Note d’intention
À la suite d’une discussion avec des lecteurs (que je remercie au passage et qui se reconnaitront), j’ai décidé de commencer un nouveau récit qui sera moins basé sur le sexe et plus sur la sensualité, afin de rééquilibrer ma production littéraire en parallèle avec l’univers des deux cousins que je n’abandonne pas pour autant.
C’est plus facile pour moi d’utiliser des lieux réels, sans que je les connaisse tous, mais ce qui s’y passera sera totalement imaginaire. L’action se déroulera sur plusieurs mois, il y aura beaucoup de sauts dans le temps et je ne décrirai que les moments les plus forts. La difficulté sera de ne pas aller trop vite ni trop lentement.
Tout cela semble très prometteur, mais, en réalité, ce ne sera pas très différent de ce que j’ai déjà écrit ces dernières années et beaucoup d’anciennes idées vont resurgir. Vous devinerez déjà la fin en lisant le début.
Contrairement à ce que j’avais d’abord pensé, je publierai comme d’habitude chaque épisode après l’avoir écrit, avec la possibilité de faire des modifications après coup si nécessaire. Je mentionnerai ces modifications si elles sont importantes. Je répondrai à tous vos commentaires, qu’ils soient positifs ou négatifs, et, dans la mesure du possible, je tiendrai compte de vos remarques. Il y aura certainement quelques helvétismes puisque l’action se déroulera en Helvétie, je mentionne le gymnase qui désigne un lycée et pas une salle de sport.
***********************
1
Je venais de divorcer, un divorce à l’amiable : ma femme et moi avions constaté après quelques années de vie commune que nous n’étions pas faits l’un pour l’autre. Même ma mère n’avait pas été étonnée, elle regrettait seulement les petits-enfants qu’elle n’aurait pas, elle avait ajouté :
— Tu es encore jeune, tu trouveras bien quelqu’un d’autre.
Pourquoi avait-elle dit « quelqu’un d’autre » et pas « une autre femme » ? Sur le moment, cette expression m’avait frappé, puis je l’avais oubliée. J’avais aussi quitté ma région d’origine, les Montagnes neuchâteloises, officiellement car j’avais trouvé un nouvel emploi dans le siège d’une mutuelle d’assurances à Lausanne, en réalité pour mettre une distance physique entre mon ancienne vie et la nouvelle. À ce moment-là, je n'avais aucun projet pour ma nouvelle vie.
Afin de me faire des amis et de m’intégrer, j’avais cherché une des multiples sociétés qui pourrait m’accueillir : chorale, fanfare, pêcheurs à la ligne, ferrovipathes, samaritains, j’avais finalement pensé au théâtre amateur. La troupe « Au théâtre ce soir » de Froideville, village situé à une douzaine de kilomètres au nord de Lausanne, cherchait du renfort pour sa prochaine production. La présidente, Mme Vittoz, avait répondu favorablement à mon courriel et m’avait invité à venir à la première répétition de septembre, un jeudi soir.
J’avais revendu ma voiture pour sauver la planète, ou du moins pour faire semblant, ce qui aurait déplu à mon ex-femme qui ne mettait jamais les pieds dans les transports publics. J’étais donc assis dans le bus 60 et j’observais distraitement les autres passagers. Le jeune homme debout attira mon attention. Il n'était pas très grand, maigre, un beau visage, des cheveux bruns mi-longs, des sourcils noirs, une barbe de deux jours, un regard intense. Il était vêtu d’un jean et d’un tee-shirt noir, il avait de gros écouteurs sur les oreilles et regardait défiler le paysage, contrairement aux autres étudiants qui rentraient chez eux, absorbés par leurs échanges de smileys avec l’être aimé.
Le jeune homme descendit au même arrêt que moi, rangea ses écouteurs dans son sac à dos et me demanda :
— Bonjour, habitez-vous ici ? Savez-vous où est la grande salle ?
— Non, répondis-je, mais j’y vais aussi.
Je consultai le chemin à suivre sur mon téléphone. Je supposai que le jeune homme était, comme moi, un nouveau membre de la troupe et que j’aurai l’occasion de faire sa connaissance.
