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La Leçon d'Enguerrand - Version imprimable

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La Leçon d'Enguerrand - Louklouk - 26-03-2022

Coucou !

C'est une phrasette de @lelivredejeremie qui a suscité cette histoire...
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La Leçon d'Enguerrand (1/2)

[b]« Enguerrand est comme trop de garçons de sa caste, arrogant, trop sûr de lui, puis, cerise sur le gâteau, actif infaillible auto-proclamé. Il mérite une petite leçon d'humilité. »
se dit après à peine deux minutes de dialogue le délicat mais finement musclé Tristan, assuré de l'effet souvent vérifié de son arme secrète. [/b]
C'est qu'il n'était pas moins apprécié que le bel Enguerrand, le joli Tristan ! Mais en cette soirée de fin des cours de la première année de fac, il venait de se dire — était-ce grâce à la vodka qui coulait à flot céans ? — qu'il en avait assez de la suffisance de ce mec... cependant le plus beau de l'université, et sûrement de la ville, sans conteste !
C'était idiot, en vérité : on ne chassait pas le même gibier ; le superbe, magnifique même, Enguerrand épatait les fillettes et les tirait sans se poser de question ; Tristan y allait au sentiment, ou presque : sa finesse et sa bonne éducation faisaient le reste.
Ils avaient en ceci du moins un point commun : on ne les prenait point au sérieux, ni du côté des filles, ni de celui des garçons. Et les mecs qui cherchaient à se caser ne les redoutaient guère, en vérité... Car leur réputation les précédait, ces loupiots-là ! Beaux, bien foutus et joliment équipés (disait-on), et bons baiseurs, ça oui ! ajoutait la rumeur.
Pourtant, Tristan était mieux noté que l'épatant Enguerrand, car ce jeune homme était si délicieusement altmodisch1 dans son approche des choses intimes qu'il séduisait réellement les jeunes demoiselles qui sortaient du lit d'Enguerrand, après une ou deux nuits de folie...
Mais bon ! Tout cela ressemblait fortement à ce que c'était : des fantaisies d'étudiants. Et somme toute, si ces demoiselles mouillaient avec régularité leurs petites culottes en alternant, en leurs sauvages pensées, les espoirs et les souvenirs de ces deux prédateurs, la vie s'était écoulée doucement, cette première année, sur le campus...
Qu'est-ce qui donc avait motivé la vindicte du paisible Tristan, lors ? Et c'était que le mec qui recevait avait présenté une sienne cousine, qui ferait partie de la classe l'année suivante, un genre de beauté blonde et ravageuse qui avait gonflé les chausses de la plupart de ces messieurs dès qu'elle avait paru, tous tétons pointant sous sa frêle mousseline...
Et deux ou trois mots d'Enguerrand avaient suffi à déterrer la hache de guerre en le pourtant placide esprit de Tristan...
Non, Enguerrand ne l'aurait pas ! Voilà, c'était dit : ce serait le challenge de l'été que de chauffer la jolie donzelle à ce fier-à-bras !
Pour l'instant, Tristan avait l'esprit plus proche des brumes de la Russie profonde, rapport à la vodka, que des lumineuses clartés de la sagesse gréco-romaine... Et il était bien incapable d'ébaucher ne fût-ce qu'un soupçon d'idée de la moindre stratégie... D'autant qu'il n'avait jamais été en pointe sur ces affaires, comme on l'a dit : il récupérait plutôt les restes du flamboyant Enguerrand.
