Adolphe et le braconnier
Il en avait assez, Adolphe, de la plage, et des relents de poisson qui lui agressaient le nez !
Du coup, il décida d'aller se promener dans les herbes hautes qui bordaient cette petite plage naturiste... Car c'est là qu'il était, avec ses parents.
Ce joli petit garçon brun avait tout juste dix-huit ans... et n'avait pas une libido plus développée que ça, voyez-vous.
Aucun problème avec la nudité, cependant, pratiquée depuis sa naissance.
Mais au milieu des herbes, sans doute des oyats, qui tenaient cette sorte de dune, ils ne tarda pas à trouver le temps un peu longuet. Il ne craignait pas le soleil, étant d'ascendance méditerranéenne — ce qui lui valait déjà de mignons poils fins et noirs aux bons endroits — et il n'était muni que de ses espadrilles lorsqu'il décida d'aller explorer le vaste monde, qui lui tendait justement les bras à deux pas d'ici.
Çà et là, il ouït des gémissements qui lui disaient bien quelque chose, mais il savait quoi, et n'eut pas la curiosité d'aller y voir de plus près...
Ce qui l'intrigua plutôt fut un arbrisseau aux fleurs jaunes, et il allait en saisir une branche quand on cria :
— Touche pas !
Il se recula, saisi, pour voir un mecton sans doute un peu plus âgé que lui, et aussi brun, son torse nu présentant déjà une mignonne poilure sur la poitrine. Le garçon s'approcha :
— C'est une rue officinale, et c'est toxique ! Ruta graveolens, en latin, et si tu touches ses feuilles alors que t'as été au soleil, ça fait mal ! Et je te raconte pas, sur le kiki !
Adolphe se cacha vivement la bite, et l'autre pouffa :
— Cache rien, j'ai la même, ah ! ah ! Tu connaissais pas la rue, alors ? Elle te file des cloques géantes, alors fais gaffe !... Moi, c'est Bérenger... et toi ?
— Euh... Adolphe.
— Un nom germanique, comme le mien ! Bon !... je t'ai peut-être dérangé dans tes recherches, là ?
— Recherches ? fit Adolphe, surpris.
— Moi, je cherche des plantes... et de quoi aller avec, mais les autres ont des idées plus... Tu vois ce que je veux dire !
— Non, je ne cherche rien, affirma Adolphe, rougissant derechef.
— Même pas un petit rinçage d'œil ?
— Non, non j'te jure !
— Jure pas ! On peut, même sans chercher, tomber sur de jolies merveilles, ici, alors... pourquoi s'en priver les mirettes ? déclara simplement le garçon.
— Et toi, tu...?
— Je cherche de quoi... agrémenter mes herbes... Mais évidemment, je tombe sur de la viande... différemment consommable. Alors je m'éduque, évidemment ! Et quelques fois... j'en profite pour m'aérer... de partout, tu vois ?
Oui, Adolphe voyait... et il dut sourire. La simplicité de Bérenger l'avait séduit, et lui qui était plutôt prude, côté sexe, ne trouvait pas désagréable le mignon humour utilisé par ce garçon pour parler des... turpitudes qui se déroulaient céans.
— On s'assied un instant ? demanda Bérenger.
Où il ôta son bermuda... sous lequel il n'avait rien d'autre qu'un kiki fort semblable à celui d'Adolphe, mais environné de plus de poils sombres.
— J'aime bien être à poil, mais quand je viens zoner ici en journée, je veux pas être dragué tout le temps ! C'est pas que je sois une merveille, mais ici, ils ont faim tout le temps !
— Oh, t'es... osa Adolphe après quelques secondes d'hésitation, t'es... vraiment bien foutu, tu sais ?
— T'es gentil ! Et toi... retire ta main, maintenant qu'on est tous les deux pareils ! Surtout que t'es beau aussi, tu sais ?
Adolphe ôta sa main, et l'on resta coi un instant ; puis Bérenger reprit, doucement :
— Tu fais quoi, dans l'année ?
— Je viens d'avoir le bac, et vais aller à la fac à Lyon.
— Bingo ! Moi je termine ma première année à Lyon aussi !
On se lança donc sur le sujet, et l'on déborda sur bien des sujets... M'enfin, Bérenger s'écria, regardant sa montre :
— Oh ! Faut que j'y aille ! Tu viens ?
— Mais où ?
