18-11-2022, 09:27 PM
– C'est quoi, ce que je dois déplacer ?
– C'est ce grand bidon, qu'il faut que tu mettes là, dans cet angle qu’on a dégagé. Mais c'est pas seulement pour ça que je t'ai fait venir aujourd’hui. En réalité, j’ai profité que ton grand-père aille à son rendez-vous. C'est pour te dire que là où tu vas mettre le bidon, il y a bien longtemps, j'y ai caché quelque chose. Quand je serai mort tu viendras avec tes parents, les grands parents, ton frère et ta sœur et tu creuseras.
– Tu as caché quoi ?
– Vous le découvrirez en temps et en heure. Mets le bidon en place et je vais aussi te montrer une autre cachette où j'ai quelques souvenirs de l’époque de la guerre.
Je mis le bidon en place, on ressortit du cabanon et on retourna vers le banc.
– Alors à ton avis elle est où la cachette ?
– Je ne sais pas un truc que tu as enterré au pied du cerisier ou sous le banc ?
– Non, mais tu chauffes. La cachette c'est le banc.
– Le banc ? Je ne comprends plus rien là.
– En fait c'est une histoire qui remonte juste après la grande guerre, celle de 14-18, pas l’autre. J'avais treize ou quatorze ans, je ne me souviens plus trop, je gardais les brebis et les chèvres dans la garrigue et je suis tombé par hasard sur des pierres gravées. C'était écrit en Latin dessus. Alors avec mon ami Augustin on a pris une charrette et une mule et on est allé les récupérer. Et pour pas qu'on les voit pas on a fabriqué ce banc en mettant ce qui est inscrit dedans. Il y en a six en tout. Et pour les trouver, il vous suffira de soulever la pierre d’assise. Donc, ne vous attendez pas à un trésor, c'est juste des souvenirs de ma jeunesse.
– Mais pourquoi tu me dis ça à moi ?
– Parce que si je le dis à ton grand-père, il va fouiller pour savoir ce que c'est immédiatement et ton père en parlerait à ta mère qui le dirait ses parents, ce qui revient au même. Mais toi je sais que tu garderas ta langue et attendras… ce qu’il faut. Bon, on a assez parlé c'est l'heure d'aller manger un bout.
On rentra à la maison et Cyprien sortit du frigo, du pâté, du saucisson, du fromage, une bouteille de vin et pendant ce temps je sortais deux verres et un couteau pour moi parce que lui ne se servait que du sien, un Opinel, qu'il avait toujours dans sa poche. On allait commencer à déjeuner quand quelqu'un sonna.
– Va ouvrir mon gars, tu es plus leste que moi.
En fait, je n'eus pas le temps d'aller ouvrir parce que déjà Tim poussait la porte et entrait dans la cuisine.
– Salut.
– Ah, Titou, tu avais perdu ton copain ! Et tu es à sa recherche.
– Hé non, Cyprien, c'est toi que je viens voir. Je voudrais te parler.
– Chaque chose en son temps. Bé, donne-lui un couteau et toi, assoie toi et mange un bout. On aura le temps de discuter sérieusement, après.
On mangea, parlant de tout et de rien. Bref, une demie heure après, on avait callé nos estomacs. Avec Tim on avait débarrassé la table et c’est seulement là que Cyprien lui demanda :
– Bon, maintenant qu'on a mangé on peut causer. Qu'est-ce que tu me voulais d’important.
– Comme tu le sais je me suis mis à mon compte et j'ai pas beaucoup de terres à moi alors, point de vue sous, c'est pas trop la joie mais bon, je fais avec.
Et hier c'est Bébé qui m'a donné une idée pour en gagner un peu plus. Je voudrais faire des plants que je vendrai sur les marchés l'an prochain. Mais je souhaite me démarquer des autres.
Tu fais des vieilles variétés de tomates, de courges, de courgettes. Alors je voudrai savoir si tu veux bien me vendre des semences pour que je puisse le faire.
– Tu viens chez moi, tu manges avec nous et tu m’insultes ! Tu veux ma main sur ta figure !
