16-12-2022, 01:25 PM
À ma grande surprise mon père engagea la conversation :
- Ça va ? C'était pas trop dur ?
– Un peu les mains, si, mais avec une bonne paire de gants, ça devrait aller.
– Ton oncle et moi on a discuté. Donc, si tu veux, lundi tu commences. Mais je t'avertis que Tim sera là aussi. J'ai bien vu qu'il a changé de place quand tu es allé t'asseoir à côté de lui. Je suis au courant de ce qu'il s'est passé entre vous. Même de ce qu'il s'est passé avec Cyprien…
Tu vois Bé, ces gifles tu les a bien mérité. Je n'ai jamais porté la main sur vous mais ces derniers temps, moi aussi j'avais envie de t'en coller une, parce que tu es devenu une vraie tête à claque.
On dirait que tu te complais dans ta souffrance et tu ne te rends même pas compte que tu fais souffrir tous ceux qui t’aiment.
– Mais il est mort, Pa!
– Oui Bé, Liam est mort. Tu n'y es pour rien et nous non plus. Il y a des choses dans la vie qui sont injustes et quoique tu fasses ou que tu dises ça n'y changera rien. C'est comme ça et pas autrement.
Tu crois que Liam serait heureux de te voir dans cet état ? Tu crois que nous sommes heureux de te voir te détruire, un petit peu plus, de jour en jour ? Si c'est le cas tu te trompes.
Tu crois que ça me fait plaisir de consoler ta mère qui pleure tous les soirs, tu crois que ça me fait plaisir de devoir dire à ton frère ou ta sœur de ne pas monter par crainte que tu fasses peur à leurs enfants.
Non Bé, ça ne me fait pas plaisir du tout et pourtant je le fais parce que tous autant qu'on est on t’aime.
— Arrête toi, Pa, s'il te plaît.
— Non je ne m'arrêterai pas. J'en ai marre de te voir dépérir comme ça. Oui, on t'aime et oui, on a de la peine pour toi.
— Stop ! Arrête la voiture. Vite!
Il freina et je n'eus que le temps de sortir et de faire un pas, avant de vomir tout ce que contenait mon estomac. Quand je revins à la voiture mon père me tendit des mouchoirs en papier. Sans reprendre la conversation, il me laissa cogiter.
Quand j'arrivais à la maison je montais directement dans ma chambre, j'allais prendre une douche et me couchais sans manger.
Le lendemain matin je partis courir. Et quand je rentrais je vis bien que ma mère avait les yeux gonflés. Mais elle faisait comme si …
On finissait de manger quand quelqu'un frappa à la porte. C'était les parents de Tim.
– Bonjour tout le monde, Alain je viens te voir en tant que maire, aujourd’hui.
–Tu aurais dû mettre ton écharpe tricolore alors. Et que me veut Môsieur le maire du village ?
– Hé, hé, andouille! Tu possèdes un terrain dans la plaine que tu loues.
– Oui, on l'avait acheté en même temps que quelques terrains autour de la carrière, on pensait qu'il y aurait du sable mais en fait il n'y a rien d’exploitable. Et en quoi mon terrain intéresse la commune ?
– La station d'épuration actuelle n'est plus assez grande depuis que ça s’est agrandi dans la zone commerciale et on voudrait en construire une autre. Ton terrain est idéalement situé. Alors je suis venu voir si tu serais vendeur. Tu sais qu'il ne sera jamais constructible pour l’habitat à cause des risques d’inondation.
– Vous allez m'en donner quoi 4/5000 euros si vous êtes généreux. Et je n'aurais plus de terre.
– On a aussi réfléchi à un échange. Tu sais que la commune possède un terrain ici sur le plateau, il fait deux fois la surface du tien et on n'en fera jamais rien, faute de moyens. À part des pierres et de la garrigue il n'y a rien d’autre.
– Et il est où exactement ce terrain.
– En limite de ceux du champ clos, vers la crête tu vois où c’est ?
– Oui, très bien même. C'est vrai qu’il n’y a pas grand-chose là-bas… Mais bon, pourquoi pas faire l’échange des parcelles. Tu en penses quoi Agnès ?
