06-09-2022, 11:02 AM
Le lendemain Louis m'attendait un bon quart d'heure avant l'heure fixée, mais au lieu de monter chez moi il était assis sur un petit muret à m'attendre. Je devinais qu'il ne voulait pas me faire attendre et surtout éviter que je parte sans lui ! Lorsque je remarquais son sac à dos bien rebondis et garnis d'objets divers suspendus à l'extérieur, je le fis monter afin de vérifier le contenu car je me méfiais qu'il avait pris beaucoup trop de choses, sans réaliser qu'il faudrait qu'il les porte sur son dos. La plupart de ses vêtements avaient été multipliés par quatre, "un par jour plus un de réserve" me dit-il ! Des trois vêtements chauds je lui en laissais un et finalement son sac avait trouvé un poids plus raisonnable surtout lorsque j'eus enlevé trois livres dont un assez volumineux. En procédant au remaniement de son sac, je ne pus m'empêcher de sourire en voyant ses boxers avec des dessins qui témoignaient que Louis avait encore un caractère sinon enfantin tout au moins jeune.
Après avoir laissé la voiture nous nous sommes mis véritablement en route, sur le sentier peu après treize heure et, compte tenu de la raideur immédiate du petit chemin, je pris immédiatement mon allure de montagne, très lente au départ afin de permettre à la synchronisation entre les jambes, les poumons et le cœur de se mettre en route. Ce n'est qu'au bout d'un moment que l'on peut commencer à accélérer le rythme mais sans chercher à battre des records afin de se donner le temps d'admirer le paysage, de cueillir en passant quelques myrtilles, en un mot de profiter de la nature et de tout ce qu'elle offre à ceux qui savent exercer les sens dont nous sommes munis. De temps à autre je jetais un œil sur Louis afin de m'assurer qu'il me suivait sans peine, ce que je n'avais pas fait en son temps pour Jules, car j'étais conscient que c'était sa première grande course. Sa respiration était normale, il avait adopté mon rythme de marche et surtout je sentais qu'il appréciait l'effort, indiscutable, nécessaire pour atteindre le but que nous nous étions fixés, la Bergerie, qui était encore bien loin. Je ne me faisais pas de soucis, Louis tiendrait le coup sans autre problèmes même si la fatigue finirait par se faire sentir. Ce qui me réjouit, c'est qu'à plusieurs reprises, lorsque je me retournais, il me fit un bon et large sourire, témoignage qu'il appréciait cette découverte, peut-être aussi au plaisir d'être avec moi.
Toutes les cinquante minutes nous faisions une petite halte pour nous désaltérer, manger une barre de chocolat ou d'avoine. Ces haltes étaient toujours brèves car sinon la remise en marche de la machine était pénible, il fallait repartir pendant que les muscles étaient encore chauds. La sueur coulait dans le dos, sur la poitrine et les gouttes s'arrêtaient à la lisière de l'élastique car il y a longtemps que nous avions enlevé nos T-shirts. Il était beau mon jeune compagnon, les joues rougies par l'effort, son corps ruisselant par la transpiration, ses jambes musclées qui sortaient de son mini-jeans. C'était véritablement un plaisir de l'observer dans la force de sa jeunesse, conscient je pense de l'attirance normale qu'il pouvait exercer sur son entourage.
Cela faisait plus de cinq heures que nous étions en route et je lisais la fatigue sur le visage de Louis mais qui conservait malgré tout son air enjoué. Dans un des derniers raidillons, le plus raide, il me dit soudain "j'ai comme l'impression que mon corps, tout mon être marchent à côté de moi mais avec moi". Sans pouvoir le définir, Louis commençait à s'imprégner de l'esprit de la montagne.
