07-09-2020, 11:51 AM
2eme ANNÉE Pâques : (121/127) (Afrique) (Samedi midi) (La découverte du chantier)
La matinée se termine quand enfin les bus ralentissent à la vue de l’énorme chantier, l’activité grouillante montre le cœur qu’y mettent les ouvriers à rattraper le temps perdu par ces quelques jours d’interruptions forcées.
Un bâtiment ancien apparaît à leurs yeux, tous comprennent que c’est le fameux dispensaire qui depuis plusieurs décennies sert au père Antoine de havre de paix et où il accueille ceux qui sont en situations difficiles, que ce soit par le manque de soins ou de nourriture.
C’est d’ailleurs devant le bâtiment que les deux cars s’arrêtent en libérant enfin leurs lots de passagers, satisfaits pour certains de se retrouver chez eux et soulagés pour les autres d’être enfin arrivés à destination après ces longues heures de routes chaotiques.
***/***
Mon cœur se serre de me retrouver en cet endroit qui a été le commencement de ma nouvelle vie, ma mémoire pourtant embryonnaire à cette époque me montre néanmoins les changements et surtout la décrépitude de toutes ces années qui ont fortement marqué les murs, le manque d’argent et de main-d’œuvre n’ayant pas permis un entretien décent du dispensaire.
Je descends du car avec plaisir, heureux de pouvoir enfin me détendre les muscles et je m’aperçois très vite que je ne suis pas le seul, mes amis visiblement satisfaits eux aussi de pouvoir enfin mettre les pieds à terre.
Un cri de terreur d’Antonin me fait me retourner juste à temps pour recevoir de plein fouet la masse noire qui me couche au sol en me couvrant le visage de salive avec sa langue râpeuse.
- Rrrrrr !!!!
Une fois remis de ma surprise, je pars d’un énorme éclat de rire dû à la fois du plaisir de retrouver « Kinou » et de la tête horrifiée d’Antonin, pour qui la vue de la panthère amène une frayeur sans nom.
Thomas le prend aussitôt par la taille pour le rassurer.
- Ne t’inquiète pas « Tonin » !! C’est « Kinou » !! La panthère de Florian !! Tu vois bien qu’il ne lui veut aucun mal !! Allez !! Viens ici mon beau, vient dire bonjour à Antonin !!
- Rrrr !!!!
« Kinou » me libère en s’approchant du couple que forment mes deux amis, j’observe Antonin tétanisé par la vision de la panthère qui s’avance vers lui.
Thomas le caresse en recevant à son tour un grand coup de langue qui le fait sourire.
- Moi aussi je suis content de te revoir, mais dis donc !! Tu es devenu énorme !!
- Rrrr !!!!
L’animal se tourne alors vers Antonin qui est blanc comme un linge et tremble de tous ses membres, d’un geste leste ses pattes avant viennent se poser sur ses épaules et la tête énorme maintenant à quelques petits centimètres de celle de mon ami qui claque des dents d’une peur incontrôlable.
Un premier coup de langue sur le nez le couvre de salive, bientôt suivi d’un deuxième puis d’un troisième jusqu’à ce qu’Antonin finisse par comprendre qu’il ne lui sera fait aucun mal et commence à se rassurer suffisamment pour oser lui passer une main encore hésitante sur la tête pour caresser sa toison soyeuse.
Il me regarde en souriant timidement, sa voix encore tremblante.
- Il est vraiment à toi ?
- Oui !! Ou du moins il l’était avant que je ne le renvoie ici où il est dans son espace naturel.
- (Thomas amusé) Naturel tu dis ? Je pense plutôt que c’est un gros pantouflard qui préfère se la couler douce avec le père Antoine Hi ! Hi !
- Disons libre alors, si tu préfères !!
- (Antonin) Tu peux lui demander de descendre s’il te plaît ? Je ne sens plus mes épaules !!
Je me relève d’un bond pour aller prendre « Kinou » sous le ventre en le grattouillant là où je sais qu’il adore.
- Rrrrr !!!
- Allez mon gros !! Tu laisses mon copain maintenant !! Va plutôt chasser, ça te maintiendra en forme Hi ! Hi !
- Rrrr !!!
Je le regarde se diriger tranquillement vers l’entrée du dispensaire où il rentre comme en terrain conquis, Thomas éclate de rire une nouvelle fois.
- Il va chasser dans le garde-manger Hi ! Hi ! Au moins il est sûr de trouver de quoi se nourrir Hi ! Hi ! Pour le sport, je le retiens celui-là Hi ! Hi !
Une étrange sensation me prend qui me fait tourner la tête vers l’orée de la jungle qui nous entoure, je me sens observé et ma vision se projette vers les arbres où des dizaines, voire centaines d’yeux me fixent avec attention dans un silence impressionnant.
