11-06-2022, 11:33 PM
Bonjour !
Je viens de publier ça sur Scribay, suite au défi : faire sans dire.
La phrase en gras était à placer.
Que m'en dites-vous ?
==========================================
Le Secret
Presqu'un an que ces deux-là s'étaient quittés, pour cause d'études... Après le bac, Kévin avait choisi les études classiques, tandis que Rémi était entré dans une renommée école d'horticulture : il souhaitait transformer l'exploitation de ses parents. Avec leur accord, d'ailleurs.
Passionné de fleurs depuis toujours, il avait déjà fait des abords de la vieille ferme une oasis de couleurs, qui faisait l'admiration du pays. Où du reste il était fort apprécié, pour sa gentillesse.
Kévin était de la ville, lui : c'étaient ses grands-parents, qui étaient du pays. Mais il avait été depuis leur premier jour l'ami de Rémi.
Ils en avaient fait, des conneries, ensemble ! Car Kévin était là tout le temps des vacances, ou presque, et il avait fini par obtenir de ses parents d'aller au même lycée que Rémi, le jour venu.
Et l'expérience les avait rapprochés... comme elle avait comblé ses grands-parents, chez qui il avait sa chambre.
Là, c'était un peu différent : un an, ça compte, quand on a dix huit ans, et qu'on est censé entrer dans l'âge adulte... ou du moins songer à le faire.
Et nul doute que ces garçons avaient connu des expériences différentes, au cours de leur première année d'après bac...
Pour l'instant, on pique-niquait au bord de la rivière, à la fois gai et ému. M'enfin, Kévin avait chipé au grand-père une bouteille de rosé de Loire — on n'en était pas loin —, et l'ambiance se détendit peu à peu.
Les deux garçons étaient étonnés de ce qui leur arrivait : jamais ils n'avaient été séparés aussi longtemps, et cela leur faisait tout drôle de se retrouver là comme des inconnus, quand ils avaient partagé tant de choses... parmi les plus intimes !
Ce furent justement ces chauds souvenirs qui poussèrent Kévin à oser :
— Et côté... bizouquette, t'en es où ?
— Ha ! Ben... au même point que l'année dernière... sauf que je dois aussi me taper ta Marie-Louise !
— En plus de la Solange ?
— Elles m'épuisent, t'as pas idée !
— C'est pas le plus grave, ça !
— Si : elle me font chier.
— Rémi ? T'es sérieux, là ? Y me semblait pourtant que t'aimais le cul et que... c'est deux bonnes baiseuses, non ?
— Ouais, mais... j'ai d'autres vues, ailleurs que sur leurs fesses !
— Hein ? Tu me dis quoi ?
— Ben... la Caroline... par exemple.
— De la boulangerie ? Oh putain ! C'est vrai qu'elle était canon, mais...
— Quand tu la revois, tu la reconnais pas ! Et...
— Tu l'as...
— Ouais, mais ça se sait pas. Son connard de père veut la marier plus haut que moi !
— Ah !
— En attendant, tu reprends la Marie-Louise, hein ? Et tu te fais la Solange sans complexe, elles m'épuisent les burettes, toutes les deux !
Kévin sourit. Décidément, la vie de campagne n'était pas de tout repos... du moins pour les burettes ! Néanmoins, cette conversation lui donnait, dès l'abord, l'impression que son ami n'était pas heureux. Il n'osa pas le questionner plus avant, et l'on changea de sujet... sûr l'un et l'autre que celui-ci reviendrait vitement sur le tapis.
— La chasse est ouverte, donc ?
— Sauf pour Caroline, s'te plaît !
— J'te promets-jure absolument que...
— Ça va être dur ! Car quand tu la verras... Putain !
— T'es amoureux ?
— Chais pas... J'aime à y penser !
— On dira que c'est un signe !
Kévin sourit à son ami : ils venaient, le croyait-il, de retrouver leur complicité d'antan. Même il évoqua le soir de Quatorze-Juillet où ils avaient ensemble perdu leur pucelage dans une grange, non loin du bal du village... où ça ahanait ferme ici et là, entre les bottes de paille !
On rigola à ce souvenir délirant. Rémi demanda :
— Bon, tu fais quoi maintenant ?
— Je pense que... j'ai envie de niquer, pas toi ?
