Sombres secrets (gay, jumeaux, vih, terminé)

[inny-2]

*  10  *

12 janvier 2009
- Salut Jerem.
- Salut François, dis-je en verrouillant ma porte avant de me retourner vers lui.
Bon... voilà, c'est reparti. Avec le souvenir à moitié effacé d'un cauchemar, en prime.
Mais ce n'était qu'un cauchemar. Provoqué par la fièvre... et mes doutes.
Qu'il me faudra bien affronter un jour.
Mais pas maintenant.
- Alors, tu as pris ta décision ?
- Pour ?
- Le test.
J'ai envie de prendre mes jambes à mon cou et de partir loin, très loin d'ici.
Mais je ne ferais que me heurter à un autre mur.
La voix de ma mère résonne dans ma tête.
Un jour ou l'autre, il te faudra affronter tes responsabilités. Tu ne peux pas fuir éternellement toutes les difficultés de la vie, parce qu'elles te tendront un piège vicieux dont tu ne pourras pas t'échapper. Le seul moyen d'abattre les obstacles de la vie, c'est de leur faire face.

Je suis un lâche. J'ai toujours couru. Mais maman a raison. Je suis arrivé à un cul-de-sac. Le seul moyen d'avancer, c'est en affrontant les difficultés.
Même si ça me fait peur.
- Tu as peur du résultat ?
- Un peu... beaucoup, en fait. Et toi ?
Il jette un regard vers sa porte.
- Non.
Curieux...
Plus ça va, et plus je décèle de différences subtiles entre nous. Il fallait s'y attendre. C'est plutôt rassurant.
- Pourquoi donc ?
- Bah, laisse tomber. Et ne dévie pas la conversation.
Je crois que j'en ai assez qu'on me prenne pour un gamin.
Non... c'est à ses yeux que je ne veux pas passer pour un lâche. Toujours la même histoire.
Ce reflet-là peut me juger... et je n'ai aucune envie de le voir me dire ce qu'il pense de moi.
- Ouais, autant être fixés. Comment on s'y prend ?
Ça n'a pas d'importance, en fin de compte. Il ne peut pas être mon frère. Ça remettrait en question trop de choses. C'est juste une coïncidence...
Pas vrai ?

- En fait, je crois qu'on ne va pas avoir besoin d'analyses.
- Comment ça ?
- J'ai eu une idée hier, en repensant au fait qu'on a la même date de naissance. Met la main sur ton livret de famille, ou mieux, ton extrait de naissance, et on pourra comparer l'heure et le lieu de naissance. Si ça correspond...
- Ça en ferait trop pour être une coïncidence.
J'espérais quand même avoir un délai, avec les analyses et tout ça... des jours, pas des minutes.
- De toute façon, on fera ces analyses pour avoir une preuve plus concrète.
- Pour quoi faire ?
- Pour exiger la vérité.
- Je n'en ai pas besoin. Ça n'a aucune importance pour moi.
- Pour moi, si. Aide-moi, s'il te plaît.
- D'accord. Mais laisse ma famille en dehors de ça.
- Seulement si ce n'est pas la mienne. Parce que si tes parents sont aussi les miens, je ne vois pas pourquoi je devrais rester en dehors.
J'en reste bouche bée. Cette éventualité ne m'était pas venue à l'esprit.
- Euh... c'est... c'est logique, bien sûr.
- Ça ne te réjouit pas, on dirait.
- C'est juste que tu m'as pris par surprise, je n'y avais pas pensé.
- Je vois. Préviens-moi lorsque tu l'auras. On s'échange nos numéros, dit-il en sortant son portable.

