Chapitre 18
La cordialité et la bonne humeur quittent le visage d'Esso. Piqué de curiosité, Bertrand lui demande de qui il s'agit.
- Une ermite complètement cinglée qui vit seule dans la forêt. Une vraie plaie à qui seul le petit Evran rend visite régulièrement... Explique Esso, en sortant de sa somptueuse demeure.
- C'est pas trop tôt, grogne Vena, en guise de bonjour.
C'est une petite femme d'environ soixante ans, les yeux orange, avec des cheveux roux foncés, parée d'une expression mécontente qui semble figée sur son visage.
- Bonjour Vena, salue Esso, les lèvres pincées.
- Cette nuit, neuf gars portant des vêtements et des armes étranges sont passés près de chez moi, en faisant un boucan pas possible. Un Tarar ferait moins de bruit... Ils avaient des yeux bizarres et ils ressemblaient à ce gaillard-là ! dit-elle, en toisant Bertrand.
Le septuagénaire échange un regard entendu avec Esso mais ce dernier panique.
- Que leur as-tu fait ? Tu ne les as pas tués, j'espère !
- Juste assommés, rassure-toi. Ils sont en sécurité, attachés chez moi mais je dois en faire quoi ? Ils ne parlent même pas notre langue !
- Par le Dragon ! jure Esso. Et les règles alors ? J'attendais ces gens pour les accueillir ici de manière à ce qu'ils deviennent nos amis et tu as peut-être tout gâché !
- Non, je pourrais leur expliquer, ce n'est pas grave du tout... Intervient Bertrand, assez amusé à l'idée que cette bonne femme ait pu maîtriser neuf hommes à elle seule.
- Alors ? J'attends toujours !
- On va aller les chercher mais la prochaine fois que tu viendras, je te prie de passer par le souterrain qui mène chez moi. J'ai horreur que tu te donnes en spectacle de la sorte !
- J'ai essayé ! Parlons-en du souterrain... Cette nuit, j'ai voulu l'emprunter pour te prévenir... Et ben crois-moi, la jeunesse, de nos jour, c'est vraiment du n'importe quoi !
- Mais de quoi tu parles ? soupire Esso.
- Je parle d'Evran, occupé à faire vous savez quoi avec un autre gars près de la source... C'est un coup à tout salir ! Quand faudra s'y réfugier à cause des valvors, on sera enchanté de l'état des lieux, s'il n'est pas le seul à faire ça là-bas !
- Écoute, si tu vivais plus souvent parmi nous (ce que je ne souhaite pas), tu pourrais peut-être avoir ton mot à dire mais ce n'est pas le cas. La vie des jeunes ne te regarde en rien, tu n'as même pas eu d'enfant ! s'emporte l'archonte. De plus, ça fait presque soixante ans qu'on n'a plus vu de valvors, ici !
- Comme tu voudras, après tout c'est toi le chef ! Bon, vous venez ? J'veux pas que les neuf porcs restent trop longtemps chez moi. Ils ont une hygiène déplorable !
Anthony et Élodie arrivent, attirés par les éclats de voix des bruyants vieillards.
- Les nôtres arrivent, leur signale le septuagénaire, en aparté.
- Quoi ? où ? interroge Anthony.
Une fois la situation éclairée par Bertrand, les deux jeunes, un peu étonnés, se joignent à Esso, Vena et les quelques villageois qui les accompagnent.
- Comment tu crois qu'elle a fait pour tous les neutraliser ? demande Élodie. Elle est si minuscule !
- Si tu veux mon avis, elle les a observés un bon moment et elle les a assommés quand ils se mettaient à l'écart, c'est comme ça que je ferais...
- Attends... T'as déjà fait des trucs comme ça ?
- Plus que tu ne le penses mais ça m'étonne pas que tu ne sois pas au courant. Je suis du genre discret à propos du boulot, répond Anthony.
- Tu faisais quoi ? Tueur à gages ? plaisante Élodie.
- Je préfère le terme de « nettoyeur ».
Déconcertée par le sérieux de son interlocuteur, Élodie s'arrête de marcher, la bouche grande ouverte, ne sachant pas comment réagir.
- Mais... T'es sérieux ?
- Absolument.
Son visage se crispe d'horreur mais elle ne peut retenir sa curiosité.
- Combien de fois tu as... ?
- Seize fois, le dix-septième ne compte pas. Il est mort en traversant une rue juste avant que je ne passe à l'attaque. Il faut toujours regarder des deux côtés, même quand on est poursuivi... Répond Anthony, cynique.
Élodie est littéralement scandalisée par ce trait d'humour très noir. Elle regarde fixement devant elle, puis marche sans plus adresser la parole à Anthony.