Un dernier petit ressaut et la Bergerie apparut à une centaine de mètres, se confondant avec les rochers qui l'entourent en même temps que la vue sur les grands sommets se découvrait. "Ouais ! je ne pensais pas que cela pouvait être aussi beau". Louis se tut, je le sentais comme ému, il le fut encore plus lorsqu'il remarqua une harde de chamois. "Tu verras, je suis presque certain que demain matin il y en a un ou deux qui viendront donner des coups de corne pour quémander du sel". J'étais également ému car chaque fois que je retrouve ma Bergerie cela me fait quelque chose mais aussi en raison du fait que je découvrais en Louis une grande sensibilité que je n'avais pas soupçonnée.
Cinq minutes plus tard, la porte était ouverte, les protections en bois devant les fenêtres enlevées et celles-ci laissaient entrer les derniers rayons du soleil. Nos sacs furent vidés et leurs contenus rangés là où ils devaient être. Nous nous étions changés, Louis avait pris une douche (je l'entendis hurler car l'eau était encore à 10°) et mis des vêtements secs. Pendant ce temps j'avais sorti de la cambuse ce qu'il fallait pour un petit apéritif, la température permettait encore tout juste de se tenir sur le petit banc appuyé contre la paroi en pierre qui, elle, était encore tiède. Une bouteille de ma petite Arvine, une partie de la saucisse à l'ail coupée en fines rondelles et des brisures de Parmesan : tout ce qu'il fallait pour récupérer de la fatigue de la montée. Après la douche de Louis j'avais pris la relève et j'avais mis mon vieux mais confortable bermuda qui restait toujours dans la petite maison. Nous étions tous les deux pieds nus, heureux de pouvoir les laisser s'aérer. Louis était silencieux, regardant partout comme s'il cherchait à s'imprégner de la magie du lieu. Je sentais qu'il fallait le laisser en paix, ne pas troubler sa réflexion mais également le laisser digérer la fatigue de la montée. Je commençais à préparer le repas du soir et j'allumais la cuisinière à bois afin d'avoir suffisamment de braises pour la raclette que j'avais prévue. Je jetais un coup d'œil dehors et je constatais que Louis s'était endormi. Je le couvris avec une couverture et le laissais récupérer.
J'étais dans la contemplation d'un livre (Le Mont Blanc de Stefano Ardito) essentiellement composé de superbes photos des montagnes composant le massif du Mont Blanc. C'est alors que surgit Louis disant qu'il mourait de faim mais en voyant que tout était prêt il s'arrêta tout gêné de n'avoir pas participé à la préparation. Je le rassurais car il n'y a pas grand-chose à faire pour ce menu-raclettes. À l'énoncé du menu qui nous attendait ce fut de sa part une véritable explosion de joie en affirmant que c'était exactement ce qu'il fallait pour ce lieu enchanteur. J'étais en train de racler la première portion lorsqu'il se pencha vers moi et m'embrassa rapidement sur les deux joues. Comme toujours, le fromage de la laiterie N. était succulent, le solde de la bouteille était exactement ce qu'il nous fallait et les meringues à la crème double nous achevèrent.
La nuit sans lune était d'un noir profond où seule la myriade d'étoiles donnait un certain relief. Très bas dans la vallée quelques lumières nous rappelaient l'existence du monde habité. Nous étions seuls au milieu de cette immensité, de ce silence total qu'il en était presque dérangeant. Sans le remarquer, j'avais passé un bras sur ses épaules alors que, serré contre moi, il m'entourait à la hauteur de la hanche. Je ne sais pas ce qu'il en était pour lui, mais j'étais parfaitement détendu, sans aucune pression de quelque sorte.
À mi-octobre les nuits sont très fraîches, surtout à l'altitude où nous étions. Un premier frisson de Louis nous ramena sur Terre, nous sommes rentrés pour nous déshabiller. Je vis que Louis m'observait pour savoir quelle serait ma tenue pour dormir car il lui semblait se souvenir lui avoir confié que généralement je dormais nu, mais il ne voulait pas prendre le risque de se tromper. Je commençais à enlever mon boxer et il commença alors à se dévêtir. Il m'a remercié pour cette journée qui, me dit-il, resterait gravée dans sa mémoire. Nous nous sommes dit bonsoir, il m'a embrassé et quelques minutes après j'entendais son souffle tranquille et régulier.