Un son sort alors de ma gorge qui fait se retourner vers moi tous ceux qui l’entendent, la réponse puissante venant de la jungle est immédiate et un sourire me vient alors quand je crois bon les prévenir.
- Surtout n’ayez pas peur, je crois que je vais avoir droit à un comité d’accueil !!
2eme ANNÉE Pâques : (122/127) (Afrique) (Samedi midi) (Mais enfin !!! Qui es-tu donc ??)
Les divers barrissements, rugissements, feulements et autres cris poussés par les animaux sauvages ceinturant le chantier, font s’interrompre celui-ci et nombreux sont les ouvriers curieux de toutes nationalités qui s’agglutinent maintenant sur le parking où un jeune garçon roux semble être le point central du phénomène inexpliqué qui se joue autour d’eux.
Les premiers à apparaître depuis la jungle font reculer avec un mouvement de peur panique l’ensemble des personnes attroupées et bientôt un large espace se creuse en ne laissant au-devant de la scène que les trois seules personnes qui ne semblent pas craindre cette apparition, ne serait-ce le plus fluet des deux blonds qui se fait visiblement violence pour rester auprès de ses amis.
Bientôt l’espace libre se remplit, après les félins en nombre impressionnant, ce sont les autres prédateurs de la forêt qui arrivent soit rampant, sois volant ou marchant sur deux ou quatre pattes et qui s’avancent sans haine apparente vers les trois garçons qui disparaissent bientôt des regards, pris comme ils le sont au milieu de toute cette faune censée représenter les pires dangers de cette jungle Africaine.
Thomas tout comme Antonin, n’en mènent pas large et seul le visage rayonnant de bonheur de leur petit rouquin les retient de ne pas prendre les jambes à leur cou pour s’enfuir au plus loin de toute cette faune sauvage.
L’instant semble soudainement se figer, chacun observant l’autre en attendant un signe qui guidera leurs prochaines actions.
C’est Florian qui s’avance vers une magnifique panthère au pelage marbré d’un noir profond, reconnaissant en elle la filiation certaine avec celle qui dans un lointain passé lui a sauvé la vie en le nettoyant de ses brûlures et en lui offrant son lait pour rassasier le bébé affamé qu’il était alors.
***/***
L’émotion me submerge soudainement quand je m’agenouille pour l’enlacer, mes larmes coulent à flots alors que mon cœur est submergé de l’immense gratitude que je voue à sa mère qui un jour, poussée par je ne sais quel instinct a passé outre à sa nature de prédatrice pour venir en aide au nourrisson qui braillait de douleur.
***/***
Thomas serre Antonin fortement contre lui, autant pour le rassurer que pour se rassurer lui-même et ce malgré qu’il sache pertinemment pour en avoir été très souvent témoin, que le danger s’il devait y en avoir un serait pour quelqu’un poussé par de mauvaises intentions envers celui qui une fois encore lui fait se poser une énième fois la question.
Question qu’il prononce à voix haute tellement la vision qu’il a en ce moment même le trouble.
- Mais enfin !!! Qui es-tu donc ???
Antonin lève les yeux vers lui, étonné par ces paroles.
- Depuis le temps, tu n’en as pas encore la réponse ?
- (Thomas sourit) Ce ne sont pas les réponses qui manquent, c’est plutôt de savoir laquelle est la bonne !!
***/***
« Village Massaï »
La jeep prend le dernier virage pour arriver enfin en vue du village, son chauffeur se gare suffisamment loin pour ne pas troubler plus que nécessaire les habitants et en respectant leur mode de vie, loin de toute civilisation moderne.
- J’ai hâte de revoir les belles fesses du chef Okoumé Hi ! Hi !
Son compagnon la regarde amusé.
- C’est un vrai fantasme ma parole !!
- Mais pas du tout !! C’est juste un très bon souvenir !!
- Mouaih !!! Va falloir songer à te trouver un mec ma grande !!
- Pffttt !!! Pense plutôt à notre mission plutôt que de vouloir me caser à tout prix !!
- Tu as raison !! J’espère juste trouver les mots qui feront le moins mal à Florian.
- Maurice ne pouvait se résoudre à un simple coup de fil, mais il aurait très bien pu confier cette mission à Gérôme et à Dorian, je n’ai pas très bien compris pourquoi c’est à nous qu’il l’a demandée ?
- Déjà parce que nous étions en route pour consolider le dispositif de protection du chantier et ensuite parce que je lui ai demandé de me laisser le lui dire moi-même.
- Mais enfin !! Pourquoi ??
Patrice prend Camille par les épaules, son regard franc se fixe avec gravité dans le sien.
