26-03-2022, 10:37 PM
La Leçon d'Enguerrand (2/2)
Enguerrand était si sidéré qu'il convoqua immédiatement Tristan chez lui. Où ce jeune homme arriva avec une bouteille de Poilosky, genre de vodka pas chère concoctée en Ruthénie subcarpathique (si, si, ça existe : c'est en Ukraine).
— T'es pas con, toi ! s'exclama Enguerrand, je viens de descendre en acheter aussi !
On pouffa, avant de passer aux choses sérieuses : un vaste gorgeon, et les aveux complets de Tristan. Devant un Enguerrand absolument sidéré.
— Oh putain d'putain d'putain ! gémissait-il à intervalle régulier, j'y crois pas !
— Quand j'ai eu la queue coincée dans son p'tit trou, j'étais bien sûr que je rêvais pas !
— Ooooh !...
Oubliée, la funeste et rétive donzelle ! Il tenait Enguerrand, le gars Tristan !
— Mais comment on fait, pour niquer un cul de pédé ?
— Tu changes de vocabulaire, et surtout de façon de penser, répondit sérieusement Tristan. Un gay est d'abord un mec... qui surtout connaît mieux ton corps que toi.
— Ah !
— C'est pourquoi j'me suis bien éclaté, na !
— Oh, c'est malin ! Tu crois... qu'y voudrait d'moi, ce p'tit con ?
— Si tu connaissais ses notes, tu saurais que c'est tout sauf un p'tit con. Pour le reste... eh ben je peux lui demander, mais... il sait ce qu'il veut... et surtout ce qu'il veut pas.
— Et il veut de toi ?
— Je suis hétéro... aussi, si tu te rappelles. Et toi ?
— Ah ! Euh...
In petto, Tristan jouissait fortement de dominer cette insolente merveille qu'était pourtant toujours à ses yeux le sublime Enguerrand.
— Tu vas le revoir ?
— Ouais : il reste tout l'été en ville. Mais je sais pas si...
— D'après ce que tu m'as dit, il a apprécié !
— C'est lui qui décide.
— Tu voudrais ? insista Enguerrand.
— Ah oui, si tu savais !
— Tu crois pas que tu vires ta cuti, là ?
— Chais pas. C'est la Valérie qui m'a viré, à coups de pompes dans le train, et lui... il m'accueille...
— ...à coups de queue dans le train !
On éclata de rire, et Tristan obliqua :
— Tu vas la revoir, la minette... dont je sais même plus le nom ?
— Véronique. J'en sais rien. Elle a l'air chaude, mais bon... s'y faut la supplier des semaines avant le premier coup de langue, autant que je change de bord !
— Ça, je te le fais pas dire ! répondit Tristan, hilare.
On resta coi un instant, alors. À toute vitesse, Tristan repensa aux moments extraordinaires passés ès bras du fin rouquin. Jamais il n'aurait imaginé que ce frêle mec pût offrir tant de douceur et de plaisirs !
En revanche, il avait toujours admiré, comme tout le monde d'ailleurs, la très avantageuse plastique d'un Enguerrand qui en faisait beaucoup pour la mettre en valeur, surtout depuis que les beaux jours étaient là : débardeurs moulants, décolletés plongeants, bermudas serrés devant comme derrière...
Du coup... il se surprit à songer à des trucs... des trucs inattendus pour lui. Et si... si... s'il arrivait à organiser une mignonne séance à trois ? Voir enfin Enguerrand dans ses œuvres, même si c'était à contre-emploi... du moins en apparence ? Après tout, n'avait-il pas lui même pris un pied pas possible avec le fin et élégant rouquin ?
Bref, il gambergea vite fait, et reprit, doucement :
— Toi, sérieusement, tu te vois pas baiser un mec ?
— Tu l'as pas fait, toi ?
— Heu... Mais je suis pas le modèle absolu de la virilité tranquille et triomphante, moi !
Sur ce coup-là, Tristan s'avoua bien in petto qu'il était un peu canaille... et pourtant ! Il eut la nette impression qu'Enguerrand marquait le coup... Qui rétorqua, après un temps, et théâtralement :
— Justement : la virilité bien comprise se doit de tout connaître.
