Chapitre 13
Pendant que les gardes du corps (qui ont appris à maîtriser l'appareil) s'activent autour du laser, Richard sort un vieux modèle de téléphone portable.
La sphère de lumière grandit, puis explose dans une éblouissante lueur blanche, presque irréelle. Le passage est ouvert.
- Éloignez-vous, demande Richard à ses gardes en leur adressant un signe de la main.
Les « gorilles » s'éloignent en traînant des pieds pendant que Richard fait défiler son répertoire, près du portail. Une fois arrivé sur la ligne « J.F Hasting », celui-ci lance l'appel.
Il n'y a aucune tonalité d'attente, mais le bras droit n'est pas plus interloqué que cela.
- Seigneur Frégast ! Le salue Richard.
- Que veux-tu cette fois, Richard ? Répond une voix métallique et impatiente sortant du téléphone.
- Monseigneur, je viens d'apprendre quelque chose de contrariant pour le projet.
- De quoi il s'agit ?!
- Ce monde est habité par un peuple intelligent, que dois-je faire ?
- En effet, ça n'était pas prévu. Quel est leur niveau technologique ?
- Nous ne le savons pas encore, Monseigneur, nous avons juste trouvé des flèches.
- Intéressant... Trouvez ces indigènes. Arrangez-vous pour gagner leur confiance, il faut qu'ils nous informent de la position de leurs villes et villages, ainsi que leurs cartes de ce monde. Cela sera un gain de temps pour nos éclaireurs.
- Puis-je vous poser une question, Monseigneur ?
- Fais donc, de toute façon, tu ne peux pas me trahir.
- Que comptez-vous faire de ces autochtones après ?
- Ils nous seront utiles, dès que tu auras plus d'informations, contacte-moi. Cette civilisation sera le théâtre d'une répétition de ce qui devrait se passer sur Terre dans quelques années, quand nous seront prêts de ce côté.
- Bien, monseigneur.
- Une dernière chose, les techniciens avancent beaucoup plus vite que prévu, je rejoindrai ce monde dans tout au plus quelques semaines.
- Quelques semaines ? S'affole Richard, qui perd toute retenue. Mais le scaphandre ne sera pas prêt avant au moins une ann...
- Suffit ! Les techniciens travaillent mieux que prévu, et ils ont résolu le problème de l'alimentation. Je suis presque prêt !
- Mais, Monseigneur, cette machine n'a jamais été testée ! Si ça ne fonctionnait pas comme prévu ? Et si les chirurgiens étaient indignes de votre confiance, finalement ?
- Silence ! Le scaphandre fonctionnera ! N'oublie pas que j'ai travaillé dessus pendant presque une décennie ! Douterais-tu de mon intelligence ? Cette machine me rendra invulnérable ! Cependant, il y a un point sur lequel tu as malheureusement raison... Les chirurgiens... Je n'ai confiance qu'en toi... Et pour cause, n'est-ce pas ? Rappelle la voix métallique du Seigneur Frégast, railleuse.
- Ou... Oui, Monseigneur, déglutit Richard, frissonnant à cause du sous-entendu.
- C'est donc toi qui effectueras la phase finale du transfert.
- Mais ! Monseigneur, je n'ai aucune connaissance en médecine, et encore moins en physique !
- Nous en reparlerons le moment venu. Tu avais autre chose à me dire ?
- Non, Monseigneur, je vous salue.
- Parfait, en attendant, je ne sais pas avec certitude quand j'aurais besoin de toi sur Terre, contacte-moi tous les deux jours au minimum.
La voix du maître laisse place à une tonalité régulière, signe qu'il a raccroché. Richard souffle. Une conversation avec son maître est toujours quelque chose de singulier et un peu effrayant.
L'adjoint a du travail devant lui. Il faut préparer l'arrivée du Seigneur Frégast, ériger son palais dans les plus brefs délais, nouer des relations amicales avec les autochtones, tout en continuant l'implantation de tours radio hors de la base.
Première chose à faire : constituer l'équipe de Christophe Lambert, chargée de rencontrer le peuple de la forêt.
--- --- ---
Dans le village de Syl, deux jours plus tard.
Depuis une bonne dizaine de jours, Justin et ses amis vont de découvertes en découvertes, et s'étonnent chaque jour de cette culture si éloignée de la leur : Bertrand et Élodie ont été littéralement choqués de voir un jeune homme se tripoter devant une statue de femme, certainement une déesse, et ce au vu de tous.