- Déjà parce que Dorian ou Gérôme sont maintenant trop proches de notre petit gars et ensuite parce que j’aimerais vérifier quelque chose avant.
- Au village Massaï ??
- Bien sûr que non !! Je pensais aux arbres de la clairière !! Ou plutôt à deux d’entre eux en particulier !!
Camille cille soudainement en comprenant enfin où son collègue et ami veut en venir.
- Tu penses que quelqu’un aurait… Non !!!!
2eme ANNÉE Pâques : (123/127) (Moscou)
« Bureau de Vladimir »
- Vous êtes certain de votre diagnostic docteur ?
- Les prélèvements ainsi que les diverses radios ne peuvent laisser place au doute monsieur le président.
- Souffre-t-il ?
- Atrocement monsieur et c’est d’ailleurs la raison de ma demande pour abréger cette souffrance !!
- Comment expliquez-vous ce qui lui arrive ?
- Nous ne l’expliquons pas monsieur !! C’est arrivé soudainement il y a deux jours quand nous l’avons reçu aux urgences plié en deux de douleur et depuis son organisme est comme dévoré de l’intérieur par un nombre invraisemblable de parasites différents et qui résistent à toutes nos tentatives pour l’en débarrasser.
Vladimir ne peut s’empêcher de faire la corrélation entre l’entrée à l’hôpital d’Igor et l’arrestation de ses deux agents qui devaient clore le bec pour un temps à ce Désmaré en enlevant sa pupille, les deux nouvelles lui étant parvenues quasiment au même moment.
Il reste depuis lors enfermé dans son bureau, une peur viscérale l’empêchant d’en sortir de crainte d’avoir à subir la vengeance de ceux qui pourtant l’avaient bien prévenu de ne plus rien tenter contre le jeune De Bierne.
La sueur perle en grosses gouttes sur son front alors qu’il se triture nerveusement les mains, semblant compter ses doigts pour vérifier que le nombre y est.
- Faites ce qu’il vous semblera le mieux !! Abrégez ses souffrances si rien ne peut être fait pour lui venir en aide !!
- Bien monsieur le président !!
***/***
« Quelques heures plus tard, dans une chambre de quarantaine de l’hôpital central de Moscou »
L’infirmière horrifiée sort de la chambre là où des hurlements d’une douleur atroce ne cessent de résonner et ce malgré les antidouleurs administrés à fortes doses au patient sans effet apparent.
Igor est méconnaissable, sa peau flasque montre à quel point il a maigri et son corps tout entier fond comme neige au soleil de ces parasites qui l’infectent et se nourrissent de lui de l’intérieur dans des souffrances telles qu’il n’a de cesse à réclamer qu’on y mette fin.
Son cerveau entre deux spasmes de plus en plus rapprochés d’une douleur inimaginable, reste suffisamment conscient pour qu’il comprenne que son état actuel est lié à ses derniers actes et qu’il subit certainement la terrible vengeance de celui à qui il a voulu s’attaquer par le biais de ses amis pour l’amener en son pouvoir.
Des larmes couvertes de vermine s’échappent de ses yeux, un peu tard pour un pardon qui ne viendra pas et Igor comprend que sa souffrance ira jusqu’au bout en châtiment de cet acharnement qui a été le sien envers un garçon qui s’avère être beaucoup plus mystérieux et secret qu’il n’aurait jamais pu l’imaginer.
Deux hommes au visage grave entrent dans la chambre, tenant en mains pour l’un d’eux un plateau sur lequel ses yeux larmoyants peuvent apercevoir la solution létale qui va le libérer enfin de toutes ces heures atroces à se sentir rongé de l’intérieur.
L’injection est faite rapidement, en terminant une bonne fois pour toutes de cet homme qui a voué sa vie entière à briser celle des autres et qui termine la sienne de la plus terrible des façons, à souhaiter comme une délivrance sa propre mort.
***/***
« Bureau de Vladimir, samedi en fin d’après-midi »
Vladimir regarde fixement depuis au moins une heure le petit paquet posé bien en évidence sur son bureau, qu’une estafette le visage livide lui a apporté et qui n’a pas bougé d’un pouce depuis lors, sans qu’il trouve le début de courage à l’ouvrir à son tour comme l’ont fait ceux qui en ont contrôlé le contenu avant de le lui faire suivre.
Il sort une règle d’un tiroir, repousse lentement le couvercle jusqu’à ce que celui-ci se détache de la boîte et dévoile l’intérieur avec son contenu, un énorme frisson d’effroi fait plisser les yeux de Vladimir quand il découvre le doigt à moitié rongé et recouvert d’asticots qui ne peut appartenir qu’à une seule personne.