— Ah ! Là, tu me fais hésiter entre Jules César et Victor Hugo, ah ! ah !
— Eh, p'tit con ! Fais pas trop le malin, s'te plaît, sinon le premier mec que je vais défoncer, ce sera toi ! Et là, c'est sainte Rita que tu pourras aller chercher !1
— Chiche ! lâcha Tristan sans réfléchir.
— Oh putain ! s'écria Enguerrand, me tente pas, toi, parce que je vais m'essayer sur toi pour pas passer pour un amateur en niquant l'autre lopette !
— Eh ben tu perds pas le nord, toi ! commenta Tristan, soudain dépassé.
La vodka Poilosky n'est pas dans le top 500 des meilleurs breuvages de ce type ; m'enfin, elle assure quand même quand on en espère un minimum... Bref, ces deux garçons en avaient assez bu pour que les enchères montassent assez vite, sur le front des rodomontades sexuelles.
— J'te préviens que si t'as l'intention de me déglinguer, tu me bouffes d'abord la chatte comme un pro, puis tu me doigtes comme un spécialiste, puis tu me pines comme un génie ! affirma virilement Tristan.
Enguerrand prit une grande lampée de vodka et déclara, impérial :
— Tu ne soupçonnes tout de même pas la virilité totale de faire dans la demi-mesure ?
— On est bourrés... mais si t'es sérieux, je tope !
Où solennellement, et dans un geste digne des meilleurs moments de la Comédie française, l'incomparable Enguerrand tendit la main... que Tristan saisit après qu'on eut topé.
— J'y crois pas... murmura-t-il après un instant, alors qu'on se tenait encore la main, me faire baiser par le plus beau mec du Grand Ouest !
— J'y crois pas : un super beau mec connu pour être un des deux meilleurs baiseurs du Grand Ouest, qui veut se faire tirer par moi !
Il y eut un petit silence, après cette belle séquence. On se regardait dans les yeux, sans oser baisser les paupières.
— Quand on aura dessoûlé... murmura Tristan.
— On sera mieux à même de le faire bien.
— Sérieux ?
— Chuis pas une couille molle, moi.
— Alors ?
— Quand t'es prêt, je le suis aussi. Et après... tu me présente le rouquin !
— Oh p'tain ! Enguerrand... t'es réellement sûr de ce que tu dis, là ?
— Chuis bourré, comme toi, mais... j'en ai un peu marre des connasses qui couinent alors qu'on leur a même pas regardé le menton !
— Ah ! Ah !
— Et pis... tout le monde dit que les mecs savent baiser : comme ça, je saurai... On saura !
— Sauf qu'on n'est pédé ni l'un ni l'autre...
— Raison de plus : on verra si c'est dans nos gènes !
— T'es cinglé, Enguerrand !
— Chais pas. Il est midi et demie : qu'est-ce qu'on fait ?
— Ben... On est bourrés... Je sais pas si...
— Tu mollis ?
Où Tristan eut la surprise de voir Enguerrand agir envers lui comme il agissait très sûrement avec les nanas : il lui envoya une petite moue souriante et craquante, si craquante !
— Non, mais... on risque de se rater, non ?
— Alors tu proposes quoi ?
— Ben pas grand chose... Si ! Et si on demandait à Joël de nous cornaquer ?
Enguerrand resta bouche bée ; mais il sourit enfin.
— Oh putain ! Un plan pédé à trois ! Sauf que... t'as d'jà d'l'avance toi... et que tu vas te foutre de ma pomme !
— Jamais de la vie ! Le cul, c'est sacré !
Enguerrand regarda Tristan l'air soudain mélancolique, et cela toucha le garçon.
— Tu penses à quoi, là ?
— Ça fait des années qu'on se tire la bourre, tous les deux, et là... c'est toi qui va me donner une leçon de baise...
— On peut abandonner, si...
— Non ! J'ai topé, on le fera, fit noblement Enguerrand.. M'encule pas trop sauvagement, quand même !
