09-12-2022, 01:37 PM
J'avais fait exprès d'arriver en milieu d'après-midi pour ne voir personne. Mais ce fut peine perdue.
Ma mère et Tim m’attendaient. Ils me serrèrent très fort dans leurs bras à tour de rôle.
– Tu peux m'aider à vider le fourgon s'il te plaît Tim ?
– Oui pas de souci, on met où, ce qu'il y a dedans?
– Dans ma chambre. J'ai tout mis dans des cartons, ses affaires et les miennes. Il faut que je les trie.
– Bé, tu sais que si tu as besoin de quoi que ce soit tu n'as qu'à demander.
– Justement, la prochaine fois que tu iras vers l'Isle sur Sorgue, tu me le diras. Il faut encore que j'aille récupérer la vieille Clio de Liam.
– Tu veux qu'on y aille demain ?
– Si ça ne t'ennuie pas, oui.
– Tu restes souper avec nous Tim ?
– Non merci, Agnès, je vais vous laisser en famille.
Tim partit. J'allais dans ma chambre et m'allongeais sur mon lit. En face de moi je voyais les cartons qu'on avait entassé. Il faudra que je m’en occupe. Mais rien que le fait de penser que j'allais devoir toucher ses affaires me fendait le cœur.
Je pleurais en silence et je ne sentais même pas les larmes couler le long de mes tempes et de mes joues.
Mon père rentra. Je l'entendais parler à voix basse avec ma mère. Puis il frappa deux coups discrets à la porte de ma chambre et comme je ne répondais pas il entra, s'approcha du lit et du revers de son doigt rugueux essuya mes larmes puis me passa la main dans les cheveux. Le tout sans dire un seul mot.
Puis il me tourna le dos et partit. Sur le moment je ne me rendis pas compte de la portée de son geste. On n'était pas très tactile, bisous ou câlins dans la famille surtout entre hommes.
Je faisais la bise à mes parents quand je rentrais après quelques jours d'absence mais dès le lendemain quand je les voyais c'était soi un 'bonjour' ou un 'salut' que je leur disais. La seule exception à cette façon de faire c'était ma grand-mère. Elle, je l'embrassais chaque fois que je la voyais.
Plus tard c'est ma mère qui vint frapper à la porte pour me dire qu'il fallait que je me lève et venir souper. Je n'avais pas faim. Elle insista et je les rejoignis à la cuisine. Mon père se leva et me prit dans ses bras toujours sans me dire une parole.
J'éclatais en sanglots. Derrière moi j'entendis ma mère en faire autant. Mon père me tapota le dos, puis alla vers ma mère et la serra longuement dans ses bras, chuchotant à son oreille des mots d’apaisement.
Je crois que c'est la première fois que je le vis avoir autant de gestes tendres , envers elle. Non pas qu'ils ne s'aimaient pas, loin de là, mais ils étaient pudiques en public.
J'avalais sans m'en rendre compte l'assiette de soupe que ma mère m'avait servie, puis je mangeais un bout de pain et de fromage et ma mère insista pour que je mange aussi un fruit.
Machinalement je l'aidais à débarrasser la table et après avoir lancé un bonsoir je remontais dans ma chambre. Je me mis nu et allais prendre une douche.
J'étais allongé sur mon lit. Dès que je fermais les yeux je revoyais Liam dans son lit d'hôpital si pâle et si serein. Je dus finir par m’endormir. Combien de temps, je ne savais pas. Je me réveillais en sursaut. Mon radio réveil affichait 23.49, j’eus du mal à me rendormir et passais une partie de la nuit à tourner et à me retourner dans mon lit. Et quand mon radio réveil afficha six heures, je me levais.
Je descendis à la cuisine et ma conversation avec mon père se limita à un 'bonjour, le café est fait' de sa part et à un 'bonjour, merci' de la mienne. En d'autres temps on aurait parlé mais il respectait mon silence et ma douleur . Bon, c'est vrai qu'il n'avait pas trop à se forcer parce qu'il était plutôt pas bavard.
Je montais m'habiller et à sept heures Tim arriva. Mon père lui dit de se servir un café. Il prit le bol que j'avais lavé, se servit et alla s'asseoir à sa place habituelle. J'étais assis à la mienne, je les entendais parler mais je ne prêtais pas attention à ce qu'ils disaient.