Je ne tardais pas à le suivre. Un ange pouvait passer, il serait lui aussi heureux.
Était-ce la présence d'un dormeur à mes côtés, je dormis jusqu'à une heure inhabituelle pour moi et ce n'est ni le jour et encore moins un réveil qui me fit ouvrir les yeux mais un bruit bizarre qui venait de la porte, bruit qui tira également Louis de son sommeil. J'avais immédiatement compris l'origine de ces coups et je lui fis signe d'être très tranquille. J'allais à la porte sans faire de bruit et, très lentement je l'ouvrais. Je m'attendais à voir un de mes chamois adultes or c'était un tout jeune chevreau, un de ceux venu au monde il y a trois quatre mois. Il me regarda d'un air quelque peu surpris au point qu'il fit un pas en arrière. Je restais parfaitement immobile, il fit alors non pas un pas en avant mais plusieurs au point qu'il était pratiquement dans la pièce, regardant à gauche et à droite comme s'il cherchait quelque chose. Sa mère s'était avancée et ne le quittait pas du regard. Très lentement, je m'approchais du pot en terre où était le sel qui leur était destiné pour en prendre une poignée que je tendis au bébé chamois. D'émotion, celui-ci recula et se trouva entre les pattes avant de sa mère qui, me semble-t-il, le poussa en avant. Sa petite langue encore toute douce me lécha pour goûter ce sel, indispensable pour eux mais encore inconnu pour ce jeunet. Après deux lampées, sa mère le repoussa sans ménagement, c'était son tour. Lorsque Louis se manifesta, les deux bêtes s'enfuirent précipitamment, ils me connaissaient mais Louis était pour eux un inconnu. Cette scène avait une dimension absolument irréelle, comme ressortant d'un conte de fées et pourtant elle était bien réelle.
Pendant que nous profitions de ce spectacle animalier, les aiguilles du vieux coucou (nous arrêtions durant la nuit le "coucou" qui retentissait tous les quarts d'heure !) avaient inexorablement avancé de sorte que notre projet de gravir un petit sommet tombait à l'eau, nous avons décidé de nous accorder une journée de farniente, de profiter du confort, relatif je vous l'accorde, de la Bergerie et de nous laisser dorer par les rayons de cet automne qui allait prochainement se terminer. Vu le temps dont nous disposions, il valait la peine que nous sortions les matelas pour être plus confortablement installés ce qui présenterait, en plus, l'avantage de les aérer avant l'hiver.
Le soleil était agréablement doux, il n'y avait pas un souffle d'air, le calme habituel de la montagne n'était interrompu que par le passage de quelques oiseaux à haute altitude, probablement des aigles ou des gypaètes qu'avec un peu de chance nous verrions soudain plonger à plus de cent kilomètre-heure sur une malheureuse marmotte profitant des dernières occasions de chaleur avant sa longue hibernation.
Nous étions allongés côte à côte, nous rêvassions après nous être mutuellement enduits de crème solaire même si à cette saison nous ne risquions plus grand-chose. Mais le plaisir de sentir la main de l'autre nous frictionnant valait la peine, la sensation ressentie par nos sexes entrain de réagir prudemment à ces caresses médicales sans parler de la volupté éprouvée par le fait de notre nudité
que nous affichions sans pudeur nous plongeaient dans un monde en dehors des réalités de ce même monde.