— Je sais pas si on ira jusque là, mais... t'auras mal nulle part, je te le jure. Et bien au contraire !
Drôle de moment d'émotion, soudain !
— Je propose qu'on dessoûle gentiment... et ce soir, on convoque Joël... et sa grosse queue, fit gravement Tristan.
Enguerrand explosa de rire :
— C'est si tragique que ça ? Ah ! Ah !
— Disons que... ça oblige à revoir ses fondamentaux !
— Ah ! Ah ! Ah ! Même bourré, tu restes un génie de la langue, toi !
— T'as pas encore tout vu...
On rigola de bon cœur... et Enguerrand ordonna le café. Beaucoup, et raide autant que ces jeunes Messieurs espéraient l'être en présence de la star du jour : le flamboyant Joël.
— P'tain, j'y crois pas ! fit Enguerrand en sirotant, baiser avec un de mes meilleurs amis — là, Tristan apprit quelque chose — et avec un autre mec ! Comme ça, comme si c'était normal !
— Avec Joël, tu verras que c'est normal, justement.
— T'en pincerais pas un peu d'jà, toi ?
— Tu verras toi-même. Tiens, j'l'appelle !
« D'accord, cinq heures et demie... J'ai un cadeau pour toi... Si, si, pour te remercier ! »
— Me dis pas que c'est moi, le cadeau ? s'enquit Enguerrand, incertain.
— Tu sais que t'es vachement beau, Ducon ! Alors oui, t'es un cadeau pour un mec qu'a pas confiance en lui... et qui t'admire de loin, comme tous les gays du Grand Ouest !
— Oh ! Moi, une icône gay, comme Dalida ?
— Non. Toi, t'es un mec, un vrai, et en vrai. Va falloir le prouver, c'est tout. Et avant... faut se récurer à fond !
— Toi, tu veux me mater sous la douche!
— Oui.
Enguerrand ne moufta pas et l'on alla se déloquer en sa salle de bains, intimidés.
— J'espère qu'il va lui plaire, mon cadeau ! osa Tristan.
— Sinon, je remballe tout tout de suite !
— Non : je me le garde.
— Ho ?
On se doucha sans autre commentaire... mais il pensait, Tristan ! Quelle étrange aventure ! Il s'avouait in petto que le charme d'Enguerrand agissait sur lui comme jamais et que, sans doute, c'était le cas depuis longtemps... Enguerrand qui ne tarda pas à faire preuve d'un exhibitionnisme éhonté...
Il ne se rhabilla pas et décida de passer l'après-midi à poil.
— Ch'rai curieux de te voir en forme, tiens !
— Tu suces, et c'est bon ! répliqua Tristan, bravache.
— Tu pompes, toi ? En dehors du rouquin, j'veux dire ?...
— On se suce si on en a envie, c'est tout, souffla Tristan en fermant les yeux, la tête en arrière sur le sofa. Moi, c'est oui.
— Oh, Tristan, je...
— Amène ta queue.
Où Enguerrand vint s'agenouiller devant son pote, sur le canapé, pour lui proposer un fort bel objet que Tristan happa sans relever la paupière. Ô singulier instant ! Et dans un silence de mort. Mais pas trop long, ce silence ! Car Enguerrand ne tarda guère à gémir doucement...
— P'tain, tu pompes bien ! Arrête, arrête !
— Miam !
On éclata de rire. Et Tristan convoqua Joël... chez Enguerrand : « Viens vite, mon cadeau est en train de fondre ! — C'est quoi ? — Une glace au foutre !»
— T'es encore plus fou que je pensais ! affirma Enguerrand, hilare.
Le beau rouquin eut l'air intimidé, en arrivant, pensez ! Mais les deux autres étaient à poil et... les choses ne traînèrent pas, céans ! Et les appréhensions du superbe Enguerrand ne tinrent pas longtemps devant les manœuvres adroites du rusé Joël ! Qui perdit vitement toute forme de timidité.
Triangle à droite, triangle à gauche, devant, derrière, en haut, en bas et sur les côtés, toutes les figures de la géométrie appliquée aux sciences humaines y passèrent !