– C'est à toi, c'est toi qui décide mais tu devines ce que j'en pense. Et c'est un joli coin en prime.
– Au fait, je n'ai pas encore pensé à vous le dire. Le champ clos a été vendu récemment.
–Ah bon et à qui ?
–C'est un avocat parisien qui l'a acheté au nom d'une SCI (société civile immobilière).
–Mais la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) n’a rien fait ou dit ?
–Si elle a préempté les terrains mais personne n'a pu payer le montant demandé. Alors la vente s'est faite. Il ont même déjà déposé un permis de construire.
–Et ils vont y faire quoi ?
–Pour le moment c'est juste refaire les toits des trois bâtiments, rouvrir les portes et fenêtres qui avaient été murées et tout recrépir pour revenir comme à l’origine. Alors, on l'a accepté.
– Ça ferait une sacrée baraque.
– Tu m’étonnes. Rien que le bâtiment principal fait, de mémoire, 13 ou 14 m de large sur un peu moins de 20 de long. Le hangar attenant fait la même surface avec un décalé de 5 m. et c'est sans compter que le cabanon qu'il y a derrière a un four à pain.
– Tu as l'air bien au courant.
– Il y a quelques années, on voulait l'acheter pour en faire la salle des fêtes alors on l'avait visité avec le conseil municipal. On voulait aussi faire un captage de la source qui y jaillit mais avec notre budget, ça ne valait pas le coup.
Bon je peux dire au conseil municipal que tu serais d'accord pour l'échange de terrain ?
– Oui, je pense que ça devrait pouvoir se faire. Les frais de notaire c'est à la charge de la commune, c'est bien ça ?
– Oui Alain, vu que c'est la commune qui est demandeuse on payera les frais.
– Tim n'est pas là ?
– Non, Jean-François, il est parti ce matin voir des amis quelque part dans la plaine de la Crau.
– D’accord.
Les parents de Tim partirent. Et je vis mes parents qui enfilaient leurs manteaux.
– Tu viens avec nous, Bé ?
– Vous allez où ?
– On va voir notre nouveau terrain.
– Ok, j’arrive, le temps d'enfiler mon sweat.
On arriva au niveau du champ clos. C'est vrai que ça avait de la gueule.
– Ils ont beaucoup de surface en terrain ?
– Oui! Bé, tu vois la ravine là-bas.
– Laquelle ?
– Tu vois le toit du château. C'est celle sur sa gauche qui redescend jusqu'à la route.
– Oui, c'est bon, je la vois.
– Bon tu pars de la, tu suis la crête jusqu'à la barre blanche et tu redescends jusqu'au bord de la route qui descend dans la vallée
– putain mais c'est immense. Y'a combien d’hectares ?
– Plus d'une soixantaine je crois. Mais il n'y en a qu'une vingtaine de labourables, le reste c'est des bois, des friches et de la garrigue.
– Oui mais bon, ça fait quand même de la surface. C'est Tim qui serait content de les avoir.
Et toi ton terrain c'est lequel alors ?
– Là, plus loin. Il va de la barre rocheuse jusqu'à la falaise en triangle et il s'arrête au bord du chemin.
– Ça fait grand aussi et y'a pas tant de pierres que ça.
– Attend qu'on y arrive, tu verras dessus ce que ça donne.
On marcha pas loin d'une heure pour arriver sous la barre rocheuse qui faisait 20 m de haut quand même. Et c'est vrai que Bernard n'avait pas menti… pour y avoir des pierres il y en avait. On s'assit pour nous reposer et profiter du paysage. Enfin, mes parents, parce que moi j'avais la forme. Je m'assis quand même sur une grosse roche et par terre entre mes pieds il y avait une pierre différente des autres. Je la ramassais.
– Tu as trouvé quoi Bébé ?
– Je ne sais pas Man. On dirait une pointe de flèche en pierre.
– Tu me la montres ?
Je la lui tendis et, ma curiosité éveillée, mon regard tomba sur une autre et en scrutant bien, encore une un peu plus loin. Alors que je ramassais la dernière, sous un caillou je vis dépasser un morceau plus gros. Et à côté un autre du même genre. Je les dégageais et j'avais en main ce qui me sembla une tête de hache et une pointe de lance taillées.