— Si, mais ma demoiselle est moins disponible que les deux baiseuses dont je te prie de me débarrasser le temps de tes vacances ! J'te préviens que t'auras besoin d'une greffe de couilles avant la fin août !
Kévin éclata de rire et l'on l'enlaça tendrement. Puis on se sépara après avoir fini le rosé de Grand-Père...
Kévin n'eut pas de mal à trouver bonne fortune : au village, la nouvelle de son arrivée n'avait pas mis un quart d'heure avant d'être sue de tout le monde.
Il avait moult fois baisé la Marie-Louise, présentée alors comme sa bonne amie, et tantôt la Solange, que Rémi lui cédait volontiers : on aura compris que ces demoiselles n'étaient pas farouches... et aimaient la vie.
Sauf que là, il tomba sur les deux ensemble. Qui faillirent se crêper le chignon, avant que Kévin, déclarât suavement :
— Et si l'on allait prendre le thé, gentiment, tous les trois ?
On arriva chez Marie-Louise dans les cinq minutes et... la suite se passe de commentaires, comme de descriptions, toujours hasardeuses en ces circonstances. Et sans thé.
Ressortant de la séance, Kévin était bien content, tiens ! Mais... il pensa aussitôt à son ami. Qu'il appela aussitôt.
— Bof... J'ai zoné sur Internet, elle était de service à la boulangerie, vu que sa mère... Bref, rien.
Vitement réunis, les garçons échangèrent sur le ton de leurs éternelles confidences; Kévin raconta tout, au grand sourire de Rémi.
Mais Kévin sentit que Rémi n'était pas dans son meilleur état mental... et que la Caroline n'y était pour rien. Rémi, son ami de cœur depuis toujours, Rémi lui cacherait quelque chose ?
Les jours suivants s'alignèrent sagement... comme sur le calendrier. Mais vite, Kévin eut la certitude que quelque chose rongeait son ami, et qu'iceluy tenait à le lui celer. Comment lui faire dire ce qui le tenaillait manifestement, cependant ? Sans briser leur amitié, qu'il tenait pour sacrée, sans blesser son ami, sans aller jusqu'à l'irréparable, même ?
Les choses prenaient un tour que Kévin n'aima pas. Quinze jours après son arrivée, alors qu'on pique-niquait au bord de l'eau, comme à l'habitude, il osa demander
— Caroline ?
— Fini.
— Mais... Pourquoi ? Et... pourquoi tu m'as rien dit ?
— Oh... Des histoires nulles de mec nul, ça t'intéresse ?
— Mais... fit Kévin, surpris, t'es loin d'être un mec nul que je sache ! Qu'est-ce qui va pas ? La Caroline... t'a jeté ?
— Non, moi.
— Hein ? Et pourquoi ? Tu m'as pas dit que t'étais accro ? Et que c'était une super bonne baiseuse, et que... oui, peut-être...?
— On dit des conneries tout le temps... surtout quand on sait pas ce qu'on veut.
— Tu crois que... je pourrais t'aider à le savoir, ce que tu veux ?
— Toi ? Merci, oui, mais... non !
— T'as pas confiance en moi ?
— Oh si ! Et plus qu'en tout le reste du monde, mais... là, je crois vraiment que t'y peux rien.
— Ah !... fit Kévin, désemparé. Mais tu me promets que, si t'as la moindre idée de ce que je peux te dire pour t'aider, tu m'en parles ?
— Bien sûr.
Lorsqu'on se sépara, Kévin était déchiré : son ami le plus proche, le plus parfait, était malade, et refusait de lui dire son mal !
Agrippé par les tigresses du village, il n'eut pas le loisir de repenser à ces choses désatreuses, ce soir-là.
Mais au matin, il lui revint en tête la conversation de la veille, et il eut soudain une sorte de frayeur : et si Rémi pensait à l'impensable ? Et si... ce qu'il n'avait pas voulu lui dire était le signe précurseur de la chose la plus horrible du monde ?
Il jaillit de son lit et salua fort brièvement ses grands-parents étonnés pour filer chez Rémi. Qu'il trouva dans son lit. Étonné, aussi.
— Non, je vais bien, merci mon pote ! Mais t'es... Oh ! T'es gentil de t'inquiéter de moi ! J'ai encore des trucs dans le crâne, tu sais ?
— Je vais les surveiller de près, ces trucs-là, oui !