In fine, Tristan désira se faire percer par Enguerrand, au motif (évidemment fallacieux) qu'il était un peu moins bien monté que le fin Joël. Qui de toute façon y alla aussi de son beau sabre, juste après...
Belle et élégante séance qu'icelle ! Et le frêle et pâle Joël impressionna fortement cette grande gueule d'Enguerrand.
— J'vais vous en dire une bien bonne, les mecs ! déclara enfin Joël, après qu'on eut trinqué aux bulles de Loire. En fait... j'vous verrais bien ensemble, tous les deux !
— Ah ! firent les deux autres. T'es fou ?
— Non : folle, et ça vaut mieux, pour comprendre les mecs ! Oui, je crois que... vous devriez essayer, les minets.
Les garçons se regardèrent, effarés. Eux, ensemble ?
La réunion ne s'arrêta pas là, et la suite de la soirée fut de haute tenue, aussi bien morale qu'érotique. Où même Enguerrand se laissa mettre quelques doigts, après qu'il eut été brouté avec l'ardeur d'une tarentaise affamée sur l'alpe !
On laissa partir Joël, et l'on en resta tout chose.
— Merci, souffla Tristan. Je sais pas ce que t'as pensé de tout ça... mais merci.
— Tristan ? C'est à moi de te remercier ! Sans toi...
— Je sais bien que... c'est bizarre, et que ça recommencera plus jamais, mais...
— Si.
— Enguerrand ?
— Je sais pas la vie, mais... si tu préfères pas Joël, alors...
— Enguerrand ? fit Tristan, stupéfait.
— Oui. J'ai l'impression d'avoir ouvert les yeux sur une aurore boréale... et cette aurore-là... te ressemble, Tristan.
— Mais, Enguerrand !...
— Tu crois qu'on pourrait... essayer de se connaître ?
— Mais... t'es fou, Enguerrand ! On peut pas...
— Chut ! J'ai besoin d'aimer, là, vite et fort... Et réellement, surtout. Et maintenant que je te connais... On essaye un truc, tous les deux ?
Larmes, et tableau final, comme on dit à l'Opéra.
27. II. 2022
Enguerrand était si sidéré qu'il convoqua immédiatement Tristan chez lui. Où ce jeune homme arriva avec une bouteille de Poilosky, genre de vodka pas chère concoctée en Ruthénie subcarpathique (si, si, ça existe : c'est en Ukraine).
— T'es pas con, toi ! s'exclama Enguerrand, je viens de descendre en acheter aussi !
On pouffa, avant de passer aux choses sérieuses : un vaste gorgeon, et les aveux complets de Tristan. Devant un Enguerrand absolument sidéré.
— Oh putain d'putain d'putain ! gémissait-il à intervalle régulier, j'y crois pas !
— Quand j'ai eu la queue coincée dans son p'tit trou, j'étais bien sûr que je rêvais pas !
— Ooooh !...
Oubliée, la funeste et rétive donzelle ! Il tenait Enguerrand, le gars Tristan !
— Mais comment on fait, pour niquer un cul de pédé ?
— Tu changes de vocabulaire, et surtout de façon de penser, répondit sérieusement Tristan. Un gay est d'abord un mec... qui surtout connaît mieux ton corps que toi.
— Ah !
— C'est pourquoi j'me suis bien éclaté, na !
— Oh, c'est malin ! Tu crois... qu'y voudrait d'moi, ce p'tit con ?
— Si tu connaissais ses notes, tu saurais que c'est tout sauf un p'tit con. Pour le reste... eh ben je peux lui demander, mais... il sait ce qu'il veut... et surtout ce qu'il veut pas.
— Et il veut de toi ?
— Je suis hétéro... aussi, si tu te rappelles. Et toi ?
— Ah ! Euh...
In petto, Tristan jouissait fortement de dominer cette insolente merveille qu'était pourtant toujours à ses yeux le sublime Enguerrand.
— Tu vas le revoir ?
— Ouais : il reste tout l'été en ville. Mais je sais pas si...
— D'après ce que tu m'as dit, il a apprécié !
— C'est lui qui décide.
— Tu voudrais ? insista Enguerrand.