— Aux lapins, tiens !
— Quoi ?
— C'est un secret : je fais le lapin, ici. Mes grands-parents adorent ça, Pépé me les tue et les dépouille, et Mémé les coupe : on partage ! Je suis dans un studio qui leur appartient, au village. Tu verras !
Baba, qu'il était, le sage Adolphe ! Il suivit donc ce garçon qui allait relever ses pièges. Et il osa enfin,
— Mais c'est pas... interdit, ça ?
— Si, mais le garde champêtre est une vieille baderne qui ne veut pas voir des mecs baiser dans les dunes, alors il vient jamais par là, ah ! ah ! ah ! Tandis que moi, je me rince l'œil tout en me remplissant l'estomac ! Ah ! Ah !
Quel drôle de citoyen ! songea un Adolphe peu habitué à ces fantaisies. Bérenger trouva un lapin, qu'il mit dans sa besace... et Adolphe eut le cœur un peu pincé de voir ce mignon animal aller vers un si funeste sort.
— Tu sais quoi ? Je demande le râble à Mémé, et je te fais une gamelle que t'as pas idée !
— Euh...
— Lapin à la crème de Gex et champignons des bois.
— Hein ?
— Je viens de l'inventer, et je garantis qu'on va s’exploser la gueule ! Ce soir, ou demain ?
— Euh, euh... faut que je voie mes parents !
— Promis, tu m'appelles ? demanda le garçon en tendant une petite carte chiffonnée à Adolphe. Là, faut que je mène cet excellent sujet à la casserole !
Alors sans prévenir, Bérenger prit Adolphe en ses bras et l'y serra tendrement... non sans mettre ses mains sur les petites fesses d'Adolphe... qui frissonna grandement. Et se sentit même une petite émotion dans le zizi.
Ce fut bien songeur qu'Adolphe retourna vers la plage. Mais il avait envie de revoir cet étrange braconnier, bien sûr ! Et ses parents l'autorisèrent à aller dîner chez Bérenger (mais ils ne savaient pas l'origine du mets proposé !), à condition qu'iceluy vînt le chercher. Oh il fut classe comme tout, Bérenger, en paraissant céans ! Chemise blanche et jean neuf, parfait !
— Gentils, tes parents ! C'est p't'êt' parce qu'y sont naturistes ?
— C'est possible, oui ! Oui, ils sont gentils, c'est vrai.
Le studio de Bérenger était moderne et sis au deuxième étage d'une petite bicoque du bourg. Le lapin était déjà dans sa cocotte, et sentait bon.
— Je t'offre un p'tit coup ? demanda Bérenger.
— Euh... Un p'tit coup ? fit Adolphe en frissonnant.
— Ah ! Ah ! Ah ! D'apéro, bien sûr ! Ah ! Ah ! Pour le reste, je ne propose que de grands coups, tu sais ? Ah ! Ah !
Adolphe sourit : il n'était pas commun, ce garçon-là... et il lui plaisait vraiment. Sauf que... le jeune et tranquille Adolphe n'avait jamais eu de réelle idée sur sa nature profonde. Certes, il se tripotait avec ardeur, mais ses fantasmes étaient flous. Car il était puceau, aussi ses idées sexuelles avaient-elles tendance à se mélanger un peu...
Pour l'instant, il ne savait rien non plus des penchants de Bérenger... sauf que celui-ci lui proposa de se déloquer, compte tenu de la température, et du fait qu'ils étaient l'un et l'autre naturistes. Adolphe accepta, et l'on trinqua au porto blanc... ce qui suffit à donner à ce sobre jeune homme son petit pompon !
Mais il était épaté par ce joli et gentil mec. Encore lucide à ce moment, il s'avisa que Bérenger ne faisait rien pour le séduire, ou le troubler : non, il était lui-même et... et ça lui plaisait drôlement.
Certes, il tenta alors de ne prendre son porto que par minuscules gorgées, mais... ce ne fut sans doute pas ce divin breuvage qui le mena dans les bras de Bérenger.
Juste pour un tendre câlin, d'abord, mais... Mais il arriva que ces jeunes seigneurs se trouvèrent vitement pourvus d'une épée digne de leur rang... et qu'ils en soupirèrent doucettement, faute de savoir qu'en faire.
— Bon : j'ai arrêté le lapin, susurra Bérenger à l'oreille d'Adolphe, et si on s'occupait de la pine ?