— On déjeune ici ?
Les parents de Rémi accueillirent Kévin avec chaleur à la table du petit déjeuner. Pensez ! Ils le connaissaient depuis toujours, et les tartines grillées rappelèrent à celui-ci le plaisir de celles des anciens temps...
Puis on alla se promener alentour, tandis que Maman déclara préparer le pique-nique du jour.
Munis d'iceluy, les garçons s'en furent donc peu avant midi. On arriva à l'endroit qui était leur secret, un p'tit coin dominant l'eau de peu, un genre de petit paradis champêtre.
Où l'on fut muet, d'abord. Pourquoi Kévin sentait-il que le moment était important ? Il ne le savait. S'il savait que la chose importait à Rémi comme à lui, il ne l'aurait dit non plus.
Mais... il était ému. Peut-être espérait-il que son ami lui dirait enfin ce qui le tourmentait, manifestement ? Les filles du village ? La jolie, très jolie Caroline, même ?
Mais Rémi ne dit rien, d'abord. Il fut même joyeux au point de déconcerter Kévin. On picola gentiment — le rosé avait été imposé par Papa — et Kévin, sur le gril, osa enfin :
— Comment ça va, toi ?
— C'est con à dire, mais... quand je suis avec toi, ça va.
— Oh ! C'est gentil, mais... je résous pas tous les problèmes de meufs, je crois !
— Alors... tu résoudrais les problèmes de mecs ?
— Ah ! Ben... Ça, je sais pas ! T'en as ? demanda Kévin, incertain. Tu peux tout me dire, tu sais !
— Oui.
Il y eut là un long silence. L'un ni l'autre n'osait dire un mot.
— J'm'en fous, de la Caroline, en fait, murmura Rémi.
— Et c'est un problème, ça ? Si tu veux que je la baise à ta place, je peux !
— Non ! Pas toi ! fit vivement Rémi.
— Et pourquoi ? sourit Kévin.
— Ben... Pas toi, non.
Kévin n'osa aller plus loin : oui, Rémi avait un problème, mais lequel ? Il réfléchit un temps avant de dire, tout bas :
— Je suis ton ami, Rémi, et quoi que tu puisses me dire, je te garderai dans mon cœur. Jamais je te trahirai... Tu le sais.
— Kévin... souffla Rémi, l'air tétanisé. Oui, je sais tout ça, mais... pas facile de tout dire, et même... pas utile.
— Ça, c'est toi qui sais. Mais tu sais aussi que je suis là pour toi, affirma Kévin... alors qu'il était agacé par le comportement de Rémi.
Mais il se retint de le faire sentir. Il y eut un silence ; ça gambergeait ferme, de part et d'autre !
— Est-ce que... tu voudrais qu'on se fasse une partie à trois, à quatre ou plus, pour te remonter le moral... et le reste ?
— Oh non, vraiment ! fit Rémi, qui dut sourire largement. Ça ne sera pas nécessaire... mais t'es sympa d'y penser. Toi, tu... aimerais ?
— Ah ben... oui, un peu ! Chuis pas revenu au bled pour me la passer à l'eau froide tous les matins !
Rémi éclata de rire. Et il murmura :
— Au fond, pourquoi pas ?
— Youpi ! On se le fait à cinq, ce thé dansant ? Je verrais bien...
Rémi laissa son ami parler... et fantasmer ! Il était en train, Kévin, et Rémi ne manqua pas de rire aux éclats plus d'une fois.
Le soleil tournait et bien avant qu'il disparût, il faisait une chaleur tout à fait plaisante. Après un silence, Rémi murmura :
— Je suis plus capable de ça, Kévin. Fais-le sans moi.
— Mais qu'est-ce que tu dis, là ?
— C'est plus mon monde. Dis-rien à personne, s'te plaît... les filles, tu te les gardes, j'en veux plus... J'en peux plus !
— Mais, Rémi, fit Kévin, soudain affolé, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu vas pas te faire curé, quand même ? Ou entrer à l'abbaye ?
— Non, non... réfuta Rémi avec un faible sourire. Mais... je cherche autre chose que de la baise sans lendemain... ou avec trop de lendemains !
— C'est pour ça que t'es... triste, ces derniers temps ?
— Triste depuis... longtemps.