— Ah oui, si tu savais !
— Tu crois pas que tu vires ta cuti, là ?
— Chais pas. C'est la Valérie qui m'a viré, à coups de pompes dans le train, et lui... il m'accueille...
— ...à coups de queue dans le train !
On éclata de rire, et Tristan obliqua :
— Tu vas la revoir, la minette... dont je sais même plus le nom ?
— Véronique. J'en sais rien. Elle a l'air chaude, mais bon... s'y faut la supplier des semaines avant le premier coup de langue, autant que je change de bord !
— Ça, je te le fais pas dire ! répondit Tristan, hilare.
On resta coi un instant, alors. À toute vitesse, Tristan repensa aux moments extraordinaires passés ès bras du fin rouquin. Jamais il n'aurait imaginé que ce frêle mec pût offrir tant de douceur et de plaisirs !
En revanche, il avait toujours admiré, comme tout le monde d'ailleurs, la très avantageuse plastique d'un Enguerrand qui en faisait beaucoup pour la mettre en valeur, surtout depuis que les beaux jours étaient là : débardeurs moulants, décolletés plongeants, bermudas serrés devant comme derrière...
Du coup... il se surprit à songer à des trucs... des trucs inattendus pour lui. Et si... si... s'il arrivait à organiser une mignonne séance à trois ? Voir enfin Enguerrand dans ses œuvres, même si c'était à contre-emploi... du moins en apparence ? Après tout, n'avait-il pas lui même pris un pied pas possible avec le fin et élégant rouquin ?
Bref, il gambergea vite fait, et reprit, doucement :
— Toi, sérieusement, tu te vois pas baiser un mec ?
— Tu l'as pas fait, toi ?
— Heu... Mais je suis pas le modèle absolu de la virilité tranquille et triomphante, moi !
Sur ce coup-là, Tristan s'avoua bien in petto qu'il était un peu canaille... et pourtant ! Il eut la nette impression qu'Enguerrand marquait le coup... Qui rétorqua, après un temps, et théâtralement :
— Justement : la virilité bien comprise se doit de tout connaître.
— Ah ! Là, tu me fais hésiter entre Jules César et Victor Hugo, ah ! ah !
— Eh, p'tit con ! Fais pas trop le malin, s'te plaît, sinon le premier mec que je vais défoncer, ce sera toi ! Et là, c'est sainte Rita que tu pourras aller chercher !1
— Chiche ! lâcha Tristan sans réfléchir.
— Oh putain ! s'écria Enguerrand, me tente pas, toi, parce que je vais m'essayer sur toi pour pas passer pour un amateur en niquant l'autre lopette !
— Eh ben tu perds pas le nord, toi ! commenta Tristan, soudain dépassé.
La vodka Poilosky n'est pas dans le top 500 des meilleurs breuvages de ce type ; m'enfin, elle assure quand même quand on en espère un minimum... Bref, ces deux garçons en avaient assez bu pour que les enchères montassent assez vite, sur le front des rodomontades sexuelles.
— J'te préviens que si t'as l'intention de me déglinguer, tu me bouffes d'abord la chatte comme un pro, puis tu me doigtes comme un spécialiste, puis tu me pines comme un génie ! affirma virilement Tristan.
Enguerrand prit une grande lampée de vodka et déclara, impérial :
— Tu ne soupçonnes tout de même pas la virilité totale de faire dans la demi-mesure ?
— On est bourrés... mais si t'es sérieux, je tope !
Où solennellement, et dans un geste digne des meilleurs moments de la Comédie française, l'incomparable Enguerrand tendit la main... que Tristan saisit après qu'on eut topé.
— J'y crois pas... murmura-t-il après un instant, alors qu'on se tenait encore la main, me faire baiser par le plus beau mec du Grand Ouest !
— J'y crois pas : un super beau mec connu pour être un des deux meilleurs baiseurs du Grand Ouest, qui veut se faire tirer par moi !
Il y eut un petit silence, après cette belle séquence. On se regardait dans les yeux, sans oser baisser les paupières.
— Quand on aura dessoûlé... murmura Tristan.