- Bon ! On arrive ! Alors je vous préviens, bande de bons à rien. Le premier qui met un pied hors du sentier, je l'étripe ! J'ai pas assez de champignons pour mon travail, alors ce n'est pas pour qu'on marche sur le peu qu'il me reste ! râle Vena.
Ses propos font sourire Anthony mais personne ne proteste, ce qui témoigne de l'autorité de cette petite femme.
Ils commencent à apercevoir une masure, avec une tête de vélociraptor accrochée au-dessus de la porte. Les couleurs sombres et glauques régnant aux alentours de cette maisonnette n'ont rien de rassurant. On pourrait croire qu'il s'agit d'une maison de sorcière.
- C'est charmant ici... Commente Élodie, ironique, qui oublie de parler français.
- J'ai entendu, grande gourdasse ! réplique Vena, ce qui fait rire Bertrand.
...
- Bon, surtout enlevez vos godasses avant d'entrer, déjà que ce n'est pas lavé, faudrait rien empirer ! reprend-elle.
- On n'était pas nécessairement obligé de l'apprendre, Vena... Rétorque Esso, agacé.
Il tente d'entrer dans la masure mais Vena l'attrape, de ses mains puissantes et le projette hors du sentier, trois mètres plus loin.
- Je viens de te dire d'enlever tes chaussures, ce n'est pas parce que tu es archonte que tu auras le droit à des traitements de faveur ici ! C'est chez moi !
- Comment oses-tu ? Je devrais te faire juger immédiatement, ton attitude envers les étrangers et moi-même est INTOLÉRABLE ! Si tu n'étais pas la meilleure alchimiste de Sterrn, tu serais expulsée d'ici pour faute grave ! Après tout ce que tu as pu faire pendant les cinquante dernières années, tu te permets encore de la ramener ? vocifère l'archonte.
- Expulsée et alors ? Je ne vis même pas dans ton patelin, ça changerait pas grand-chose ! Tais-toi avant de dire d'autres bêtises, tu vas attirer les vélars à hurler comme ça !
- J'ai pas fini ! rien qu'avec la fois où tu as attiré une meute de Valvors près du village, tu aurais dû être traduite en justice ! J'en ai plus qu'assez de toi et je ne suis pas le seul ! hurle Esso à pleins poumons, en plantant de rage son zak à terre.
- Tais-toi, par les dieux ! Et pour les Valvors, c'était parfaitement maîtrisé, Syl devait leur servir d'appât afin que je puisse les prendre par surprise pour les tuer...
- De quel droit te permets-tu de nous utiliser comme appât ? Si tu avais échoué, quel aurait été le sort de nos enfants ? Tu es une irresponsable et une imbécile ! Je vais...
- SILENCE ! Si tu l'ouvres encore, je te met mon poing dans la figure et sache que je sais très bien ce que je fais ! Contrairement à ce que tu peux penser, j'ai encore toute ma tête !
- Tu...
- Silence ! Le coupe Vena, encore plus énervée.
Bien que rouge de colère, Esso ne pipe mot. Les villageois se regardent, murmurant entre eux, l'un d'eux explique à Bertrand que les choses se terminent toujours comme ça entre ces deux-là.
- Bon, entrez maintenant... Soupire l'alchimiste.
La masure est basse de plafond mais des étagères entières où sont « rangées » diverses mixtures couvrent les murs, ce qui donne plus l'impression d'être dans un atelier que dans une maison.
Au centre de l'unique pièce, se trouve une masse vivante cachée sous une bâche en toile d'où émanent des gémissements étouffés. Lorsque Vena tire brusquement sur cette bâche, neuf hommes apparaissent... Dont Christophe Lambert et Adrien !
- Comme on se retrouve ! Jubile Anthony, en français.
- Christophe ! glapit Bertrand. C'est un malentendu, je vais tout t'expliquer...
- Hurf ! Hurf !
- Ah oui, attends, j'enlève le bâillon.
- Bonjour Bertrand, je suis ravi de constater que vous êtes toujours en vie... Répond l'ex-chef de la Base Noyau, une fois débâillonné.
- Détachez-les ! ordonne Esso.
Une fois libérée, toute l'équipe à l'exception de Christophe, regarde Vena avec animosité mais cette dernière ne cille même pas.
- Bertrand, vous voulez bien traduire ? demande Esso.
- Avec plaisir.
- Dis-leur que je suis désolé, au nom de tout le village pour l'accueil désagréable de Vena.
- Pas moi... Marmonne cette dernière, pendant qu'Esso lui envoie un regard noir.
