18-12-2020, 10:38 AM
Je rejoins les autres. Je suis encore sous le choc de même que Stéphanie. Elle me prend dans ses bras et me dit dans le creux de l’oreille « Merci Phil. Tu es un amour ! ». Papa nous demande de sortir pour ne pas encombrer le service. Nous nous rendons ensuite dans le hall d’accueil, puis à la cafétéria. Nous nous installons à une table pour discuter de ce que nous devons encore faire et prévoir pour les prochains jours. L’assistante sociale, elle est super attentive et reste auprès de nous, nous signale que le médecin veut s’entretenir avec nous.
Cinq minutes plus tard il vient se joindre à nous. Il nous explique que ma présence est importante pour que Julien sorte de sa coquille, pour qu’il prenne conscience de ce qui s’est passé car il semble avoir fait abstraction de tout ce qui s’est passé. Il n’a aucun souvenir de l’accident et il ne se rend pas compte qu’il est à l’hôpital et que ses parents ne sont pas auprès de lui. Il semble fait un déni de ce qui s’est passé, il semble donc être dans une autre dimension au niveau de son cerveau. La seule personne qu’il reconnait c’est moi.
Le médecin nous quitte en nous souhaitant bonne chance pour la suite. Il sait très bien que nous en aurons besoin. Je me pose une nouvelle fois un tas de questions. Je suis mal, je me sens mal, je ne sais plus quoi penser. Papa le remarque et me prend par la main pour faire un tour à l’extérieur. Puis nous nous posons sur un banc du parc de l’hôpital. Il y a des piétons qui viennent et qui passent, mais rien n’y fait, c’est comme si nous n’étions que deux au milieu de toute cette agitation !
Papa : « Phil, je sais que tu vas te reprendre, que tu vas faire face pour venir en aide à ton ami Julien. Nous allons nous occuper des obsèques de Béatrice et de Pierre. Tu seras avec nous et Stéphanie. Puis tu poursuis tes cours de conduite, ensuite on s’arrange pour que tu puisses venir voir Julien. Une fois ton permis de conduire réussi, tu pourras rester chez tante Françoise, elle m’a dit que ton cousin David avait annulé son séjour en Suisse pour rester avec toi. Alors, je te demande de faire un gros effort pour être disponible durant ses quelques jours.
Moi : Oui, je vois. Je ne pensais pas que ça allait se passer comme ça. Tu as raison Papa, je vais prendre sur moi et faire le maximum pour être disponible pour Julien et pour la famille.
Papa : Je sais que tu peux le faire Phil, nous comptons sur toi. Tu sais le médecin est conscient que c’est par ta présence que Julien va pouvoir progresser dans la voie de la guérison. Je sais que cette tâche n’est pas facile, que du contraire et nous serons toujours avec toi, à tes côtés pour t’aider au mieux.
Moi : Merci Papa pour ce que tu viens de me dire. Je suis heureux de pouvoir faire mon maximum pour Julien et bien sûr aussi pour la famille.
Papa : Je crois que nous ferions bien de rejoindre les autres. Tu es un fils très spécial. Viens que je t’embrasse. »
Papa me prends alors dans ses bras affectueusement et me donne un baiser sur le front. C’est sa manière à lui de me faire savoir combien il m’aime. De mon côté je lui donne un baiser sur la joue. Je sais bien que les jours et les semaines qui vont suivre seront difficiles, voire même très difficiles, mais c’est comme ça, c’est le destin et je vais y faire face. Nous retrouvons Maman, Stéphanie et Delphine à la cafétéria. Nous prenons une tasse de café ou une limonade.
Nous prenons ensuite la direction des pompes funèbres. Stéphanie et Papa s’occupent des derniers détails. Demain dans l’après-midi les deux dépouilles seront acheminées à Bruxelles où elles rejoindront les pompes funèbres. Normalement les obsèques auront lieu ce mercredi à onze heures, contact ayant été pris avec le Père Marcel. C’est incroyable comment le personnel des pompes funèbres s’arrange pour aviser les personnes intervenantes de ce qui va se passer et de l’horaire prévu.