Justin, Jérémy et Anthony ont trouvé ça amusant, mais la petite bande à découvert quelques jours après (ils parlent de mieux en mieux la langue locale, qui est au final assez intuitive) que ce jeune homme rendait tout simplement hommage à la déesse du désir. Justin et Jérémy ont constaté avec soulagement que ces autochtones ne sont pas homophobes le moins du monde, car l'homosexualité n'existe pas ici à proprement parler.
En effet, il n'existe même aucun mot pour nommer les orientations sexuelles, car chacun peut aimer librement qui il veut, sans considération du genre, de l'écart d'âge ou de l'origine.
Ces points arrangent bien Justin, car il pense de plus en plus à Evran, même s'il ne sait pas si c'est bien raisonnable. De toute façon il ne s'avancera pas à faire le premier pas, bien qu'Evran s'évertue à trouver tous les prétextes possibles pour rester avec lui.
Ce matin cependant, ils sont séparés : Evran est parti initier Anthony à la chasse, pendant que Justin et Bertrand sont avec Thamos. Bertrand lui a exprimé le désir d'en apprendre plus sur l'histoire de ce peuple, et c'est avec plaisir que le vieux prophète du Dragon et instituteur du village leur a donné ce rendez-vous chez lui.
La maison du prophète est en bois, mais mieux isolée que la plupart des habitations, avec une mince couche d'air entre deux cloisons. Une grande cheminée de pierre trône au milieu de l'unique pièce. Attablés, les deux terriens écoutent attentivement Thamos.
- Bien, vous vouliez en apprendre plus sur nous, je vais tâcher de résumer le plus possible notre histoire, car si je devais tout conter, l'hiver reviendrait deux fois, voire trois, avant que je n'aie terminé...
Bertrand hoche la tête, attendant la suite.
- ... Le premier souvenir que nous avons de l'histoire de ce monde, c'est le grand cataclysme. Au départ, il n'existait que les végétaux, les reptiles, et les dragons. Les dragons étaient imposants, puissants, immortels, intelligents et très sages. Malheureusement pour eux, ils n'étaient que très peu féconds, et c'est sûrement ce qui a causé leur perte... Lors du grand cataclysme qui a failli détruire toute vie sur Sterrn...
- Sterrn ? l'interrompt Justin.
- Le nom de notre monde. Je disais, à l'approche du grand cataclysme, les dragons étaient suffisamment puissants pour limiter les dégâts, mais ils risquaient la mort, et ça, ils n'y étaient vraiment pas habitués. C'est pourquoi certains ont paniqué, et se sont enfuis. Les plus braves n'étaient plus assez nombreux pour sauver à la fois notre monde, et leurs vies, ils se sont sacrifiés pour atténuer au maximum ce cataclysme, dont nous ignorons la nature exacte...
« Ce grand cataclysme serait celui qui a causé la fin des dinosaures sur Terre ? » Spécule Justin, avant de déchanter.
L'existence des dragons est plus que douteuse, de plus, comment Thamos saurait tout ça ? Ce n'était probablement qu'un mythe.
- Le grand cataclysme a tout de même fait des dégâts : Pendant des mois, des créatures ont causé un tel brouillard noir que le soleil en était masqué, beaucoup de plantes ont péri suite à ça, entraînant avec elles les animaux herbivores, puis carnivores... C'est ainsi que les dragons survivants sont morts... Heureusement, cette période n'a pas duré trop longtemps, et la plupart des espèces n'étaient pas totalement éteintes, bien que beaucoup aient péri. La vie a repris son cours... Mais les dragons n'ont laissé derrière eux qu'un œuf, qui a éclos longtemps après le cataclysme. Ce Dragon est le dernier de sa race, et c'est devenu un de nos dieux. C'est grâce à lui que nous connaissons un peu cette période antérieure à l'arrivée de nos ancêtres ici. Une ancienne légende raconte d'ailleurs qu'ils sont venus d'une magnifique cité par une Porte de Lumière... Si vous voulez je la raconterais tout à l'heure.
- Vraiment très intéressant, continuez ! L'encourage Bertrand, dans la langue locale.