La cordialité et la bonne humeur quittent le visage d'Esso. Piqué de curiosité, Bertrand lui demande de qui il s'agit.
- Une ermite complètement cinglée qui vit seule dans la forêt. Une vraie plaie à qui seul le petit Evran rend visite régulièrement... Explique Esso, en sortant de sa somptueuse demeure.
- C'est pas trop tôt, grogne Vena, en guise de bonjour.
C'est une petite femme d'environ soixante ans, les yeux orange, avec des cheveux roux foncés, parée d'une expression mécontente qui semble figée sur son visage.
- Bonjour Vena, salue Esso, les lèvres pincées.
- Cette nuit, neuf gars portant des vêtements et des armes étranges sont passés près de chez moi, en faisant un boucan pas possible. Un Tarar ferait moins de bruit... Ils avaient des yeux bizarres et ils ressemblaient à ce gaillard-là ! dit-elle, en toisant Bertrand.
Le septuagénaire échange un regard entendu avec Esso mais ce dernier panique.
- Que leur as-tu fait ? Tu ne les as pas tués, j'espère !
- Juste assommés, rassure-toi. Ils sont en sécurité, attachés chez moi mais je dois en faire quoi ? Ils ne parlent même pas notre langue !
- Par le Dragon ! jure Esso. Et les règles alors ? J'attendais ces gens pour les accueillir ici de manière à ce qu'ils deviennent nos amis et tu as peut-être tout gâché !
- Non, je pourrais leur expliquer, ce n'est pas grave du tout... Intervient Bertrand, assez amusé à l'idée que cette bonne femme ait pu maîtriser neuf hommes à elle seule.
- Alors ? J'attends toujours !
- On va aller les chercher mais la prochaine fois que tu viendras, je te prie de passer par le souterrain qui mène chez moi. J'ai horreur que tu te donnes en spectacle de la sorte !
- J'ai essayé ! Parlons-en du souterrain... Cette nuit, j'ai voulu l'emprunter pour te prévenir... Et ben crois-moi, la jeunesse, de nos jour, c'est vraiment du n'importe quoi !
- Mais de quoi tu parles ? soupire Esso.
- Je parle d'Evran, occupé à faire vous savez quoi avec un autre gars près de la source... C'est un coup à tout salir ! Quand faudra s'y réfugier à cause des valvors, on sera enchanté de l'état des lieux, s'il n'est pas le seul à faire ça là-bas !
- Écoute, si tu vivais plus souvent parmi nous (ce que je ne souhaite pas), tu pourrais peut-être avoir ton mot à dire mais ce n'est pas le cas. La vie des jeunes ne te regarde en rien, tu n'as même pas eu d'enfant ! s'emporte l'archonte. De plus, ça fait presque soixante ans qu'on n'a plus vu de valvors, ici !
- Comme tu voudras, après tout c'est toi le chef ! Bon, vous venez ? J'veux pas que les neuf porcs restent trop longtemps chez moi. Ils ont une hygiène déplorable !
Anthony et Élodie arrivent, attirés par les éclats de voix des bruyants vieillards.
- Les nôtres arrivent, leur signale le septuagénaire, en aparté.
- Quoi ? où ? interroge Anthony.
Une fois la situation éclairée par Bertrand, les deux jeunes, un peu étonnés, se joignent à Esso, Vena et les quelques villageois qui les accompagnent.
- Comment tu crois qu'elle a fait pour tous les neutraliser ? demande Élodie. Elle est si minuscule !
- Si tu veux mon avis, elle les a observés un bon moment et elle les a assommés quand ils se mettaient à l'écart, c'est comme ça que je ferais...
- Attends... T'as déjà fait des trucs comme ça ?
- Plus que tu ne le penses mais ça m'étonne pas que tu ne sois pas au courant. Je suis du genre discret à propos du boulot, répond Anthony.
- Tu faisais quoi ? Tueur à gages ? plaisante Élodie.
- Je préfère le terme de « nettoyeur ».
Déconcertée par le sérieux de son interlocuteur, Élodie s'arrête de marcher, la bouche grande ouverte, ne sachant pas comment réagir.
- Mais... T'es sérieux ?
- Absolument.
Son visage se crispe d'horreur mais elle ne peut retenir sa curiosité.
- Combien de fois tu as... ?
- Seize fois, le dix-septième ne compte pas. Il est mort en traversant une rue juste avant que je ne passe à l'attaque. Il faut toujours regarder des deux côtés, même quand on est poursuivi... Répond Anthony, cynique.
Élodie est littéralement scandalisée par ce trait d'humour très noir. Elle regarde fixement devant elle, puis marche sans plus adresser la parole à Anthony.