Nous allons rendre un hommage à Béatrice et à Pierre qui sont placés côte à côte dans cette chapelle ardente au sein du funérarium. Je peux voir deux couronnes sur chacun des cercueils. On peut y lire sur celles de Béatrice : « A notre Maman » et « Vos amis Fanny et Pierre », et sur celui de Pierre : « A notre Papa » et « Vos amis Fanny et Pierre ». Puis je vois aussi deux bouquets de roses, un sur chaque cercueil, avec un ruban où il est écrit : « Phil, votre second fils. ». Je me suis alors effondré en larmes, je ne m’y attendais pas. Delphine et Stéphanie se sont mises de chaque côté pour me soutenir. Cette attention vient de mes parents, j’en suis sûr et certain. C’est vrai que les parents de Julien étaient comme mes seconds parents, je les aimais beaucoup, plus que ça, je n’ai pas d’autre terme pour décrire l’affection qui nous unissait.
Nous reprenons tous la route vers Bruxelles. Pas un mot n’a été échangé dans la voiture. Nous étions tous assez fatigués par cette journée. Beaucoup d’émotions emmagasinées, suffisamment de stress et de pleurs. Il va falloir maintenant faire face à tout ce qui nous attend. Je repense alors à Julien ainsi qu’à son réveil assez court somme toute, mais je sais qu’il m’a reconnu. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il ne soit pas trop dévasté lorsqu’il apprendra la mort de ses deux parents. Enfin nous voilà arrivés à la maison. Maman veut que nous mangions un petit quelque chose, mais personne n’a réellement faim. Je monte dans ma chambre pour me coucher sans plus attendre.
Je me suis endormi après avoir une nouvelle fois pleuré. Je me suis rendu compte que Julien était complètement « perdu », il ne se rend pas compte qu’il a été blessé dans l’accident qui a causé la mort de ses parents. Je suis profondément attristé de l’avoir vu comme ça, certes il me reconnaît, il sait que nous sommes ensemble, que je suis son amoureux, mais à part cela, rien, il ne se rend compte de rien !
Le réveil sonne, il est huit heures. J’ai quand même dormi quelques heures. Je vais aller suivre mon cours de conduite bien que je n’aie pas trop envie, mais il faut que je me bouge, que je pense à autre chose. Je prends ma douche, je m’habille et je descends pour le petit déjeuner. Les filles sont déjà à table ainsi que maman. Je vois bien qu’elles ont beaucoup pleuré, elles ont les yeux cernés. Maman a les traits tirés, elle n’a pas beaucoup dormi, elle non plus. Il me semble que je suis le seul qui ai l’air d’avoir un peu plus dormi. L’ambiance est lourde, nous nous sommes tous rendus compte que Julien n’est pas bien, qu’il semble ailleurs. Puis Stéphanie me dit :
Sté : « Tu sais Phil heureusement que Julien t’a reconnu, car il semble tellement ailleurs. Tu vas devoir faire un maximum pour qu’il sorte de cette bulle où il est enfermé.
Moi : Oui, je sais Stéphanie, j’y ai pensé avant de m’endormir. Je suis presque le seul lien entre lui et nous.
Mam : C’est tout à fait juste. Tu vas devoir avoir du courage. Nous en parlerons avec les médecins et je veux que toi aussi tu sois soutenu, car tu vas tomber en dépression. Je ne blague pas Phil, tu vas devoir faire attention à toi.
Moi : Je m’en rends compte et j’ai peur de ce qui peut se passer. J’ai peur de voir Julien comme un « étranger », qu’il ne soit plus le même. Je ne sais pas comment cela va se passer.
Mam : Nous serons à tes côtés, tu pourras avoir de l’aide de l’hôpital dans un premier temps. Et puis, peut-être qu’il réagira bien dans quelques jours !