– Mais qu'est-ce que j'ai fait ?
– C'est pas ce que tu as fait mais ce que tu as dit qui me blesse ! Te vendre des semences ! Mais il ne manquerait plus que ça. Tu veux me vexer. Malheureux!
– Je m'excuse Cyprien mais comme il va m'en falloir beaucoup, j’ai pensé...
– Beaucoup ou pas, c'est pas une raison. Mais j'accepte tes excuses quand même. Alors pour répondre à ta demande, c'est oui, je vais te les fournir mais c’est un cadeau!
Après, il ne faut pas les semer n'importe quand. Il faut le faire avec la lune si tu veux que ça marche. Je te donnerai aussi mon cahier où j'ai mis quand il fallait faire les semis pour que ça marche bien. Il faut calculer en fonction de la lunaison. Il doit être rangé quelque part dans mes affaires, je te chercherai ça tout à l'heure après ma sieste.
La porte s'ouvrit et mes grands-parents entrèrent. On leur fit la bise. Ils avaient toujours considéré Tim comme leur quatrième petit enfant et à Noël il avait même droit, comme nous, à la petite enveloppe… ou toute l’année, à un coup de pied au cul, quand on faisait une de nos conneries.
On discuta encore un petit moment avec eux et on rentra ensemble. Liam venait de se lever. Il était tout décoiffé et il y avait encore la trace des draps sur sa joue. Il me fit un tendre bisou et la bise à Tim.
– On fait quoi aujourd’hui ?
– Je ne sais pas. Tu as prévu quelque chose Tim ?
– Non, pas vraiment, ça vous dit d'aller à la rivière ?
– Oui, pourquoi pas. Mes parents ne rentrent pas ce midi alors si on prenait de quoi bouffer et qu'on y aille maintenant ?
On pilla le frigo et une demie heure après on était à poil dans notre coin secret à Tim et à moi. On passa la journée à discuter, somnoler, se baigner.
Je leur parlais de la discussion que j'avais eu au matin avec mes parents, Tim nous parla de sa relation plus que bancale maintenant avec Marie. Ils avaient décidé de faire un break. Et dans son for intérieur, Tim avait déjà mis une croix sur leur relation.
Il n'accusait pas Marie de ne pas y mettre du sien. Fataliste, il disait simplement qu'ils n'étaient pas faits pour vivre ensemble, au-delà de leurs études. Que leur histoire resterait un bon moment de sa vie.
Toute bonne chose ayant une fin, c'est deux jours avant la rentrée qu'on remonta sur Valence. Joris était rentré la veille. Et on se retrouva avec plaisir. Il était un peu nostalgique des semaines qu'il avait passé avec Rémi, un Rémi qui lui manquait déjà.
Deux heures après notre arrivée, ça frappait à la porte. C'était Jean.
– Bonjour les garçons, ça nous fait plaisir que vous soyez enfin rentré. Sans vous cette maison est beaucoup trop calme. On croirait qu'elle est habité par des petits vieux.
Ça nous fit rire.
– Je voulais vous avertir qu'on a loué le studio à un jeune homme qui comme vous, va suivre des cours à l'école d’infirmiers. Il s'appelle Titouan. C'est un gentil garçon mais il parait très timide, jusqu’ici, du moins. Il a tout juste dix-huit ans et il sort d'un trou perdu de Lozère. Alors ne le brusquez pas trop.
– Bah allez-y ! Dites aussi qu'on est des sauvages !
– Je n'irai pas jusque-là, non plus. Mais parfois… Hahaha ! Bon, assez plaisanté ! Liam, vous n'avez pas fini vos études, vous ?
– Si ! J'ai eu mon master mais tant que Bé n'a pas fini les siennes, je reste avec lui. Et en attendant je vais commencer mon business ici. Aux States la mode change. Ce n'est plus les vieux meubles massifs qui ont la cote mais plutôt les choses des années cinquante / soixante. Alors il va falloir que je trouve un entrepôt où je pourrais stocker un ou deux conteneurs pour les remplir avant de les envoyer à ma mère au fur et à mesure qu'ils seront pleins.