Il fut distrait de ces vaseuses réflexions par un garçon qui vint se poser près de lui, sur le tapis. Un long rouquin pâlot  qu'il n'avait du tout fréquenté de l'année, et qui semblait du reste d'une timidité maladive : on ne l'avait jamais vu avec une nana sous le bras, çui-là !
Et ce Joël, évidemment aussi parti que les autres, se mit à lui parler doucement, de choses sans importance. Et là, allez savoir pourquoi, Tristan lui demanda :
— T'as une copine, toi ?
— Ben... non.
— Regarde-moi ! Ben oui ! T'as des super-z-yeux bleus, toi ! Alors franchement, avec tes cheveux en plus... tu fais mouiller à quinze pas, au moins !
Le garçon sourit, mais parut gêné. Il posa alors en les yeux Tristan un grand et triste regard, et murmura :
— On dira que je fais pas mouiller les bonnes cibles, alors.
— Joël ? Mais tout le monde est sensible à une belle gueule comme la tienne, et à des yeux bleus comme ça !
— Tout le monde... mais pas tous les garçons.
— Ah ! fit Tristan, qui ne s'attendait pas à celle-là. Euh... excuse-moi, je...
— C'est rien. Moi qui croyais que tout le monde savait !
— T'es si... discret que j'avais rien vu, moi, en tout cas... et que j'ai jamais entendu un mot sur toi... sauf quelques nanas, parlant de tes yeux, et quelques mecs pour te dire gentil. En tout cas, je peux te dire qu'il n'y a pas d'homophobie dans la classe, car c'est un sujet qu'on aborde parfois, et... non !
— Merci, t'es gentil...
— Et la star de l'Université française, qui pérore là-bas dans le fond, elle te fait quel effet ? demanda Tristan en désignant Enguerrand du menton.
— Il est incroyablement beau, mais... trop hétéro, vraiment ! répondit le garçon en souriant largement.
Ce fut à ce moment qu'une étincelle brilla dans ce qui restait de l'esprit de Tristan : il la tenait, sa stratégie !
— Tu sais quoi ? Faut pas te fier aux apparences : il est pas réellement ce qu'il montre, le bel Enguerrand !
— Hein ?
— Écoute-ça, fit Tristan sur le ton de la confidence, il baise autant qu'il veut, mais il se fait vite jeter... parce qu'il sait pas y faire avec les nanas. Et je suis certain que c'est... parce qu'il sait pas vraiment où il en est, ou que même il ne veut pas s'avouer qu'il pourrait être gay.
— Quoi ? sursauta le rouquin.
— Et là, vu qu'il a déjà baisé toutes les nanas de la classe, plus celles de deuxième année et la moité de celles qu'on croise au restau U, j'peux te dire qu'il va rentrer avec coquette sous le bras, ce soir !
— Ah ! Ah ! pouffa gaiement Joël, t'es trop, toi !
— Non : je te dis que si tu veux tâter de la merveille, c'est ce soir ou jamais.
— Mais... tu rigoles ? Jamais j'oserai !
— Côté chattes, il est grillé, ce soir... remarque que moi aussi, tiens ! Mais grâce à mon savoir faire et la bonne éducation que ma mère m'a donnée, j'ai sans doute deux ou trois p'tits trous en réserve...
— Sans compter le mien, murmura Joël en regardant ailleurs.
— Oh ! fit Tristan, qui n'avait rien vu venir. Ben... euh... euh ! Je... sais pas quoi te dire, là...
— Rien. Je vais aller prendre une baffe d'Enguerrand, puisque tu me le conseilles.
— Oh ! Mais, Joël... t'étais sérieux, là ?
— Les mal baisés sont toujours sérieux, hélas !
— Joël !
Soudain, les brumes de l'alcool s'échappèrent de la cervelle de Tristan, et il envisagea la situation qui venait de se révéler à lui, comme il dévisagea le fin minois du rouquin.