« Leur mythologie est pas mal du tout, faudra penser lui poser des questions sur les détails et les autres dieux... »
Pendant que les gardes du corps (qui ont appris à maîtriser l'appareil) s'activent autour du laser, Richard sort un vieux modèle de téléphone portable.
La sphère de lumière grandit, puis explose dans une éblouissante lueur blanche, presque irréelle. Le passage est ouvert.
- Éloignez-vous, demande Richard à ses gardes en leur adressant un signe de la main.
Les « gorilles » s'éloignent en traînant des pieds pendant que Richard fait défiler son répertoire, près du portail. Une fois arrivé sur la ligne « J.F Hasting », celui-ci lance l'appel.
Il n'y a aucune tonalité d'attente, mais le bras droit n'est pas plus interloqué que cela.
- Seigneur Frégast ! Le salue Richard.
- Que veux-tu cette fois, Richard ? Répond une voix métallique et impatiente sortant du téléphone.
- Monseigneur, je viens d'apprendre quelque chose de contrariant pour le projet.
- De quoi il s'agit ?!
- Ce monde est habité par un peuple intelligent, que dois-je faire ?
- En effet, ça n'était pas prévu. Quel est leur niveau technologique ?
- Nous ne le savons pas encore, Monseigneur, nous avons juste trouvé des flèches.
- Intéressant... Trouvez ces indigènes. Arrangez-vous pour gagner leur confiance, il faut qu'ils nous informent de la position de leurs villes et villages, ainsi que leurs cartes de ce monde. Cela sera un gain de temps pour nos éclaireurs.
- Puis-je vous poser une question, Monseigneur ?
- Fais donc, de toute façon, tu ne peux pas me trahir.
- Que comptez-vous faire de ces autochtones après ?
- Ils nous seront utiles, dès que tu auras plus d'informations, contacte-moi. Cette civilisation sera le théâtre d'une répétition de ce qui devrait se passer sur Terre dans quelques années, quand nous seront prêts de ce côté.
- Bien, monseigneur.
- Une dernière chose, les techniciens avancent beaucoup plus vite que prévu, je rejoindrai ce monde dans tout au plus quelques semaines.
- Quelques semaines ? S'affole Richard, qui perd toute retenue. Mais le scaphandre ne sera pas prêt avant au moins une ann...
- Suffit ! Les techniciens travaillent mieux que prévu, et ils ont résolu le problème de l'alimentation. Je suis presque prêt !
- Mais, Monseigneur, cette machine n'a jamais été testée ! Si ça ne fonctionnait pas comme prévu ? Et si les chirurgiens étaient indignes de votre confiance, finalement ?
- Silence ! Le scaphandre fonctionnera ! N'oublie pas que j'ai travaillé dessus pendant presque une décennie ! Douterais-tu de mon intelligence ? Cette machine me rendra invulnérable ! Cependant, il y a un point sur lequel tu as malheureusement raison... Les chirurgiens... Je n'ai confiance qu'en toi... Et pour cause, n'est-ce pas ? Rappelle la voix métallique du Seigneur Frégast, railleuse.
- Ou... Oui, Monseigneur, déglutit Richard, frissonnant à cause du sous-entendu.
- C'est donc toi qui effectueras la phase finale du transfert.
- Mais ! Monseigneur, je n'ai aucune connaissance en médecine, et encore moins en physique !
- Nous en reparlerons le moment venu. Tu avais autre chose à me dire ?
- Non, Monseigneur, je vous salue.
- Parfait, en attendant, je ne sais pas avec certitude quand j'aurais besoin de toi sur Terre, contacte-moi tous les deux jours au minimum.
La voix du maître laisse place à une tonalité régulière, signe qu'il a raccroché. Richard souffle. Une conversation avec son maître est toujours quelque chose de singulier et un peu effrayant.
L'adjoint a du travail devant lui. Il faut préparer l'arrivée du Seigneur Frégast, ériger son palais dans les plus brefs délais, nouer des relations amicales avec les autochtones, tout en continuant l'implantation de tours radio hors de la base.
Première chose à faire : constituer l'équipe de Christophe Lambert, chargée de rencontrer le peuple de la forêt.
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Dans le village de Syl, deux jours plus tard.
Depuis une bonne dizaine de jours, Justin et ses amis vont de découvertes en découvertes, et s'étonnent chaque jour de cette culture si éloignée de la leur : Bertrand et Élodie ont été littéralement choqués de voir un jeune homme se tripoter devant une statue de femme, certainement une déesse, et ce au vu de tous.
