14-11-2022, 01:03 PM
– Je suis enchanté de vous connaître, messieurs. Je n'ai pas encore eu l'occasion de vous remercier, comme j'ai pu le faire avec la plupart des autres participants de cet acte héroïque.
Pourriez-vous me donner un mail ou une adresse en France afin que je puisse vous contacter? Ça m’évitera les démarches auprès du consulat.
– Oui bien sûr, on va vous donner ça.
– Vous connaissez aussi le troisième jeune homme, je crois.
– Oui, c'est un de nos amis, on habite ensemble.
– Vous pourriez me donner aussi son nom ?
– Évidemment, on vous donnera cela aussi.
On discuta encore un moment. Liam lui donna sa carte avec, mon nom, celui de Tim et nos adresses mail, écrits au dos. Il nous serra la main et, en regagnant nos sièges, qui je vis dans les passagers ? Les Marines qui nous avaient aidé le 11 septembre. Ils ne m'avaient pas vu. Ils étaient dans le fond de l’appareil et en grande discussion. Marien vint discuter avec nous.
– Dis voir Marien, tu sais qui je viens de voir ?
– Non, dis-moi.
– Les deux marines qui nous ont aidé le 11 septembre.
– T'es sérieux ?
– Bin oui.
– Ils sont où ?
– C'est les deux beaux gosses aux cranes rasés , là-bas, au fond, à droite.
– Je vais le dire à mon père. Il y a encore des places libres en première.
Marien alla prévenir son père et il fit venir les Marines en première.
– Salut les gars, comment ça va ?
– Jeff, Liam, mais quelle bonne surprise. Qu'est-ce que vous faites là ?
– On rentre en France, et vous ?
– On est muté au consulat de Lyon. Vous connaissez cette ville ?
– Moi non mais Liam oui. Il y a vécu cinq ans. Il pourra vous renseigner. Hein, Liam!
– Mais oui, pas de souci et comme on habite une ville à 100 km au sud de Lyon on pourra se voir souvent.
Marien revint vers nous:
– Les mecs, mon père voudrait faire des photos avec vous quatre, ça vous dérange pas ?
– Non pas de soucis, on lui doit bien ça pour ce qu'il a fait pour nous.
– Non pour ce que vous avez fait pour lui parce que sans vous je n'aurai plus de papa , je ne sais pas si vous êtes au courant, il faisait un remplacement de derrière minute et était copilote sur ce vol.
Et il fondit en larmes. On se leva et on le prit dans nos bras tous les quatre.
– Marien qu'est-ce qu'il se passe, collègue ?
– C'est rien mademoiselle, il a un petit coup de blues. Des mauvais souvenirs.
– Oui, c'est vrai que depuis le 11 septembre on est tous sur les dents. Le commandant était dans un des avions qui ont failli être détourné mais grâce à quelques passagers leur coup a foiré.
Ah Daniel, Marien va pas bien. Je vais le remplacer.
– Non Pa, ça va, c'est pas la peine. Allez à l'avant que je fasse les photos. Tu veux en faire aussi Amélie ?
– Mais pourquoi tu veux que je fasse des photos avec eux ?
– Tu ne les a pas reconnus ?
– Non, qui c’est ?
– Quatre des gars qui ont sauvé l'avion du 11 septembre.
– T'es sérieux là ?
– Tu penses que je plaisanterai avec ça?
Un monsieur la quarantaine se leva et vint nous voir, demandant si lui aussi pouvait faire une photo de nous. Mais il nous avoua de suite qu'il était journaliste et qu'il ferait un article sur notre rencontre, plus qu'improbable et due au hasard.
Forcément, ce petit manège n'échappa pas aux passagers des premières, beaucoup demandèrent qui on était… Et on dut poser avec pas mal d'entre eux. Puis le calme se fit et on passa le temps du voyage à discuter avec nos Marines.
On se sépara à l'aéroport après avoir échangé nos numéros de portables et on prit dans la foulée un TGV pour Nîmes où Tim vint nous récupérer. Tout le long du chemin il fallut lui raconter en détail tout ce qu'on avait fait et lui nous parla de ce qu'avait été ses occupations.
– Au fait Tim, j'ai une idée pour que tu te fasses plus de tunes.
– Je suis preneur parce que, franchement, je roule pas sur l'or en ce moment.
– En fait, c'est Kaleb qui fait ça, et j’ai pensé à toi. À partir du mois de février il fait des semis dans des godets qu'il revend sur les marchés au printemps. Et il se fait pas mal de tunes avec ça.
– Oui, c'est une bonne idée mais seul ça va pas être évident.
– Marie n'aura qu'à t’aider.