L'opération effectuée, je retourne chez moi. Comment faire ? Je ne peux pas le demander à maman comme ça, ça entraînerait trop de questions. Et fouiller dans ses affaires ne me dit rien du tout.
- Je vais faire des courses, me dit-elle en m'entendant arriver. Tu veux venir ?
J'y réfléchis un moment.
- Non, j'ai besoin de rien.
- D'accord. Jean, tu viens ?
- Non, merci.
- Je crois qu'il a un score à battre.
- Je sens qu'elle va passer par la fenêtre, cette console. Ce n'était pas une question, Jean.
- Pourquoi moi ?
- Parce que ton frère va passer l'aspirateur et faire les vitres.
- Eh ! T'avais pas parlé de ça tout à l'heure.
- Maintenant tu le sais.
- Tchao, me fait Jean en sortant. Amuse-toi bien !
- Ouais, c'est ça...

C'est l'occasion rêvée, me dis-je alors que la porte se referme. Je suis sur le point d'entrer dans la chambre de ma mère lorsque mon petit frère rouvre avant de courir dans sa chambre et en ressortir avec son iPod. Pfff...
Une fois de nouveau seul, je rentre et me dirige vers l'armoire. Je passe la main sur le dessus et en ramène la clé. Je commence à fouiller parmi les papiers. Je l'ai fait plusieurs fois avec ma mère, je sais en gros comment elle range les documents. Le livret est dans le tiroir central, et l'extrait de naissance doit se trouver dans le classeur en bas à droite...
Voilà.
L'examen du livret de famille ne donne rien d'anormal. Je n'y vois en dehors de moi-même qu'un seul autre frère : Jean.
L'extrait de naissance détaille un peu plus les choses.
Minute... lieu de naissance, route départementale 34 ? Mes parents n'ont jamais parlé de ça ! Ils auraient pu ressortir l'anecdote, quand même ?

[Tonton Tim]

Un nouveau récit assez intriguant , dommage que le titre dévoile tant de choses, mais cela se lit bien et je reviendrai quand il y aura plus de matière ..,.

[inny-2]

Le titre initial était : Sombres secrets (gay, et puis ..., ...)
C'était volontaire. J'ai attendu le chapitre 2 pour dévoiler les 2 autres thèmes.
Sosies ou jumeaux, c'est sûr que ce sera l'un des thèmes, mais si jumeaux, l'explication de ce qui s'est passé viendra assez tard.
Idem pour le VIH. Y a -il eu contamination ? De qui ?
Et avec Inny, il y a souvent une part d'insolite.

[Philou0033]

Bonjour,

c'est déjà un début que de voir les livrets de famille en vue de savoir le lieu de naissance, l'heure, etc...
J'attends donc avec une certaine hâte de savoir où Jérémy et où François sont nés.

Merci [member=201]inny-2[/member]

Philou

[inny-2]

*  11  *

Bon, c'est certes intrigant, mais ça ne prouve rien. Je reconnais cette chemise cartonnée, maintenant... c'est celle que maman a pris avec elle quand on a été faire ma carte d'identité. Je dois bien avouer que ça ne me passionnait pas, à l'époque, tout ça... je le regrette un peu aujourd'hui. Voyons voir...
Tiens, c'est quoi ça ? Ça vient d'un hôpital... à Audincourt. Je vois, mes parents m'y ont amené après que ma mère ait accouché dans la voiture. Ça a dû être folklo... pourquoi n'en avoir rien dit ?
Ah ! Naissance avant terme... mes parents devaient être paniqués. Pas un souvenir qu'ils doivent aimer ressasser.
J'examine les autres documents mais n'y vois rien d'intéressant. Je referme la chemise et la remet en place.
- Bon... voilà un mystère résolu. Il est temps de passer au ménage...