– Il faut que j'en parle avec Pierre et on en reparlera plus tard, si tu veux bien. Car je pense pouvoir t'aider sur ce coup là. Je te donnerai une réponse rapidement.
Au fait les garçons, vous remercierez encore monsieur Cyprien parce que ses plants sont le top du top. Tous nos amis sont conquis par le goût qu'ont nos légumes.
Ce soir passez donc boire l’apéro. J'inviterai aussi Titouan pour que vous fassiez connaissance avec lui.
On mangea un bout vite fait et on passa l'après-midi au bord de la piscine. On avait mis un maillot de bain pour l’occasion, ne voulant pas effrayer le petit nouveau. Quand Pierre et Jean passèrent pour aller ramasser quelques légumes on les accompagna jusqu'au jardin.
– Il n'a jamais été aussi joli depuis le nombre d’années qu’on l’a.
– Et tu oublies de préciser, autant productif, Jean. Tout le quartier en profite. Et l'idée de planter les courges dans le compost, ça vient de Cyprien je suppose.
– Oui chez nous il a toujours fait comme ça. Et on a toujours eu plein de courges mais lui il n'en fait qu'une variété. Il appelle ça les courges à Madeleine. Il paraît qu'il a récupéré les graines quand il était gamin d'une vielle bonne femme qui avait plus de quatre-vingts ans, à l’époque.
– Et qu’ont elles de spéciales ces courges ?
– C'est comme des Butternut mais les plus petites font vingt kilos.
– Ah, quand même. Bon on vous laisse, on vous attend pour dix-neuf heures les garçons.
On resta à la piscine jusque vers dix-huit heures et on monta se doucher et se préparer. Une heure plus tard, on sonnait à la porte de nos voisins.
C'est Pierre qui nous ouvrit, un plateau de zakouski en main.
– Entrez, entrez, Titouan est arrivé, on est sur le balcon.
– Vous avez besoin d'un coup de main ?
– Puisque vous le proposez, prenez en cuisine un plateau chacun et apportez-les sur la table. Avec tout ce qu'on a fait ça sera sûrement un apéritif dînatoire.
Titouan était assis en face de la porte. Il portait un tee-shirt blanc sur un bermuda beige et des claquettes. Il était bronzé et en nous voyant arriver il se leva. Il était grand et fin. Presque aussi grand que moi mais aussi fin que Joris. Quoique, Joris cet été s'était bien musclé. Un sourire sympathique sous des yeux noirs, des cheveux châtain, mi longs. On se serra la main au fur et à mesure que Jean nous présentait.
La discussion fut longue à démarrer et c'est quand Pierre lui demanda ce qu'il avait fait pendant les vacances et que Titouan nous dit qu'il avait bossé dans un camping au Cap d’Agde que ça s’anima. Quand il donna le nom du camping, j’avais souris, et il le remarqua.
– Tu connais ?
– Oui, j'y suis déjà allé plusieurs fois. Du coup tu es bronzé de tout partout.
– Oui, de partout en effet.
– C'est quoi ce camping ?
– C'est un camping naturiste, Joris.
– Ah ok, ça doit être cool de vivre à poil tout le temps. On l'a fait quand on était aux Etats-Unis pendant une semaine et j'ai bien aimé.
– Vous êtes allés aux Etats-Unis ? C'est mon rêve d'y aller un jour. Vous étiez où ?
– En Californie principalement mais on est aussi allé à New-York et à Washington.
– Vous en avez du bol. Mais dis-moi Liam ça vient d'où ton prénom ?
– De mon arrière-grand-père qui était Irlandais.
– Et il est venu vivre en France ?
– Non pas du tout. Ma famille a émigré aux Etats-Unis lors de la grande famine en Irlande, en 1845.
– Mais… tu veux dire que tu es Américain ?
– Hé oui, un pur souche de Los Angeles.