– Oui, sauf que Marie et moi c'est pas le top en ce moment.
– Ah merde, il se passe quoi ?
– Vu que je fais que bosser, on se voit plus trop et elle, elle voudrait qu'on sorte, qu’on aille au resto puis que je change de boulot pour avoir plus de fric. Mais elle n'a pas compris que c'est ici que je veux vivre. Et surtout, je ne veux pas bosser pour une grande enseigne, comme elle le fait.
Ton idée semble excellente pour les plants mais il faudrait un plus, pour que je me démarque des autres.
– Tu n'auras qu'à demander à Cyprien de te refiler de ses graines. Tu sais les vielles variétés qu'il cultive pour nous. Il en a des pleines boites. En plus je suis sûr que ça lui fera plaisir de te les donner.
– D’accord, j'irai lui en parler.
Quand on arriva il y avait mes grands-parents et le Papé à la maison. Tim resta manger avec nous.
Durant le repas il fallut bien sûr raconter nos vacances et je montrais à Cyprien ce que j'avais fait faire à sa demande pour son pote Joé. C'était une plaque avec la fameuse photo des trois castars durant la guerre et il avait fait écrire dessus: À bientôt, mon vieil ami.
Ça plomba un peu l’ambiance, mais on était tous conscient - lui en premier - qu'à 96 ans il ne lui restait que quelques années à vivre.
D'ailleurs un jour, à ses 90 ans, je ne sais plus qui lui avait demandé quelle était sa plus grande peur et il avait répondu que c'était de vivre trop longtemps car il en avait marre d’enterrer des proches et amis souvent plus jeunes que lui!
– Bé, demain j'aurai besoin de toi au jardin. Avec ton grand père on a essayé de déplacer un bidon dans le cabanon du jardin mais on n'a pas pu. Viens vers huit heures comme ça tu prendras ton petit déjeuner avec nous.
– Mais Papa, tu sais bien que demain matin j'ai rendez-vous chez le docteur ! et c'est François qui m'y emmène .
– Eh bien, on fera sans toi, François. Bé, est bien plus costaud seul que deux vieux comme nous.
On discuta encore un moment puis tout le monde s’en alla au lit. On se fit un gros câlin avant de dormir. Pour ça, je me collais à Liam. Son odeur et le bruit de sa respiration m'aidaient à m’assoupir.
Le jour se levait et moi aussi. Je m'habillais et tout doucement, fermais les volets pour que mon chéri puisse dormir encore un peu.
À la cuisine je trouvais mon père et ma mère qui discutaient.
– Bonjour, les parents.
– Tu es déjà réveillé ?
– Oui, bon, réveillé, je sais pas trop mais debout c’est sûr.
– Il y a du café de prêt. Au fait Bé, on n’a pas eu le temps d’y songer, hier, avec votre retour mais tu vas être tonton, d'ici quelques mois.
– Ah bon, c'est qui, Léa ou Audrey ?
– C'est les deux ! et ils devraient naître à quelques jours d’intervalle. Mais je suis un peu déçue parce que l’échographie dit que c'est encore des garçons.
– C'est pas grave, ça!
– Mais les petites filles sont plus affectueuses que les garçons.
– Tu n'auras qu'à leur demander de t'en faire d'autres, Agnès.
– Alain, ça ne va pas non ! Ça va déjà leur en faire deux chacun.
– Et alors, nous on en a bien élevé trois, et pas trop mal je trouve. Même si le petit dernier est un peu casse-pieds, parfois.
– Oh, ça va ! Y'a pas plus gentil et joli que moi.
– Modeste aussi, je le reconnais.
– Je suis juste désolé de vous avoir déçu et je ne pourrais jamais vous donner de petits enfants comme Antho et Audrey.
Là il y eut un grand silence et c'est mon père qui reprit la parole.
– Mais qu'est-ce que tu racontes, Jean-François ? Tu penses nous avoir déçu parce que tu as un garçon comme compagnon, au lieu d'une fille ? Là, tu dis n'importe quoi !
Tu es comme tu es et avec ta mère on t'accepte tel que tu es. Tu es gentil, serviable, tu as bon fond, tu es honnête, droit, franc, pas méchant pour deux sous. Le fils rêvé que beaucoup nous envie. Alors sors toi de la tête que tu nous as déçu.
– Je n'ai pas grand-chose à ajouter de plus sur ce qu'a dit ton père. Mais ce qui me décevrait c'est que tu changes et que tu deviennes ce que tu pourrais imaginé que d’autres désirent et que tu ne sois plus toi-même.