Je mis le tout dans mes poches et on rentra.
Je m'étais fait un café.
– Bé, on peut compter sur toi au boulot ?
– Oui Pa, vous pouvez.
– Alors, demain matin, départ à 6 h 30.
– Mais pourquoi si tôt ?
– Il faut une demi-heure pour lancer la machine que les mélanges se fassent. Alors, quand les gars arriveront, vous pourrez commencer de suite.
– Ha! Ok, je ne savais pas.
…
La première semaine de boulot était finie. Le samedi matin on descendit chez Gaële et Pierrick pour les aider à construire leur piscine. On arriva les premiers. Les autres suivirent de peu. Le travail s’organisa. Je me portais volontaire pour charger le tas de terre dans une remorque. Bon, vu le tas et la remorque, il faudrait faire plusieurs voyages. Je remplissais les brouettes et en courant j'allais les vider dans la remorque et je revenais en courant. Et je recommençais. Pierrick s'était arrangé avec quelqu'un qui cherchait de la terre végétale. Je l'accompagnais lors du premier voyage et je fis seul les suivants . Mon père, Pierrick, mon frère et Jules (son ami/amant) montaient les murs.
Mes petits neveux nous ‘aidaient’ ! Je dus à tour de rôle les charger dans la brouette et les vider sur le tas de terre dans la remorque. Ça les faisait éclater de rire et moi je me faisais engueuler par ma mère parce qu'ils étaient couverts de terre et de boue.
Dans l'après-midi les choses s’accélérèrent. Un autre ami de Pierrick arriva avec un camion et une mini pelle. Le soir il ne restait plus qu'un petit tas qui servirait à reboucher entre les bords du trou et les murs de la piscine.
Quand on partit le dimanche en fin d'après-midi, fondation et murs étaient fini.
Le lundi matin quand on arriva, c’est moi qui lançait la machine et une demi-heure plus tard la fabrication. Les premiers moellons qui sortirent s'effritaient et les derniers ce n'était plus que du gravier. Je stoppais la machine et j'allais voir mon père.
– Pa, tu veux pas venir voir, je crois que j'ai fait une connerie.
– Qu'est-ce qu’il se passe.
Je lui expliquais et lui montrais le résultat. Il me demanda de la remettre en route et le résultat fut le même.
– Tu vas prendre la lampe dans le bureau, tu montes en haut du silo, tu l'ouvres et tu regardes ce qu'il reste dedans.
je montais, j'ouvris et regardais à l’intérieur. Je refermais et je descendis.
– Il est vide Pa. On voit le fond.
– C'est pas normal ça. Il devrait en rester de quoi travailler tout le matin normalement. De toute façon le camion de réapprovisionnement doit arriver dans pas longtemps. La calibreuse qui fait les mélanges doit être déréglée. On va aller contrôler.
On contrôla et elle fonctionnait bien. Le camion de ciment arriva en même temps que les ouvriers et une demie heure après on pouvait commencer. On rattrapa même le retard. Mais ça me perturbait cette histoire. Sur le chemin du retour je demandais comment ça se passait pour les livraisons.
– le camion passe sur la balance avant de charger, puis une fois qu'il a chargé, et on nous facture la différence.
– Mais quand il arrive ici tu ne le pèses pas ?
– Pourquoi faire ?
– Pour vérifier que le poids qu'on te facture est le même qu'on te livre. Ou quand il part s'il a le même poids qu'avant de charger .
– Bonne idée! Eh bien, écoute à partir de maintenant tu t'en chargeras.
— D’accord, je le ferai.
La livraison suivante il manquait 500 kilos. Le chauffeur râla de peser mais devant mon insistance il monta sur la balance. La suivante il manquait encore 400 kilos.
Mon père m'avait demandé de ne rien dire. On fit contrôler notre balance. Elle déconnait un peu en dessous de 150 kilos mais rien de grave et elle donnait moins de 0,1% de différence passé 10 tonnes.
Aujourd'hui on avait été livré et cette fois il manquait 800 kilos.
Mon père contacta son fournisseur et je n'en sus pas plus, sauf qu’on reçut 2500 kilos gratos.
Ça faisait maintenant un mois que je travaillais et mon père me donna mon chèque accompagné du bulletin de salaire.