Adolphe pouffa dans le cou de Bérenger, et ne refusa pas les lèvres de Bérenger quand elles vinrent quérir les siennes.
Le moment fut infiniment doux. Adolphe ne savait rien, et Bérenger ne lui offrit que ce qu'il avait envie d'essayer.
Où Adolphe apprit des choses, donc... tout ce qu'il avait en tête d'apprendre, mais pas tout...
Bérenger fut le maître idéal, en sa douceur, et en les flots de tendresse qu'il déversa sur le pâle Adolphe. Il ne déversa d'ailleurs pas que ça sur ledit loupiot, qui fut évidemment prié de lui rendre la pareille !
— Bon ! On se recharge en porto blanc, mon p'tit gars, pendant que le lapin finit de se mettre à jour !
Et l'on causa, de soi surtout, en attendant que la victime du jour terminât sa cuisson.
La sauce au bleu de Gex et à la crème inventée par Bérenger fut absolument divine !
Le lapin, le bleu, le porto... et sûrement plutôt le sourire et le vibrant babil de Bérenger furent cause que le jeune Adolphe fut finalement ivre au dernier degré, dès avant la fin de la soirée...
Une douche mignonne et tendre ne le remit pas d'aplomb, et après qu'il eut appelé ses parents, Adolphe s'abandonna aux mains dulcissimes [néologisme : les plus douces] du beau Bérenger.
Et d'apprendre encore des choses, et des choses !
Oh ! Pas de quoi prétendre au diplôme de grande hétaïre de l'Athènes classique, non ! Mais assez pour faire croire à la fine poitrine d'Adolphe que ce garçon avait franchi un pas important de sa jeune vie.
— Tu reviendras aux lapins, p'tit garçon ?
— Lapin, lapine, tout me convient !
— Ah ! Ah ! Ah ! Je vois que t'as compris le principe, Bébé !
Un rude et bavouilleux baiser ponctua cette édifiante conclusion.
La nuit fut courte, car entrecoupée de moments... des moments qui... ou que... Bref, entrecoupée de moments, si vous me suivez.
Il se trompait, Adolphe, qui au matin pensait être devenu un homme... car il ne savait pas tout, et confondit ces vibrants débuts avec de vrais débuts... amoureux. Oui, il crut ça.
Mais au matin, il déchanta... après avoir cependant bien pris son pied ès bouche et mains de Bérenger.
— J'ai un pote de Marseille qui est là aujourd'hui, alors... tu comprends qu'on pourra pas se voir dans la journée... Mais comme il vient dans les dunes... ça te dirait, de nous mater ?
Il tomba de haut, le naïf Adolphe ! Il dut ravaler et sa salive, et ses larmes, avant de tourner le dos.
— Je t'appelle, Bébé ! fit Bérenger en le saisissant promptement par l'arrière. Tu verras, c'est un mec magnifique, mais... je l'aime pas. C'est juste pour le plaisir.
— Et moi ? parvint à murmurer Adolphe, la gorge sèche.
— Toi, oh toi !... Je sais rien de toi, comme tu sais rien de moi. Mais... quelque chose me dit qu'avant de rentrer à Lyon, on aura fait du chemin, tous les deux, et que... Adolphe ? Est-ce que... ça t'embête, que je voie mon pote... et d'autres ?
— Oh... Non, non ! Fais-le ! J'ai aucun droit sur toi !
— Si. Toi, tu as le droit de me dire ce que tu penses.
— Je pense que je suis un petit con, c'est tout.
— Adolphe ! Ça, c'est justement que tu n'as pas le droit de dire, non ! On va terminer les vacances ici, et l'on en saura bien plus... avant de revenir à Lyon !... Tu veux ?
Adolphe ne put retenir ses larmes et Bérenger le fit virer prestement. En les bras de Bérenger, Adolphe sanglota un temps, et finit par s'apaiser.
— Il faut... murmura Bérenger, il faut que nous nous apprenions, tu sais ? J'ai envie de te voir, à Lyon, vraiment ! Ici... tu dois apprendre des choses... et prendre du plaisir, aussi ! Les vacances, ça sert à ça ! Et au lapin, bien sûr !
— Oui... Snif !... T'as raison... Merci !
— Viens nous voir, avec mon pote... ça m'excitera, et tu me donneras ton avis, d'accord ?