Del : Je l’espère, oui je l’espère au plus profond de mon cœur, pour toi Stéphanie et pour toi Phil.
Mam : Bon, on te laisse aller, fait attention à toi, pas d’imprudence lors de la conduite !
Moi : Oui maman, je vais penser à autre chose et je vais m’appliquer. Bisous à vous toutes. »
Je quitte la table car si je reste encore un moment, il va y avoir des pleurs. Je pars à pied pour prendre le bus. Je monte dans le bus mais ce n’est pas Marcel qui est au volant. Je prends place derrière le chauffeur, cela fait déjà quelques jours que nous prenions Julien et moi cet emplacement. J’y pense, je me lève et je vais au fond du bus. Je ne suis pas bien, j’ai des sueurs froides. Je respire profondément pour me déstresser. Après cinq minutes ça va déjà mieux. J’arrive à l’arrêt de bus et je descends. Je fais les derniers mètres qui me séparent de l’auto-école en pensant à Julien.
J’entre dans le hall. Xavier et Didier sont déjà là. Je les vois sourire, Didier regarde derrière moi si Julien me suit. Je m’approche de Xavier et je me pose sur une chaise, mes jambes ne me soutiennent presque plus. Xavier se précipite vers moi ; Didier reste coi. J’ai des larmes qui montent et qui se déversent sur mes joues. Xavier s’assied à côté de moi et avec ses bras me serre contre lui. Il me laisse le temps de me reprendre. Didier est resté sur place les bras ballants.
Je me suis calmé et d’une voix serrée je m’adresse aux deux instructeurs. Je leur explique l’accident, le décès des parents de Julien et l’état de celui-ci. Plus un bruit ne se fait entendre. Didier est médusé, des larmes coulent doucement sur ses joues. Xavier a les yeux humides, il fait un effort pour ne pas pleurer. L’employée se rendant compte que quelque chose ne va pas, vient voir ce qui se passe. Me voyant seul, sans Julien, les deux moniteurs les larmes aux yeux, elle a tout de suite compris qu’il était arrivé un malheur à Julien. C’est Didier qui va lui expliquer de quoi il retourne.
Xavier me demande si je veux suivre la leçon de conduite aujourd’hui, je lui réponds que oui, que ça me changera les idées. La directrice étant maintenant aussi au courant marque son accord. Elle demande à Xavier de faire extrêmement attention à moi durant les deux heures de conduite.
Finalement je suis content de pouvoir penser à autre chose et de m’occuper l’esprit. Xavier me conseille et s’occupe très bien de moi. Il est très attentif et prend très au sérieux son rôle de moniteur. Nous roulons dans des quartiers que je connais et donc je peux les regarder d’un autre œil que celui de passager. Nous retournons dans les bureaux de l’auto-école. Je range le véhicule à son emplacement, je coupe le contact et je remets la clé à Xavier.
Je souffle, je me rends compte que je n’ai plus pensé à Julien durant deux heures. J’ai un sentiment mitigé, je m’en veux de ne pas avoir pensé à lui mais d’un autre côté cela m’a fait du bien de m’occuper l’esprit. Je me rends compte que ça fait du bien de se déconnecter de la vie courante un moment, j’ai la tête moins remplie de questions pour lesquelles je n’ai pas encore de réponse. Ce n’est pas pour autant que je me détourne de Julien, mais cela me semble important pour mon équilibre personnel. Je comprends bien mieux le pourquoi d’un accompagnement psychologique pour moi, pour faire face aux semaines, aux mois qui vont venir.
Xavier me demande si je reviens demain. Oui bien entendu que je serai là, il faut que je termine mes cours de conduite. Xavier me propose de venir à neuf heures et de rouler jusqu’à midi, comme cela j’aurai trois heures de conduite et ainsi de suite, sauf le jour des obsèques de mes « beaux-parents ». Je le remercie pour cette attention. Didier arrive et me demande si ça va. Il souhaite que je « passe le bonjour » à Julien, car il a de l’estime pour lui. Ils sont super les deux moniteurs.