Et il se mit à penser à toute vitesse. De fait, il n'était pas sûr du tout de rentrer avec un coup possible, ce soir... Mais d'un autre côté, il n'avait jamais rien fait avec un mec, même pas les petites branlettes réglementaires de l'adolescence ! Il respira un grand coup, s'enfila une bonne dose de vodka, d'ailleurs imité par Joël, et se lança :
— Non, ce branleur ne te mérite pas. Et si tu veux pas... rentrer pour pleurer tout seul dans ton petit lit... alors tu peux... venir pleurer dans le mien..
— Toi ? Mais tu me disais...
— J'me vantais un peu... et puis... si tu veux... j'ai des choses à apprendre.
— Oh ! Mais...
— Je rigole pas. Joël ? On peut, si tu veux.
— Mais... Oh oui, oui, bien sûr !
— Je suis pas aussi beau que l'autre starlette, m'enfin...
— Ça, c'est une connerie, figure-toi : si tu entendais parler les filles de la classe, tu saurais que...
— Hein ?
— ...que ta cote est bien supérieure à la sienne, conclut Joël en plantant son bleu regard en celui de Tristan.
Pour la première fois de sa vie, Tristan dut frissonner sous le regard d'un garçon. Il eut soudain conscience qu'il venait de s'engager à passer la nuit avec ce mec... à le baiser, sans doute... ce mec qui était loin d'être l'ectoplasme qu'il se représentait. Il poussa un long soupir, et Joël reprit :
— T'embête pas pour moi... J'ai l'habitude de pleurer tout seul, tu sais.
— Pas ce soir ! Ce soir, tu pleures pas, et t'es pas tout seul ! affirma Tristan sur un ton martial qu'il ne se connaissait pas. D'ailleurs, on y va : y m'gavent, tous ces connards !
On décida de partir à quelques instants d'intervalle. Joël s'en fut le premier, qui n'avait pas beaucoup de bises à donner, céans : sourires et gentils signes de la main suffisaient.
Enguerrand chopa Tristan avant qu'iceluy vînt le saluer :
— Tu te fais qui, ce soir ?
— Chuis pas encore sûr, mais normalement c'est bon.
— Tu me diras ? Moi... C'est nul, ce soir !
— Soirée de patronage, fallait pas t'attendre à mieux !
— Sauf que toi...
— Rien de fait, mais... à priori étonnant. Très, même !
— Oh p'tain !
— Salut mon pote !
Au coin de la rue, Tristan retrouva Joël. Qu'il jugea un peu anxieux :
— Tu sais, Joël, si tu veux plus...
— Oh si, je veux ! Chez moi, c'est juste là.
Chez le garçon, une studette, Joël proposa tout de suite :
— Pas d'alcool, je pense... mais l'eau courante chaude et froide : on se douche ?
— Oh oui ! fit Tristan, obligé de sourire : décidément, ce garçon méritait d'être connu !
Où Tristan eut une jolie surprise : le maigrissime Joël était en revanche pourvu d'un long et beau serpent rose qui... qui promettait franchement.
Vite, d'ailleurs, ledit serpent prit des formes qui... épatèrent Tristan. Joël semblait savoir ce qu'il voulait, et il sécha tout le monde avec vivacité, avant de mener Tristan à son lit, de l'y faire allonger puis de le prendre en bouche sans autre sommation.
Tristan poussa un énorme soupir, et se rendit vite compte que ce jeune homme savait y faire, et combien mieux que les fausses pucelles qui tombaient dans les pommes au premier gland aperçu !
— J'adore ta queue, vraiment, dit enfin le suceur.
— Elle vaudra jamais la tienne, je crois !
— T'es gentil. Est-ce que... tu voudrais me niquer, ou on s'en tient là ?
— C'est toi qui décides, évidemment.
— Viens.
Incroyable moment pour Tristan que d'avoir à pousser sa jolie queue — c'est qu'il était bien monté, mais sans trop, et avec de l'élégance —, de pousser sa fine ogive en le petit trou bordé de soie rousse d'un Joël qui l'y incitait de ses sourires, et de ses bleus regards...