Une boule d'émotion me nouait la gorge et je n'arrivais même plus à parler. C'est vrai que jamais je n'avais parlé de ma sexualité à mes parents. Ils savaient que j'étais gay et l'avaient accepté. En fait… je ne savais même pas s'ils l'avaient accepté parce que je ne leur avais jamais demandé leur avis. Ni même, n'en avait-on jamais discuté, jusqu'à aujourd’hui.
Et là, comme ça, je me fais remonter gentiment les bretelles en quelques mots par eux !
Ma mère vint me serrer entre ses bras et mon père m'ébouriffa les cheveux.
– Allez bois un café, ça va te remettre de tes émotions. Et surtout ne change rien.
– Merci.
– Il n'y a pas de merci à dire. Avec ta mère on t'a dit ce qu'on avait sur le cœur, on aurait peut-être dû le faire avant mais tu sais, parler des sentiments ou de l’intimité, ça se fait pas trop chez nous. Mais on devrait. D'ailleurs il faudra aussi qu'on parle à ton frère et à Léa, qui nous cachent depuis des années qu'ils sont naturistes. Il n'y a rien de honteux à vivre nu. On est vieux jeu mais pas à ce point.
– Hein! Mais comment vous savez ça ? Ça fait longtemps ?
– Depuis la première année où tu es parti avec Tim en vacances avec eux. Ton frère avait oublié ses papiers. Il m'avait juste noté le nom du camping et son numéro de téléphone sur un bout de papier. Alors j'ai appelé pour qu'on lui laisse un message, lui demandant de me rappeler et quand la fille a répondu au téléphone elle a dit 'camping naturiste du Cap d'Agde bonjour’. C'est de là qu'on l'a su. Alors tu vois, ton père et moi on se moque de la façon dont vous vivez pourvu que vous soyez heureux.
– Il n'y a plus que Audrey et Pierrick qui soient de la ‘norme’, dans les jeunes de cette famille, Man.
– N'en sois pas si sûr, Bé. On pourrait avoir des surprises un jour. On n'est jamais à l'abri de rien.
– On file au boulot et toi tu devrais te dépêcher parce que c'est bientôt l’heure et tu sais que ton arrière-grand-père a avalé un coucou suisse.
Je bus un autre café et deux minutes avant huit heures j'arrivais au jardin chez mes grands-parents et trouvais Cyprien assis sur son banc de pierre sous le cerisier. Je lui fis la bise.
– Tu es juste à l’heure, viens avec moi dans la cabane.
On y entra.
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Pourriez-vous me donner un mail ou une adresse en France afin que je puisse vous contacter? Ça m’évitera les démarches auprès du consulat.
– Oui bien sûr, on va vous donner ça.
– Vous connaissez aussi le troisième jeune homme, je crois.
– Oui, c'est un de nos amis, on habite ensemble.
– Vous pourriez me donner aussi son nom ?
– Évidemment, on vous donnera cela aussi.
On discuta encore un moment. Liam lui donna sa carte avec, mon nom, celui de Tim et nos adresses mail, écrits au dos. Il nous serra la main et, en regagnant nos sièges, qui je vis dans les passagers ? Les Marines qui nous avaient aidé le 11 septembre. Ils ne m'avaient pas vu. Ils étaient dans le fond de l’appareil et en grande discussion. Marien vint discuter avec nous.
– Dis voir Marien, tu sais qui je viens de voir ?
– Non, dis-moi.
– Les deux marines qui nous ont aidé le 11 septembre.
– T'es sérieux ?
– Bin oui.
– Ils sont où ?
– C'est les deux beaux gosses aux cranes rasés , là-bas, au fond, à droite.
– Je vais le dire à mon père. Il y a encore des places libres en première.
Marien alla prévenir son père et il fit venir les Marines en première.
– Salut les gars, comment ça va ?
– Jeff, Liam, mais quelle bonne surprise. Qu'est-ce que vous faites là ?
– On rentre en France, et vous ?
– On est muté au consulat de Lyon. Vous connaissez cette ville ?
– Moi non mais Liam oui. Il y a vécu cinq ans. Il pourra vous renseigner. Hein, Liam!
– Mais oui, pas de souci et comme on habite une ville à 100 km au sud de Lyon on pourra se voir souvent.
Marien revint vers nous:
– Les mecs, mon père voudrait faire des photos avec vous quatre, ça vous dérange pas ?
– Non pas de soucis, on lui doit bien ça pour ce qu'il a fait pour nous.
– Non pour ce que vous avez fait pour lui parce que sans vous je n'aurai plus de papa , je ne sais pas si vous êtes au courant, il faisait un remplacement de derrière minute et était copilote sur ce vol.