Ma mère se leva et vint me faire la bise. Ça me ramena à la réalité.
– Agnès, tu diras à Gaby que je ne viendrai pas travailler ce matin. Tu lui expliqueras pourquoi.
– Pourquoi tu ne vas pas travailler Pa ?
– Parce que je vous accompagne pour récupérer la voiture.
– C'est pas la peine. Je la remmènerai.
– Si tu veux, tu conduiras, mais je vais quand même avec vous.
Il monta d'office devant et Tim démarra. Mon père et Tim parlaient mais je n'arrivais pas à suivre ce qu'ils disaient. Je ne me rendis même pas compte qu'on était arrivé. Je descendis et quand j'ouvris la porte de la voiture les effluves de son parfum me firent éclater en sanglots.
Mon père me prit les clefs des mains, aidé par Tim il me firent rasseoir dans sa voiture, mon père grimpa dans celle de Liam et on rentra aux Fourches.
Quand on passa à table je mangeai machinalement ce que ma mère me mettait dans mon assiette. Et après le repas ils partirent travailler. Je me dirigeais vers les escaliers quand je changeais d’avis. Je sortis et allais marcher. Où? je serai bien incapable de le dire. Et lorsque je rentrais le soir, et que ma mère, inquiète, me demanda ce que j'avais fait de l'après-midi, je fus incapable de lui répondre à part que j'étais allé marcher.
La longue balade m'avait épuisé. Je mangeais un peu et allais me coucher. Je dormis comme une masse d'un sommeil sans rêve ni cauchemar. Si me dépenser me permettait de dormir alors il fallait que je me dépense. En me levant je fouillais dans les cartons et je sortis un short que j'utilisais pour courir, ma paire de baskets un tee-shirt, je pris mon sac à dos et je descendis.
La conversation avec mon père ne fut guère plus prolixe que la veille si ce n'est qu'il remarqua ma tenue.
– Tu vas courir ?
– Oui, d'être allé marcher hier ça m'a permis de mieux dormir. Alors je vais aller courir un peu.
– Tu as raison, par contre tu penses à prendre ton portable parce que ta mère se fait du souci pour toi.
– Il est dans mon sac.
Je pris une bouteille d’eau, un paquet de biscuits et je partis en courant. Courir me vidait la tête et la tête vide je ne pensais plus à Liam et comme je ne pensais plus à lui, je n'avais plus (trop) mal. Mais au bout de deux heures de course, mon corps que je maltraitais, protesta. J'eus une série de crampes qui m'obligèrent à stopper. Je me massais pour les faire disparaître et je fis aussi quelques-uns des exercices d'assouplissement qu'on faisait au karaté avant de commencer la séance proprement dite.
Je mangeais quelques biscuits, je bus un peu d'eau et je repris ma course. Mon corps se rappela à moi une nouvelle fois. Je piochais dans mon mental toute l'énergie que je pouvais y trouver pour l'ignorer mais ça ne suffit pas. Je dus une nouvelle fois m’arrêter. Une fois les crampes disparues, je refis des assouplissements. Puis j'enchaînais des séries de pompes et d’abdos, je mangeais encore quelques biscuits, je finis l'eau qui me restais et je fis demi-tour.
Mon téléphone sonna c'était ma mère qui venait au nouvelles. On discuta, enfin elle discuta un peu parce que je ne lui répondais que par des oui ou des non et elle raccrocha. Je repris ma course. Quand je sentais les crampes arriver je faisais des assouplissements et quand elles passaient, je reprenais ma course.
Au moment où j'entrais dans la maison, la comtoise du salon sonna cinq coups. je pensais m'être trompé mais non, elle marquait bien les dix-sept heures. J'allais sous la douche et je profitais d’être dans la salle de bain pour rincer mon short et mon tee-shirt qui puaient la transpiration. J'enfilais un tee-shirt et un bas de jogging puis commençais à vider les cartons. Deux d'entre eux contenaient de la nourriture. Je les descendis à la cuisine. J'en descendis d’autres qui contenaient des draps, des torchons et des serviettes de toilette et de bain. Les suivants contenaient des affaires à moi que je rangeais dans mon armoire.