Nous trouvâmes la salle facilement. La présidente nous attendait à l’entrée, elle nous accueillit chaleureusement puis nous conduisit sur la scène où étaient placées quelques chaises. Après avoir salué rapidement les autres personnes, nous nous assîmes. Mme Vittoz prit la parole :
— Bienvenue pour cette nouvelle saison. Beaucoup de changements en perspective comme vous le savez, ou comme vous ne le savez pas encore. Tout d’abord, deux personnes ont répondu à notre recherche de nouveaux comédiens et je vais vous les présenter, ou plutôt ils vont se présenter eux-mêmes.
Elle se tourna vers moi en me précisant que tout le monde se tutoyait et que son prénom était Lucie.
— Voilà, dis-je, je m’appelle Camille, j’ai 30 ans et je viens d’arriver à Lausanne après un divorce. J’ai fait partie d’une troupe à l’université, puis j’ai arrêté à la fin de mes études. L’envie m’est venue de recommencer pour donner un nouveau but à ma vie.
— Merci, dit la présidente, autant vous dire tout de suite que, à ma connaissance, toutes les personnes ici présentes sont casées, et plus âgées que vous.
— Ce n’est pas pour cela que je désire faire du théâtre, dis-je en riant.
Elle passa ensuite la parole au jeune homme.
— Je m’appelle Florian, dit-il, j’ai 19 ans, je suis au gymnase de la Cité. Je faisais aussi partie d’une troupe d’étudiants qui a été dissoute après les déboires de la covid. J’ai envie de devenir comédien professionnel après mes études de lettres.
— Parfait, continua Lucie, vous avez tous les deux un peu d’expérience. Nous ne faisons jamais passer d’audition, les premiers mois seront une période d’essai. Nous sommes très ouverts, n’hésitez pas à nous dire si quelque chose ne va pas. Je ferai de même.
Les autres membres de la troupe se présentèrent brièvement, puis la présidente reprit la parole :
— Nous n’avons pas été épargnés par l’épidémie, nous avons constaté une grosse baisse de fréquentation la saison passée, ce qui nous a amenés à nous remettre en question. Nous allons changer de genre, fini le vaudeville, les amants dans le placard et les portes qui claquent. Cela ne plaira pas à tout le monde, mais nous pensons que c’est le seul moyen de sauver notre troupe. Nous avons de la chance d’avoir cette année un nouveau metteur en scène qui va nous aider, je l’espère, à conquérir un nouveau public. Olivier, je te cède la parole.
— Merci, nous allons surtout faire fuir l’ancien public, je ne sais pas si nous en retrouverons un nouveau.
Le metteur en scène, Olivier, avait une cinquantaine d’années, il avait été actif dans le monde du théâtre avant de se recycler pendant la pandémie, il était devenu assistant social.
— Cette année, fit-il, en accord avec le comité, nous passons à la tragédie, ce sera Hamlet, de Shakespeare. Mise en scène sobre, décors minimalistes.
— Attends, l’interrompit Lucie, je t’ai parlé de ce nouveau mécène. Il pourra peut-être nous aider à construire des décors plus grands.
— Ce n’est pas une question de coûts, c’est plutôt l’idée que je me fais de la pièce.
— Je comprends.
— Mais nous pourrons toujours dialoguer, pour moi l’échange est primordial, vous devez avoir du plaisir à jouer et ne pas vous prendre trop au sérieux, même si la pièce est sérieuse.
Olivier nous parla ensuite longuement de la tragédie, nous rappelant les principales péripéties et nous distribuant des livres pour que nous puissions apprendre le texte. Il aborda ensuite la distribution des rôles :
— Comme vous le savez, il y a un duel entre Hamlet et Laërte, j’ai pensé que ce seront les plus jeunes qui le feront. Êtes-vous d’accord ?
— Je n’ai aucune expérience du combat, objectai-je.
— Je connais quelqu’un qui pourra vous apprendre et chorégraphier les mouvements, mais il faudrait le payer. Si le nouveau mécène…
— Pas de souci, fit Lucie.
— Parfait. Je propose à Camille de jouer Laërte et à Florian de jouer Hamlet.
J’acceptai, heureux de ne pas être Hamlet, rôle qui me paraissait trop lourd. Il y aurait déjà assez de travail à répéter le combat. Florian dit :
— Je suis honoré d’être choisi pour le rôle principal alors que je débute dans votre troupe. J’espère être à la hauteur de la tâche qui m’attend.
— Ne t’inquiète pas, fit Lucie. N’oublie pas que ce n’est qu’un loisir, que nous investissons ces heures de travail pour nous faire plaisir et que le nombre de spectateurs n’a pas grande importance.