Il en est tellement horrifié qu’il lui faut plusieurs tentatives avant de réussir à remettre le couvercle en place et retrouver ensuite un semblant de calme suffisant pour prendre la missive à l’intérieur de l’enveloppe scotchée sur un des côtés de la boîte.
La lecture des quelques mots inscrits met cet homme pourtant l’un des plus puissants au monde, dans un état proche de la panique la plus pure.
« Traduit par son service de renseignement »
- 男性の復讐は神の中、 'Iganasi' の世界を創造した神のそれに対して何も、それはまたそれを破壊することができます。 (La vengeance des hommes n’est rien face à celle d’un être divin, « Iganasi » le dieu qui crée les mondes, il est aussi celui qui peut les détruire).
2eme ANNÉE Pâques : (124/127) (Afrique) (Samedi après-midi)
Le chantier reprend progressivement son rythme de travail maintenant que la quasi-totalité de la faune sauvage est repartie dans la jungle.
Le bruit ambiant manque singulièrement des conversations humaines, les ouvriers tout comme les autres personnes ayant participé aux derniers événements restant muets d’expectative en se demandant sans trouver de réponses comment est possible ce à quoi ils ont assisté.
Certains se signent en cachette quand d’autres expriment à leur façon et suivant leur religion ce qu’ils ressentent sur l’instant mais la plupart se trouvent renforcées dans leur croyance respective, observant avec les yeux brillants dès que l’occasion se présente ce jeune garçon capable de toutes ces choses incroyables.
Florian pour sa part ne se dépare pas de son sourire qui marque le plaisir qu’il ressent à être au milieu de cette nature et de cette vie sauvage qui pour lui est enchanteresse, alors que pour le commun des mortels cet endroit du monde est sans aucun doute l’un des plus dangereux qui soit.
Thomas se demande si toute cette joie apparente de son compagnon n’est encore une fois qu’une façade pour ne pas amener l’inquiétude auprès de ses amis, le lien qui les lie ensemble lui faisant percevoir d’autres réflexions beaucoup moins agréables et s’il reste discret pour ne pas s’ingérer dans les pensées intimes de son amour, il en discerne suffisamment pour que lui ne profite pas aussi sereinement des instants présents.
***/***
« Patrice et Camille »
La longue marche jusqu’à la clairière met encore à rude épreuve l’état physique du jeune couple qui peine une fois de plus à suivre la marche rapide d’Okoumé qui a accepté de les y conduire, curieux lui aussi d’aller constater s’il y a un lien entre les arbres torturés et le décès des grands-parents de celui qu’il considère maintenant qu’il a pu enfin le revoir après toutes ces années, comme un ami.
L’explication de la jeune femme blanche lui a ouvert les yeux sur plusieurs faits qu’il avait déjà constatés, sans pouvoir jusqu’à présent faire le lien de cause à effet entre les arbres de la clairière et la guérison de ceux de son peuple par les dieux des pierres.
L’arrivée non loin de la clairière, fait revenir Okoumé à des pensées beaucoup plus terre à terre et entre autres, celle de savoir si les dieux accepteront une fois encore les deux visiteurs.
Il ralentit donc sa marche pour les laisser le rejoindre en souriant malgré tout de les voir essoufflés et en sueur alors que lui n’éprouve aucune fatigue.
- Attendez-moi ici !! Je vous ferai signe s’il n’y a aucun danger pour vous deux.
Patrice plié en deux à reprendre sa respiration, relève les yeux vers le chef Massaï.
- Entendu !!
Camille détache son sac à dos pour s’asseoir dessus avec un ouf de soulagement.
- Je suis morte !!!
- On peut dire qu’il nous a fait cavaler !!
- Qu’est-ce qu’on attend ?
- L’autorisation d’entrer dans la clairière je pense !!
- Tu crois qu’il sera là comme l’autre fois ?
- Nous verrons bien !!
Okoumé passe la barrière des arbres pour se retrouver une nouvelle fois dans ce lieu plein de mystère où il a appris à aimer se retrouver depuis tous ces étés et encore dernièrement pour apporter la protection à sa tribu.
Son regard est tout de suite dirigé vers ce pour quoi il est venu, ce qu’il voit lui amène alors une forte amertume dans la bouche et le tas de cendre du feu de camp est encore bien visible, tout comme les troncs des deux arbres abattus pour l’alimenter et qui ne sortent plus que de quelques centimètres de terre.
Okoumé ressent alors tout le chagrin que sera celui du jeune garçon quand il apprendra la triste nouvelle, son cœur se serre d’appréhension quant aux conséquences et son regard se reporte sur les pierres avec en mémoire les nombreuses fois où la venue de celui qu’il nomme cheveux de feu se faisait pressante pour elles, voire vitale au point d’envoyer un de ses fils en messager au-delà des mers.