Au bout d'un moment une main se posa délicatement sur la mienne : cela ne pouvait qu'être celle de Louis. Je ne réagis pas sinon par un léger resserrement de ma main afin qu'il sache que je ne dormais pas et que j'étais conscient de son geste. Un très léger balancement d'un de ses doigts caressait la paume de ma main. Un tressaillement de sa part me fit comprendre qu'il n'était pas indifférent à ce contact, si minime fut-il. Je le regardais, il avait les yeux fermés, tout son corps était parfaitement relaxé à une exception près, son pénis manifestait une légère érection. Au vu de cette fugitive vision, ce fut à mon tour de tressaillir. Il y avait un long moment que nous étions dans cette situation où nous n'avions besoin de rien de plus mais où nous pressentions que quelque chose se préparait ou pourrait survenir. Moments délicieux, presque magiques.
- Tu sais, me dit soudain Louis, en venant avec toi je savais que je te devais une réponse quant à la suite de notre relation que j'avais malencontreusement initiée. J'étais fermement décidé à te dire que j'entendais y mettre fin car j'ai de la peine à m'imaginer la vie commune, ne serait-ce que pour un temps limité, que nous pourrions avoir ensemble. Bien sûr, les garçons ne me laissent pas totalement indifférent mais de là à vivre des aventures avec eux ne me tente vraiment pas.
Ces premières vingt-quatre heures que j'ai passées avec toi, les moments très intenses découverts comme cette idylle entre toi et le petit chamois, ta retenue que je ne pensais pas possible mais en même temps cette extrême sensibilité que je devine dans ta personnalité, l'expression de ton corps, tout cela me fait beaucoup réfléchir. Je ne suis plus aussi affirmatif qu'en partant, j'en arrive à me demander s'il ne vaudrait pas la peine de tenter une expérience, limitée dans le temps mais également dans ce que nous pourrions être tentés de faire.
L'instant immédiat que je passe avec toi, avec ma main qui tient la tienne sur laquelle j'exerce un contact particulier, tout cela ne me laisse pas indifférent.
Pendant qu'il exprimait ce qu'il ressentait, il ne restait pas vraiment inactif, la pression de sa main sur la mienne se faisait plus pressante. Je réalisais que la direction qu'il imprimait à nos mains les rapprochaient de sa cuisse que je sentais tiède sous l'effet du soleil qui continuait à gaver nos corps nus de ses rayons bienfaisants. Je bougeais à mon tour un ou deux doigts qui voulaient profiter du velouté et du grain de sa peau. Sans vraiment le vouloir, comme poussée par une force invisible, ma main toujours dirigée par la sienne prenait contact avec l'intérieur de sa cuisse, là où la texture est la plus douce, là où on a l'impression de caresser un poupon dont l'épiderme est encore vierge de toute impureté. Un moment presque enivrant avec le sentiment de découvrir la source de toute chose.
Après avoir laissé la voiture nous nous sommes mis véritablement en route, sur le sentier peu après treize heure et, compte tenu de la raideur immédiate du petit chemin, je pris immédiatement mon allure de montagne, très lente au départ afin de permettre à la synchronisation entre les jambes, les poumons et le cœur de se mettre en route. Ce n'est qu'au bout d'un moment que l'on peut commencer à accélérer le rythme mais sans chercher à battre des records afin de se donner le temps d'admirer le paysage, de cueillir en passant quelques myrtilles, en un mot de profiter de la nature et de tout ce qu'elle offre à ceux qui savent exercer les sens dont nous sommes munis. De temps à autre je jetais un œil sur Louis afin de m'assurer qu'il me suivait sans peine, ce que je n'avais pas fait en son temps pour Jules, car j'étais conscient que c'était sa première grande course. Sa respiration était normale, il avait adopté mon rythme de marche et surtout je sentais qu'il appréciait l'effort, indiscutable, nécessaire pour atteindre le but que nous nous étions fixés, la Bergerie, qui était encore bien loin. Je ne me faisais pas de soucis, Louis tiendrait le coup sans autre problèmes même si la fatigue finirait par se faire sentir. Ce qui me réjouit, c'est qu'à plusieurs reprises, lorsque je me retournais, il me fit un bon et large sourire, témoignage qu'il appréciait cette découverte, peut-être aussi au plaisir d'être avec moi.