Une fois ceci fait, je retourne dans ma chambre et bazarde tout ce qui traîne dans le panier à ligne. Ça a meilleure allure, maintenant. Pour le moment.
Je suis plus serein depuis un moment mais ce n'est qu'alors que je commence à naviguer sur internet que je comprends pourquoi. La situation assez particulière qui a présidé à ma naissance ôte toute possibilité à François d'être mon frère jumeau. Je n'avais pas réalisé à quel point ça me rongeait.
Je tape Audincourt sur Google Maps et regarde la carte s'afficher. Je suis le tracé de la D34 en me demandant où exactement je suis né. Quelle importance, en fin de compte ? Je suis né près de Sochaux, ville que je ne connais que de nom. Je recule le zoom jusqu'à découvrir que c'est tout près de la Suisse.
Peut-être en venaient-ils ? Qu'ils se sont renseignés pour savoir quel hôpital était le plus proche... une minute... il n'y avait pas encore de mobiles à l'époque. Alors quoi ? Le mieux serait de poser la question à maman.
Je voudrais bien que papa revienne, aussi...

Je prends mon téléphone et envoie un sms à François avant d'aller ouvrir la porte.
- T'en as mis du temps.
- J'avais pas mal de trucs à faire. Je suis seul, ma mère et mon frère sont allés faire des courses.
- OK. Je peux entrer ?
- Ouais, bien sûr.
Je l'emmène jusqu'à ma chambre. J'ai une vague pensée pour mon cauchemar mais c'est la réalité maintenant. Ce genre de choses ne risque pas d'arriver. Déjà, je suis exactement aussi fort que lui, je pense. Aucun de nous ne peut prendre l'avantage sur l'autre. Je chasse ces pensées et m'installe sur mon lit en lui proposant la chaise.
- Ça va, je préfère rester debout. On échange ? Dit-il en sortant son propre extrait de naissance.
- Oui, pas de problème.
Je lui donne le mien et nous examinons tous deux le bout de papier qui détient la réponse à nos questions.

François Levasseur
Né le 15 juin 1989 à 04h32 à Bretigney.

Je suis né le même jour à 5h06 sur la D34. Nous sommes tous les deux nés en Franche-Comté le matin du 15 juin, mais à deux endroits différents et à des heures différentes. Les coïncidences s'arrêtent ici.
Ou pas ?

- Je peux ? Demande François en pointant du doigt mon ordinateur.
- Pas la peine, j'étais sur le point de le faire, dis-je en me levant et en m'installant sur ma chaise.
J'ai le sentiment d'être un condamné à mort tandis qu'un horrible pressentiment commence à se faire jour en moi. L'écran de veille disparu, la carte réapparaît.
- J'y crois pas, dit-il. On est nés de part et d'autre de Sochaux ?
- Pas à la même heure ni au même endroit...
- Tu n'y crois pas toi-même.
- C'est vrai... il y a des trucs louches dans cette histoire.
- On se fait ce test alors. Pas le choix, si on veut connaître la vérité.
- La vérité ? Alors commence par me la dire. Pourquoi tu veux autant la connaître ? Tu veux prouver à tout prix que tu n'es pas le fils de tes parents ?
- C'est exactement ça, Jeremy.

Je le regarde avec surprise, avant de secouer la tête.
- Je suis désolé, mais ce n'est pas mon cas. Je m'entends super bien avec ma famille et je ne veux surtout pas mettre ça en danger. Je comprends, dis-je en levant la main en le voyant prêt à m'interrompre, que tu veuilles retrouver ta vraie famille, mais si mes parents ne sont pas les miens... je tiens à ce qu'ils n'en sachent rien, c'est bien compris ?
- Compris.
- Dans ce cas, j'accepte de faire le test.
- Bien. J'ai pris rendez-vous il y a quelques jours déjà.
- Quoi ?!
- Je tenais à ne pas perdre de temps. C'est demain, à 11 heures.
- Quoi ?! Mais je dors, moi, à 11 heures !
- T'auras qu'à te coucher plus tôt.
- Pfff... je crois que je vais surtout mal dormir. Et les résultats, ça prendra combien de temps ?
- J'ai posé la question, dit-il en soupirant. Dix jours... on n'est pas prioritaires, ils n'ont pas le matériel, ils doivent envoyer les prélèvements à un laboratoire, on n'est pas les seuls, loin de là... la liste est longue.
- Dix jours...
Le temps qui me reste avant que mon existence ne soit totalement bouleversée. Parce que je ne peux plus me voiler la face. Je ne peux plus me mentir. On ne peut plus parler de coïncidences, il y en a beaucoup trop.
François ne peut être que mon frère. Et quelque chose s'est passé il y a près de vingt ans qui nous a séparé...