— On sera mieux à même de le faire bien.
— Sérieux ?
— Chuis pas une couille molle, moi.
— Alors ?
— Quand t'es prêt, je le suis aussi. Et après... tu me présente le rouquin !
— Oh p'tain ! Enguerrand... t'es réellement sûr de ce que tu dis, là ?
— Chuis bourré, comme toi, mais... j'en ai un peu marre des connasses qui couinent alors qu'on leur a même pas regardé le menton !
— Ah ! Ah !
— Et pis... tout le monde dit que les mecs savent baiser : comme ça, je saurai... On saura !
— Sauf qu'on n'est pédé ni l'un ni l'autre...
— Raison de plus : on verra si c'est dans nos gènes !
— T'es cinglé, Enguerrand !
— Chais pas. Il est midi et demie : qu'est-ce qu'on fait ?
— Ben... On est bourrés... Je sais pas si...
— Tu mollis ?
Où Tristan eut la surprise de voir Enguerrand agir envers lui comme il agissait très sûrement avec les nanas : il lui envoya une petite moue souriante et craquante, si craquante !
— Non, mais... on risque de se rater, non ?
— Alors tu proposes quoi ?
— Ben pas grand chose... Si ! Et si on demandait à Joël de nous cornaquer ?
Enguerrand resta bouche bée ; mais il sourit enfin.
— Oh putain ! Un plan pédé à trois ! Sauf que... t'as d'jà d'l'avance toi... et que tu vas te foutre de ma pomme !
— Jamais de la vie ! Le cul, c'est sacré !
Enguerrand regarda Tristan l'air soudain mélancolique, et cela toucha le garçon.
— Tu penses à quoi, là ?
— Ça fait des années qu'on se tire la bourre, tous les deux, et là... c'est toi qui va me donner une leçon de baise...
— On peut abandonner, si...
— Non ! J'ai topé, on le fera, fit noblement Enguerrand.. M'encule pas trop sauvagement, quand même !
— Je sais pas si on ira jusque là, mais... t'auras mal nulle part, je te le jure. Et bien au contraire !
Drôle de moment d'émotion, soudain !
— Je propose qu'on dessoûle gentiment... et ce soir, on convoque Joël... et sa grosse queue, fit gravement Tristan.
Enguerrand explosa de rire :
— C'est si tragique que ça ? Ah ! Ah !
— Disons que... ça oblige à revoir ses fondamentaux !
— Ah ! Ah ! Ah ! Même bourré, tu restes un génie de la langue, toi !
— T'as pas encore tout vu...
On rigola de bon cœur... et Enguerrand ordonna le café. Beaucoup, et raide autant que ces jeunes Messieurs espéraient l'être en présence de la star du jour : le flamboyant Joël.
— P'tain, j'y crois pas ! fit Enguerrand en sirotant, baiser avec un de mes meilleurs amis — là, Tristan apprit quelque chose — et avec un autre mec ! Comme ça, comme si c'était normal !
— Avec Joël, tu verras que c'est normal, justement.
— T'en pincerais pas un peu d'jà, toi ?
— Tu verras toi-même. Tiens, j'l'appelle !
« D'accord, cinq heures et demie... J'ai un cadeau pour toi... Si, si, pour te remercier ! »
— Me dis pas que c'est moi, le cadeau ? s'enquit Enguerrand, incertain.
— Tu sais que t'es vachement beau, Ducon ! Alors oui, t'es un cadeau pour un mec qu'a pas confiance en lui... et qui t'admire de loin, comme tous les gays du Grand Ouest !
— Oh ! Moi, une icône gay, comme Dalida ?
— Non. Toi, t'es un mec, un vrai, et en vrai. Va falloir le prouver, c'est tout. Et avant... faut se récurer à fond !
— Toi, tu veux me mater sous la douche!
— Oui.
Enguerrand ne moufta pas et l'on alla se déloquer en sa salle de bains, intimidés.
— J'espère qu'il va lui plaire, mon cadeau ! osa Tristan.
— Sinon, je remballe tout tout de suite !
— Non : je me le garde.
— Ho ?
