courage et s'avance. Mais les trois humains ne lui laissent pas le temps d'attaquer et le rouent de coups. L'araignée, ivre de douleur se recroqueville sur elle-même, avant de déployer ses pattes d'un seul coup, ce qui a pour effet d'envoyer ses assaillants s'écraser contre la mousse blanchâtre recouvrant les parois de la caverne.
La mousse émet d'abord un son à peine audible, avant de passer sans aucune transition, à un hurlement aussi déchirant que profond : le Hurlement de Grohen.
Les protagonistes sont glacés d'effroi en entendant ce cri, qui leur cause une forte douleur dans la tête. Ils se retrouvent à genoux, se bouchant les oreilles, jusqu'à ce que le calvaire prenne fin.
Ce n'est pas pour tout de suite, car le Hurlement de Grohen gagne en puissance au fil des secondes : Il est à la fois répercuté par l'écho et la mousse. De sa vie entière, Justin n'avait jamais imaginé un tel bruit possible.
Ce son insupportable dure des minutes entières, pendant lesquelles les humains perdent toute notion de l'espace et du temps et pensent devenir fous.
Lorsqu'enfin cela cesse, ils remarquent que l'araignée, probablement devenue sourde, a profité de la confusion pour s'en aller.
- Ce... Ça a sûrement réveillé toutes les araignées ! panique Evran. Tant pis pour la discrétion, COUREZ !
Les trois jeunes se regardent, avant de s'élancer d'un même geste dans le plus grand boyau. Ils abandonnent tout ce qu'ils portaient jusqu'alors, à l'exception des armes.
Ils courent ainsi un bon moment, trempés dans leur sueur, jusqu'à ce qu'ils entendent un bruit de nombreux cliquetis derrière eux.
- NE VOUS RETOURNEZ PAS !
- PLUS VITE ! hurle Evran, dans un souffle.
- ON PEUT PAS ! réplique Anthony.
De toute manière, courir est désormais inutile : ils viennent d'arriver dans une immense salle souterraine, suffisamment grande pour y mettre plusieurs fois le hangar de la Fondation...
Une fois au centre de cet immense espace, ils se rendent compte que la route est coupée par des centaines, voire des milliers d'araignées qui les encerclent. Ils cherchent instinctivement une issue mais chaque passage dégouline d'arachnides qui arrivent.
- On est foutus...
Les araignées forment un cercle autour des trois explorateurs qui préparent leurs armes. Les cliquetis reprennent, les monstres chargent, afin de se repaître de leur chair...
Bom ! bom ! bom !
Elles s'arrêtent dans leur élan, comme pétrifiées, puis rebroussent chemin à toute vitesse, prises de panique. Les Terriens soufflent de soulagement mais pas Evran.
- Vous savez ce qu'on dit ? demande-il.
- Non... Répond Justin, en craignant la réponse de son homme, en jugeant de son expression.
- On raconte que la faim d'Angolliat la pousse à manger jusqu'à sa descendance quand ses enfants sont incapables de la satisfaire par la chasse...
Le sol se remet à trembler et quand le groupe se retourne, ils ne voient qu'un nuage de poussière, qui est soulevé par une forme immense. L'araignée légendaire elle-même.
« Elle existe. »