Malgré qu'il en eût, Adolphe quitta ses parents sur la plage pour aller mater Bérenger... et il ne fut pas déçu : car le Marseillais était une réelle splendeur, et les rudiments de la science amoureuse que lui avait donnés Bérenger l'aidèrent grandement à apprécier la situation !
Et quand il vit Bérenger se déchaîner dans le panpan [cul !] de son pote, il eut soudain un coup de chaud : était-ce cela qui l'attendait si... En attendant, il admira les prouesses d'un Bérenger qui le régala d'un festival de figures plus imaginatives les unes que les autres. Il s'en pignola d'autant...
— Bien, ce que t'as vu ? demanda Bérenger au soir.
— Euh... Étonnant ! Et beau, oui.
La suite fut tendre... comme le fut aussi la suite du mois. Maman voulut inviter Bérenger, jugeant qu'il avait donné le sourire à son fils. Mais celui-ci tint à apporter sa gamelle... un lapin mitonné dans une de ses propres recettes... qui eut un triomphe. Les parents d'Adolphe furent ravis que leur enfant se fût enfin fait un ami, qui le trouvaient si solitaire !
Adolphe apprit à partager, car les beautés velues de Bérenger avaient leur succès, emmy [au milieu de] les oyats ! Et tout en matant les exploits de son aimé (car c'est ce qu'il pensait désormais, dans son coin), il était fier qu'iceluy lui montrât un réel attachement.
Ce que Bérenger n'avait pas dit était qu'il avait intrigué tout le mois pour se débarrasser de son colocataire... afin d'accueillir Adolphe. Et comme il avait aussi pris soin des parents d'Adolphe... il n'eut aucun mal à leur faire adopter son plan : un braconnier de haute volée, vous dis-je !
Qui réussit à faire inviter les parents d'Adolphe chez Pépé et Mémé ! Soirée lapin, évidemment. Et, peu avant la fin du mois, Bérenger parvint à mêler Adolphe à ses jeux de dunes...
À Lyon, on parla d'autre façon : avec tendresse et solennité, Bérenger se déclara. La rentrée universitaire était dans un mois... et l'on apprit à vivre ensemble.
À s'aimer, surtout.
24. XI. 2022
Il en avait assez, Adolphe, de la plage, et des relents de poisson qui lui agressaient le nez !
Du coup, il décida d'aller se promener dans les herbes hautes qui bordaient cette petite plage naturiste... Car c'est là qu'il était, avec ses parents.
Ce joli petit garçon brun avait tout juste dix-huit ans... et n'avait pas une libido plus développée que ça, voyez-vous.
Aucun problème avec la nudité, cependant, pratiquée depuis sa naissance.
Mais au milieu des herbes, sans doute des oyats, qui tenaient cette sorte de dune, ils ne tarda pas à trouver le temps un peu longuet. Il ne craignait pas le soleil, étant d'ascendance méditerranéenne — ce qui lui valait déjà de mignons poils fins et noirs aux bons endroits — et il n'était muni que de ses espadrilles lorsqu'il décida d'aller explorer le vaste monde, qui lui tendait justement les bras à deux pas d'ici.
Çà et là, il ouït des gémissements qui lui disaient bien quelque chose, mais il savait quoi, et n'eut pas la curiosité d'aller y voir de plus près...
Ce qui l'intrigua plutôt fut un arbrisseau aux fleurs jaunes, et il allait en saisir une branche quand on cria :
— Touche pas !
Il se recula, saisi, pour voir un mecton sans doute un peu plus âgé que lui, et aussi brun, son torse nu présentant déjà une mignonne poilure sur la poitrine. Le garçon s'approcha :
— C'est une rue officinale, et c'est toxique ! Ruta graveolens, en latin, et si tu touches ses feuilles alors que t'as été au soleil, ça fait mal ! Et je te raconte pas, sur le kiki !
Adolphe se cacha vivement la bite, et l'autre pouffa :
— Cache rien, j'ai la même, ah ! ah ! Tu connaissais pas la rue, alors ? Elle te file des cloques géantes, alors fais gaffe !... Moi, c'est Bérenger... et toi ?
— Euh... Adolphe.
— Un nom germanique, comme le mien ! Bon !... je t'ai peut-être dérangé dans tes recherches, là ?
— Recherches ? fit Adolphe, surpris.