Une fois positionné, il se trouva bien en ce fin et serré pertuis qui lui offrit dès le début de vives sensations : rien à voir avec ce que ces demoiselles avaient à proposer !
Et guidé par son rouquin, il commença à s'activer... Il n'eut pas conscience tout de suite qu'outre les sensations physiques que ce petit cul lui offrait, il était aussi prisonnier des sourires et des yeux de son pâle enculé.
Dont il ne quittait pas l'ardent regard. Alors il baisa, Tristan, avec une sorte d'allégresse venue d'une autre planète, sans doute, tant elle lui était inconnue !
Et il niqua, niqua comme si le sort de l'Humanité en dépendait ! De quelques mots finement murmurés, son gracieux partenaire avait l'art de l'encourager, de l'exciter même... et Tristan se surprit à vouloir ne le décevoir point, ce pâle enfant-là.
Quelle fut bonne, cette chevauchée-là ! Non, Tristan n'en avait oncques connu telle ! Lorsqu'il s'épandit ès douces profondeurs du garçon, il s'affala sur lui... et sa bouche rencontra les lèvres de Joël... Oh, l'ardent et inattendu baiser qu'iceluy !
— Tu me fais jouir, grand garçon ? souffla enfin Joël.
— Comment ?
— Fait exactement ce qui t'excite : fais-nous plaisir !
Là, Tristan se sentit un peu coincé : comment ne pas décevoir ce mec qui venait de lui offrir tant de bonnes choses ?
Alors il se lança, et prit la superbe pine en bouche. Superbe car plus grande que la sienne, vraiment ! Mais il assura bravement, et quand Joël annonça déborder aussi, il le branla à toute force, et en prit plein le museau, du joli jus blanc de ce rouquin-là... Qui lui saisit alors vivement la nuque, aux fins de s'en faire derechef embrasser.
Moment qui dura. Avant que Tristan acceptât de dormir céans — il n'y avait de toute façon plus de tramway à l'horizon...
Au matin, il fut éveillé par une douce succion, comme bien vous pouviez l'espérer. Et il baisa derechef sa jolie liane frêle et rousse... avec un plaisir renouvelé.
— J'imagine que tu te vanteras pas de m'avoir tiré ? demanda Joël avec un fin sourire... que Tristan jugea un peu vicelard, tiens !
— Toi seul décides !
— Tu peux le dire au monde entier : tu sais pas ce que tu m'as donné, Tristan ! Et maintenant... je sais que les filles disent des conneries : t'es mille fois mieux que ce qu'elles en racontent !
— T'es fou, toi ! fit Tristan en souriant, fou, vraiment !
— Et toi, t'es... incroyablement gentil, sans compter le reste, évidemment !
On s'embrassa délicatement, alors. Tristan avait oublié de penser qu'il embrassait un garçon. Il était bien, et c'était tout.
Il demeura encore un tendre petit temps avec Joël avant de rentrer chez lui. Sur le chemin, un appel d'Enguerrand :
— Alors ?
— J'ai niqué comme jamais ! Et toi ?
— Que dalle! J'me suis branlé comme un ado... et comme un malade ! C'est qui ?
— Dis-moi d'abord : avec la nouvelle, là, t'as pas réussi ?
— Une allumeuse, je crois. Faisable, mais d'abord chieuse. Mais toi, nom de dieu !
— Si j'te le dis, tu me croiras jamais !
— Mais putain vas-y, nom de dieu !
— Ben... T'es assis ?
— Oh, ta gueule ! Crache, putain !
— Joël.
Silence au bout du fil.
— T'es là ? demanda Tristan.
— Tu te fous de moi, j'imagine ?
— Ben non.
— T'es... pédé, toi, maintenant ?
— J'crois pas... mais je me suis éclaté comme y avait longtemps.
— Oh putain... Tu te fous pas de moi, là, t'es sûr ?
— Tous les détails quand tu veux. Et avec sa permission.