J'allais en ouvrir un autre quand la voix de ma mère me sortit de mes réflexions.
– Bé, c'est quoi ces cartons ?
Je descendis.
– Salut Man, salut Pa. Les deux sur la table c'est des provisions qu'on avait à l’appartement. Comme je ne sais pas comment tu les ranges je les ai laissé là. Et ceux par terre, l’un c'est des serviettes de toilette et draps de bain et l'autre c'est des draps et des torchons.
– Tu n'as qu'à les remonter et laisser les cartons dans le couloir, j'irai les ranger en haut plus tard. Fais-le tout de suite, ça les enlèvera du milieu.
Je fis ce qu'elle me demandait et quand je redescendis elle me dit :
– Bé, tu as mangé quoi à midi ?
– J'avais pas faim. J'ai grignoté des petits gâteaux.
– Ça ne te suffit pas Bé. Il ne manquerait plus que tu tombes malade.
– Laisse le tranquille Agnès, on peut comprendre qu'il n'ait pas faim. Il mangera mieux tout à l’heure.
Et comme la veille je mangeai une assiette de soupe, un bout de fromage et un fruit. Puis je remontais dans ma chambre.
J'allumais mon ordi, répondis aux quelques mails que j'avais et je me couchais.
Le lendemain je repartis courir mais cette fois j'attendis que mes parents partent au boulot. Je repris un paquet de biscuits, plus une pomme, deux bouteilles d'eau et repris le chemin de la veille. Et comme la veille, je courus jusqu’à l’épuisement pour me vider la tête.
Ce 'petit jeu' dura un mois sauf les week-ends car mes parents étaient là et là, je devais être rentré pour midi. Je n'allais courir que deux heures mais à fond.
Je redescendais de me doucher quand je surpris une conversation entre mes parents.
–… Je te dis qu'il est en pleine dépression, Alain. Lundi, je téléphone au docteur pour qu'il passe l’ausculter.
– Et le docteur y fera quoi ?
– Il lui donnera quelque chose pour calmer ses angoisses et son mal être. Tu as vu comme il a maigri ces derniers temps ?
– C'est vrai que son corps a changé. Il s'est affiné tout en prenant des muscles. Il n'est plus le bébé qu'on avait Agnès, il se virilise. Il devient adulte.
– Peut-être, mais ça n'empêche que je vais quand même dire au docteur de passer.
– Si ça te rassure, fais-le.
Le docteur passa. C'était notre médecin de famille depuis longtemps, il avait repris la suite de son père. Moi, il me connaissait depuis toujours. Lui aussi m'appelait Bébé.
– Bon Bébé, je t'ausculte ici ou dans ta chambre ?
– Vous n'avez qu'à le faire ici, ça vous évitera de répéter à ma mère ce que vous m'aurez dit là-haut.
– Et le secret professionnel, tu en fais quoi ?
– Oui je sais, c'est juste pour empêcher que ma mère vous séquestre tant qu'elle ne saura pas comment je vais.
– Ah, dans ce cas. Quitte ton tee-shirt.
Je fis ce qu'il me demandais.
– Ho mais dis donc, tu t'es fait, jeune homme. Tu as une musculature que beaucoup de gens envieraient. Tu fais beaucoup de sport ?
– Un peu oui, je vais courir tous les jours et je fais aussi beaucoup d’exercices d’assouplissements.
– Fais-moi voir ça. Tu arrives à toucher le sol avec tes doigts ?
Je fis ce qu'il me demandait. Je touchais le sol des doigts, puis avec mes mains posées à plat par terre et j'attrapais même mes talons avec mes mains. Et quand il me demanda ce que je pouvais lui montrer d'autre, je fis le grand écart, je posais mes mains par terre je me penchais vers l'avant et je me relevais tout en le maintenant, puis je montais l'équilibre et je me remis sur mes pieds.
– Wow, tu m'impressionneras toujours Bébé. Tu as la force et la souplesse. Assieds-toi que j'écoute ton cœur et tes poumons.
Ça va, tout est normal. Je vais te prendre la tension. 12/6 c'est très bien.
Je vais te faire faire des analyses sanguines. Je te ferai l’ordonnance. Ça tombe bien, l'infirmière passe demain pour tes grands-parents et Cyprien et pour le père Mathieu aussi.