Au moment de sortir du hall d’entrée du bâtiment de l’auto-école, je vois que papa m’attend avec la voiture.
Moi : « Bonjour Papa, pourquoi es-tu venu me chercher ?
Papa : C’est pour que tu sois au plus vite auprès de Julien. Je pense qu’il va avoir besoin de toi.
Moi : Merci, je suis content de pouvoir le voir.
Papa : Je m’en doute Phil. Je sais que c’est important pour toi, comme pour lui.
Moi : Merci, pour nous deux ! »
Nous n’avons plus parlé lors du trajet. Je reconnais bien mon père, il prend les devants et s’arrangeait pour faire au mieux. Je me demande ce que Julien allait bien me dire. Se souvenait-il de quelque chose ? Bref je suis dans mes pensées lorsque nous arrivons à l’hôpital. Avant d’aller voir Julien, papa me propose de manger un sandwich à la cafétéria. Je sais que je vais avoir besoin de forces et je mange donc cet en-cas.
Nous nous présentons au bureau de l’étage où se trouve la chambre de Julien. Le médecin est justement présent. Il me dit que Julien est toujours dans le même état, il fait un déni de ce qui s’est passé. La seule chose c’est qu’il se demande pourquoi il a les deux jambes brisées et un bras plâtré. Il se souvient que je suis son petit-ami. C’est déjà ça.
J’entre seul dans la chambre, Julien a les yeux clos. Je m’approche du lit et je lui prends la main gauche comme je l’avais fait la veille. Julien serre ma main et ouvre ensuite les yeux. Je plonge mon regard dans le sien. Il me dit directement :
Jul : « Phil, tu es là, je suis content de te voir.
Moi : Et moi donc Julien, je suis heureux de te voir !
Jul : Je ne sais pas ce qui se passe, j’ai les jambes cassées et un bras plâtré.
Moi : Tu ne te souviens pas Juju ?
Jul : Non, je me souviens que je suis allé voir mon parrain.
Moi : Tu l’as vu quand ton parrain ?
Jul : Je ne sais plus. C’est un jour où il faisait très chaud.
Moi : Tu te souviens que nous avons des cours de conduite à l’auto-école ?
Jul : Je ne sais pas, peut-être. Oui, je vois le beau moniteur, c’est comment son prénom ?
Moi : Tu ne te souviens pas ?
Jul : Non, mais toi aussi tu suis les cours de conduite ?
Moi : Oui Juju et mon moniteur c’est Xavier !
Jul : Ah oui, je le revois, c’est aussi un beau garçon. Oui et en plus il est le compagnon de mon moniteur, heu….de, heu….de Didier !
Moi : Oui Julien, c’est Didier.
Jul : Mais pourquoi suis-je ici dans un lit d’hôpital ?
Moi : Tu ne te souviens pas Juju. Tu n’as aucun souvenir ?
Jul : Non, je sais que nous devions aller voir mon parrain.
Moi : Oui et ensuite.
Jul : Il faisait chaud, mais tu n’étais pas avec nous.
Moi : Je sais, je ne devais pas aller avec vous ce jour-là.
Jul : Je ne sais plus. J’ai mal à la tête. Je suis fatigué !
Moi : Tu veux que je te laisse te reposer ?
Jul : Oui, mais avant, viens me donner un bisou. »
Je me rapproche de Julien, je me penche vers son visage encore bleui et je pose mes lèvres sur les siennes. Julien ouvre la bouche et fait passer sa langue dans ma bouche. Je lui réponds alors avec joie en entreprennent une farandole avec nos langues. Dans mon esprit, mon Julien est en partie revenu « à lui ». Nos bouches se séparent. Je vois que Juju est fatigué. Je m’assieds sur la chaise et je lui prends la main.