À la suite d’une discussion avec des lecteurs (que je remercie au passage et qui se reconnaitront), j’ai décidé de commencer un nouveau récit qui sera moins basé sur le sexe et plus sur la sensualité, afin de rééquilibrer ma production littéraire en parallèle avec l’univers des deux cousins que je n’abandonne pas pour autant.
C’est plus facile pour moi d’utiliser des lieux réels, sans que je les connaisse tous, mais ce qui s’y passera sera totalement imaginaire. L’action se déroulera sur plusieurs mois, il y aura beaucoup de sauts dans le temps et je ne décrirai que les moments les plus forts. La difficulté sera de ne pas aller trop vite ni trop lentement.
Tout cela semble très prometteur, mais, en réalité, ce ne sera pas très différent de ce que j’ai déjà écrit ces dernières années et beaucoup d’anciennes idées vont resurgir. Vous devinerez déjà la fin en lisant le début.
Contrairement à ce que j’avais d’abord pensé, je publierai comme d’habitude chaque épisode après l’avoir écrit, avec la possibilité de faire des modifications après coup si nécessaire. Je mentionnerai ces modifications si elles sont importantes. Je répondrai à tous vos commentaires, qu’ils soient positifs ou négatifs, et, dans la mesure du possible, je tiendrai compte de vos remarques. Il y aura certainement quelques helvétismes puisque l’action se déroulera en Helvétie, je mentionne le gymnase qui désigne un lycée et pas une salle de sport.
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Je venais de divorcer, un divorce à l’amiable : ma femme et moi avions constaté après quelques années de vie commune que nous n’étions pas faits l’un pour l’autre. Même ma mère n’avait pas été étonnée, elle regrettait seulement les petits-enfants qu’elle n’aurait pas, elle avait ajouté :
— Tu es encore jeune, tu trouveras bien quelqu’un d’autre.
Pourquoi avait-elle dit « quelqu’un d’autre » et pas « une autre femme » ? Sur le moment, cette expression m’avait frappé, puis je l’avais oubliée. J’avais aussi quitté ma région d’origine, les Montagnes neuchâteloises, officiellement car j’avais trouvé un nouvel emploi dans le siège d’une mutuelle d’assurances à Lausanne, en réalité pour mettre une distance physique entre mon ancienne vie et la nouvelle. À ce moment-là, je n'avais aucun projet pour ma nouvelle vie.
Afin de me faire des amis et de m’intégrer, j’avais cherché une des multiples sociétés qui pourrait m’accueillir : chorale, fanfare, pêcheurs à la ligne, ferrovipathes, samaritains, j’avais finalement pensé au théâtre amateur. La troupe « Au théâtre ce soir » de Froideville, village situé à une douzaine de kilomètres au nord de Lausanne, cherchait du renfort pour sa prochaine production. La présidente, Mme Vittoz, avait répondu favorablement à mon courriel et m’avait invité à venir à la première répétition de septembre, un jeudi soir.
J’avais revendu ma voiture pour sauver la planète, ou du moins pour faire semblant, ce qui aurait déplu à mon ex-femme qui ne mettait jamais les pieds dans les transports publics. J’étais donc assis dans le bus 60 et j’observais distraitement les autres passagers. Le jeune homme debout attira mon attention. Il n'était pas très grand, maigre, un beau visage, des cheveux bruns mi-longs, des sourcils noirs, une barbe de deux jours, un regard intense. Il était vêtu d’un jean et d’un tee-shirt noir, il avait de gros écouteurs sur les oreilles et regardait défiler le paysage, contrairement aux autres étudiants qui rentraient chez eux, absorbés par leurs échanges de smileys avec l’être aimé.
Le jeune homme descendit au même arrêt que moi, rangea ses écouteurs dans son sac à dos et me demanda :
— Bonjour, habitez-vous ici ? Savez-vous où est la grande salle ?
— Non, répondis-je, mais j’y vais aussi.
Je consultai le chemin à suivre sur mon téléphone. Je supposai que le jeune homme était, comme moi, un nouveau membre de la troupe et que j’aurai l’occasion de faire sa connaissance.