Re : La Leçon d'Enguerrand - Louklouk - 26-03-2022

La Leçon d'Enguerrand (2/2)

Enguerrand était si sidéré qu'il convoqua immédiatement Tristan chez lui. Où ce jeune homme arriva avec une bouteille de Poilosky, genre de vodka pas chère concoctée en Ruthénie subcarpathique (si, si, ça existe : c'est en Ukraine).
— T'es pas con, toi ! s'exclama Enguerrand, je viens de descendre en acheter aussi !
On pouffa, avant de passer aux choses sérieuses : un vaste gorgeon, et les aveux complets de Tristan. Devant un Enguerrand absolument sidéré.
— Oh putain d'putain d'putain ! gémissait-il à intervalle régulier, j'y crois pas !
— Quand j'ai eu la queue coincée dans son p'tit trou, j'étais bien sûr que je rêvais pas !
— Ooooh !...
Oubliée, la funeste et rétive donzelle ! Il tenait Enguerrand, le gars Tristan !
— Mais comment on fait, pour niquer un cul de pédé ?
— Tu changes de vocabulaire, et surtout de façon de penser, répondit sérieusement Tristan. Un gay est d'abord un mec... qui surtout connaît mieux ton corps que toi.
— Ah !
— C'est pourquoi j'me suis bien éclaté, na !
— Oh, c'est malin ! Tu crois... qu'y voudrait d'moi, ce p'tit con ?
— Si tu connaissais ses notes, tu saurais que c'est tout sauf un p'tit con. Pour le reste... eh ben je peux lui demander, mais... il sait ce qu'il veut... et surtout ce qu'il veut pas.
— Et il veut de toi ?
— Je suis hétéro... aussi, si tu te rappelles. Et toi ?
— Ah ! Euh...
In petto, Tristan jouissait fortement de dominer cette insolente merveille qu'était pourtant toujours à ses yeux le sublime Enguerrand.
— Tu vas le revoir ?
— Ouais : il reste tout l'été en ville. Mais je sais pas si...
— D'après ce que tu m'as dit, il a apprécié !
— C'est lui qui décide.
— Tu voudrais ? insista Enguerrand.
— Ah oui, si tu savais !
— Tu crois pas que tu vires ta cuti, là ?
— Chais pas. C'est la Valérie qui m'a viré, à coups de pompes dans le train, et lui... il m'accueille...
— ...à coups de queue dans le train !
On éclata de rire, et Tristan obliqua :
— Tu vas la revoir, la minette... dont je sais même plus le nom ?
— Véronique. J'en sais rien. Elle a l'air chaude, mais bon... s'y faut la supplier des semaines avant le premier coup de langue, autant que je change de bord !
— Ça, je te le fais pas dire ! répondit Tristan, hilare.
On resta coi un instant, alors. À toute vitesse, Tristan repensa aux moments extraordinaires passés ès bras du fin rouquin. Jamais il n'aurait imaginé que ce frêle mec pût offrir tant de douceur et de plaisirs !
En revanche, il avait toujours admiré, comme tout le monde d'ailleurs, la très avantageuse plastique d'un Enguerrand qui en faisait beaucoup pour la mettre en valeur, surtout depuis que les beaux jours étaient là : débardeurs moulants, décolletés plongeants, bermudas serrés devant comme derrière...
Du coup... il se surprit à songer à des trucs... des trucs inattendus pour lui. Et si... si... s'il arrivait à organiser une mignonne séance à trois ? Voir enfin Enguerrand dans ses œuvres, même si c'était à contre-emploi... du moins en apparence ? Après tout, n'avait-il pas lui même pris un pied pas possible avec le fin et élégant rouquin ?
Bref, il gambergea vite fait, et reprit, doucement :
— Toi, sérieusement, tu te vois pas baiser un mec ?
— Tu l'as pas fait, toi ?
— Heu... Mais je suis pas le modèle absolu de la virilité tranquille et triomphante, moi !
Sur ce coup-là, Tristan s'avoua bien in petto qu'il était un peu canaille... et pourtant ! Il eut la nette impression qu'Enguerrand marquait le coup... Qui rétorqua, après un temps, et théâtralement :
— Justement : la virilité bien comprise se doit de tout connaître.
— Ah ! Là, tu me fais hésiter entre Jules César et Victor Hugo, ah ! ah !
— Eh, p'tit con ! Fais pas trop le malin, s'te plaît, sinon le premier mec que je vais défoncer, ce sera toi ! Et là, c'est sainte Rita que tu pourras aller chercher !1
— Chiche ! lâcha Tristan sans réfléchir.
— Oh putain ! s'écria Enguerrand, me tente pas, toi, parce que je vais m'essayer sur toi pour pas passer pour un amateur en niquant l'autre lopette !