Après cinq minutes je me rends compte qu’il s’est endormi. Je sors de la chambre et le médecin me demande ce que Julien à dit. J’explique ce qui s’est passé et ce qu’il a dit. Le médecin trouve qu’il y a un progrès, un léger progrès. Il trouve que je me suis bien débrouillé en laissant à Julien le soin de retrouver ses souvenirs. Il souhaite que je vienne presque tous les jours.
Cinq minutes plus tard il vient se joindre à nous. Il nous explique que ma présence est importante pour que Julien sorte de sa coquille, pour qu’il prenne conscience de ce qui s’est passé car il semble avoir fait abstraction de tout ce qui s’est passé. Il n’a aucun souvenir de l’accident et il ne se rend pas compte qu’il est à l’hôpital et que ses parents ne sont pas auprès de lui. Il semble fait un déni de ce qui s’est passé, il semble donc être dans une autre dimension au niveau de son cerveau. La seule personne qu’il reconnait c’est moi.
Le médecin nous quitte en nous souhaitant bonne chance pour la suite. Il sait très bien que nous en aurons besoin. Je me pose une nouvelle fois un tas de questions. Je suis mal, je me sens mal, je ne sais plus quoi penser. Papa le remarque et me prend par la main pour faire un tour à l’extérieur. Puis nous nous posons sur un banc du parc de l’hôpital. Il y a des piétons qui viennent et qui passent, mais rien n’y fait, c’est comme si nous n’étions que deux au milieu de toute cette agitation !
Papa : « Phil, je sais que tu vas te reprendre, que tu vas faire face pour venir en aide à ton ami Julien. Nous allons nous occuper des obsèques de Béatrice et de Pierre. Tu seras avec nous et Stéphanie. Puis tu poursuis tes cours de conduite, ensuite on s’arrange pour que tu puisses venir voir Julien. Une fois ton permis de conduire réussi, tu pourras rester chez tante Françoise, elle m’a dit que ton cousin David avait annulé son séjour en Suisse pour rester avec toi. Alors, je te demande de faire un gros effort pour être disponible durant ses quelques jours.
Moi : Oui, je vois. Je ne pensais pas que ça allait se passer comme ça. Tu as raison Papa, je vais prendre sur moi et faire le maximum pour être disponible pour Julien et pour la famille.
Papa : Je sais que tu peux le faire Phil, nous comptons sur toi. Tu sais le médecin est conscient que c’est par ta présence que Julien va pouvoir progresser dans la voie de la guérison. Je sais que cette tâche n’est pas facile, que du contraire et nous serons toujours avec toi, à tes côtés pour t’aider au mieux.
Moi : Merci Papa pour ce que tu viens de me dire. Je suis heureux de pouvoir faire mon maximum pour Julien et bien sûr aussi pour la famille.
Papa : Je crois que nous ferions bien de rejoindre les autres. Tu es un fils très spécial. Viens que je t’embrasse. »
Papa me prends alors dans ses bras affectueusement et me donne un baiser sur le front. C’est sa manière à lui de me faire savoir combien il m’aime. De mon côté je lui donne un baiser sur la joue. Je sais bien que les jours et les semaines qui vont suivre seront difficiles, voire même très difficiles, mais c’est comme ça, c’est le destin et je vais y faire face. Nous retrouvons Maman, Stéphanie et Delphine à la cafétéria. Nous prenons une tasse de café ou une limonade.
Nous prenons ensuite la direction des pompes funèbres. Stéphanie et Papa s’occupent des derniers détails. Demain dans l’après-midi les deux dépouilles seront acheminées à Bruxelles où elles rejoindront les pompes funèbres. Normalement les obsèques auront lieu ce mercredi à onze heures, contact ayant été pris avec le Père Marcel. C’est incroyable comment le personnel des pompes funèbres s’arrange pour aviser les personnes intervenantes de ce qui va se passer et de l’horaire prévu.