33
- Ça va ? C'était pas trop dur ?
– Un peu les mains, si, mais avec une bonne paire de gants, ça devrait aller.
– Ton oncle et moi on a discuté. Donc, si tu veux, lundi tu commences. Mais je t'avertis que Tim sera là aussi. J'ai bien vu qu'il a changé de place quand tu es allé t'asseoir à côté de lui. Je suis au courant de ce qu'il s'est passé entre vous. Même de ce qu'il s'est passé avec Cyprien…
Tu vois Bé, ces gifles tu les a bien mérité. Je n'ai jamais porté la main sur vous mais ces derniers temps, moi aussi j'avais envie de t'en coller une, parce que tu es devenu une vraie tête à claque.
On dirait que tu te complais dans ta souffrance et tu ne te rends même pas compte que tu fais souffrir tous ceux qui t’aiment.
– Mais il est mort, Pa!
– Oui Bé, Liam est mort. Tu n'y es pour rien et nous non plus. Il y a des choses dans la vie qui sont injustes et quoique tu fasses ou que tu dises ça n'y changera rien. C'est comme ça et pas autrement.
Tu crois que Liam serait heureux de te voir dans cet état ? Tu crois que nous sommes heureux de te voir te détruire, un petit peu plus, de jour en jour ? Si c'est le cas tu te trompes.
Tu crois que ça me fait plaisir de consoler ta mère qui pleure tous les soirs, tu crois que ça me fait plaisir de devoir dire à ton frère ou ta sœur de ne pas monter par crainte que tu fasses peur à leurs enfants.
Non Bé, ça ne me fait pas plaisir du tout et pourtant je le fais parce que tous autant qu'on est on t’aime.
— Arrête toi, Pa, s'il te plaît.
— Non je ne m'arrêterai pas. J'en ai marre de te voir dépérir comme ça. Oui, on t'aime et oui, on a de la peine pour toi.
— Stop ! Arrête la voiture. Vite!
Il freina et je n'eus que le temps de sortir et de faire un pas, avant de vomir tout ce que contenait mon estomac. Quand je revins à la voiture mon père me tendit des mouchoirs en papier. Sans reprendre la conversation, il me laissa cogiter.
Quand j'arrivais à la maison je montais directement dans ma chambre, j'allais prendre une douche et me couchais sans manger.
Le lendemain matin je partis courir. Et quand je rentrais je vis bien que ma mère avait les yeux gonflés. Mais elle faisait comme si …
On finissait de manger quand quelqu'un frappa à la porte. C'était les parents de Tim.
– Bonjour tout le monde, Alain je viens te voir en tant que maire, aujourd’hui.
–Tu aurais dû mettre ton écharpe tricolore alors. Et que me veut Môsieur le maire du village ?
– Hé, hé, andouille! Tu possèdes un terrain dans la plaine que tu loues.
– Oui, on l'avait acheté en même temps que quelques terrains autour de la carrière, on pensait qu'il y aurait du sable mais en fait il n'y a rien d’exploitable. Et en quoi mon terrain intéresse la commune ?
– La station d'épuration actuelle n'est plus assez grande depuis que ça s’est agrandi dans la zone commerciale et on voudrait en construire une autre. Ton terrain est idéalement situé. Alors je suis venu voir si tu serais vendeur. Tu sais qu'il ne sera jamais constructible pour l’habitat à cause des risques d’inondation.
– Vous allez m'en donner quoi 4/5000 euros si vous êtes généreux. Et je n'aurais plus de terre.
– On a aussi réfléchi à un échange. Tu sais que la commune possède un terrain ici sur le plateau, il fait deux fois la surface du tien et on n'en fera jamais rien, faute de moyens. À part des pierres et de la garrigue il n'y a rien d’autre.
– Et il est où exactement ce terrain.
– En limite de ceux du champ clos, vers la crête tu vois où c’est ?
– Oui, très bien même. C'est vrai qu’il n’y a pas grand-chose là-bas… Mais bon, pourquoi pas faire l’échange des parcelles. Tu en penses quoi Agnès ?
– C'est à toi, c'est toi qui décide mais tu devines ce que j'en pense. Et c'est un joli coin en prime.