– Tu te fous de moi, tu parles le français à la perfection et avec l'accent du sud.
– Hé, hé ! Disons que ma mère est française, alors ça aide mais l'accent je l'ai pris ici, à force de les côtoyer et encore cette année il n'y a plus que Bébé qui l'a l'accent, mais l'an dernier il y en avait deux autres.
– Heu, c'est qui Bébé ?
– C'est moi, c'est mon surnom.
Son regard fit l’aller-retour sur mon physique et il éclata de rire. Ensuite, il fallut que je lui explique le pourquoi. Puis on lui posa aussi des questions sur lui. Il sortait de l'assistance publique. Il était passé par plusieurs foyers et familles d’accueil. Ça n'avait pas toujours été rose pour lui mais ça lui avait forgé un caractère dur et solitaire. Il adorait courir et se dépasser. Il avait été champion de France Junior en 10 000 m…
On finit tout ce que Pierre et Jean avaient préparé et chacun rentra chez soi.
Le lendemain matin je quittais l’appart pour courir et alors que je passais la porte Titouan sortait de son studio, lui aussi en tenue de sport – short de running échancré, bleu Bic et marcel bleu ciel.
– Tu vas courir ?
– Oui, toi aussi ?
– On y va ensemble si tu veux ?
– Oui, bien sûr. Tu vas courir où d’habitude ?
– Au parc mais là j'ai envie d'aller le long du Rhône. Ça te dit ?
– Oh oui, parce que depuis une semaine que je suis là, je commence à en avoir un peu marre de tourner autour du parc.
– Ok, suis-moi.
Et comme on tournait au bout de l'impasse on tomba sur Alexis qui partait courir, lui aussi.
– Hé Jeff, tu vas courir où ?
– Le long du Rhône. Tu viens avec nous ?
– Pourquoi pas.
– Je te présente Titouan, c'est lui qui habite le studio à présent. Et lui c'est Alexis.
Ils se firent un sourire et on partit en trottinant. Une fois le long des berges on allongea la foulée mais on voyait que Titouan était bien plus doué que nous.
279
– C'est ce grand bidon, qu'il faut que tu mettes là, dans cet angle qu’on a dégagé. Mais c'est pas seulement pour ça que je t'ai fait venir aujourd’hui. En réalité, j’ai profité que ton grand-père aille à son rendez-vous. C'est pour te dire que là où tu vas mettre le bidon, il y a bien longtemps, j'y ai caché quelque chose. Quand je serai mort tu viendras avec tes parents, les grands parents, ton frère et ta sœur et tu creuseras.
– Tu as caché quoi ?
– Vous le découvrirez en temps et en heure. Mets le bidon en place et je vais aussi te montrer une autre cachette où j'ai quelques souvenirs de l’époque de la guerre.
Je mis le bidon en place, on ressortit du cabanon et on retourna vers le banc.
– Alors à ton avis elle est où la cachette ?
– Je ne sais pas un truc que tu as enterré au pied du cerisier ou sous le banc ?
– Non, mais tu chauffes. La cachette c'est le banc.
– Le banc ? Je ne comprends plus rien là.
– En fait c'est une histoire qui remonte juste après la grande guerre, celle de 14-18, pas l’autre. J'avais treize ou quatorze ans, je ne me souviens plus trop, je gardais les brebis et les chèvres dans la garrigue et je suis tombé par hasard sur des pierres gravées. C'était écrit en Latin dessus. Alors avec mon ami Augustin on a pris une charrette et une mule et on est allé les récupérer. Et pour pas qu'on les voit pas on a fabriqué ce banc en mettant ce qui est inscrit dedans. Il y en a six en tout. Et pour les trouver, il vous suffira de soulever la pierre d’assise. Donc, ne vous attendez pas à un trésor, c'est juste des souvenirs de ma jeunesse.
– Mais pourquoi tu me dis ça à moi ?