Nous allons rendre un hommage à Béatrice et à Pierre qui sont placés côte à côte dans cette chapelle ardente au sein du funérarium. Je peux voir deux couronnes sur chacun des cercueils. On peut y lire sur celles de Béatrice : « A notre Maman » et « Vos amis Fanny et Pierre », et sur celui de Pierre : « A notre Papa » et « Vos amis Fanny et Pierre ». Puis je vois aussi deux bouquets de roses, un sur chaque cercueil, avec un ruban où il est écrit : « Phil, votre second fils. ». Je me suis alors effondré en larmes, je ne m’y attendais pas. Delphine et Stéphanie se sont mises de chaque côté pour me soutenir. Cette attention vient de mes parents, j’en suis sûr et certain. C’est vrai que les parents de Julien étaient comme mes seconds parents, je les aimais beaucoup, plus que ça, je n’ai pas d’autre terme pour décrire l’affection qui nous unissait.
Nous reprenons tous la route vers Bruxelles. Pas un mot n’a été échangé dans la voiture. Nous étions tous assez fatigués par cette journée. Beaucoup d’émotions emmagasinées, suffisamment de stress et de pleurs. Il va falloir maintenant faire face à tout ce qui nous attend. Je repense alors à Julien ainsi qu’à son réveil assez court somme toute, mais je sais qu’il m’a reconnu. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il ne soit pas trop dévasté lorsqu’il apprendra la mort de ses deux parents. Enfin nous voilà arrivés à la maison. Maman veut que nous mangions un petit quelque chose, mais personne n’a réellement faim. Je monte dans ma chambre pour me coucher sans plus attendre.
Je me suis endormi après avoir une nouvelle fois pleuré. Je me suis rendu compte que Julien était complètement « perdu », il ne se rend pas compte qu’il a été blessé dans l’accident qui a causé la mort de ses parents. Je suis profondément attristé de l’avoir vu comme ça, certes il me reconnaît, il sait que nous sommes ensemble, que je suis son amoureux, mais à part cela, rien, il ne se rend compte de rien !
Le réveil sonne, il est huit heures. J’ai quand même dormi quelques heures. Je vais aller suivre mon cours de conduite bien que je n’aie pas trop envie, mais il faut que je me bouge, que je pense à autre chose. Je prends ma douche, je m’habille et je descends pour le petit déjeuner. Les filles sont déjà à table ainsi que maman. Je vois bien qu’elles ont beaucoup pleuré, elles ont les yeux cernés. Maman a les traits tirés, elle n’a pas beaucoup dormi, elle non plus. Il me semble que je suis le seul qui ai l’air d’avoir un peu plus dormi. L’ambiance est lourde, nous nous sommes tous rendus compte que Julien n’est pas bien, qu’il semble ailleurs. Puis Stéphanie me dit :
Sté : « Tu sais Phil heureusement que Julien t’a reconnu, car il semble tellement ailleurs. Tu vas devoir faire un maximum pour qu’il sorte de cette bulle où il est enfermé.
Moi : Oui, je sais Stéphanie, j’y ai pensé avant de m’endormir. Je suis presque le seul lien entre lui et nous.
Mam : C’est tout à fait juste. Tu vas devoir avoir du courage. Nous en parlerons avec les médecins et je veux que toi aussi tu sois soutenu, car tu vas tomber en dépression. Je ne blague pas Phil, tu vas devoir faire attention à toi.
Moi : Je m’en rends compte et j’ai peur de ce qui peut se passer. J’ai peur de voir Julien comme un « étranger », qu’il ne soit plus le même. Je ne sais pas comment cela va se passer.
Mam : Nous serons à tes côtés, tu pourras avoir de l’aide de l’hôpital dans un premier temps. Et puis, peut-être qu’il réagira bien dans quelques jours !
Del : Je l’espère, oui je l’espère au plus profond de mon cœur, pour toi Stéphanie et pour toi Phil.
Mam : Bon, on te laisse aller, fait attention à toi, pas d’imprudence lors de la conduite !