On se doucha sans autre commentaire... mais il pensait, Tristan ! Quelle étrange aventure ! Il s'avouait in petto que le charme d'Enguerrand agissait sur lui comme jamais et que, sans doute, c'était le cas depuis longtemps... Enguerrand qui ne tarda pas à faire preuve d'un exhibitionnisme éhonté...
Il ne se rhabilla pas et décida de passer l'après-midi à poil.
— Ch'rai curieux de te voir en forme, tiens !
— Tu suces, et c'est bon ! répliqua Tristan, bravache.
— Tu pompes, toi ? En dehors du rouquin, j'veux dire ?...
— On se suce si on en a envie, c'est tout, souffla Tristan en fermant les yeux, la tête en arrière sur le sofa. Moi, c'est oui.
— Oh, Tristan, je...
— Amène ta queue.
Où Enguerrand vint s'agenouiller devant son pote, sur le canapé, pour lui proposer un fort bel objet que Tristan happa sans relever la paupière. Ô singulier instant ! Et dans un silence de mort. Mais pas trop long, ce silence ! Car Enguerrand ne tarda guère à gémir doucement...
— P'tain, tu pompes bien ! Arrête, arrête !
— Miam !
On éclata de rire. Et Tristan convoqua Joël... chez Enguerrand : « Viens vite, mon cadeau est en train de fondre ! — C'est quoi ? — Une glace au foutre !»
— T'es encore plus fou que je pensais ! affirma Enguerrand, hilare.
Le beau rouquin eut l'air intimidé, en arrivant, pensez ! Mais les deux autres étaient à poil et... les choses ne traînèrent pas, céans ! Et les appréhensions du superbe Enguerrand ne tinrent pas longtemps devant les manœuvres adroites du rusé Joël ! Qui perdit vitement toute forme de timidité.
Triangle à droite, triangle à gauche, devant, derrière, en haut, en bas et sur les côtés, toutes les figures de la géométrie appliquée aux sciences humaines y passèrent !
In fine, Tristan désira se faire percer par Enguerrand, au motif (évidemment fallacieux) qu'il était un peu moins bien monté que le fin Joël. Qui de toute façon y alla aussi de son beau sabre, juste après...
Belle et élégante séance qu'icelle ! Et le frêle et pâle Joël impressionna fortement cette grande gueule d'Enguerrand.
— J'vais vous en dire une bien bonne, les mecs ! déclara enfin Joël, après qu'on eut trinqué aux bulles de Loire. En fait... j'vous verrais bien ensemble, tous les deux !
— Ah ! firent les deux autres. T'es fou ?
— Non : folle, et ça vaut mieux, pour comprendre les mecs ! Oui, je crois que... vous devriez essayer, les minets.
Les garçons se regardèrent, effarés. Eux, ensemble ?
La réunion ne s'arrêta pas là, et la suite de la soirée fut de haute tenue, aussi bien morale qu'érotique. Où même Enguerrand se laissa mettre quelques doigts, après qu'il eut été brouté avec l'ardeur d'une tarentaise affamée sur l'alpe !
On laissa partir Joël, et l'on en resta tout chose.
— Merci, souffla Tristan. Je sais pas ce que t'as pensé de tout ça... mais merci.
— Tristan ? C'est à moi de te remercier ! Sans toi...
— Je sais bien que... c'est bizarre, et que ça recommencera plus jamais, mais...
— Si.
— Enguerrand ?
— Je sais pas la vie, mais... si tu préfères pas Joël, alors...
— Enguerrand ? fit Tristan, stupéfait.
— Oui. J'ai l'impression d'avoir ouvert les yeux sur une aurore boréale... et cette aurore-là... te ressemble, Tristan.
— Mais, Enguerrand !...
— Tu crois qu'on pourrait... essayer de se connaître ?
— Mais... t'es fou, Enguerrand ! On peut pas...
— Chut ! J'ai besoin d'aimer, là, vite et fort... Et réellement, surtout. Et maintenant que je te connais... On essaye un truc, tous les deux ?
Larmes, et tableau final, comme on dit à l'Opéra.
27. II. 2022
Amitiés de Louklouk !