— Moi, je cherche des plantes... et de quoi aller avec, mais les autres ont des idées plus... Tu vois ce que je veux dire !
— Non, je ne cherche rien, affirma Adolphe, rougissant derechef.
— Même pas un petit rinçage d'œil ?
— Non, non j'te jure !
— Jure pas ! On peut, même sans chercher, tomber sur de jolies merveilles, ici, alors... pourquoi s'en priver les mirettes ? déclara simplement le garçon.
— Et toi, tu...?
— Je cherche de quoi... agrémenter mes herbes... Mais évidemment, je tombe sur de la viande... différemment consommable. Alors je m'éduque, évidemment ! Et quelques fois... j'en profite pour m'aérer... de partout, tu vois ?
Oui, Adolphe voyait... et il dut sourire. La simplicité de Bérenger l'avait séduit, et lui qui était plutôt prude, côté sexe, ne trouvait pas désagréable le mignon humour utilisé par ce garçon pour parler des... turpitudes qui se déroulaient céans.
— On s'assied un instant ? demanda Bérenger.
Où il ôta son bermuda... sous lequel il n'avait rien d'autre qu'un kiki fort semblable à celui d'Adolphe, mais environné de plus de poils sombres.
— J'aime bien être à poil, mais quand je viens zoner ici en journée, je veux pas être dragué tout le temps ! C'est pas que je sois une merveille, mais ici, ils ont faim tout le temps !
— Oh, t'es... osa Adolphe après quelques secondes d'hésitation, t'es... vraiment bien foutu, tu sais ?
— T'es gentil ! Et toi... retire ta main, maintenant qu'on est tous les deux pareils ! Surtout que t'es beau aussi, tu sais ?
Adolphe ôta sa main, et l'on resta coi un instant ; puis Bérenger reprit, doucement :
— Tu fais quoi, dans l'année ?
— Je viens d'avoir le bac, et vais aller à la fac à Lyon.
— Bingo ! Moi je termine ma première année à Lyon aussi !
On se lança donc sur le sujet, et l'on déborda sur bien des sujets... M'enfin, Bérenger s'écria, regardant sa montre :
— Oh ! Faut que j'y aille ! Tu viens ?
— Mais où ?
— Aux lapins, tiens !
— Quoi ?
— C'est un secret : je fais le lapin, ici. Mes grands-parents adorent ça, Pépé me les tue et les dépouille, et Mémé les coupe : on partage ! Je suis dans un studio qui leur appartient, au village. Tu verras !
Baba, qu'il était, le sage Adolphe ! Il suivit donc ce garçon qui allait relever ses pièges. Et il osa enfin,
— Mais c'est pas... interdit, ça ?
— Si, mais le garde champêtre est une vieille baderne qui ne veut pas voir des mecs baiser dans les dunes, alors il vient jamais par là, ah ! ah ! ah ! Tandis que moi, je me rince l'œil tout en me remplissant l'estomac ! Ah ! Ah !
Quel drôle de citoyen ! songea un Adolphe peu habitué à ces fantaisies. Bérenger trouva un lapin, qu'il mit dans sa besace... et Adolphe eut le cœur un peu pincé de voir ce mignon animal aller vers un si funeste sort.
— Tu sais quoi ? Je demande le râble à Mémé, et je te fais une gamelle que t'as pas idée !
— Euh...
— Lapin à la crème de Gex et champignons des bois.
— Hein ?
— Je viens de l'inventer, et je garantis qu'on va s’exploser la gueule ! Ce soir, ou demain ?
— Euh, euh... faut que je voie mes parents !
— Promis, tu m'appelles ? demanda le garçon en tendant une petite carte chiffonnée à Adolphe. Là, faut que je mène cet excellent sujet à la casserole !
Alors sans prévenir, Bérenger prit Adolphe en ses bras et l'y serra tendrement... non sans mettre ses mains sur les petites fesses d'Adolphe... qui frissonna grandement. Et se sentit même une petite émotion dans le zizi.
Ce fut bien songeur qu'Adolphe retourna vers la plage. Mais il avait envie de revoir cet étrange braconnier, bien sûr ! Et ses parents l'autorisèrent à aller dîner chez Bérenger (mais ils ne savaient pas l'origine du mets proposé !), à condition qu'iceluy vînt le chercher. Oh il fut classe comme tout, Bérenger, en paraissant céans ! Chemise blanche et jean neuf, parfait !