Toutes les cinquante minutes nous faisions une petite halte pour nous désaltérer, manger une barre de chocolat ou d'avoine. Ces haltes étaient toujours brèves car sinon la remise en marche de la machine était pénible, il fallait repartir pendant que les muscles étaient encore chauds. La sueur coulait dans le dos, sur la poitrine et les gouttes s'arrêtaient à la lisière de l'élastique car il y a longtemps que nous avions enlevé nos T-shirts. Il était beau mon jeune compagnon, les joues rougies par l'effort, son corps ruisselant par la transpiration, ses jambes musclées qui sortaient de son mini-jeans. C'était véritablement un plaisir de l'observer dans la force de sa jeunesse, conscient je pense de l'attirance normale qu'il pouvait exercer sur son entourage.
Cela faisait plus de cinq heures que nous étions en route et je lisais la fatigue sur le visage de Louis mais qui conservait malgré tout son air enjoué. Dans un des derniers raidillons, le plus raide, il me dit soudain "j'ai comme l'impression que mon corps, tout mon être marchent à côté de moi mais avec moi". Sans pouvoir le définir, Louis commençait à s'imprégner de l'esprit de la montagne.
Un dernier petit ressaut et la Bergerie apparut à une centaine de mètres, se confondant avec les rochers qui l'entourent en même temps que la vue sur les grands sommets se découvrait. "Ouais ! je ne pensais pas que cela pouvait être aussi beau". Louis se tut, je le sentais comme ému, il le fut encore plus lorsqu'il remarqua une harde de chamois. "Tu verras, je suis presque certain que demain matin il y en a un ou deux qui viendront donner des coups de corne pour quémander du sel". J'étais également ému car chaque fois que je retrouve ma Bergerie cela me fait quelque chose mais aussi en raison du fait que je découvrais en Louis une grande sensibilité que je n'avais pas soupçonnée.
Cinq minutes plus tard, la porte était ouverte, les protections en bois devant les fenêtres enlevées et celles-ci laissaient entrer les derniers rayons du soleil. Nos sacs furent vidés et leurs contenus rangés là où ils devaient être. Nous nous étions changés, Louis avait pris une douche (je l'entendis hurler car l'eau était encore à 10°) et mis des vêtements secs. Pendant ce temps j'avais sorti de la cambuse ce qu'il fallait pour un petit apéritif, la température permettait encore tout juste de se tenir sur le petit banc appuyé contre la paroi en pierre qui, elle, était encore tiède. Une bouteille de ma petite Arvine, une partie de la saucisse à l'ail coupée en fines rondelles et des brisures de Parmesan : tout ce qu'il fallait pour récupérer de la fatigue de la montée. Après la douche de Louis j'avais pris la relève et j'avais mis mon vieux mais confortable bermuda qui restait toujours dans la petite maison. Nous étions tous les deux pieds nus, heureux de pouvoir les laisser s'aérer. Louis était silencieux, regardant partout comme s'il cherchait à s'imprégner de la magie du lieu. Je sentais qu'il fallait le laisser en paix, ne pas troubler sa réflexion mais également le laisser digérer la fatigue de la montée. Je commençais à préparer le repas du soir et j'allumais la cuisinière à bois afin d'avoir suffisamment de braises pour la raclette que j'avais prévue. Je jetais un coup d'œil dehors et je constatais que Louis s'était endormi. Je le couvris avec une couverture et le laissais récupérer.
J'étais dans la contemplation d'un livre (Le Mont Blanc de Stefano Ardito) essentiellement composé de superbes photos des montagnes composant le massif du Mont Blanc. C'est alors que surgit Louis disant qu'il mourait de faim mais en voyant que tout était prêt il s'arrêta tout gêné de n'avoir pas participé à la préparation. Je le rassurais car il n'y a pas grand-chose à faire pour ce menu-raclettes. À l'énoncé du menu qui nous attendait ce fut de sa part une véritable explosion de joie en affirmant que c'était exactement ce qu'il fallait pour ce lieu enchanteur. J'étais en train de racler la première portion lorsqu'il se pencha vers moi et m'embrassa rapidement sur les deux joues. Comme toujours, le fromage de la laiterie N. était succulent, le solde de la bouteille était exactement ce qu'il nous fallait et les meringues à la crème double nous achevèrent.