— Mais... pourquoi tu m'as jamais rien dit ? Ou écrit ? On s'envoie des messages tout le temps !
— Disons que... t'es p't'êt' pas la bonne personne...
— Moi ? s'écria Kévin. Mais !... Mais !... Je suis plus ton meilleur ami, Rémi ? Mais je suis quoi, moi, alors ?
Kévin était hors de lui, et les larmes lui vinrent aux yeux.
— Chut ! Calme-toi ! Je voulais pas te blesser, Kévin, évidemment pas ! Je voulais dire que... Oh !...
Où Kévin effaré se rendit compte que son ami pleurait, doucement, mais chaudement. Sidéré, il ne sut alors que faire : s'il n'était pas la bonne personne, comment aider Rémi ? Il eut envie de le prendre par le cou, mais il ne l'osa faire.
— Je... Je te sers à rien, Rémi, mais... tu sais bien que tu peux tout me demander.
— Oh si tu me sers... à un million de choses... à tout, Kévin !
— Mais pas à t'empêcher d'être triste.
Rémi poussa un énorme soupir... et ses larmes coulèrent de plus belle. Enfin il se leva, imité par Kévin.
— Je vais te laisser, là. Pardonne-moi.
— Je... Fais ce que tu veux, mais... fit Kévin, déchiré de voir le visage noyé de larmes de son ami.
On se regarda de longues secondes, puis Rémi renifla un grand coup et vint soudain poser les lèvres sur la bouche de Kévin avant de fuir à toutes jambes.
Si l'abbaye voisine avec toutes ses tourelles était soudain tombée sur le museau de Kévin, il n'en aurait pas été plus stupéfait ! Rémi ! Rémi ! C'était donc ça, le secret de Rémi ?
Oh ! Oh !... Comme il pleura, lui aussi, Kévin ! Incapable de bouger, il demeura prostré longtemps, avant de rentrer.
« Je savais pas. Et jamais je serai heureux si tu l'es pas aussi. Avec moi », c'est ce qu'il écrivit à Rémi, dans la nuit.
Au matin, on resta silencieux, longtemps.
— J'ai des millions de choses à te dire... firent ensemble les garçons.
La vraie vie commençait.
10. VI. 2022
Je viens de publier ça sur Scribay, suite au défi : faire sans dire.
La phrase en gras était à placer.
Que m'en dites-vous ?
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Le Secret
Presqu'un an que ces deux-là s'étaient quittés, pour cause d'études... Après le bac, Kévin avait choisi les études classiques, tandis que Rémi était entré dans une renommée école d'horticulture : il souhaitait transformer l'exploitation de ses parents. Avec leur accord, d'ailleurs.
Passionné de fleurs depuis toujours, il avait déjà fait des abords de la vieille ferme une oasis de couleurs, qui faisait l'admiration du pays. Où du reste il était fort apprécié, pour sa gentillesse.
Kévin était de la ville, lui : c'étaient ses grands-parents, qui étaient du pays. Mais il avait été depuis leur premier jour l'ami de Rémi.
Ils en avaient fait, des conneries, ensemble ! Car Kévin était là tout le temps des vacances, ou presque, et il avait fini par obtenir de ses parents d'aller au même lycée que Rémi, le jour venu.
Et l'expérience les avait rapprochés... comme elle avait comblé ses grands-parents, chez qui il avait sa chambre.
Là, c'était un peu différent : un an, ça compte, quand on a dix huit ans, et qu'on est censé entrer dans l'âge adulte... ou du moins songer à le faire.
Et nul doute que ces garçons avaient connu des expériences différentes, au cours de leur première année d'après bac...
Pour l'instant, on pique-niquait au bord de la rivière, à la fois gai et ému. M'enfin, Kévin avait chipé au grand-père une bouteille de rosé de Loire — on n'en était pas loin —, et l'ambiance se détendit peu à peu.
Les deux garçons étaient étonnés de ce qui leur arrivait : jamais ils n'avaient été séparés aussi longtemps, et cela leur faisait tout drôle de se retrouver là comme des inconnus, quand ils avaient partagé tant de choses... parmi les plus intimes !
Ce furent justement ces chauds souvenirs qui poussèrent Kévin à oser :
— Et côté... bizouquette, t'en es où ?
— Ha ! Ben... au même point que l'année dernière... sauf que je dois aussi me taper ta Marie-Louise !