[KLO7514]

En voilà des coïncidences qui n'en seraient finalement pas. Les déclarations de naissances se font par le père en général, lorsque la maman vient d'accoucher, sauf s'il est absent. Ce sera une autre personne si possible ayant assisté à l'accouchement, qui fera le déplacement (J'en sais quelque chose puisque mon cher père était quelque peu retenu contre son gré dans un coin perdu de Prusse orientale lorsque je poussai mon «cri primal» en cette "foutue année 40"!).

Les gars de cette histoire troublante auraient donc été déclarés en des lieux différents. Mais QUI a déposé les déclarations? Ce détail est mentionné sur l'acte de naissance. Donc, à vérifier.

[Philou0033]

Bonjour,

les deux garçons sont nés le même jour, à des heures différentes et de part et d'autre de Sochaux.
Ils semblent quand même vouloir faire faire le test le lendemain pour avoir une réponse dans dix jours!
Y-a-t-il un chance pour qu'ils soient frères? Il est certain que cette histoire est troublante!

Merci [member=201]inny-2[/member]

Philou

[inny-2]

*  12  *

François remarque le regard que je pose maintenant sur lui. Le comprend.
- Il semblerait que le destin ait voulu nous réunir, dit-il.
- J'ai encore du mal à réaliser... je me disait que ce n'était qu'une grosse série de coïncidences, mais...
- Oui, ça fait un peu beaucoup. En tout cas... je suis content d'avoir un frère, Jerem. Je me suis senti bien trop seul.
- Il va me falloir un peu de temps. Je n'ai rien contre toi, rassure-toi, c'est juste que tout mon petit monde est sens dessus dessous maintenant.
- Je comprends, t'en fais pas. J'aurais préféré que les choses soient différentes, crois-moi.
- Il y a une question que je me pose...
- Laquelle ?
- Quand on était avec Mathieu, tu as dit que tes parents t'ont offert leur amour, que tu acceptais ce tour du destin, et tout... Qu'est-ce qui a changé ? J'ai l'impression que tu ne supportes plus ta famille.

Son visage se crispe. Il hésite avant de secouer la tête.
- J'ai pas vraiment envie d'en parler maintenant... Excuse-moi.
- Pas de problème. Si jamais t'en ressens le besoin, je suis là.
- Merci.
Nous nous sourions, un peu gênés, ne sachant dans quelle direction relancer la conversation.
- Au fait, finis-je par dire, je t'avais promis de te faire découvrir cette boîte...
- Vendu !
- Ce soir, dix heures.
- Tombe pas malade cette fois.
- Ouais...

13 janvier 2009

J'ouvre un œil, puis deux, tentant péniblement d'émerger, mon crâne martelant douloureusement sa vengeance suite à l'abus d'alcool de la nuit. Nuit dont je n'ai que de vagues souvenirs...
- Ah, c'est malin... punaise... aspirine...
Encore faut-il que je parvienne à me lever. Pour le moment, je ne m'en sens pas capable. Peu à peu, le voile de ma mémoire s'éclaircit par endroits. Je n'ai pas le détail de la nuit mais ça a été plutôt... ah... il y avait une fille... je ne me souviens plus de son visage... j'ai dansé avec... bu... je vois François qui me regarde avec un air... il me fait signe de lâcher cette fille, est-il jaloux ? J'ai pris ça comme un défi... j'ai encore dansé avec elle, puis je lui ai proposé d'aller dans un endroit plus tranquille... j'ai vraiment dit ça ? Je devais vraiment être bien parti... Je me souviens de l'avoir embrassé, plusieurs fois, ses mains s'activant sur ma braguette, j'étais tombé sur une fille plus que chaude on dirait. Et puis elle se penche sur mon sexe et... mes souvenirs s'arrêtent là.
- Aargh !