Et il fondit en larmes. On se leva et on le prit dans nos bras tous les quatre.
– Marien qu'est-ce qu'il se passe, collègue ?
– C'est rien mademoiselle, il a un petit coup de blues. Des mauvais souvenirs.
– Oui, c'est vrai que depuis le 11 septembre on est tous sur les dents. Le commandant était dans un des avions qui ont failli être détourné mais grâce à quelques passagers leur coup a foiré.
Ah Daniel, Marien va pas bien. Je vais le remplacer.
– Non Pa, ça va, c'est pas la peine. Allez à l'avant que je fasse les photos. Tu veux en faire aussi Amélie ?
– Mais pourquoi tu veux que je fasse des photos avec eux ?
– Tu ne les a pas reconnus ?
– Non, qui c’est ?
– Quatre des gars qui ont sauvé l'avion du 11 septembre.
– T'es sérieux là ?
– Tu penses que je plaisanterai avec ça?
Un monsieur la quarantaine se leva et vint nous voir, demandant si lui aussi pouvait faire une photo de nous. Mais il nous avoua de suite qu'il était journaliste et qu'il ferait un article sur notre rencontre, plus qu'improbable et due au hasard.
Forcément, ce petit manège n'échappa pas aux passagers des premières, beaucoup demandèrent qui on était… Et on dut poser avec pas mal d'entre eux. Puis le calme se fit et on passa le temps du voyage à discuter avec nos Marines.
On se sépara à l'aéroport après avoir échangé nos numéros de portables et on prit dans la foulée un TGV pour Nîmes où Tim vint nous récupérer. Tout le long du chemin il fallut lui raconter en détail tout ce qu'on avait fait et lui nous parla de ce qu'avait été ses occupations.
– Au fait Tim, j'ai une idée pour que tu te fasses plus de tunes.
– Je suis preneur parce que, franchement, je roule pas sur l'or en ce moment.
– En fait, c'est Kaleb qui fait ça, et j’ai pensé à toi. À partir du mois de février il fait des semis dans des godets qu'il revend sur les marchés au printemps. Et il se fait pas mal de tunes avec ça.
– Oui, c'est une bonne idée mais seul ça va pas être évident.
– Marie n'aura qu'à t’aider.
– Oui, sauf que Marie et moi c'est pas le top en ce moment.
– Ah merde, il se passe quoi ?
– Vu que je fais que bosser, on se voit plus trop et elle, elle voudrait qu'on sorte, qu’on aille au resto puis que je change de boulot pour avoir plus de fric. Mais elle n'a pas compris que c'est ici que je veux vivre. Et surtout, je ne veux pas bosser pour une grande enseigne, comme elle le fait.
Ton idée semble excellente pour les plants mais il faudrait un plus, pour que je me démarque des autres.
– Tu n'auras qu'à demander à Cyprien de te refiler de ses graines. Tu sais les vielles variétés qu'il cultive pour nous. Il en a des pleines boites. En plus je suis sûr que ça lui fera plaisir de te les donner.
– D’accord, j'irai lui en parler.
Quand on arriva il y avait mes grands-parents et le Papé à la maison. Tim resta manger avec nous.
Durant le repas il fallut bien sûr raconter nos vacances et je montrais à Cyprien ce que j'avais fait faire à sa demande pour son pote Joé. C'était une plaque avec la fameuse photo des trois castars durant la guerre et il avait fait écrire dessus: À bientôt, mon vieil ami.
Ça plomba un peu l’ambiance, mais on était tous conscient - lui en premier - qu'à 96 ans il ne lui restait que quelques années à vivre.
D'ailleurs un jour, à ses 90 ans, je ne sais plus qui lui avait demandé quelle était sa plus grande peur et il avait répondu que c'était de vivre trop longtemps car il en avait marre d’enterrer des proches et amis souvent plus jeunes que lui!
– Bé, demain j'aurai besoin de toi au jardin. Avec ton grand père on a essayé de déplacer un bidon dans le cabanon du jardin mais on n'a pas pu. Viens vers huit heures comme ça tu prendras ton petit déjeuner avec nous.
– Mais Papa, tu sais bien que demain matin j'ai rendez-vous chez le docteur ! et c'est François qui m'y emmène .
– Eh bien, on fera sans toi, François. Bé, est bien plus costaud seul que deux vieux comme nous.
On discuta encore un moment puis tout le monde s’en alla au lit. On se fit un gros câlin avant de dormir. Pour ça, je me collais à Liam. Son odeur et le bruit de sa respiration m'aidaient à m’assoupir.
Le jour se levait et moi aussi. Je m'habillais et tout doucement, fermais les volets pour que mon chéri puisse dormir encore un peu.