— En plus de la Solange ?
— Elles m'épuisent, t'as pas idée !
— C'est pas le plus grave, ça !
— Si : elle me font chier.
— Rémi ? T'es sérieux, là ? Y me semblait pourtant que t'aimais le cul et que... c'est deux bonnes baiseuses, non ?
— Ouais, mais... j'ai d'autres vues, ailleurs que sur leurs fesses !
— Hein ? Tu me dis quoi ?
— Ben... la Caroline... par exemple.
— De la boulangerie ? Oh putain ! C'est vrai qu'elle était canon, mais...
— Quand tu la revois, tu la reconnais pas ! Et...
— Tu l'as...
— Ouais, mais ça se sait pas. Son connard de père veut la marier plus haut que moi !
— Ah !
— En attendant, tu reprends la Marie-Louise, hein ? Et tu te fais la Solange sans complexe, elles m'épuisent les burettes, toutes les deux !
Kévin sourit. Décidément, la vie de campagne n'était pas de tout repos... du moins pour les burettes ! Néanmoins, cette conversation lui donnait, dès l'abord, l'impression que son ami n'était pas heureux. Il n'osa pas le questionner plus avant, et l'on changea de sujet... sûr l'un et l'autre que celui-ci reviendrait vitement sur le tapis.
— La chasse est ouverte, donc ?
— Sauf pour Caroline, s'te plaît !
— J'te promets-jure absolument que...
— Ça va être dur ! Car quand tu la verras... Putain !
— T'es amoureux ?
— Chais pas... J'aime à y penser !
— On dira que c'est un signe !
Kévin sourit à son ami : ils venaient, le croyait-il, de retrouver leur complicité d'antan. Même il évoqua le soir de Quatorze-Juillet où ils avaient ensemble perdu leur pucelage dans une grange, non loin du bal du village... où ça ahanait ferme ici et là, entre les bottes de paille !
On rigola à ce souvenir délirant. Rémi demanda :
— Bon, tu fais quoi maintenant ?
— Je pense que... j'ai envie de niquer, pas toi ?
— Si, mais ma demoiselle est moins disponible que les deux baiseuses dont je te prie de me débarrasser le temps de tes vacances ! J'te préviens que t'auras besoin d'une greffe de couilles avant la fin août !
Kévin éclata de rire et l'on l'enlaça tendrement. Puis on se sépara après avoir fini le rosé de Grand-Père...
Kévin n'eut pas de mal à trouver bonne fortune : au village, la nouvelle de son arrivée n'avait pas mis un quart d'heure avant d'être sue de tout le monde.
Il avait moult fois baisé la Marie-Louise, présentée alors comme sa bonne amie, et tantôt la Solange, que Rémi lui cédait volontiers : on aura compris que ces demoiselles n'étaient pas farouches... et aimaient la vie.
Sauf que là, il tomba sur les deux ensemble. Qui faillirent se crêper le chignon, avant que Kévin, déclarât suavement :
— Et si l'on allait prendre le thé, gentiment, tous les trois ?
On arriva chez Marie-Louise dans les cinq minutes et... la suite se passe de commentaires, comme de descriptions, toujours hasardeuses en ces circonstances. Et sans thé.
Ressortant de la séance, Kévin était bien content, tiens ! Mais... il pensa aussitôt à son ami. Qu'il appela aussitôt.
— Bof... J'ai zoné sur Internet, elle était de service à la boulangerie, vu que sa mère... Bref, rien.
Vitement réunis, les garçons échangèrent sur le ton de leurs éternelles confidences; Kévin raconta tout, au grand sourire de Rémi.
Mais Kévin sentit que Rémi n'était pas dans son meilleur état mental... et que la Caroline n'y était pour rien. Rémi, son ami de cœur depuis toujours, Rémi lui cacherait quelque chose ?
Les jours suivants s'alignèrent sagement... comme sur le calendrier. Mais vite, Kévin eut la certitude que quelque chose rongeait son ami, et qu'iceluy tenait à le lui celer. Comment lui faire dire ce qui le tenaillait manifestement, cependant ? Sans briser leur amitié, qu'il tenait pour sacrée, sans blesser son ami, sans aller jusqu'à l'irréparable, même ?