8
Ma mère et Tim m’attendaient. Ils me serrèrent très fort dans leurs bras à tour de rôle.
– Tu peux m'aider à vider le fourgon s'il te plaît Tim ?
– Oui pas de souci, on met où, ce qu'il y a dedans?
– Dans ma chambre. J'ai tout mis dans des cartons, ses affaires et les miennes. Il faut que je les trie.
– Bé, tu sais que si tu as besoin de quoi que ce soit tu n'as qu'à demander.
– Justement, la prochaine fois que tu iras vers l'Isle sur Sorgue, tu me le diras. Il faut encore que j'aille récupérer la vieille Clio de Liam.
– Tu veux qu'on y aille demain ?
– Si ça ne t'ennuie pas, oui.
– Tu restes souper avec nous Tim ?
– Non merci, Agnès, je vais vous laisser en famille.
Tim partit. J'allais dans ma chambre et m'allongeais sur mon lit. En face de moi je voyais les cartons qu'on avait entassé. Il faudra que je m’en occupe. Mais rien que le fait de penser que j'allais devoir toucher ses affaires me fendait le cœur.
Je pleurais en silence et je ne sentais même pas les larmes couler le long de mes tempes et de mes joues.
Mon père rentra. Je l'entendais parler à voix basse avec ma mère. Puis il frappa deux coups discrets à la porte de ma chambre et comme je ne répondais pas il entra, s'approcha du lit et du revers de son doigt rugueux essuya mes larmes puis me passa la main dans les cheveux. Le tout sans dire un seul mot.
Puis il me tourna le dos et partit. Sur le moment je ne me rendis pas compte de la portée de son geste. On n'était pas très tactile, bisous ou câlins dans la famille surtout entre hommes.
Je faisais la bise à mes parents quand je rentrais après quelques jours d'absence mais dès le lendemain quand je les voyais c'était soi un 'bonjour' ou un 'salut' que je leur disais. La seule exception à cette façon de faire c'était ma grand-mère. Elle, je l'embrassais chaque fois que je la voyais.
Plus tard c'est ma mère qui vint frapper à la porte pour me dire qu'il fallait que je me lève et venir souper. Je n'avais pas faim. Elle insista et je les rejoignis à la cuisine. Mon père se leva et me prit dans ses bras toujours sans me dire une parole.
J'éclatais en sanglots. Derrière moi j'entendis ma mère en faire autant. Mon père me tapota le dos, puis alla vers ma mère et la serra longuement dans ses bras, chuchotant à son oreille des mots d’apaisement.
Je crois que c'est la première fois que je le vis avoir autant de gestes tendres , envers elle. Non pas qu'ils ne s'aimaient pas, loin de là, mais ils étaient pudiques en public.
J'avalais sans m'en rendre compte l'assiette de soupe que ma mère m'avait servie, puis je mangeais un bout de pain et de fromage et ma mère insista pour que je mange aussi un fruit.
Machinalement je l'aidais à débarrasser la table et après avoir lancé un bonsoir je remontais dans ma chambre. Je me mis nu et allais prendre une douche.
J'étais allongé sur mon lit. Dès que je fermais les yeux je revoyais Liam dans son lit d'hôpital si pâle et si serein. Je dus finir par m’endormir. Combien de temps, je ne savais pas. Je me réveillais en sursaut. Mon radio réveil affichait 23.49, j’eus du mal à me rendormir et passais une partie de la nuit à tourner et à me retourner dans mon lit. Et quand mon radio réveil afficha six heures, je me levais.
Je descendis à la cuisine et ma conversation avec mon père se limita à un 'bonjour, le café est fait' de sa part et à un 'bonjour, merci' de la mienne. En d'autres temps on aurait parlé mais il respectait mon silence et ma douleur . Bon, c'est vrai qu'il n'avait pas trop à se forcer parce qu'il était plutôt pas bavard.
Je montais m'habiller et à sept heures Tim arriva. Mon père lui dit de se servir un café. Il prit le bol que j'avais lavé, se servit et alla s'asseoir à sa place habituelle. J'étais assis à la mienne, je les entendais parler mais je ne prêtais pas attention à ce qu'ils disaient.