— Gentils, tes parents ! C'est p't'êt' parce qu'y sont naturistes ?
— C'est possible, oui ! Oui, ils sont gentils, c'est vrai.
Le studio de Bérenger était moderne et sis au deuxième étage d'une petite bicoque du bourg. Le lapin était déjà dans sa cocotte, et sentait bon.
— Je t'offre un p'tit coup ? demanda Bérenger.
— Euh... Un p'tit coup ? fit Adolphe en frissonnant.
— Ah ! Ah ! Ah ! D'apéro, bien sûr ! Ah ! Ah ! Pour le reste, je ne propose que de grands coups, tu sais ? Ah ! Ah !
Adolphe sourit : il n'était pas commun, ce garçon-là... et il lui plaisait vraiment. Sauf que... le jeune et tranquille Adolphe n'avait jamais eu de réelle idée sur sa nature profonde. Certes, il se tripotait avec ardeur, mais ses fantasmes étaient flous. Car il était puceau, aussi ses idées sexuelles avaient-elles tendance à se mélanger un peu...
Pour l'instant, il ne savait rien non plus des penchants de Bérenger... sauf que celui-ci lui proposa de se déloquer, compte tenu de la température, et du fait qu'ils étaient l'un et l'autre naturistes. Adolphe accepta, et l'on trinqua au porto blanc... ce qui suffit à donner à ce sobre jeune homme son petit pompon !
Mais il était épaté par ce joli et gentil mec. Encore lucide à ce moment, il s'avisa que Bérenger ne faisait rien pour le séduire, ou le troubler : non, il était lui-même et... et ça lui plaisait drôlement.
Certes, il tenta alors de ne prendre son porto que par minuscules gorgées, mais... ce ne fut sans doute pas ce divin breuvage qui le mena dans les bras de Bérenger.
Juste pour un tendre câlin, d'abord, mais... Mais il arriva que ces jeunes seigneurs se trouvèrent vitement pourvus d'une épée digne de leur rang... et qu'ils en soupirèrent doucettement, faute de savoir qu'en faire.
— Bon : j'ai arrêté le lapin, susurra Bérenger à l'oreille d'Adolphe, et si on s'occupait de la pine ?
Adolphe pouffa dans le cou de Bérenger, et ne refusa pas les lèvres de Bérenger quand elles vinrent quérir les siennes.
Le moment fut infiniment doux. Adolphe ne savait rien, et Bérenger ne lui offrit que ce qu'il avait envie d'essayer.
Où Adolphe apprit des choses, donc... tout ce qu'il avait en tête d'apprendre, mais pas tout...
Bérenger fut le maître idéal, en sa douceur, et en les flots de tendresse qu'il déversa sur le pâle Adolphe. Il ne déversa d'ailleurs pas que ça sur ledit loupiot, qui fut évidemment prié de lui rendre la pareille !
— Bon ! On se recharge en porto blanc, mon p'tit gars, pendant que le lapin finit de se mettre à jour !
Et l'on causa, de soi surtout, en attendant que la victime du jour terminât sa cuisson.
La sauce au bleu de Gex et à la crème inventée par Bérenger fut absolument divine !
Le lapin, le bleu, le porto... et sûrement plutôt le sourire et le vibrant babil de Bérenger furent cause que le jeune Adolphe fut finalement ivre au dernier degré, dès avant la fin de la soirée...
Une douche mignonne et tendre ne le remit pas d'aplomb, et après qu'il eut appelé ses parents, Adolphe s'abandonna aux mains dulcissimes [néologisme : les plus douces] du beau Bérenger.
Et d'apprendre encore des choses, et des choses !
Oh ! Pas de quoi prétendre au diplôme de grande hétaïre de l'Athènes classique, non ! Mais assez pour faire croire à la fine poitrine d'Adolphe que ce garçon avait franchi un pas important de sa jeune vie.
— Tu reviendras aux lapins, p'tit garçon ?
— Lapin, lapine, tout me convient !
— Ah ! Ah ! Ah ! Je vois que t'as compris le principe, Bébé !
Un rude et bavouilleux baiser ponctua cette édifiante conclusion.
La nuit fut courte, car entrecoupée de moments... des moments qui... ou que... Bref, entrecoupée de moments, si vous me suivez.
Il se trompait, Adolphe, qui au matin pensait être devenu un homme... car il ne savait pas tout, et confondit ces vibrants débuts avec de vrais débuts... amoureux. Oui, il crut ça.