Les choses prenaient un tour que Kévin n'aima pas. Quinze jours après son arrivée, alors qu'on pique-niquait au bord de l'eau, comme à l'habitude, il osa demander
— Caroline ?
— Fini.
— Mais... Pourquoi ? Et... pourquoi tu m'as rien dit ?
— Oh... Des histoires nulles de mec nul, ça t'intéresse ?
— Mais... fit Kévin, surpris, t'es loin d'être un mec nul que je sache ! Qu'est-ce qui va pas ? La Caroline... t'a jeté ?
— Non, moi.
— Hein ? Et pourquoi ? Tu m'as pas dit que t'étais accro ? Et que c'était une super bonne baiseuse, et que... oui, peut-être...?
— On dit des conneries tout le temps... surtout quand on sait pas ce qu'on veut.
— Tu crois que... je pourrais t'aider à le savoir, ce que tu veux ?
— Toi ? Merci, oui, mais... non !
— T'as pas confiance en moi ?
— Oh si ! Et plus qu'en tout le reste du monde, mais... là, je crois vraiment que t'y peux rien.
— Ah !... fit Kévin, désemparé. Mais tu me promets que, si t'as la moindre idée de ce que je peux te dire pour t'aider, tu m'en parles ?
— Bien sûr.
Lorsqu'on se sépara, Kévin était déchiré : son ami le plus proche, le plus parfait, était malade, et refusait de lui dire son mal !
Agrippé par les tigresses du village, il n'eut pas le loisir de repenser à ces choses désatreuses, ce soir-là.
Mais au matin, il lui revint en tête la conversation de la veille, et il eut soudain une sorte de frayeur : et si Rémi pensait à l'impensable ? Et si... ce qu'il n'avait pas voulu lui dire était le signe précurseur de la chose la plus horrible du monde ?
Il jaillit de son lit et salua fort brièvement ses grands-parents étonnés pour filer chez Rémi. Qu'il trouva dans son lit. Étonné, aussi.
— Non, je vais bien, merci mon pote ! Mais t'es... Oh ! T'es gentil de t'inquiéter de moi ! J'ai encore des trucs dans le crâne, tu sais ?
— Je vais les surveiller de près, ces trucs-là, oui !
— On déjeune ici ?
Les parents de Rémi accueillirent Kévin avec chaleur à la table du petit déjeuner. Pensez ! Ils le connaissaient depuis toujours, et les tartines grillées rappelèrent à celui-ci le plaisir de celles des anciens temps...
Puis on alla se promener alentour, tandis que Maman déclara préparer le pique-nique du jour.
Munis d'iceluy, les garçons s'en furent donc peu avant midi. On arriva à l'endroit qui était leur secret, un p'tit coin dominant l'eau de peu, un genre de petit paradis champêtre.
Où l'on fut muet, d'abord. Pourquoi Kévin sentait-il que le moment était important ? Il ne le savait. S'il savait que la chose importait à Rémi comme à lui, il ne l'aurait dit non plus.
Mais... il était ému. Peut-être espérait-il que son ami lui dirait enfin ce qui le tourmentait, manifestement ? Les filles du village ? La jolie, très jolie Caroline, même ?
Mais Rémi ne dit rien, d'abord. Il fut même joyeux au point de déconcerter Kévin. On picola gentiment — le rosé avait été imposé par Papa — et Kévin, sur le gril, osa enfin :
— Comment ça va, toi ?
— C'est con à dire, mais... quand je suis avec toi, ça va.
— Oh ! C'est gentil, mais... je résous pas tous les problèmes de meufs, je crois !
— Alors... tu résoudrais les problèmes de mecs ?
— Ah ! Ben... Ça, je sais pas ! T'en as ? demanda Kévin, incertain. Tu peux tout me dire, tu sais !
— Oui.
Il y eut là un long silence. L'un ni l'autre n'osait dire un mot.
— J'm'en fous, de la Caroline, en fait, murmura Rémi.
— Et c'est un problème, ça ? Si tu veux que je la baise à ta place, je peux !
— Non ! Pas toi ! fit vivement Rémi.
— Et pourquoi ? sourit Kévin.
— Ben... Pas toi, non.
Kévin n'osa aller plus loin : oui, Rémi avait un problème, mais lequel ? Il réfléchit un temps avant de dire, tout bas :
— Je suis ton ami, Rémi, et quoi que tu puisses me dire, je te garderai dans mon cœur. Jamais je te trahirai... Tu le sais.