Nous trouvâmes la salle facilement. La présidente nous attendait à l’entrée, elle nous accueillit chaleureusement puis nous conduisit sur la scène où étaient placées quelques chaises. Après avoir salué rapidement les autres personnes, nous nous assîmes. Mme Vittoz prit la parole :
— Bienvenue pour cette nouvelle saison. Beaucoup de changements en perspective comme vous le savez, ou comme vous ne le savez pas encore. Tout d’abord, deux personnes ont répondu à notre recherche de nouveaux comédiens et je vais vous les présenter, ou plutôt ils vont se présenter eux-mêmes.
Elle se tourna vers moi en me précisant que tout le monde se tutoyait et que son prénom était Lucie.
— Voilà, dis-je, je m’appelle Camille, j’ai 30 ans et je viens d’arriver à Lausanne après un divorce. J’ai fait partie d’une troupe à l’université, puis j’ai arrêté à la fin de mes études. L’envie m’est venue de recommencer pour donner un nouveau but à ma vie.
— Merci, dit la présidente, autant vous dire tout de suite que, à ma connaissance, toutes les personnes ici présentes sont casées, et plus âgées que vous.
— Ce n’est pas pour cela que je désire faire du théâtre, dis-je en riant.
Elle passa ensuite la parole au jeune homme.
— Je m’appelle Florian, dit-il, j’ai 19 ans, je suis au gymnase de la Cité. Je faisais aussi partie d’une troupe d’étudiants qui a été dissoute après les déboires de la covid. J’ai envie de devenir comédien professionnel après mes études de lettres.
— Parfait, continua Lucie, vous avez tous les deux un peu d’expérience. Nous ne faisons jamais passer d’audition, les premiers mois seront une période d’essai. Nous sommes très ouverts, n’hésitez pas à nous dire si quelque chose ne va pas. Je ferai de même.
Les autres membres de la troupe se présentèrent brièvement, puis la présidente reprit la parole :
— Nous n’avons pas été épargnés par l’épidémie, nous avons constaté une grosse baisse de fréquentation la saison passée, ce qui nous a amenés à nous remettre en question. Nous allons changer de genre, fini le vaudeville, les amants dans le placard et les portes qui claquent. Cela ne plaira pas à tout le monde, mais nous pensons que c’est le seul moyen de sauver notre troupe. Nous avons de la chance d’avoir cette année un nouveau metteur en scène qui va nous aider, je l’espère, à conquérir un nouveau public. Olivier, je te cède la parole.
— Merci, nous allons surtout faire fuir l’ancien public, je ne sais pas si nous en retrouverons un nouveau.
Le metteur en scène, Olivier, avait une cinquantaine d’années, il avait été actif dans le monde du théâtre avant de se recycler pendant la pandémie, il était devenu assistant social.
— Cette année, fit-il, en accord avec le comité, nous passons à la tragédie, ce sera Hamlet, de Shakespeare. Mise en scène sobre, décors minimalistes.
— Attends, l’interrompit Lucie, je t’ai parlé de ce nouveau mécène. Il pourra peut-être nous aider à construire des décors plus grands.
— Ce n’est pas une question de coûts, c’est plutôt l’idée que je me fais de la pièce.
— Je comprends.
— Mais nous pourrons toujours dialoguer, pour moi l’échange est primordial, vous devez avoir du plaisir à jouer et ne pas vous prendre trop au sérieux, même si la pièce est sérieuse.
Olivier nous parla ensuite longuement de la tragédie, nous rappelant les principales péripéties et nous distribuant des livres pour que nous puissions apprendre le texte. Il aborda ensuite la distribution des rôles :
— Comme vous le savez, il y a un duel entre Hamlet et Laërte, j’ai pensé que ce seront les plus jeunes qui le feront. Êtes-vous d’accord ?
— Je n’ai aucune expérience du combat, objectai-je.
— Je connais quelqu’un qui pourra vous apprendre et chorégraphier les mouvements, mais il faudrait le payer. Si le nouveau mécène…
— Pas de souci, fit Lucie.
— Parfait. Je propose à Camille de jouer Laërte et à Florian de jouer Hamlet.
J’acceptai, heureux de ne pas être Hamlet, rôle qui me paraissait trop lourd. Il y aurait déjà assez de travail à répéter le combat. Florian dit :
— Je suis honoré d’être choisi pour le rôle principal alors que je débute dans votre troupe. J’espère être à la hauteur de la tâche qui m’attend.
— Ne t’inquiète pas, fit Lucie. N’oublie pas que ce n’est qu’un loisir, que nous investissons ces heures de travail pour nous faire plaisir et que le nombre de spectateurs n’a pas grande importance.
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