– Parce que si je le dis à ton grand-père, il va fouiller pour savoir ce que c'est immédiatement et ton père en parlerait à ta mère qui le dirait ses parents, ce qui revient au même. Mais toi je sais que tu garderas ta langue et attendras… ce qu’il faut. Bon, on a assez parlé c'est l'heure d'aller manger un bout.
On rentra à la maison et Cyprien sortit du frigo, du pâté, du saucisson, du fromage, une bouteille de vin et pendant ce temps je sortais deux verres et un couteau pour moi parce que lui ne se servait que du sien, un Opinel, qu'il avait toujours dans sa poche. On allait commencer à déjeuner quand quelqu'un sonna.
– Va ouvrir mon gars, tu es plus leste que moi.
En fait, je n'eus pas le temps d'aller ouvrir parce que déjà Tim poussait la porte et entrait dans la cuisine.
– Salut.
– Ah, Titou, tu avais perdu ton copain ! Et tu es à sa recherche.
– Hé non, Cyprien, c'est toi que je viens voir. Je voudrais te parler.
– Chaque chose en son temps. Bé, donne-lui un couteau et toi, assoie toi et mange un bout. On aura le temps de discuter sérieusement, après.
On mangea, parlant de tout et de rien. Bref, une demie heure après, on avait callé nos estomacs. Avec Tim on avait débarrassé la table et c’est seulement là que Cyprien lui demanda :
– Bon, maintenant qu'on a mangé on peut causer. Qu'est-ce que tu me voulais d’important.
– Comme tu le sais je me suis mis à mon compte et j'ai pas beaucoup de terres à moi alors, point de vue sous, c'est pas trop la joie mais bon, je fais avec.
Et hier c'est Bébé qui m'a donné une idée pour en gagner un peu plus. Je voudrais faire des plants que je vendrai sur les marchés l'an prochain. Mais je souhaite me démarquer des autres.
Tu fais des vieilles variétés de tomates, de courges, de courgettes. Alors je voudrai savoir si tu veux bien me vendre des semences pour que je puisse le faire.
– Tu viens chez moi, tu manges avec nous et tu m’insultes ! Tu veux ma main sur ta figure !
– Mais qu'est-ce que j'ai fait ?
– C'est pas ce que tu as fait mais ce que tu as dit qui me blesse ! Te vendre des semences ! Mais il ne manquerait plus que ça. Tu veux me vexer. Malheureux!
– Je m'excuse Cyprien mais comme il va m'en falloir beaucoup, j’ai pensé...
– Beaucoup ou pas, c'est pas une raison. Mais j'accepte tes excuses quand même. Alors pour répondre à ta demande, c'est oui, je vais te les fournir mais c’est un cadeau!
Après, il ne faut pas les semer n'importe quand. Il faut le faire avec la lune si tu veux que ça marche. Je te donnerai aussi mon cahier où j'ai mis quand il fallait faire les semis pour que ça marche bien. Il faut calculer en fonction de la lunaison. Il doit être rangé quelque part dans mes affaires, je te chercherai ça tout à l'heure après ma sieste.
La porte s'ouvrit et mes grands-parents entrèrent. On leur fit la bise. Ils avaient toujours considéré Tim comme leur quatrième petit enfant et à Noël il avait même droit, comme nous, à la petite enveloppe… ou toute l’année, à un coup de pied au cul, quand on faisait une de nos conneries.
On discuta encore un petit moment avec eux et on rentra ensemble. Liam venait de se lever. Il était tout décoiffé et il y avait encore la trace des draps sur sa joue. Il me fit un tendre bisou et la bise à Tim.
– On fait quoi aujourd’hui ?
– Je ne sais pas. Tu as prévu quelque chose Tim ?
– Non, pas vraiment, ça vous dit d'aller à la rivière ?
– Oui, pourquoi pas. Mes parents ne rentrent pas ce midi alors si on prenait de quoi bouffer et qu'on y aille maintenant ?
On pilla le frigo et une demie heure après on était à poil dans notre coin secret à Tim et à moi. On passa la journée à discuter, somnoler, se baigner.