Ma mère se leva et vint me faire la bise. Ça me ramena à la réalité.
– Agnès, tu diras à Gaby que je ne viendrai pas travailler ce matin. Tu lui expliqueras pourquoi.
– Pourquoi tu ne vas pas travailler Pa ?
– Parce que je vous accompagne pour récupérer la voiture.
– C'est pas la peine. Je la remmènerai.
– Si tu veux, tu conduiras, mais je vais quand même avec vous.
Il monta d'office devant et Tim démarra. Mon père et Tim parlaient mais je n'arrivais pas à suivre ce qu'ils disaient. Je ne me rendis même pas compte qu'on était arrivé. Je descendis et quand j'ouvris la porte de la voiture les effluves de son parfum me firent éclater en sanglots.
Mon père me prit les clefs des mains, aidé par Tim il me firent rasseoir dans sa voiture, mon père grimpa dans celle de Liam et on rentra aux Fourches.
Quand on passa à table je mangeai machinalement ce que ma mère me mettait dans mon assiette. Et après le repas ils partirent travailler. Je me dirigeais vers les escaliers quand je changeais d’avis. Je sortis et allais marcher. Où? je serai bien incapable de le dire. Et lorsque je rentrais le soir, et que ma mère, inquiète, me demanda ce que j'avais fait de l'après-midi, je fus incapable de lui répondre à part que j'étais allé marcher.
La longue balade m'avait épuisé. Je mangeais un peu et allais me coucher. Je dormis comme une masse d'un sommeil sans rêve ni cauchemar. Si me dépenser me permettait de dormir alors il fallait que je me dépense. En me levant je fouillais dans les cartons et je sortis un short que j'utilisais pour courir, ma paire de baskets un tee-shirt, je pris mon sac à dos et je descendis.
La conversation avec mon père ne fut guère plus prolixe que la veille si ce n'est qu'il remarqua ma tenue.
– Tu vas courir ?
– Oui, d'être allé marcher hier ça m'a permis de mieux dormir. Alors je vais aller courir un peu.
– Tu as raison, par contre tu penses à prendre ton portable parce que ta mère se fait du souci pour toi.
– Il est dans mon sac.
Je pris une bouteille d’eau, un paquet de biscuits et je partis en courant. Courir me vidait la tête et la tête vide je ne pensais plus à Liam et comme je ne pensais plus à lui, je n'avais plus (trop) mal. Mais au bout de deux heures de course, mon corps que je maltraitais, protesta. J'eus une série de crampes qui m'obligèrent à stopper. Je me massais pour les faire disparaître et je fis aussi quelques-uns des exercices d'assouplissement qu'on faisait au karaté avant de commencer la séance proprement dite.
Je mangeais quelques biscuits, je bus un peu d'eau et je repris ma course. Mon corps se rappela à moi une nouvelle fois. Je piochais dans mon mental toute l'énergie que je pouvais y trouver pour l'ignorer mais ça ne suffit pas. Je dus une nouvelle fois m’arrêter. Une fois les crampes disparues, je refis des assouplissements. Puis j'enchaînais des séries de pompes et d’abdos, je mangeais encore quelques biscuits, je finis l'eau qui me restais et je fis demi-tour.
Mon téléphone sonna c'était ma mère qui venait au nouvelles. On discuta, enfin elle discuta un peu parce que je ne lui répondais que par des oui ou des non et elle raccrocha. Je repris ma course. Quand je sentais les crampes arriver je faisais des assouplissements et quand elles passaient, je reprenais ma course.
Au moment où j'entrais dans la maison, la comtoise du salon sonna cinq coups. je pensais m'être trompé mais non, elle marquait bien les dix-sept heures. J'allais sous la douche et je profitais d’être dans la salle de bain pour rincer mon short et mon tee-shirt qui puaient la transpiration. J'enfilais un tee-shirt et un bas de jogging puis commençais à vider les cartons. Deux d'entre eux contenaient de la nourriture. Je les descendis à la cuisine. J'en descendis d’autres qui contenaient des draps, des torchons et des serviettes de toilette et de bain. Les suivants contenaient des affaires à moi que je rangeais dans mon armoire.
J'allais en ouvrir un autre quand la voix de ma mère me sortit de mes réflexions.