Bon, voilà qui clouera le bec de François. Je ne suis pas gay.
Je vois mes vêtements entassés sur une chaise, et un papier dessus. Mon champ de vision s'élargit à mesure que je relève des anomalies de plus en plus nombreuses. Ce n'est pas ma chambre.
La chambre de la fille ? J'ai passé la nuit avec elle et je n'en ai pas gardé le moindre souvenir ? Putain c'est pas vrai ! Mon dépucelage, j'aurais dû le garder en mémoire toute ma vie !
Mais de plus en plus de signes me montrent que je me trompe. Ce n'est pas une chambre de fille.
Un mouvement dans le lit à côté de moi me fait me retourner.
Je reconnais François et sursaute. J'ai passé la nuit avec lui ?!
Et toujours aucun souvenir de cette nuit. Je me jure de ne plus toucher à une goutte d'alcool.
Il dort toujours, aussi je me lève doucement. Je suis nu... mais qui m'a déshabillé, moi ou lui ? De toute façon, il m'a déjà vu dans le plus simple appareil, et c'est moi qui me suis montré ainsi à lui. Je me dirige vers mes vêtements et examine le mot.

Jeremy,

Je te jure que je ne t'ai pas touché de la nuit. Tu es mon frère, tout de même. J'ai préféré t'amener chez moi car dans ton état, tu n'étais pas présentable à ta mère. Par contre, il y a une chose que j'ai tenté vainement de te faire comprendre hier. Tu étais tellement parti que tu ne t'es même pas rendu compte que tu dansais avec un travelo. J'ai tout essayé à part la violence, mais tu étais plus qu'agressif, et j'ai dû renoncer. J'espère que vous n'avez rien fait tous les deux quand je vous ai perdu de vue... mais ce n'est plus mon problème. Je t'ai dit ça au cas où tu aurais voulu des explications sur mon attitude hier soir.
Voilà, tu trouveras de l'aspirine, un verre et une bouteille sur le bureau. Réveille-moi ensuite, s'il n'est pas trop tôt.

PS : J'espère que vous vous êtes protégés...

[Philou0033]

Bonjour,

Oups, Jérémy ne se souvient plus, ou presque pas, de la soirée.
Il aurait dansé avec un travelo et ne s'en souvient pas.
Qu'ont-ils fait?
François n'en sait rien mais il s'est occupé de Jérémy pour qu'il puisse loger quelque part, soit chez lui car il n'était pas présentable pour rentrer chez lui et faire face à sa mère.
Que s'est-il donc passé durant cette soirée arrosée?

Merci [member=201]inny-2[/member]

Philou

[inny-2]

*  13  *

Je regarde le mot, encore et encore, assommé sur place.
C'est pas vrai ! J'ai quand même pas... oh punaise, j'y crois pas ! Qu'est-ce que j'ai pu faire avec ce gars ? Putain j'étais trop bourré pour faire la différence ? Je ne toucherai plus une goutte d'alcool, plus jamais !
Je laisse tomber le mot, affligé. Je n'ose même pas interroger ma mémoire... cet oubli est une bénédiction, finalement.
Une nausée me prend, je me plie en deux, mais heureusement mon estomac est vide. Je me reprends petit à petit...
Ce n'est pas possible, c'est une mauvaise blague...
Une minute... C'est tout à fait le genre de blague que je ferais... mais je me rends compte à quel point c'est de mauvais goût.. plus que ça, même.
Je me retourne vers François et le réveille.
Je le regarde s'étirer, ouvrir les yeux et me regarder.
- B'jour.
- Salaud.