— Eh ben tu perds pas le nord, toi ! commenta Tristan, soudain dépassé.
La vodka Poilosky n'est pas dans le top 500 des meilleurs breuvages de ce type ; m'enfin, elle assure quand même quand on en espère un minimum... Bref, ces deux garçons en avaient assez bu pour que les enchères montassent assez vite, sur le front des rodomontades sexuelles.
— J'te préviens que si t'as l'intention de me déglinguer, tu me bouffes d'abord la chatte comme un pro, puis tu me doigtes comme un spécialiste, puis tu me pines comme un génie ! affirma virilement Tristan.
Enguerrand prit une grande lampée de vodka et déclara, impérial :
— Tu ne soupçonnes tout de même pas la virilité totale de faire dans la demi-mesure ?
— On est bourrés... mais si t'es sérieux, je tope !
Où solennellement, et dans un geste digne des meilleurs moments de la Comédie française, l'incomparable Enguerrand tendit la main... que Tristan saisit après qu'on eut topé.
— J'y crois pas... murmura-t-il après un instant, alors qu'on se tenait encore la main, me faire baiser par le plus beau mec du Grand Ouest !
— J'y crois pas : un super beau mec connu pour être un des deux meilleurs baiseurs du Grand Ouest, qui veut se faire tirer par moi !
Il y eut un petit silence, après cette belle séquence. On se regardait dans les yeux, sans oser baisser les paupières.
— Quand on aura dessoûlé... murmura Tristan.
— On sera mieux à même de le faire bien.
— Sérieux ?
— Chuis pas une couille molle, moi.
— Alors ?
— Quand t'es prêt, je le suis aussi. Et après... tu me présente le rouquin !
— Oh p'tain ! Enguerrand... t'es réellement sûr de ce que tu dis, là ?
— Chuis bourré, comme toi, mais... j'en ai un peu marre des connasses qui couinent alors qu'on leur a même pas regardé le menton !
— Ah ! Ah !
— Et pis... tout le monde dit que les mecs savent baiser : comme ça, je saurai... On saura !
— Sauf qu'on n'est pédé ni l'un ni l'autre...
— Raison de plus : on verra si c'est dans nos gènes !
— T'es cinglé, Enguerrand !
— Chais pas. Il est midi et demie : qu'est-ce qu'on fait ?
— Ben... On est bourrés... Je sais pas si...
— Tu mollis ?
Où Tristan eut la surprise de voir Enguerrand agir envers  lui comme il agissait très sûrement avec les nanas : il lui envoya une petite moue souriante et craquante, si craquante !
— Non, mais... on risque de se rater, non ?
— Alors tu proposes quoi ?
— Ben pas grand chose... Si ! Et si on demandait à Joël de nous cornaquer ?
Enguerrand resta bouche bée ; mais il sourit enfin.
— Oh putain ! Un plan pédé à trois ! Sauf que... t'as d'jà d'l'avance toi... et que tu vas te foutre de ma pomme !
— Jamais de la vie ! Le cul, c'est sacré !
Enguerrand regarda Tristan l'air soudain mélancolique, et cela toucha le garçon.
— Tu penses à quoi, là ?
— Ça fait des années qu'on se tire la bourre, tous les deux, et là... c'est toi qui va me donner une leçon de baise...
— On peut abandonner, si...
— Non ! J'ai topé, on le fera, fit noblement Enguerrand.. M'encule pas trop sauvagement, quand même !
— Je sais pas si on ira jusque là, mais... t'auras mal nulle part, je te le jure. Et bien au contraire !
Drôle de moment d'émotion, soudain !
— Je propose qu'on dessoûle gentiment... et ce soir, on convoque Joël... et sa grosse queue, fit gravement Tristan.
Enguerrand explosa de rire :
— C'est si tragique que ça ? Ah ! Ah !
— Disons que... ça oblige à revoir ses fondamentaux !
— Ah ! Ah ! Ah ! Même bourré, tu restes un génie de la langue, toi !
— T'as pas encore tout vu...
On rigola de bon cœur... et Enguerrand ordonna le café. Beaucoup, et raide autant que ces jeunes Messieurs espéraient l'être en présence de la star du jour : le flamboyant Joël.
— P'tain, j'y crois pas ! fit Enguerrand en sirotant, baiser avec un de mes meilleurs amis — là, Tristan apprit quelque chose — et avec un autre mec ! Comme ça, comme si c'était normal !
— Avec Joël, tu verras que c'est normal, justement.
— T'en pincerais pas un peu d'jà, toi ?
— Tu verras toi-même. Tiens, j'l'appelle !
« D'accord, cinq heures et demie... J'ai un cadeau pour toi... Si, si, pour te remercier ! »
— Me dis pas que c'est moi, le cadeau ? s'enquit Enguerrand, incertain.