À la cuisine je trouvais mon père et ma mère qui discutaient.
– Bonjour, les parents.
– Tu es déjà réveillé ?
– Oui, bon, réveillé, je sais pas trop mais debout c’est sûr.
– Il y a du café de prêt. Au fait Bé, on n’a pas eu le temps d’y songer, hier, avec votre retour mais tu vas être tonton, d'ici quelques mois.
– Ah bon, c'est qui, Léa ou Audrey ?
– C'est les deux ! et ils devraient naître à quelques jours d’intervalle. Mais je suis un peu déçue parce que l’échographie dit que c'est encore des garçons.
– C'est pas grave, ça!
– Mais les petites filles sont plus affectueuses que les garçons.
– Tu n'auras qu'à leur demander de t'en faire d'autres, Agnès.
– Alain, ça ne va pas non ! Ça va déjà leur en faire deux chacun.
– Et alors, nous on en a bien élevé trois, et pas trop mal je trouve. Même si le petit dernier est un peu casse-pieds, parfois.
– Oh, ça va ! Y'a pas plus gentil et joli que moi.
– Modeste aussi, je le reconnais.
– Je suis juste désolé de vous avoir déçu et je ne pourrais jamais vous donner de petits enfants comme Antho et Audrey.
Là il y eut un grand silence et c'est mon père qui reprit la parole.
– Mais qu'est-ce que tu racontes, Jean-François ? Tu penses nous avoir déçu parce que tu as un garçon comme compagnon, au lieu d'une fille ? Là, tu dis n'importe quoi !
Tu es comme tu es et avec ta mère on t'accepte tel que tu es. Tu es gentil, serviable, tu as bon fond, tu es honnête, droit, franc, pas méchant pour deux sous. Le fils rêvé que beaucoup nous envie. Alors sors toi de la tête que tu nous as déçu.
– Je n'ai pas grand-chose à ajouter de plus sur ce qu'a dit ton père. Mais ce qui me décevrait c'est que tu changes et que tu deviennes ce que tu pourrais imaginé que d’autres désirent et que tu ne sois plus toi-même.
Une boule d'émotion me nouait la gorge et je n'arrivais même plus à parler. C'est vrai que jamais je n'avais parlé de ma sexualité à mes parents. Ils savaient que j'étais gay et l'avaient accepté. En fait… je ne savais même pas s'ils l'avaient accepté parce que je ne leur avais jamais demandé leur avis. Ni même, n'en avait-on jamais discuté, jusqu'à aujourd’hui.
Et là, comme ça, je me fais remonter gentiment les bretelles en quelques mots par eux !
Ma mère vint me serrer entre ses bras et mon père m'ébouriffa les cheveux.
– Allez bois un café, ça va te remettre de tes émotions. Et surtout ne change rien.
– Merci.
– Il n'y a pas de merci à dire. Avec ta mère on t'a dit ce qu'on avait sur le cœur, on aurait peut-être dû le faire avant mais tu sais, parler des sentiments ou de l’intimité, ça se fait pas trop chez nous. Mais on devrait. D'ailleurs il faudra aussi qu'on parle à ton frère et à Léa, qui nous cachent depuis des années qu'ils sont naturistes. Il n'y a rien de honteux à vivre nu. On est vieux jeu mais pas à ce point.
– Hein! Mais comment vous savez ça ? Ça fait longtemps ?
– Depuis la première année où tu es parti avec Tim en vacances avec eux. Ton frère avait oublié ses papiers. Il m'avait juste noté le nom du camping et son numéro de téléphone sur un bout de papier. Alors j'ai appelé pour qu'on lui laisse un message, lui demandant de me rappeler et quand la fille a répondu au téléphone elle a dit 'camping naturiste du Cap d'Agde bonjour’. C'est de là qu'on l'a su. Alors tu vois, ton père et moi on se moque de la façon dont vous vivez pourvu que vous soyez heureux.
– Il n'y a plus que Audrey et Pierrick qui soient de la ‘norme’, dans les jeunes de cette famille, Man.
– N'en sois pas si sûr, Bé. On pourrait avoir des surprises un jour. On n'est jamais à l'abri de rien.
– On file au boulot et toi tu devrais te dépêcher parce que c'est bientôt l’heure et tu sais que ton arrière-grand-père a avalé un coucou suisse.
Je bus un autre café et deux minutes avant huit heures j'arrivais au jardin chez mes grands-parents et trouvais Cyprien assis sur son banc de pierre sous le cerisier. Je lui fis la bise.
– Tu es juste à l’heure, viens avec moi dans la cabane.
On y entra.
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