- Quoi ?
- J'y ai cru un moment, figure-toi. J'en ai été malade.
Il me regarde fixement pendant un moment, puis prend un air penaud.
- Je m'excuse. J'étais fatigué... j'aurais dû réfléchir.
- C'était vraiment pas drôle.
- Tu as raison. Je suis vraiment désolé.
- Laisse tomber.
- D'accord.
Il y a un petit silence gêné, mais je me retourne tranquillement vers mes vêtements. Je me rends compte que je suis toujours nu, mais son petit mot a quand même eu un effet positif.
Je te jure que je ne t'ai pas touché de la nuit. Tu es mon frère, tout de même.
Je ne me sens plus gêné, tout d'un coup. Plus non plus d'excitation involontaire. Il a raison. Il ne peut y avoir entre nous que... eh bien, pour l'instant, pas grand chose. Une amitié, tout au plus, qui se construit malgré les heurts. Je ne suis pas rancunier. Pas pour des broutilles de ce genre, du moins. Mon petit frère prétend que c'est parce que je trouve trop fatigant d'être en colère. Ça m'amuse bien de l'entendre me taquiner de la sorte.

- Je suis désolé pour hier, dis-je. Je n'aurais pas dû me saouler comme ça, je ne sais pas ce qui m'a pris.
- Laisse tomber.
Bien que lui tournant le dos, je peux sentir son sourire. Je l'imagine très bien.
- Je n'avais jamais pu voir à quoi je ressemblais de dos jusqu'ici, reprend-il.
- Ah, oui, c'est vrai que c'est plus pratique qu'un miroir. Et tu en penses quoi ?
- On a un beau cul.
- C'est tout ce que tu trouves à dire ? Répons-je, mi-offensé, mi-amusé par la remarque.
- Regarde par toi-même.
Je me retourne, le voyant de dos, et me demandant soudain pourquoi j'ai été voir. Quel intérêt y-a-t-il ? À part la curiosité, bien sûr.
- Mouais. C'est pas vraiment mon truc, mais je dois admettre qu'on a pas à se plaindre.
- Crois-moi sur parole, dans ce cas.
- T'es vraiment gay, alors ?
- Ouais. Et toi, t'es hétéro... c'est curieux. On était pourtant si semblables...
- Il fallait bien qu'il y ait une différence.
- Ça n'a pas l'air de te gêner, en tout cas.
- Bah, non. Tant qu'un gay ne s'intéresse pas à moi, ça va.
- Et dans le cas contraire ?
- Je suis super gêné. Mais bon, je lui fais comprendre gentiment. Y a pas de raison de se fâcher pour si peu.
- T'as jamais fait le moindre truc avec un mec, alors ?
- Non.

Je continue à m'habiller, et m'interrompt pour me retourner de nouveau. Il est en train d'enfiler son tee-shirt, et lorsque sa tête émerge, je lui dis :
- J'ai pas été tout à fait honnête. En fait... je ne sais pas, j'ai tellement pris le réflexe de le cacher que j'ai répondu automatiquement. Mais bon...
- Si tu n'as pas envie d'en parler, pas de problème.
- Il s'appelait Antoine... il m'avait mis au défi en me disant que tant que je n'avais pas essayé, je ne pouvais pas dire que ça ne me dirait rien. Il était fou amoureux de moi... c'était une tentative désespérée de sa part, je le sentais bien, aussi... j'ai cédé.
- Vous avez...
- Non, je lui ai dit qu'on se limiterait à un baiser. Et que si ça ne me plaisait pas, on s'arrêterait là. Et donc, on... on l'a fait. Voilà comment mon tout premier baiser a été pour un mec.
- Et ça ne t'a pas plu ?
- Non... ça n'avait rien d'excitant du tout, juste deux langues qui tournaient l'une autour de l'autre, sans sentiment, sans désir, du moins de ma part. J'ai fini par m'écarter de lui en disant que j'étais désolé. Il a pleuré, m'a serré fort dans ses bras, et m'a remercié d'avoir essayé.
François me regarde un moment, puis dit :
- Mais pourquoi tu as réagi aussi vivement, l'autre jour ?