— Tu sais que t'es vachement beau, Ducon ! Alors oui, t'es un cadeau pour un mec qu'a pas confiance en lui... et qui t'admire de loin, comme tous les gays du Grand Ouest !
— Oh ! Moi, une icône gay, comme Dalida ?
— Non. Toi, t'es un mec, un vrai, et en vrai. Va falloir le prouver, c'est tout. Et avant... faut se récurer à fond !
— Toi, tu veux me mater sous la douche!
— Oui.
Enguerrand ne moufta pas et l'on alla se déloquer en sa salle de bains, intimidés.
— J'espère qu'il va lui plaire, mon cadeau ! osa Tristan.
— Sinon, je remballe tout  tout de suite !
— Non : je me le garde.
— Ho ?
On se doucha sans autre commentaire... mais il pensait, Tristan ! Quelle étrange aventure ! Il s'avouait in petto que le charme d'Enguerrand agissait sur lui comme jamais et que, sans doute, c'était le cas depuis longtemps... Enguerrand qui ne tarda pas à faire preuve d'un exhibitionnisme éhonté...
Il ne se rhabilla pas et décida de passer l'après-midi à poil.
— Ch'rai curieux de te voir en forme, tiens !
— Tu suces, et c'est bon ! répliqua Tristan, bravache.
— Tu pompes, toi ? En dehors du rouquin, j'veux dire ?...
— On se suce si on en a envie, c'est tout, souffla Tristan en fermant les yeux, la tête en arrière sur le sofa. Moi, c'est oui.
— Oh, Tristan, je...
— Amène ta queue.
Où Enguerrand vint s'agenouiller devant son pote, sur le canapé, pour lui proposer un fort bel objet que Tristan happa sans relever la paupière. Ô singulier instant ! Et dans un silence de mort. Mais pas trop long, ce silence ! Car Enguerrand ne tarda guère à gémir doucement...
— P'tain, tu pompes bien ! Arrête, arrête !
— Miam !
On éclata de rire. Et Tristan convoqua Joël... chez Enguerrand : « Viens vite, mon cadeau est en train de fondre ! — C'est quoi ? — Une glace au foutre !»
— T'es encore plus fou que je pensais ! affirma Enguerrand, hilare.
Le beau rouquin eut l'air intimidé, en arrivant, pensez ! Mais les deux autres étaient à poil et... les choses ne traînèrent pas, céans ! Et les appréhensions du superbe Enguerrand ne tinrent pas longtemps devant les manœuvres adroites du rusé Joël ! Qui perdit vitement toute forme de timidité.
Triangle à droite, triangle à gauche, devant, derrière, en haut, en bas et sur les côtés, toutes les figures de la géométrie appliquée aux sciences humaines y passèrent !
In fine, Tristan désira se faire percer par Enguerrand, au motif (évidemment fallacieux) qu'il était un peu moins bien monté que le fin Joël. Qui de toute façon y alla aussi de son beau sabre, juste après...
Belle et élégante séance qu'icelle ! Et le frêle et pâle Joël impressionna fortement cette grande gueule d'Enguerrand.
— J'vais vous en dire une bien bonne, les mecs ! déclara enfin Joël, après qu'on eut trinqué aux bulles de Loire. En fait... j'vous verrais bien ensemble, tous les deux !
— Ah ! firent les deux autres. T'es fou ?
— Non : folle, et ça vaut mieux, pour comprendre les mecs ! Oui, je crois que... vous devriez essayer, les minets.
Les garçons se regardèrent, effarés. Eux, ensemble ?
La réunion ne s'arrêta pas là, et la suite de la soirée fut de haute tenue, aussi bien morale qu'érotique. Où même Enguerrand se laissa mettre quelques doigts, après qu'il eut été brouté avec l'ardeur d'une tarentaise affamée sur l'alpe !
On laissa partir Joël, et l'on en resta tout chose.
— Merci, souffla Tristan. Je sais pas ce que t'as pensé de tout ça... mais merci.
— Tristan ? C'est à moi de te remercier ! Sans toi...
— Je sais bien que... c'est bizarre, et que ça recommencera plus jamais, mais...
— Si.
— Enguerrand ?
— Je sais pas la vie, mais... si tu préfères pas Joël, alors...
— Enguerrand ? fit Tristan, stupéfait.
— Oui. J'ai l'impression d'avoir ouvert les yeux sur une aurore boréale... et cette aurore-là... te ressemble, Tristan.
— Mais, Enguerrand !...
— Tu crois qu'on pourrait... essayer de se connaître ?
— Mais... t'es fou, Enguerrand ! On peut pas...
— Chut ! J'ai besoin d'aimer, là, vite et fort... Et réellement, surtout. Et maintenant que je te connais... On essaye un truc, tous les deux ?
Larmes, et tableau final, comme on dit à l'Opéra.