— Kévin... souffla Rémi, l'air tétanisé. Oui, je sais tout ça, mais... pas facile de tout dire, et même... pas utile.
— Ça, c'est toi qui sais. Mais tu sais aussi que je suis là pour toi, affirma Kévin... alors qu'il était agacé par le comportement de Rémi.
Mais il se retint de le faire sentir. Il y eut un silence ; ça gambergeait ferme, de part et d'autre !
— Est-ce que... tu voudrais qu'on se fasse une partie à trois, à quatre ou plus, pour te remonter le moral... et le reste ?
— Oh non, vraiment ! fit Rémi, qui dut sourire largement. Ça ne sera pas nécessaire... mais t'es sympa d'y penser. Toi, tu... aimerais ?
— Ah ben... oui, un peu ! Chuis pas revenu au bled pour me la passer à l'eau froide tous les matins !
Rémi éclata de rire. Et il murmura :
— Au fond, pourquoi pas ?
— Youpi ! On se le fait à cinq, ce thé dansant ? Je verrais bien...
Rémi laissa son ami parler... et fantasmer ! Il était en train, Kévin, et Rémi ne manqua pas de rire aux éclats plus d'une fois.
Le soleil tournait et bien avant qu'il disparût, il faisait une chaleur tout à fait plaisante. Après un silence, Rémi murmura :
— Je suis plus capable de ça, Kévin. Fais-le sans moi.
— Mais qu'est-ce que tu dis, là ?
— C'est plus mon monde. Dis-rien à personne, s'te plaît... les filles, tu te les gardes, j'en veux plus... J'en peux plus !
— Mais, Rémi, fit Kévin, soudain affolé, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu vas pas te faire curé, quand même ? Ou entrer à l'abbaye ?
— Non, non... réfuta Rémi avec un faible sourire. Mais... je cherche autre chose que de la baise sans lendemain... ou avec trop de lendemains !
— C'est pour ça que t'es... triste, ces derniers temps ?
— Triste depuis... longtemps.
— Mais... pourquoi tu m'as jamais rien dit ? Ou écrit ? On s'envoie des messages tout le temps !
— Disons que... t'es p't'êt' pas la bonne personne...
— Moi ? s'écria Kévin. Mais !... Mais !... Je suis plus ton meilleur ami, Rémi ? Mais je suis quoi, moi, alors ?
Kévin était hors de lui, et les larmes lui vinrent aux yeux.
— Chut ! Calme-toi ! Je voulais pas te blesser, Kévin, évidemment pas ! Je voulais dire que... Oh !...
Où Kévin effaré se rendit compte que son ami pleurait, doucement, mais chaudement. Sidéré, il ne sut alors que faire : s'il n'était pas la bonne personne, comment aider Rémi ? Il eut envie de le prendre par le cou, mais il ne l'osa faire.
— Je... Je te sers à rien, Rémi, mais... tu sais bien que tu peux tout me demander.
— Oh si tu me sers... à un million de choses... à tout, Kévin !
— Mais pas à t'empêcher d'être triste.
Rémi poussa un énorme soupir... et ses larmes coulèrent de plus belle. Enfin il se leva, imité par Kévin.
— Je vais te laisser, là. Pardonne-moi.
— Je... Fais ce que tu veux, mais... fit Kévin, déchiré de voir le visage noyé de larmes de son ami.
On se regarda de longues secondes, puis Rémi renifla un grand coup et vint soudain poser les lèvres sur la bouche de Kévin avant de fuir à toutes jambes.
Si l'abbaye voisine avec toutes ses tourelles était soudain tombée sur le museau de Kévin, il n'en aurait pas été plus stupéfait ! Rémi ! Rémi ! C'était donc ça, le secret de Rémi ?
Oh ! Oh !... Comme il pleura, lui aussi, Kévin ! Incapable de bouger, il demeura prostré longtemps, avant de rentrer.
« Je savais pas. Et jamais je serai heureux si tu l'es pas aussi. Avec moi », c'est ce qu'il écrivit à Rémi, dans la nuit.
Au matin, on resta silencieux, longtemps.
— J'ai des millions de choses à te dire... firent ensemble les garçons.
La vraie vie commençait.
10. VI. 2022
Amitiés de Louklouk !