[Philou0033]

Bonjour,

ils se ressemblent les deux garçons: même dos, même cul, ...
Il y a une différence, l'un d'eux semble être gay et l'autre hétéro.
Pourquoi François a-t-il écrit ce mot qui fait du mal à Jérémy?

Merci [member=201]inny-2[/member]

Philou

[inny-2]

*  14  *

Je prends le temps d'y réfléchir.
- Je ne sais pas vraiment... Je crois que j'avais pris trop de chocs émotionnels pour la journée, j'ai ressenti ta question presque comme un viol, j'en avais déjà trop pris dans la tronche avec cette histoire...
- Je regrette vraiment.
- C'est du passé.
- T'es trop sympa Jerem. Je ne voulais vraiment pas te faire souffrir...
- C'est bien pour ça que je te pardonne. Allez, on n'en parle plus.
Nous finissons de nous rhabiller et sortons. Je me rends directement chez moi, déclinant la proposition d'un petit déjeuner chez lui, et lui promettant d'être prêt pour le test ADN.
Contrairement à une analyse sanguine, je peux manger paisiblement - en commençant par un grand bol de café pour me remettre les idées en place.

- Salut Jerem ! Me salue Jean en entrant dans la cuisine.
- Salut toi.
- Ça a été, ta soirée ?
- Ouais, je viens seulement de rentrer.
- T'es resté en boîte toute la nuit ?
- Non, j'ai trouvé une fille très chaude et on a passé un moment ensemble.
- Raconte !
- Occupe-toi de tes oignons, toi. Ça ne concerne qu'elle et moi.
- Bon, comme tu veux. Mais elle était comment ? Tu peux au moins me dire ça.
Aucune idée...
- Brune aux yeux noirs, mon âge, jolie, dis-je au hasard.
Je n'ai pas très envie de lui dire que j'étais si pété que ça aurait pu tout aussi bien pu être le videur, pour ce que j'en sais... Non, je crois que c'était une fille... punaise, il m'a collé un doute, avec sa blague !

- Alors comme ça tu as passé la nuit avec ?
Je m'efforce d'être un modèle pour mon frère. Bon, je ne suis pas parfait, loin s'en faut, et il s'en rend bien compte, mais je m'efforce de lui cacher mes erreurs les plus graves. Un grand frère qui se noie dans l'alcool n'est pas l'image que je veux qu'il aie de moi. Qu'est-ce qui m'a pris ? Je ne le saurai jamais, mais en tout cas, ça ne se reproduira plus. Je n'ai aucune envie de me réveiller dans les bras d'un mec... ou d'une octogénaire. Ou dans une cellule de dégrisement, au commissariat...
- Ouais.
- Ça va, pas trop fatigué ?
- Si, un peu, mais je suis trop content là.
Le mensonge me vient facilement... un jour ou l'autre, l'un d'eux m'éclatera à la figure.
- Tu peux l'être, dit Jean, amusé. Je vois qu'il est content pour moi. J'ébouriffe ses cheveux puis, après avoir dévoré quelque chose de plus consistant, retourne dans ma chambre, jette au sale tous mes vêtements et me dirige vers la douche.
Ah, voilà qui fait du bien ! J'entends mon petit frère me saluer à travers la porte avant de rejoindre son lycée. Je lui crie un bon courage avant de finir de me laver.