27. II. 2022



Re : La Leçon d'Enguerrand - lelivredejeremie - 27-03-2022

J’ai l’impression de radoter, mais tes petits personnages sont toujours aussi attendrissants  Smile  Par la force des choses, c’est souvent dans la nature des Joël(s) d’être timides, mais d’expérience limitée, ce l’est moins dans celle des hétéros curieux, trop souvent arrogants  ???  Tristan aurait pu, dans ce contexte différent, se dispenser des sentiments et n’être qu’un serial fucker égoïste, sauf que ce modèle est rédhibitoire dans l’univers loukloukien toujours teinté de bienveillance et de respect mutuel, pas bizarre qu’il fasse mentir ce qui n’est malheureusement pas qu’un cliché  Smile  Aussi, cool que tu m’aies épargné l’orgasme spontané de Joël en passif pas inactif, la ‘poésie’ un peu idéale de tes histoires garde un fond de réalisme et de crédibilité.

Un autre de tes gimmicks dont je ne me lasse pas est la gentille candeur de tes protagonistes, mais ça ne m’a pas empêché de sourire de la douce manipulation de Tristan, qui amène Enguerrand à vouloir de lui-même goûter à l’autre plaisir  ;D  Après qu’il ait lui-même succombé celle de Joël, décidément aussi rusé que l’animal dont il porte la fourrure, quand on manque d’assurance, un peu de machiavélisme est une arme efficace  :Smile 

Après, au fil de tes historiettes, tu peux te vanter d’avoir suscité un fantasme de plus sur ma to-do-list déjà trop longue faute d’opportunités (et de liberté, un peu) : le grand roux fin et pâle aux yeux clairs, merci-pas-merci, hein !  :Smile


Re : La Leçon d'Enguerrand - stuka132 - 30-03-2022

ahh  l eternel  rouquin... et ses  deux  lascards !! toujours aussi agreable !!

bises


Re : La Leçon d'Enguerrand - Philou0033 - 31-03-2022

Bonjour [member=87]Louklouk[/member] !

Merci pour ce super récit. J'adore ta façon de brosser tes personnages. Ils sont à la fois si réels et si imaginaires!
Une fois qu'ils ont compris ce que l'amour gay peu leur apporter, ils peuvent enfin s'aimer et peut-être envisager de vivre ensemble!

Je t'embrasse!
Philou