– Bé, c'est quoi ces cartons ?
Je descendis.
– Salut Man, salut Pa. Les deux sur la table c'est des provisions qu'on avait à l’appartement. Comme je ne sais pas comment tu les ranges je les ai laissé là. Et ceux par terre, l’un c'est des serviettes de toilette et draps de bain et l'autre c'est des draps et des torchons.
– Tu n'as qu'à les remonter et laisser les cartons dans le couloir, j'irai les ranger en haut plus tard. Fais-le tout de suite, ça les enlèvera du milieu.
Je fis ce qu'elle me demandait et quand je redescendis elle me dit :
– Bé, tu as mangé quoi à midi ?
– J'avais pas faim. J'ai grignoté des petits gâteaux.
– Ça ne te suffit pas Bé. Il ne manquerait plus que tu tombes malade.
– Laisse le tranquille Agnès, on peut comprendre qu'il n'ait pas faim. Il mangera mieux tout à l’heure.
Et comme la veille je mangeai une assiette de soupe, un bout de fromage et un fruit. Puis je remontais dans ma chambre.
J'allumais mon ordi, répondis aux quelques mails que j'avais et je me couchais.
Le lendemain je repartis courir mais cette fois j'attendis que mes parents partent au boulot. Je repris un paquet de biscuits, plus une pomme, deux bouteilles d'eau et repris le chemin de la veille. Et comme la veille, je courus jusqu’à l’épuisement pour me vider la tête.
Ce 'petit jeu' dura un mois sauf les week-ends car mes parents étaient là et là, je devais être rentré pour midi. Je n'allais courir que deux heures mais à fond.
Je redescendais de me doucher quand je surpris une conversation entre mes parents.
–… Je te dis qu'il est en pleine dépression, Alain. Lundi, je téléphone au docteur pour qu'il passe l’ausculter.
– Et le docteur y fera quoi ?
– Il lui donnera quelque chose pour calmer ses angoisses et son mal être. Tu as vu comme il a maigri ces derniers temps ?
– C'est vrai que son corps a changé. Il s'est affiné tout en prenant des muscles. Il n'est plus le bébé qu'on avait Agnès, il se virilise. Il devient adulte.
– Peut-être, mais ça n'empêche que je vais quand même dire au docteur de passer.
– Si ça te rassure, fais-le.
Le docteur passa. C'était notre médecin de famille depuis longtemps, il avait repris la suite de son père. Moi, il me connaissait depuis toujours. Lui aussi m'appelait Bébé.
– Bon Bébé, je t'ausculte ici ou dans ta chambre ?
– Vous n'avez qu'à le faire ici, ça vous évitera de répéter à ma mère ce que vous m'aurez dit là-haut.
– Et le secret professionnel, tu en fais quoi ?
– Oui je sais, c'est juste pour empêcher que ma mère vous séquestre tant qu'elle ne saura pas comment je vais.
– Ah, dans ce cas. Quitte ton tee-shirt.
Je fis ce qu'il me demandais.
– Ho mais dis donc, tu t'es fait, jeune homme. Tu as une musculature que beaucoup de gens envieraient. Tu fais beaucoup de sport ?
– Un peu oui, je vais courir tous les jours et je fais aussi beaucoup d’exercices d’assouplissements.
– Fais-moi voir ça. Tu arrives à toucher le sol avec tes doigts ?
Je fis ce qu'il me demandait. Je touchais le sol des doigts, puis avec mes mains posées à plat par terre et j'attrapais même mes talons avec mes mains. Et quand il me demanda ce que je pouvais lui montrer d'autre, je fis le grand écart, je posais mes mains par terre je me penchais vers l'avant et je me relevais tout en le maintenant, puis je montais l'équilibre et je me remis sur mes pieds.
– Wow, tu m'impressionneras toujours Bébé. Tu as la force et la souplesse. Assieds-toi que j'écoute ton cœur et tes poumons.
Ça va, tout est normal. Je vais te prendre la tension. 12/6 c'est très bien.
Je vais te faire faire des analyses sanguines. Je te ferai l’ordonnance. Ça tombe bien, l'infirmière passe demain pour tes grands-parents et Cyprien et pour le père Mathieu aussi.
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