Une fois rhabillé, je préviens François par sms et nous ressortons.
- Il faudra qu'on s'échange nos identifiants msn, au retour.
- Oui, ce sera plus pratique. Ça va mieux la tête ?
- Ouais. C'est où ?
- Loin. On va prendre la voiture de ma mère.
- Tu as le permis ?
- Bah oui. Pas toi ?
Et merde... combien de fois vais-je me ridiculiser devant lui ?
- Je comptais le passer cette année.
- Profites-en, vu que tu n'as pas de cours, tu pourrais t'y mettre à plein temps et l'avoir rapidement.
- Oui, tu as raison.
C'est vrai en plus... bon, c'est décidé, dès que cette histoire sera réglée, je passerai mon permis.

Mon cœur bat fort tandis que nous roulons vers notre destin. Destin, destination, même chose dans notre cas. Le résultat des analyses ne fera que confirmer qu'une partie de notre vie est un mensonge.
- Tu as posé la question à ta mère ?
- Oui, dit François. Elle nie. Je vais lui coller le résultat des analyses dans les dents.
Il semble enragé. Pourquoi est-il aussi en colère, tout à coup ?
- Et si ce n'était qu'une incroyable série de coïncidences ?
- Eh bien... je ne sais pas...
Il réfléchit un moment.
- Si c'était le cas, tu voudrais bien qu'on continue à se considérer comme frères ? Finit-il par dire.
- Sans problème.
- Merci.
- De rien. Au fait, c'est loin à quel point ?
- On ne pourra pas le faire ici, la loi est trop contraignante. On va en Suisse.
- En Suisse ?! Fais-je, effaré.
- Oui. Pendant que tu étais chez toi, j'ai fait de nouvelles recherches et pris des contacts. J'ai eu une idée géniale, en fait. J'ai annulé le rendez-vous avec le labo peu regardant que j'avais trouvé. Ça ne me convient pas, en fin de compte. Le premier avantage, c'est qu'on aura les résultats en 48h. Le deuxième... c'est qu'on ne sera pas loin de l'endroit où nous sommes nés. En attendant les résultats, nous pourrons poser des questions.

[KLO7514]

À propos de cette "presque confraternité" des deux garçons, j'ai appris  samedi dernier que l'acte de naissance d'un enfant adopté pouvait être modifié par les adoptants quant au lieu de naissance. Ainsi, l'enfant ne pourrait retrouver le véritable endroit où s'est produite sa venue au monde. Ça, c'était autrefois. De nos jours, il est spécifié, en marge de l'acte, le vrai endroit. On appelle cela "le lieu glissant".
Maintenant, pour cette histoire, si jumeaux il y a bien eu, le plus "jeune" a pu naître en voiture sur la fameuse D 86 et le plus "vieux" à l'hôpital d'Audincourt quelque temps plus tard le même jour.

[Philou0033]

Bonjour,

Jérémy est bien embêté pour répondre aux questions de Jean.
C'est bien vrai que le grand frère doit montrer l'exemple au plus jeune, mais là Jérémy a fait fort, c'est le brouillard le plus complet!
François et Jérémy partent vers la Suisse pour faire le test ADN, dans un labo connu. Résultats dans les 48 heures!
C'est mieux que d'aller dans un labo peu regardant et en faisant fit des lois françaises.

Merci [member=201]inny-2[/member]

Philou

[inny-2]

À propos de cette "presque confraternité" des deux garçons, j'ai appris  samedi dernier que l'acte de naissance d'un enfant adopté pouvait être modifié par les adoptants quant au lieu de naissance. Ainsi, l'enfant ne pourrait retrouver le véritable endroit où s'est produite sa venue au monde. Ça, c'était autrefois. De nos jours, il est spécifié, en marge de l'acte, le vrai endroit. On appelle cela "le lieu glissant".

Je ne connaissais pas cette possibilité de falsifier ce genre de document administratif.

Maintenant, pour cette histoire, si jumeaux il y a bien eu, le plus "jeune" a pu naître en voiture sur la fameuse D 86 et le plus "vieux" à l'hôpital d'Audincourt quelque temps plus tard le même jour.

Ce sera encore plus compliqué lorsque l'une des mères donnera l'explication.