– Au fait, je n'ai pas encore pensé à vous le dire. Le champ clos a été vendu récemment.
–Ah bon et à qui ?
–C'est un avocat parisien qui l'a acheté au nom d'une SCI (société civile immobilière).
–Mais la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) n’a rien fait ou dit ?
–Si elle a préempté les terrains mais personne n'a pu payer le montant demandé. Alors la vente s'est faite. Il ont même déjà déposé un permis de construire.
–Et ils vont y faire quoi ?
–Pour le moment c'est juste refaire les toits des trois bâtiments, rouvrir les portes et fenêtres qui avaient été murées et tout recrépir pour revenir comme à l’origine. Alors, on l'a accepté.
– Ça ferait une sacrée baraque.
– Tu m’étonnes. Rien que le bâtiment principal fait, de mémoire, 13 ou 14 m de large sur un peu moins de 20 de long. Le hangar attenant fait la même surface avec un décalé de 5 m. et c'est sans compter que le cabanon qu'il y a derrière a un four à pain.
– Tu as l'air bien au courant.
– Il y a quelques années, on voulait l'acheter pour en faire la salle des fêtes alors on l'avait visité avec le conseil municipal. On voulait aussi faire un captage de la source qui y jaillit mais avec notre budget, ça ne valait pas le coup.
Bon je peux dire au conseil municipal que tu serais d'accord pour l'échange de terrain ?
– Oui, je pense que ça devrait pouvoir se faire. Les frais de notaire c'est à la charge de la commune, c'est bien ça ?
– Oui Alain, vu que c'est la commune qui est demandeuse on payera les frais.
– Tim n'est pas là ?
– Non, Jean-François, il est parti ce matin voir des amis quelque part dans la plaine de la Crau.
– D’accord.
Les parents de Tim partirent. Et je vis mes parents qui enfilaient leurs manteaux.
– Tu viens avec nous, Bé ?
– Vous allez où ?
– On va voir notre nouveau terrain.
– Ok, j’arrive, le temps d'enfiler mon sweat.
On arriva au niveau du champ clos. C'est vrai que ça avait de la gueule.
– Ils ont beaucoup de surface en terrain ?
– Oui! Bé, tu vois la ravine là-bas.
– Laquelle ?
– Tu vois le toit du château. C'est celle sur sa gauche qui redescend jusqu'à la route.
– Oui, c'est bon, je la vois.
– Bon tu pars de la, tu suis la crête jusqu'à la barre blanche et tu redescends jusqu'au bord de la route qui descend dans la vallée
– putain mais c'est immense. Y'a combien d’hectares ?
– Plus d'une soixantaine je crois. Mais il n'y en a qu'une vingtaine de labourables, le reste c'est des bois, des friches et de la garrigue.
– Oui mais bon, ça fait quand même de la surface. C'est Tim qui serait content de les avoir.
Et toi ton terrain c'est lequel alors ?
– Là, plus loin. Il va de la barre rocheuse jusqu'à la falaise en triangle et il s'arrête au bord du chemin.
– Ça fait grand aussi et y'a pas tant de pierres que ça.
– Attend qu'on y arrive, tu verras dessus ce que ça donne.
On marcha pas loin d'une heure pour arriver sous la barre rocheuse qui faisait 20 m de haut quand même. Et c'est vrai que Bernard n'avait pas menti… pour y avoir des pierres il y en avait. On s'assit pour nous reposer et profiter du paysage. Enfin, mes parents, parce que moi j'avais la forme. Je m'assis quand même sur une grosse roche et par terre entre mes pieds il y avait une pierre différente des autres. Je la ramassais.
– Tu as trouvé quoi Bébé ?
– Je ne sais pas Man. On dirait une pointe de flèche en pierre.
– Tu me la montres ?
Je la lui tendis et, ma curiosité éveillée, mon regard tomba sur une autre et en scrutant bien, encore une un peu plus loin. Alors que je ramassais la dernière, sous un caillou je vis dépasser un morceau plus gros. Et à côté un autre du même genre. Je les dégageais et j'avais en main ce qui me sembla une tête de hache et une pointe de lance taillées.
Je mis le tout dans mes poches et on rentra.