La matinée se termine quand enfin les bus ralentissent à la vue de l’énorme chantier, l’activité grouillante montre le cœur qu’y mettent les ouvriers à rattraper le temps perdu par ces quelques jours d’interruptions forcées.
Un bâtiment ancien apparaît à leurs yeux, tous comprennent que c’est le fameux dispensaire qui depuis plusieurs décennies sert au père Antoine de havre de paix et où il accueille ceux qui sont en situations difficiles, que ce soit par le manque de soins ou de nourriture.
C’est d’ailleurs devant le bâtiment que les deux cars s’arrêtent en libérant enfin leurs lots de passagers, satisfaits pour certains de se retrouver chez eux et soulagés pour les autres d’être enfin arrivés à destination après ces longues heures de routes chaotiques.
***/***
Mon cœur se serre de me retrouver en cet endroit qui a été le commencement de ma nouvelle vie, ma mémoire pourtant embryonnaire à cette époque me montre néanmoins les changements et surtout la décrépitude de toutes ces années qui ont fortement marqué les murs, le manque d’argent et de main-d’œuvre n’ayant pas permis un entretien décent du dispensaire.
Je descends du car avec plaisir, heureux de pouvoir enfin me détendre les muscles et je m’aperçois très vite que je ne suis pas le seul, mes amis visiblement satisfaits eux aussi de pouvoir enfin mettre les pieds à terre.
Un cri de terreur d’Antonin me fait me retourner juste à temps pour recevoir de plein fouet la masse noire qui me couche au sol en me couvrant le visage de salive avec sa langue râpeuse.
- Rrrrrr !!!!
Une fois remis de ma surprise, je pars d’un énorme éclat de rire dû à la fois du plaisir de retrouver « Kinou » et de la tête horrifiée d’Antonin, pour qui la vue de la panthère amène une frayeur sans nom.
Thomas le prend aussitôt par la taille pour le rassurer.
- Ne t’inquiète pas « Tonin » !! C’est « Kinou » !! La panthère de Florian !! Tu vois bien qu’il ne lui veut aucun mal !! Allez !! Viens ici mon beau, vient dire bonjour à Antonin !!
- Rrrr !!!!
« Kinou » me libère en s’approchant du couple que forment mes deux amis, j’observe Antonin tétanisé par la vision de la panthère qui s’avance vers lui.
Thomas le caresse en recevant à son tour un grand coup de langue qui le fait sourire.
- Moi aussi je suis content de te revoir, mais dis donc !! Tu es devenu énorme !!
- Rrrr !!!!
L’animal se tourne alors vers Antonin qui est blanc comme un linge et tremble de tous ses membres, d’un geste leste ses pattes avant viennent se poser sur ses épaules et la tête énorme maintenant à quelques petits centimètres de celle de mon ami qui claque des dents d’une peur incontrôlable.
Un premier coup de langue sur le nez le couvre de salive, bientôt suivi d’un deuxième puis d’un troisième jusqu’à ce qu’Antonin finisse par comprendre qu’il ne lui sera fait aucun mal et commence à se rassurer suffisamment pour oser lui passer une main encore hésitante sur la tête pour caresser sa toison soyeuse.
Il me regarde en souriant timidement, sa voix encore tremblante.
- Il est vraiment à toi ?
- Oui !! Ou du moins il l’était avant que je ne le renvoie ici où il est dans son espace naturel.
- (Thomas amusé) Naturel tu dis ? Je pense plutôt que c’est un gros pantouflard qui préfère se la couler douce avec le père Antoine Hi ! Hi !
- Disons libre alors, si tu préfères !!
- (Antonin) Tu peux lui demander de descendre s’il te plaît ? Je ne sens plus mes épaules !!
Je me relève d’un bond pour aller prendre « Kinou » sous le ventre en le grattouillant là où je sais qu’il adore.
- Rrrrr !!!
- Allez mon gros !! Tu laisses mon copain maintenant !! Va plutôt chasser, ça te maintiendra en forme Hi ! Hi !
- Rrrr !!!
Je le regarde se diriger tranquillement vers l’entrée du dispensaire où il rentre comme en terrain conquis, Thomas éclate de rire une nouvelle fois.
- Il va chasser dans le garde-manger Hi ! Hi ! Au moins il est sûr de trouver de quoi se nourrir Hi ! Hi ! Pour le sport, je le retiens celui-là Hi ! Hi !
Une étrange sensation me prend qui me fait tourner la tête vers l’orée de la jungle qui nous entoure, je me sens observé et ma vision se projette vers les arbres où des dizaines, voire centaines d’yeux me fixent avec attention dans un silence impressionnant.