Mais au matin, il déchanta... après avoir cependant bien pris son pied ès bouche et mains de Bérenger.
— J'ai un pote de Marseille qui est là aujourd'hui, alors... tu comprends qu'on pourra pas se voir dans la journée... Mais comme il vient dans les dunes... ça te dirait, de nous mater ?
Il tomba de haut, le naïf Adolphe ! Il dut ravaler et sa salive, et ses larmes, avant de tourner le dos.
— Je t'appelle, Bébé ! fit Bérenger en le saisissant promptement par l'arrière. Tu verras, c'est un mec magnifique, mais... je l'aime pas. C'est juste pour le plaisir.
— Et moi ? parvint à murmurer Adolphe, la gorge sèche.
— Toi, oh toi !... Je sais rien de toi, comme tu sais rien de moi. Mais... quelque chose me dit qu'avant de rentrer à Lyon, on aura fait du chemin, tous les deux, et que... Adolphe ? Est-ce que... ça t'embête, que je voie mon pote... et d'autres ?
— Oh... Non, non ! Fais-le ! J'ai aucun droit sur toi !
— Si. Toi, tu as le droit de me dire ce que tu penses.
— Je pense que je suis un petit con, c'est tout.
— Adolphe ! Ça, c'est justement que tu n'as pas le droit de dire, non ! On va terminer les vacances ici, et l'on en saura bien plus... avant de revenir à Lyon !... Tu veux ?
Adolphe ne put retenir ses larmes et Bérenger le fit virer prestement. En les bras de Bérenger, Adolphe sanglota un temps, et finit par s'apaiser.
— Il faut... murmura Bérenger, il faut que nous nous apprenions, tu sais ? J'ai envie de te voir, à Lyon, vraiment ! Ici... tu dois apprendre des choses... et prendre du plaisir, aussi ! Les vacances, ça sert à ça ! Et au lapin, bien sûr !
— Oui... Snif !... T'as raison... Merci !
— Viens nous voir, avec mon pote... ça m'excitera, et tu me donneras ton avis, d'accord ?
Malgré qu'il en eût, Adolphe quitta ses parents sur la plage pour aller mater Bérenger... et il ne fut pas déçu : car le Marseillais était une réelle splendeur, et les rudiments de la science amoureuse que lui avait donnés Bérenger l'aidèrent grandement à apprécier la situation !
Et quand il vit Bérenger se déchaîner dans le panpan [cul !] de son pote, il eut soudain un coup de chaud : était-ce cela qui l'attendait si... En attendant, il admira les prouesses d'un Bérenger qui le régala d'un festival de figures plus imaginatives les unes que les autres. Il s'en pignola d'autant...
— Bien, ce que t'as vu ? demanda Bérenger au soir.
— Euh... Étonnant ! Et beau, oui.
La suite fut tendre... comme le fut aussi la suite du mois. Maman voulut inviter Bérenger, jugeant qu'il avait donné le sourire à son fils. Mais celui-ci tint à apporter sa gamelle... un lapin mitonné dans une de ses propres recettes... qui eut un triomphe. Les parents d'Adolphe furent ravis que leur enfant se fût enfin fait un ami, qui le trouvaient si solitaire !
Adolphe apprit à partager, car les beautés velues de Bérenger avaient leur succès, emmy [au milieu de] les oyats ! Et tout en matant les exploits de son aimé (car c'est ce qu'il pensait désormais, dans son coin), il était fier qu'iceluy lui montrât un réel attachement.
Ce que Bérenger n'avait pas dit était qu'il avait intrigué tout le mois pour se débarrasser de son colocataire... afin d'accueillir Adolphe. Et comme il avait aussi pris soin des parents d'Adolphe... il n'eut aucun mal à leur faire adopter son plan : un braconnier de haute volée, vous dis-je !
Qui réussit à faire inviter les parents d'Adolphe chez Pépé et Mémé ! Soirée lapin, évidemment. Et, peu avant la fin du mois, Bérenger parvint à mêler Adolphe à ses jeux de dunes...
À Lyon, on parla d'autre façon : avec tendresse et solennité, Bérenger se déclara. La rentrée universitaire était dans un mois... et l'on apprit à vivre ensemble.
À s'aimer, surtout.
24. XI. 2022
Amitiés de Louklouk !