- Bon ! On arrive ! Alors je vous préviens, bande de bons à rien. Le premier qui met un pied hors du sentier, je l'étripe ! J'ai pas assez de champignons pour mon travail, alors ce n'est pas pour qu'on marche sur le peu qu'il me reste ! râle Vena.
Ses propos font sourire Anthony mais personne ne proteste, ce qui témoigne de l'autorité de cette petite femme.
Ils commencent à apercevoir une masure, avec une tête de vélociraptor accrochée au-dessus de la porte. Les couleurs sombres et glauques régnant aux alentours de cette maisonnette n'ont rien de rassurant. On pourrait croire qu'il s'agit d'une maison de sorcière.
- C'est charmant ici... Commente Élodie, ironique, qui oublie de parler français.
- J'ai entendu, grande gourdasse ! réplique Vena, ce qui fait rire Bertrand.
...
- Bon, surtout enlevez vos godasses avant d'entrer, déjà que ce n'est pas lavé, faudrait rien empirer ! reprend-elle.
- On n'était pas nécessairement obligé de l'apprendre, Vena... Rétorque Esso, agacé.
Il tente d'entrer dans la masure mais Vena l'attrape, de ses mains puissantes et le projette hors du sentier, trois mètres plus loin.
- Je viens de te dire d'enlever tes chaussures, ce n'est pas parce que tu es archonte que tu auras le droit à des traitements de faveur ici ! C'est chez moi !
- Comment oses-tu ? Je devrais te faire juger immédiatement, ton attitude envers les étrangers et moi-même est INTOLÉRABLE ! Si tu n'étais pas la meilleure alchimiste de Sterrn, tu serais expulsée d'ici pour faute grave ! Après tout ce que tu as pu faire pendant les cinquante dernières années, tu te permets encore de la ramener ? vocifère l'archonte.
- Expulsée et alors ? Je ne vis même pas dans ton patelin, ça changerait pas grand-chose ! Tais-toi avant de dire d'autres bêtises, tu vas attirer les vélars à hurler comme ça !
- J'ai pas fini ! rien qu'avec la fois où tu as attiré une meute de Valvors près du village, tu aurais dû être traduite en justice ! J'en ai plus qu'assez de toi et je ne suis pas le seul ! hurle Esso à pleins poumons, en plantant de rage son zak à terre.
- Tais-toi, par les dieux ! Et pour les Valvors, c'était parfaitement maîtrisé, Syl devait leur servir d'appât afin que je puisse les prendre par surprise pour les tuer...
- De quel droit te permets-tu de nous utiliser comme appât ? Si tu avais échoué, quel aurait été le sort de nos enfants ? Tu es une irresponsable et une imbécile ! Je vais...
- SILENCE ! Si tu l'ouvres encore, je te met mon poing dans la figure et sache que je sais très bien ce que je fais ! Contrairement à ce que tu peux penser, j'ai encore toute ma tête !
- Tu...
- Silence ! Le coupe Vena, encore plus énervée.
Bien que rouge de colère, Esso ne pipe mot. Les villageois se regardent, murmurant entre eux, l'un d'eux explique à Bertrand que les choses se terminent toujours comme ça entre ces deux-là.
- Bon, entrez maintenant... Soupire l'alchimiste.
La masure est basse de plafond mais des étagères entières où sont « rangées » diverses mixtures couvrent les murs, ce qui donne plus l'impression d'être dans un atelier que dans une maison.
Au centre de l'unique pièce, se trouve une masse vivante cachée sous une bâche en toile d'où émanent des gémissements étouffés. Lorsque Vena tire brusquement sur cette bâche, neuf hommes apparaissent... Dont Christophe Lambert et Adrien !
- Comme on se retrouve ! Jubile Anthony, en français.
- Christophe ! glapit Bertrand. C'est un malentendu, je vais tout t'expliquer...
- Hurf ! Hurf !
- Ah oui, attends, j'enlève le bâillon.
- Bonjour Bertrand, je suis ravi de constater que vous êtes toujours en vie... Répond l'ex-chef de la Base Noyau, une fois débâillonné.
- Détachez-les ! ordonne Esso.
Une fois libérée, toute l'équipe à l'exception de Christophe, regarde Vena avec animosité mais cette dernière ne cille même pas.
- Bertrand, vous voulez bien traduire ? demande Esso.
- Avec plaisir.
- Dis-leur que je suis désolé, au nom de tout le village pour l'accueil désagréable de Vena.
- Pas moi... Marmonne cette dernière, pendant qu'Esso lui envoie un regard noir.