Un son sort alors de ma gorge qui fait se retourner vers moi tous ceux qui l’entendent, la réponse puissante venant de la jungle est immédiate et un sourire me vient alors quand je crois bon les prévenir.
- Surtout n’ayez pas peur, je crois que je vais avoir droit à un comité d’accueil !!
2eme ANNÉE Pâques : (122/127) (Afrique) (Samedi midi) (Mais enfin !!! Qui es-tu donc ??)
Les divers barrissements, rugissements, feulements et autres cris poussés par les animaux sauvages ceinturant le chantier, font s’interrompre celui-ci et nombreux sont les ouvriers curieux de toutes nationalités qui s’agglutinent maintenant sur le parking où un jeune garçon roux semble être le point central du phénomène inexpliqué qui se joue autour d’eux.
Les premiers à apparaître depuis la jungle font reculer avec un mouvement de peur panique l’ensemble des personnes attroupées et bientôt un large espace se creuse en ne laissant au-devant de la scène que les trois seules personnes qui ne semblent pas craindre cette apparition, ne serait-ce le plus fluet des deux blonds qui se fait visiblement violence pour rester auprès de ses amis.
Bientôt l’espace libre se remplit, après les félins en nombre impressionnant, ce sont les autres prédateurs de la forêt qui arrivent soit rampant, sois volant ou marchant sur deux ou quatre pattes et qui s’avancent sans haine apparente vers les trois garçons qui disparaissent bientôt des regards, pris comme ils le sont au milieu de toute cette faune censée représenter les pires dangers de cette jungle Africaine.
Thomas tout comme Antonin, n’en mènent pas large et seul le visage rayonnant de bonheur de leur petit rouquin les retient de ne pas prendre les jambes à leur cou pour s’enfuir au plus loin de toute cette faune sauvage.
L’instant semble soudainement se figer, chacun observant l’autre en attendant un signe qui guidera leurs prochaines actions.
C’est Florian qui s’avance vers une magnifique panthère au pelage marbré d’un noir profond, reconnaissant en elle la filiation certaine avec celle qui dans un lointain passé lui a sauvé la vie en le nettoyant de ses brûlures et en lui offrant son lait pour rassasier le bébé affamé qu’il était alors.
***/***
L’émotion me submerge soudainement quand je m’agenouille pour l’enlacer, mes larmes coulent à flots alors que mon cœur est submergé de l’immense gratitude que je voue à sa mère qui un jour, poussée par je ne sais quel instinct a passé outre à sa nature de prédatrice pour venir en aide au nourrisson qui braillait de douleur.
***/***
Thomas serre Antonin fortement contre lui, autant pour le rassurer que pour se rassurer lui-même et ce malgré qu’il sache pertinemment pour en avoir été très souvent témoin, que le danger s’il devait y en avoir un serait pour quelqu’un poussé par de mauvaises intentions envers celui qui une fois encore lui fait se poser une énième fois la question.
Question qu’il prononce à voix haute tellement la vision qu’il a en ce moment même le trouble.
- Mais enfin !!! Qui es-tu donc ???
Antonin lève les yeux vers lui, étonné par ces paroles.
- Depuis le temps, tu n’en as pas encore la réponse ?
- (Thomas sourit) Ce ne sont pas les réponses qui manquent, c’est plutôt de savoir laquelle est la bonne !!
***/***
« Village Massaï »
La jeep prend le dernier virage pour arriver enfin en vue du village, son chauffeur se gare suffisamment loin pour ne pas troubler plus que nécessaire les habitants et en respectant leur mode de vie, loin de toute civilisation moderne.
- J’ai hâte de revoir les belles fesses du chef Okoumé Hi ! Hi !
Son compagnon la regarde amusé.
- C’est un vrai fantasme ma parole !!
- Mais pas du tout !! C’est juste un très bon souvenir !!
- Mouaih !!! Va falloir songer à te trouver un mec ma grande !!
- Pffttt !!! Pense plutôt à notre mission plutôt que de vouloir me caser à tout prix !!
- Tu as raison !! J’espère juste trouver les mots qui feront le moins mal à Florian.
- Maurice ne pouvait se résoudre à un simple coup de fil, mais il aurait très bien pu confier cette mission à Gérôme et à Dorian, je n’ai pas très bien compris pourquoi c’est à nous qu’il l’a demandée ?
- Déjà parce que nous étions en route pour consolider le dispositif de protection du chantier et ensuite parce que je lui ai demandé de me laisser le lui dire moi-même.
- Mais enfin !! Pourquoi ??
Patrice prend Camille par les épaules, son regard franc se fixe avec gravité dans le sien.