Moi : Oui maman, je vais penser à autre chose et je vais m’appliquer. Bisous à vous toutes. »
Je quitte la table car si je reste encore un moment, il va y avoir des pleurs. Je pars à pied pour prendre le bus. Je monte dans le bus mais ce n’est pas Marcel qui est au volant. Je prends place derrière le chauffeur, cela fait déjà quelques jours que nous prenions Julien et moi cet emplacement. J’y pense, je me lève et je vais au fond du bus. Je ne suis pas bien, j’ai des sueurs froides. Je respire profondément pour me déstresser. Après cinq minutes ça va déjà mieux. J’arrive à l’arrêt de bus et je descends. Je fais les derniers mètres qui me séparent de l’auto-école en pensant à Julien.
J’entre dans le hall. Xavier et Didier sont déjà là. Je les vois sourire, Didier regarde derrière moi si Julien me suit. Je m’approche de Xavier et je me pose sur une chaise, mes jambes ne me soutiennent presque plus. Xavier se précipite vers moi ; Didier reste coi. J’ai des larmes qui montent et qui se déversent sur mes joues. Xavier s’assied à côté de moi et avec ses bras me serre contre lui. Il me laisse le temps de me reprendre. Didier est resté sur place les bras ballants.
Je me suis calmé et d’une voix serrée je m’adresse aux deux instructeurs. Je leur explique l’accident, le décès des parents de Julien et l’état de celui-ci. Plus un bruit ne se fait entendre. Didier est médusé, des larmes coulent doucement sur ses joues. Xavier a les yeux humides, il fait un effort pour ne pas pleurer. L’employée se rendant compte que quelque chose ne va pas, vient voir ce qui se passe. Me voyant seul, sans Julien, les deux moniteurs les larmes aux yeux, elle a tout de suite compris qu’il était arrivé un malheur à Julien. C’est Didier qui va lui expliquer de quoi il retourne.
Xavier me demande si je veux suivre la leçon de conduite aujourd’hui, je lui réponds que oui, que ça me changera les idées. La directrice étant maintenant aussi au courant marque son accord. Elle demande à Xavier de faire extrêmement attention à moi durant les deux heures de conduite.
Finalement je suis content de pouvoir penser à autre chose et de m’occuper l’esprit. Xavier me conseille et s’occupe très bien de moi. Il est très attentif et prend très au sérieux son rôle de moniteur. Nous roulons dans des quartiers que je connais et donc je peux les regarder d’un autre œil que celui de passager. Nous retournons dans les bureaux de l’auto-école. Je range le véhicule à son emplacement, je coupe le contact et je remets la clé à Xavier.
Je souffle, je me rends compte que je n’ai plus pensé à Julien durant deux heures. J’ai un sentiment mitigé, je m’en veux de ne pas avoir pensé à lui mais d’un autre côté cela m’a fait du bien de m’occuper l’esprit. Je me rends compte que ça fait du bien de se déconnecter de la vie courante un moment, j’ai la tête moins remplie de questions pour lesquelles je n’ai pas encore de réponse. Ce n’est pas pour autant que je me détourne de Julien, mais cela me semble important pour mon équilibre personnel. Je comprends bien mieux le pourquoi d’un accompagnement psychologique pour moi, pour faire face aux semaines, aux mois qui vont venir.
Xavier me demande si je reviens demain. Oui bien entendu que je serai là, il faut que je termine mes cours de conduite. Xavier me propose de venir à neuf heures et de rouler jusqu’à midi, comme cela j’aurai trois heures de conduite et ainsi de suite, sauf le jour des obsèques de mes « beaux-parents ». Je le remercie pour cette attention. Didier arrive et me demande si ça va. Il souhaite que je « passe le bonjour » à Julien, car il a de l’estime pour lui. Ils sont super les deux moniteurs.
Au moment de sortir du hall d’entrée du bâtiment de l’auto-école, je vois que papa m’attend avec la voiture.
Moi : « Bonjour Papa, pourquoi es-tu venu me chercher ?