Je m'étais fait un café.
– Bé, on peut compter sur toi au boulot ?
– Oui Pa, vous pouvez.
– Alors, demain matin, départ à 6 h 30.
– Mais pourquoi si tôt ?
– Il faut une demi-heure pour lancer la machine que les mélanges se fassent. Alors, quand les gars arriveront, vous pourrez commencer de suite.
– Ha! Ok, je ne savais pas.
…
La première semaine de boulot était finie. Le samedi matin on descendit chez Gaële et Pierrick pour les aider à construire leur piscine. On arriva les premiers. Les autres suivirent de peu. Le travail s’organisa. Je me portais volontaire pour charger le tas de terre dans une remorque. Bon, vu le tas et la remorque, il faudrait faire plusieurs voyages. Je remplissais les brouettes et en courant j'allais les vider dans la remorque et je revenais en courant. Et je recommençais. Pierrick s'était arrangé avec quelqu'un qui cherchait de la terre végétale. Je l'accompagnais lors du premier voyage et je fis seul les suivants . Mon père, Pierrick, mon frère et Jules (son ami/amant) montaient les murs.
Mes petits neveux nous ‘aidaient’ ! Je dus à tour de rôle les charger dans la brouette et les vider sur le tas de terre dans la remorque. Ça les faisait éclater de rire et moi je me faisais engueuler par ma mère parce qu'ils étaient couverts de terre et de boue.
Dans l'après-midi les choses s’accélérèrent. Un autre ami de Pierrick arriva avec un camion et une mini pelle. Le soir il ne restait plus qu'un petit tas qui servirait à reboucher entre les bords du trou et les murs de la piscine.
Quand on partit le dimanche en fin d'après-midi, fondation et murs étaient fini.
Le lundi matin quand on arriva, c’est moi qui lançait la machine et une demi-heure plus tard la fabrication. Les premiers moellons qui sortirent s'effritaient et les derniers ce n'était plus que du gravier. Je stoppais la machine et j'allais voir mon père.
– Pa, tu veux pas venir voir, je crois que j'ai fait une connerie.
– Qu'est-ce qu’il se passe.
Je lui expliquais et lui montrais le résultat. Il me demanda de la remettre en route et le résultat fut le même.
– Tu vas prendre la lampe dans le bureau, tu montes en haut du silo, tu l'ouvres et tu regardes ce qu'il reste dedans.
je montais, j'ouvris et regardais à l’intérieur. Je refermais et je descendis.
– Il est vide Pa. On voit le fond.
– C'est pas normal ça. Il devrait en rester de quoi travailler tout le matin normalement. De toute façon le camion de réapprovisionnement doit arriver dans pas longtemps. La calibreuse qui fait les mélanges doit être déréglée. On va aller contrôler.
On contrôla et elle fonctionnait bien. Le camion de ciment arriva en même temps que les ouvriers et une demie heure après on pouvait commencer. On rattrapa même le retard. Mais ça me perturbait cette histoire. Sur le chemin du retour je demandais comment ça se passait pour les livraisons.
– le camion passe sur la balance avant de charger, puis une fois qu'il a chargé, et on nous facture la différence.
– Mais quand il arrive ici tu ne le pèses pas ?
– Pourquoi faire ?
– Pour vérifier que le poids qu'on te facture est le même qu'on te livre. Ou quand il part s'il a le même poids qu'avant de charger .
– Bonne idée! Eh bien, écoute à partir de maintenant tu t'en chargeras.
— D’accord, je le ferai.
La livraison suivante il manquait 500 kilos. Le chauffeur râla de peser mais devant mon insistance il monta sur la balance. La suivante il manquait encore 400 kilos.
Mon père m'avait demandé de ne rien dire. On fit contrôler notre balance. Elle déconnait un peu en dessous de 150 kilos mais rien de grave et elle donnait moins de 0,1% de différence passé 10 tonnes.
Aujourd'hui on avait été livré et cette fois il manquait 800 kilos.
Mon père contacta son fournisseur et je n'en sus pas plus, sauf qu’on reçut 2500 kilos gratos.
Ça faisait maintenant un mois que je travaillais et mon père me donna mon chèque accompagné du bulletin de salaire.
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