- Déjà parce que Dorian ou Gérôme sont maintenant trop proches de notre petit gars et ensuite parce que j’aimerais vérifier quelque chose avant.
- Au village Massaï ??
- Bien sûr que non !! Je pensais aux arbres de la clairière !! Ou plutôt à deux d’entre eux en particulier !!
Camille cille soudainement en comprenant enfin où son collègue et ami veut en venir.
- Tu penses que quelqu’un aurait… Non !!!!
2eme ANNÉE Pâques : (123/127) (Moscou)
« Bureau de Vladimir »
- Vous êtes certain de votre diagnostic docteur ?
- Les prélèvements ainsi que les diverses radios ne peuvent laisser place au doute monsieur le président.
- Souffre-t-il ?
- Atrocement monsieur et c’est d’ailleurs la raison de ma demande pour abréger cette souffrance !!
- Comment expliquez-vous ce qui lui arrive ?
- Nous ne l’expliquons pas monsieur !! C’est arrivé soudainement il y a deux jours quand nous l’avons reçu aux urgences plié en deux de douleur et depuis son organisme est comme dévoré de l’intérieur par un nombre invraisemblable de parasites différents et qui résistent à toutes nos tentatives pour l’en débarrasser.
Vladimir ne peut s’empêcher de faire la corrélation entre l’entrée à l’hôpital d’Igor et l’arrestation de ses deux agents qui devaient clore le bec pour un temps à ce Désmaré en enlevant sa pupille, les deux nouvelles lui étant parvenues quasiment au même moment.
Il reste depuis lors enfermé dans son bureau, une peur viscérale l’empêchant d’en sortir de crainte d’avoir à subir la vengeance de ceux qui pourtant l’avaient bien prévenu de ne plus rien tenter contre le jeune De Bierne.
La sueur perle en grosses gouttes sur son front alors qu’il se triture nerveusement les mains, semblant compter ses doigts pour vérifier que le nombre y est.
- Faites ce qu’il vous semblera le mieux !! Abrégez ses souffrances si rien ne peut être fait pour lui venir en aide !!
- Bien monsieur le président !!
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« Quelques heures plus tard, dans une chambre de quarantaine de l’hôpital central de Moscou »
L’infirmière horrifiée sort de la chambre là où des hurlements d’une douleur atroce ne cessent de résonner et ce malgré les antidouleurs administrés à fortes doses au patient sans effet apparent.
Igor est méconnaissable, sa peau flasque montre à quel point il a maigri et son corps tout entier fond comme neige au soleil de ces parasites qui l’infectent et se nourrissent de lui de l’intérieur dans des souffrances telles qu’il n’a de cesse à réclamer qu’on y mette fin.
Son cerveau entre deux spasmes de plus en plus rapprochés d’une douleur inimaginable, reste suffisamment conscient pour qu’il comprenne que son état actuel est lié à ses derniers actes et qu’il subit certainement la terrible vengeance de celui à qui il a voulu s’attaquer par le biais de ses amis pour l’amener en son pouvoir.
Des larmes couvertes de vermine s’échappent de ses yeux, un peu tard pour un pardon qui ne viendra pas et Igor comprend que sa souffrance ira jusqu’au bout en châtiment de cet acharnement qui a été le sien envers un garçon qui s’avère être beaucoup plus mystérieux et secret qu’il n’aurait jamais pu l’imaginer.
Deux hommes au visage grave entrent dans la chambre, tenant en mains pour l’un d’eux un plateau sur lequel ses yeux larmoyants peuvent apercevoir la solution létale qui va le libérer enfin de toutes ces heures atroces à se sentir rongé de l’intérieur.
L’injection est faite rapidement, en terminant une bonne fois pour toutes de cet homme qui a voué sa vie entière à briser celle des autres et qui termine la sienne de la plus terrible des façons, à souhaiter comme une délivrance sa propre mort.
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« Bureau de Vladimir, samedi en fin d’après-midi »
Vladimir regarde fixement depuis au moins une heure le petit paquet posé bien en évidence sur son bureau, qu’une estafette le visage livide lui a apporté et qui n’a pas bougé d’un pouce depuis lors, sans qu’il trouve le début de courage à l’ouvrir à son tour comme l’ont fait ceux qui en ont contrôlé le contenu avant de le lui faire suivre.
Il sort une règle d’un tiroir, repousse lentement le couvercle jusqu’à ce que celui-ci se détache de la boîte et dévoile l’intérieur avec son contenu, un énorme frisson d’effroi fait plisser les yeux de Vladimir quand il découvre le doigt à moitié rongé et recouvert d’asticots qui ne peut appartenir qu’à une seule personne.