Papa : C’est pour que tu sois au plus vite auprès de Julien. Je pense qu’il va avoir besoin de toi.
Moi : Merci, je suis content de pouvoir le voir.
Papa : Je m’en doute Phil. Je sais que c’est important pour toi, comme pour lui.
Moi : Merci, pour nous deux ! »
Nous n’avons plus parlé lors du trajet. Je reconnais bien mon père, il prend les devants et s’arrangeait pour faire au mieux. Je me demande ce que Julien allait bien me dire. Se souvenait-il de quelque chose ? Bref je suis dans mes pensées lorsque nous arrivons à l’hôpital. Avant d’aller voir Julien, papa me propose de manger un sandwich à la cafétéria. Je sais que je vais avoir besoin de forces et je mange donc cet en-cas.
Nous nous présentons au bureau de l’étage où se trouve la chambre de Julien. Le médecin est justement présent. Il me dit que Julien est toujours dans le même état, il fait un déni de ce qui s’est passé. La seule chose c’est qu’il se demande pourquoi il a les deux jambes brisées et un bras plâtré. Il se souvient que je suis son petit-ami. C’est déjà ça.
J’entre seul dans la chambre, Julien a les yeux clos. Je m’approche du lit et je lui prends la main gauche comme je l’avais fait la veille. Julien serre ma main et ouvre ensuite les yeux. Je plonge mon regard dans le sien. Il me dit directement :
Jul : « Phil, tu es là, je suis content de te voir.
Moi : Et moi donc Julien, je suis heureux de te voir !
Jul : Je ne sais pas ce qui se passe, j’ai les jambes cassées et un bras plâtré.
Moi : Tu ne te souviens pas Juju ?
Jul : Non, je me souviens que je suis allé voir mon parrain.
Moi : Tu l’as vu quand ton parrain ?
Jul : Je ne sais plus. C’est un jour où il faisait très chaud.
Moi : Tu te souviens que nous avons des cours de conduite à l’auto-école ?
Jul : Je ne sais pas, peut-être. Oui, je vois le beau moniteur, c’est comment son prénom ?
Moi : Tu ne te souviens pas ?
Jul : Non, mais toi aussi tu suis les cours de conduite ?
Moi : Oui Juju et mon moniteur c’est Xavier !
Jul : Ah oui, je le revois, c’est aussi un beau garçon. Oui et en plus il est le compagnon de mon moniteur, heu….de, heu….de Didier !
Moi : Oui Julien, c’est Didier.
Jul : Mais pourquoi suis-je ici dans un lit d’hôpital ?
Moi : Tu ne te souviens pas Juju. Tu n’as aucun souvenir ?
Jul : Non, je sais que nous devions aller voir mon parrain.
Moi : Oui et ensuite.
Jul : Il faisait chaud, mais tu n’étais pas avec nous.
Moi : Je sais, je ne devais pas aller avec vous ce jour-là.
Jul : Je ne sais plus. J’ai mal à la tête. Je suis fatigué !
Moi : Tu veux que je te laisse te reposer ?
Jul : Oui, mais avant, viens me donner un bisou. »
Je me rapproche de Julien, je me penche vers son visage encore bleui et je pose mes lèvres sur les siennes. Julien ouvre la bouche et fait passer sa langue dans ma bouche. Je lui réponds alors avec joie en entreprennent une farandole avec nos langues. Dans mon esprit, mon Julien est en partie revenu « à lui ». Nos bouches se séparent. Je vois que Juju est fatigué. Je m’assieds sur la chaise et je lui prends la main.
Après cinq minutes je me rends compte qu’il s’est endormi. Je sors de la chambre et le médecin me demande ce que Julien à dit. J’explique ce qui s’est passé et ce qu’il a dit. Le médecin trouve qu’il y a un progrès, un léger progrès. Il trouve que je me suis bien débrouillé en laissant à Julien le soin de retrouver ses souvenirs. Il souhaite que je vienne presque tous les jours.