La nuit sans lune était d'un noir profond où seule la myriade d'étoiles donnait un certain relief. Très bas dans la vallée quelques lumières nous rappelaient l'existence du monde habité. Nous étions seuls au milieu de cette immensité, de ce silence total qu'il en était presque dérangeant. Sans le remarquer, j'avais passé un bras sur ses épaules alors que, serré contre moi, il m'entourait à la hauteur de la hanche. Je ne sais pas ce qu'il en était pour lui, mais j'étais parfaitement détendu, sans aucune pression de quelque sorte.
À mi-octobre les nuits sont très fraîches, surtout à l'altitude où nous étions. Un premier frisson de Louis nous ramena sur Terre, nous sommes rentrés pour nous déshabiller. Je vis que Louis m'observait pour savoir quelle serait ma tenue pour dormir car il lui semblait se souvenir lui avoir confié que généralement je dormais nu, mais il ne voulait pas prendre le risque de se tromper. Je commençais à enlever mon boxer et il commença alors à se dévêtir. Il m'a remercié pour cette journée qui, me dit-il, resterait gravée dans sa mémoire. Nous nous sommes dit bonsoir, il m'a embrassé et quelques minutes après j'entendais son souffle tranquille et régulier.
Je ne tardais pas à le suivre. Un ange pouvait passer, il serait lui aussi heureux.
Était-ce la présence d'un dormeur à mes côtés, je dormis jusqu'à une heure inhabituelle pour moi et ce n'est ni le jour et encore moins un réveil qui me fit ouvrir les yeux mais un bruit bizarre qui venait de la porte, bruit qui tira également Louis de son sommeil. J'avais immédiatement compris l'origine de ces coups et je lui fis signe d'être très tranquille. J'allais à la porte sans faire de bruit et, très lentement je l'ouvrais. Je m'attendais à voir un de mes chamois adultes or c'était un tout jeune chevreau, un de ceux venu au monde il y a trois quatre mois. Il me regarda d'un air quelque peu surpris au point qu'il fit un pas en arrière. Je restais parfaitement immobile, il fit alors non pas un pas en avant mais plusieurs au point qu'il était pratiquement dans la pièce, regardant à gauche et à droite comme s'il cherchait quelque chose. Sa mère s'était avancée et ne le quittait pas du regard. Très lentement, je m'approchais du pot en terre où était le sel qui leur était destiné pour en prendre une poignée que je tendis au bébé chamois. D'émotion, celui-ci recula et se trouva entre les pattes avant de sa mère qui, me semble-t-il, le poussa en avant. Sa petite langue encore toute douce me lécha pour goûter ce sel, indispensable pour eux mais encore inconnu pour ce jeunet. Après deux lampées, sa mère le repoussa sans ménagement, c'était son tour. Lorsque Louis se manifesta, les deux bêtes s'enfuirent précipitamment, ils me connaissaient mais Louis était pour eux un inconnu. Cette scène avait une dimension absolument irréelle, comme ressortant d'un conte de fées et pourtant elle était bien réelle.
Pendant que nous profitions de ce spectacle animalier, les aiguilles du vieux coucou (nous arrêtions durant la nuit le "coucou" qui retentissait tous les quarts d'heure !) avaient inexorablement avancé de sorte que notre projet de gravir un petit sommet tombait à l'eau, nous avons décidé de nous accorder une journée de farniente, de profiter du confort, relatif je vous l'accorde, de la Bergerie et de nous laisser dorer par les rayons de cet automne qui allait prochainement se terminer. Vu le temps dont nous disposions, il valait la peine que nous sortions les matelas pour être plus confortablement installés ce qui présenterait, en plus, l'avantage de les aérer avant l'hiver.