Je leur parlais de la discussion que j'avais eu au matin avec mes parents, Tim nous parla de sa relation plus que bancale maintenant avec Marie. Ils avaient décidé de faire un break. Et dans son for intérieur, Tim avait déjà mis une croix sur leur relation.
Il n'accusait pas Marie de ne pas y mettre du sien. Fataliste, il disait simplement qu'ils n'étaient pas faits pour vivre ensemble, au-delà de leurs études. Que leur histoire resterait un bon moment de sa vie.
Toute bonne chose ayant une fin, c'est deux jours avant la rentrée qu'on remonta sur Valence. Joris était rentré la veille. Et on se retrouva avec plaisir. Il était un peu nostalgique des semaines qu'il avait passé avec Rémi, un Rémi qui lui manquait déjà.
Deux heures après notre arrivée, ça frappait à la porte. C'était Jean.
– Bonjour les garçons, ça nous fait plaisir que vous soyez enfin rentré. Sans vous cette maison est beaucoup trop calme. On croirait qu'elle est habité par des petits vieux.
Ça nous fit rire.
– Je voulais vous avertir qu'on a loué le studio à un jeune homme qui comme vous, va suivre des cours à l'école d’infirmiers. Il s'appelle Titouan. C'est un gentil garçon mais il parait très timide, jusqu’ici, du moins. Il a tout juste dix-huit ans et il sort d'un trou perdu de Lozère. Alors ne le brusquez pas trop.
– Bah allez-y ! Dites aussi qu'on est des sauvages !
– Je n'irai pas jusque-là, non plus. Mais parfois… Hahaha ! Bon, assez plaisanté ! Liam, vous n'avez pas fini vos études, vous ?
– Si ! J'ai eu mon master mais tant que Bé n'a pas fini les siennes, je reste avec lui. Et en attendant je vais commencer mon business ici. Aux States la mode change. Ce n'est plus les vieux meubles massifs qui ont la cote mais plutôt les choses des années cinquante / soixante. Alors il va falloir que je trouve un entrepôt où je pourrais stocker un ou deux conteneurs pour les remplir avant de les envoyer à ma mère au fur et à mesure qu'ils seront pleins.
– Il faut que j'en parle avec Pierre et on en reparlera plus tard, si tu veux bien. Car je pense pouvoir t'aider sur ce coup là. Je te donnerai une réponse rapidement.
Au fait les garçons, vous remercierez encore monsieur Cyprien parce que ses plants sont le top du top. Tous nos amis sont conquis par le goût qu'ont nos légumes.
Ce soir passez donc boire l’apéro. J'inviterai aussi Titouan pour que vous fassiez connaissance avec lui.
On mangea un bout vite fait et on passa l'après-midi au bord de la piscine. On avait mis un maillot de bain pour l’occasion, ne voulant pas effrayer le petit nouveau. Quand Pierre et Jean passèrent pour aller ramasser quelques légumes on les accompagna jusqu'au jardin.
– Il n'a jamais été aussi joli depuis le nombre d’années qu’on l’a.
– Et tu oublies de préciser, autant productif, Jean. Tout le quartier en profite. Et l'idée de planter les courges dans le compost, ça vient de Cyprien je suppose.
– Oui chez nous il a toujours fait comme ça. Et on a toujours eu plein de courges mais lui il n'en fait qu'une variété. Il appelle ça les courges à Madeleine. Il paraît qu'il a récupéré les graines quand il était gamin d'une vielle bonne femme qui avait plus de quatre-vingts ans, à l’époque.
– Et qu’ont elles de spéciales ces courges ?
– C'est comme des Butternut mais les plus petites font vingt kilos.
– Ah, quand même. Bon on vous laisse, on vous attend pour dix-neuf heures les garçons.
On resta à la piscine jusque vers dix-huit heures et on monta se doucher et se préparer. Une heure plus tard, on sonnait à la porte de nos voisins.
C'est Pierre qui nous ouvrit, un plateau de zakouski en main.
– Entrez, entrez, Titouan est arrivé, on est sur le balcon.