Justin, Jérémy et Anthony ont trouvé ça amusant, mais la petite bande à découvert quelques jours après (ils parlent de mieux en mieux la langue locale, qui est au final assez intuitive) que ce jeune homme rendait tout simplement hommage à la déesse du désir. Justin et Jérémy ont constaté avec soulagement que ces autochtones ne sont pas homophobes le moins du monde, car l'homosexualité n'existe pas ici à proprement parler.
En effet, il n'existe même aucun mot pour nommer les orientations sexuelles, car chacun peut aimer librement qui il veut, sans considération du genre, de l'écart d'âge ou de l'origine.
Ces points arrangent bien Justin, car il pense de plus en plus à Evran, même s'il ne sait pas si c'est bien raisonnable. De toute façon il ne s'avancera pas à faire le premier pas, bien qu'Evran s'évertue à trouver tous les prétextes possibles pour rester avec lui.
Ce matin cependant, ils sont séparés : Evran est parti initier Anthony à la chasse, pendant que Justin et Bertrand sont avec Thamos. Bertrand lui a exprimé le désir d'en apprendre plus sur l'histoire de ce peuple, et c'est avec plaisir que le vieux prophète du Dragon et instituteur du village leur a donné ce rendez-vous chez lui.
La maison du prophète est en bois, mais mieux isolée que la plupart des habitations, avec une mince couche d'air entre deux cloisons. Une grande cheminée de pierre trône au milieu de l'unique pièce. Attablés, les deux terriens écoutent attentivement Thamos.
- Bien, vous vouliez en apprendre plus sur nous, je vais tâcher de résumer le plus possible notre histoire, car si je devais tout conter, l'hiver reviendrait deux fois, voire trois, avant que je n'aie terminé...
Bertrand hoche la tête, attendant la suite.
- ... Le premier souvenir que nous avons de l'histoire de ce monde, c'est le grand cataclysme. Au départ, il n'existait que les végétaux, les reptiles, et les dragons. Les dragons étaient imposants, puissants, immortels, intelligents et très sages. Malheureusement pour eux, ils n'étaient que très peu féconds, et c'est sûrement ce qui a causé leur perte... Lors du grand cataclysme qui a failli détruire toute vie sur Sterrn...
- Sterrn ? l'interrompt Justin.
- Le nom de notre monde. Je disais, à l'approche du grand cataclysme, les dragons étaient suffisamment puissants pour limiter les dégâts, mais ils risquaient la mort, et ça, ils n'y étaient vraiment pas habitués. C'est pourquoi certains ont paniqué, et se sont enfuis. Les plus braves n'étaient plus assez nombreux pour sauver à la fois notre monde, et leurs vies, ils se sont sacrifiés pour atténuer au maximum ce cataclysme, dont nous ignorons la nature exacte...
« Ce grand cataclysme serait celui qui a causé la fin des dinosaures sur Terre ? » Spécule Justin, avant de déchanter.
L'existence des dragons est plus que douteuse, de plus, comment Thamos saurait tout ça ? Ce n'était probablement qu'un mythe.
- Le grand cataclysme a tout de même fait des dégâts : Pendant des mois, des créatures ont causé un tel brouillard noir que le soleil en était masqué, beaucoup de plantes ont péri suite à ça, entraînant avec elles les animaux herbivores, puis carnivores... C'est ainsi que les dragons survivants sont morts... Heureusement, cette période n'a pas duré trop longtemps, et la plupart des espèces n'étaient pas totalement éteintes, bien que beaucoup aient péri. La vie a repris son cours... Mais les dragons n'ont laissé derrière eux qu'un œuf, qui a éclos longtemps après le cataclysme. Ce Dragon est le dernier de sa race, et c'est devenu un de nos dieux. C'est grâce à lui que nous connaissons un peu cette période antérieure à l'arrivée de nos ancêtres ici. Une ancienne légende raconte d'ailleurs qu'ils sont venus d'une magnifique cité par une Porte de Lumière... Si vous voulez je la raconterais tout à l'heure.
- Vraiment très intéressant, continuez ! L'encourage Bertrand, dans la langue locale.
« Leur mythologie est pas mal du tout, faudra penser lui poser des questions sur les détails et les autres dieux... »