Le soleil était agréablement doux, il n'y avait pas un souffle d'air, le calme habituel de la montagne n'était interrompu que par le passage de quelques oiseaux à haute altitude, probablement des aigles ou des gypaètes qu'avec un peu de chance nous verrions soudain plonger à plus de cent kilomètre-heure sur une malheureuse marmotte profitant des dernières occasions de chaleur avant sa longue hibernation.
Nous étions allongés côte à côte, nous rêvassions après nous être mutuellement enduits de crème solaire même si à cette saison nous ne risquions plus grand-chose. Mais le plaisir de sentir la main de l'autre nous frictionnant valait la peine, la sensation ressentie par nos sexes entrain de réagir prudemment à ces caresses médicales sans parler de la volupté éprouvée par le fait de notre nudité
que nous affichions sans pudeur nous plongeaient dans un monde en dehors des réalités de ce même monde.
Au bout d'un moment une main se posa délicatement sur la mienne : cela ne pouvait qu'être celle de Louis. Je ne réagis pas sinon par un léger resserrement de ma main afin qu'il sache que je ne dormais pas et que j'étais conscient de son geste. Un très léger balancement d'un de ses doigts caressait la paume de ma main. Un tressaillement de sa part me fit comprendre qu'il n'était pas indifférent à ce contact, si minime fut-il. Je le regardais, il avait les yeux fermés, tout son corps était parfaitement relaxé à une exception près, son pénis manifestait une légère érection. Au vu de cette fugitive vision, ce fut à mon tour de tressaillir. Il y avait un long moment que nous étions dans cette situation où nous n'avions besoin de rien de plus mais où nous pressentions que quelque chose se préparait ou pourrait survenir. Moments délicieux, presque magiques.
- Tu sais, me dit soudain Louis, en venant avec toi je savais que je te devais une réponse quant à la suite de notre relation que j'avais malencontreusement initiée. J'étais fermement décidé à te dire que j'entendais y mettre fin car j'ai de la peine à m'imaginer la vie commune, ne serait-ce que pour un temps limité, que nous pourrions avoir ensemble. Bien sûr, les garçons ne me laissent pas totalement indifférent mais de là à vivre des aventures avec eux ne me tente vraiment pas.
Ces premières vingt-quatre heures que j'ai passées avec toi, les moments très intenses découverts comme cette idylle entre toi et le petit chamois, ta retenue que je ne pensais pas possible mais en même temps cette extrême sensibilité que je devine dans ta personnalité, l'expression de ton corps, tout cela me fait beaucoup réfléchir. Je ne suis plus aussi affirmatif qu'en partant, j'en arrive à me demander s'il ne vaudrait pas la peine de tenter une expérience, limitée dans le temps mais également dans ce que nous pourrions être tentés de faire.
L'instant immédiat que je passe avec toi, avec ma main qui tient la tienne sur laquelle j'exerce un contact particulier, tout cela ne me laisse pas indifférent.
Pendant qu'il exprimait ce qu'il ressentait, il ne restait pas vraiment inactif, la pression de sa main sur la mienne se faisait plus pressante. Je réalisais que la direction qu'il imprimait à nos mains les rapprochaient de sa cuisse que je sentais tiède sous l'effet du soleil qui continuait à gaver nos corps nus de ses rayons bienfaisants. Je bougeais à mon tour un ou deux doigts qui voulaient profiter du velouté et du grain de sa peau. Sans vraiment le vouloir, comme poussée par une force invisible, ma main toujours dirigée par la sienne prenait contact avec l'intérieur de sa cuisse, là où la texture est la plus douce, là où on a l'impression de caresser un poupon dont l'épiderme est encore vierge de toute impureté. Un moment presque enivrant avec le sentiment de découvrir la source de toute chose.