– Vous avez besoin d'un coup de main ?
– Puisque vous le proposez, prenez en cuisine un plateau chacun et apportez-les sur la table. Avec tout ce qu'on a fait ça sera sûrement un apéritif dînatoire.
Titouan était assis en face de la porte. Il portait un tee-shirt blanc sur un bermuda beige et des claquettes. Il était bronzé et en nous voyant arriver il se leva. Il était grand et fin. Presque aussi grand que moi mais aussi fin que Joris. Quoique, Joris cet été s'était bien musclé. Un sourire sympathique sous des yeux noirs, des cheveux châtain, mi longs. On se serra la main au fur et à mesure que Jean nous présentait.
La discussion fut longue à démarrer et c'est quand Pierre lui demanda ce qu'il avait fait pendant les vacances et que Titouan nous dit qu'il avait bossé dans un camping au Cap d’Agde que ça s’anima. Quand il donna le nom du camping, j’avais souris, et il le remarqua.
– Tu connais ?
– Oui, j'y suis déjà allé plusieurs fois. Du coup tu es bronzé de tout partout.
– Oui, de partout en effet.
– C'est quoi ce camping ?
– C'est un camping naturiste, Joris.
– Ah ok, ça doit être cool de vivre à poil tout le temps. On l'a fait quand on était aux Etats-Unis pendant une semaine et j'ai bien aimé.
– Vous êtes allés aux Etats-Unis ? C'est mon rêve d'y aller un jour. Vous étiez où ?
– En Californie principalement mais on est aussi allé à New-York et à Washington.
– Vous en avez du bol. Mais dis-moi Liam ça vient d'où ton prénom ?
– De mon arrière-grand-père qui était Irlandais.
– Et il est venu vivre en France ?
– Non pas du tout. Ma famille a émigré aux Etats-Unis lors de la grande famine en Irlande, en 1845.
– Mais… tu veux dire que tu es Américain ?
– Hé oui, un pur souche de Los Angeles.
– Tu te fous de moi, tu parles le français à la perfection et avec l'accent du sud.
– Hé, hé ! Disons que ma mère est française, alors ça aide mais l'accent je l'ai pris ici, à force de les côtoyer et encore cette année il n'y a plus que Bébé qui l'a l'accent, mais l'an dernier il y en avait deux autres.
– Heu, c'est qui Bébé ?
– C'est moi, c'est mon surnom.
Son regard fit l’aller-retour sur mon physique et il éclata de rire. Ensuite, il fallut que je lui explique le pourquoi. Puis on lui posa aussi des questions sur lui. Il sortait de l'assistance publique. Il était passé par plusieurs foyers et familles d’accueil. Ça n'avait pas toujours été rose pour lui mais ça lui avait forgé un caractère dur et solitaire. Il adorait courir et se dépasser. Il avait été champion de France Junior en 10 000 m…
On finit tout ce que Pierre et Jean avaient préparé et chacun rentra chez soi.
Le lendemain matin je quittais l’appart pour courir et alors que je passais la porte Titouan sortait de son studio, lui aussi en tenue de sport – short de running échancré, bleu Bic et marcel bleu ciel.
– Tu vas courir ?
– Oui, toi aussi ?
– On y va ensemble si tu veux ?
– Oui, bien sûr. Tu vas courir où d’habitude ?
– Au parc mais là j'ai envie d'aller le long du Rhône. Ça te dit ?
– Oh oui, parce que depuis une semaine que je suis là, je commence à en avoir un peu marre de tourner autour du parc.
– Ok, suis-moi.
Et comme on tournait au bout de l'impasse on tomba sur Alexis qui partait courir, lui aussi.
– Hé Jeff, tu vas courir où ?
– Le long du Rhône. Tu viens avec nous ?
– Pourquoi pas.
– Je te présente Titouan, c'est lui qui habite le studio à présent. Et lui c'est Alexis.
Ils se firent un sourire et on partit en trottinant. Une fois le long des berges on allongea la foulée mais on voyait que Titouan était bien plus doué que nous.
279