Il en est tellement horrifié qu’il lui faut plusieurs tentatives avant de réussir à remettre le couvercle en place et retrouver ensuite un semblant de calme suffisant pour prendre la missive à l’intérieur de l’enveloppe scotchée sur un des côtés de la boîte.
La lecture des quelques mots inscrits met cet homme pourtant l’un des plus puissants au monde, dans un état proche de la panique la plus pure.
« Traduit par son service de renseignement »
- 男性の復讐は神の中、 'Iganasi' の世界を創造した神のそれに対して何も、それはまたそれを破壊することができます。 (La vengeance des hommes n’est rien face à celle d’un être divin, « Iganasi » le dieu qui crée les mondes, il est aussi celui qui peut les détruire).
2eme ANNÉE Pâques : (124/127) (Afrique) (Samedi après-midi)
Le chantier reprend progressivement son rythme de travail maintenant que la quasi-totalité de la faune sauvage est repartie dans la jungle.
Le bruit ambiant manque singulièrement des conversations humaines, les ouvriers tout comme les autres personnes ayant participé aux derniers événements restant muets d’expectative en se demandant sans trouver de réponses comment est possible ce à quoi ils ont assisté.
Certains se signent en cachette quand d’autres expriment à leur façon et suivant leur religion ce qu’ils ressentent sur l’instant mais la plupart se trouvent renforcées dans leur croyance respective, observant avec les yeux brillants dès que l’occasion se présente ce jeune garçon capable de toutes ces choses incroyables.
Florian pour sa part ne se dépare pas de son sourire qui marque le plaisir qu’il ressent à être au milieu de cette nature et de cette vie sauvage qui pour lui est enchanteresse, alors que pour le commun des mortels cet endroit du monde est sans aucun doute l’un des plus dangereux qui soit.
Thomas se demande si toute cette joie apparente de son compagnon n’est encore une fois qu’une façade pour ne pas amener l’inquiétude auprès de ses amis, le lien qui les lie ensemble lui faisant percevoir d’autres réflexions beaucoup moins agréables et s’il reste discret pour ne pas s’ingérer dans les pensées intimes de son amour, il en discerne suffisamment pour que lui ne profite pas aussi sereinement des instants présents.
***/***
« Patrice et Camille »
La longue marche jusqu’à la clairière met encore à rude épreuve l’état physique du jeune couple qui peine une fois de plus à suivre la marche rapide d’Okoumé qui a accepté de les y conduire, curieux lui aussi d’aller constater s’il y a un lien entre les arbres torturés et le décès des grands-parents de celui qu’il considère maintenant qu’il a pu enfin le revoir après toutes ces années, comme un ami.
L’explication de la jeune femme blanche lui a ouvert les yeux sur plusieurs faits qu’il avait déjà constatés, sans pouvoir jusqu’à présent faire le lien de cause à effet entre les arbres de la clairière et la guérison de ceux de son peuple par les dieux des pierres.
L’arrivée non loin de la clairière, fait revenir Okoumé à des pensées beaucoup plus terre à terre et entre autres, celle de savoir si les dieux accepteront une fois encore les deux visiteurs.
Il ralentit donc sa marche pour les laisser le rejoindre en souriant malgré tout de les voir essoufflés et en sueur alors que lui n’éprouve aucune fatigue.
- Attendez-moi ici !! Je vous ferai signe s’il n’y a aucun danger pour vous deux.
Patrice plié en deux à reprendre sa respiration, relève les yeux vers le chef Massaï.
- Entendu !!
Camille détache son sac à dos pour s’asseoir dessus avec un ouf de soulagement.
- Je suis morte !!!
- On peut dire qu’il nous a fait cavaler !!
- Qu’est-ce qu’on attend ?
- L’autorisation d’entrer dans la clairière je pense !!
- Tu crois qu’il sera là comme l’autre fois ?
- Nous verrons bien !!
Okoumé passe la barrière des arbres pour se retrouver une nouvelle fois dans ce lieu plein de mystère où il a appris à aimer se retrouver depuis tous ces étés et encore dernièrement pour apporter la protection à sa tribu.
Son regard est tout de suite dirigé vers ce pour quoi il est venu, ce qu’il voit lui amène alors une forte amertume dans la bouche et le tas de cendre du feu de camp est encore bien visible, tout comme les troncs des deux arbres abattus pour l’alimenter et qui ne sortent plus que de quelques centimètres de terre.
Okoumé ressent alors tout le chagrin que sera celui du jeune garçon quand il apprendra la triste nouvelle, son cœur se serre d’appréhension quant aux conséquences et son regard se reporte sur les pierres avec en mémoire les nombreuses fois où la venue de celui qu’il nomme cheveux de feu se faisait pressante pour elles, voire vitale au point d’envoyer un de ses fils en messager au-delà des mers.
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