17-02-2021, 07:16 PM
CHAPITRE VII
Au l'accueil du CHU, l'hôtesse lève les yeux sur le visage blême de Sylvie. Elle est livide, angoissée, encore toute commotionnée, presque désespérée. Parler est un supplice.
- Dans votre état, vous devriez vous présenter aux Urgences mademoiselle, c'est là-bas, première porte à droite. Il faut suivre les indications.
- Je... je suis en stage ici au service de traumatologie. Je... je viens de me faire agresser. Je... je ... On m'a ... j'ai été... violée.
Une larme plus forte que les autres se déverse sournoisement sur sa joue. Ses jambes tremblent. Rester debout n'est plus possible alors elle se cramponne au rebord du guichet. L'hôtesse a perçu la détresse de la jeune femme. Elle sort précipitamment de sa guitoune et attrape Sylvie par le bras.
- Assoyez-vous ici. Ça va aller ? Je vois si un médecin légiste peut vous recevoir en urgence.
- Je peux passer un coup de téléphone ?
- Oui tenez, voici le combiné.
Quelques minutes plus tard, une jeune praticienne en blouse blanche se présente à l'accueil et emmène la jeune femme avec elle. Par chance, aujourd'hui c'est une femme. Sylvie appréhendait fortement.
Les constatations d'usage sont effectuées de même que les prélèvements. Sylvie est placée en arrêt maladie pour une semaine. Le commissariat du quartier, informé a dépêché sur place deux policiers déjà présents pour une autre affaire.
Sylvie est auditionnée seule. Relater son agression est un véritable calvaire surtout sous l'œil attentif de deux hommes fussent-t'ils policiers. Encore sous l'émotion, ses propos sont au début désordonnées, hésitants. Elle s'arrête, respire un grand coup, fait une pause, regarde les représentants des forces de l'ordre et demande à reprendre depuis le début. Le ton est ferme maintenant. Elle est décidée. Femme forte parmi les femmes mais femme plus que tout, elle pousse de côté sa colère pour se concentrer sur les détails de son agression. Les policiers, elle ne les voit plus. elle est seule sur ce sentier maudit, elle entend ses propres pas sur le gravier. Et soudain, elle entend d'autres pas en écho aux siens...
L'audition est maintenant terminée. Rendez-vous est donné en fin de matinée au commissariat pour établir le portrait robot du violeur et feuilleter le trombinoscope des délinquants sexuels de la région.
Il est neuf heures du matin. Sylvie est épuisée. La tête lui tourne. Elle a la nausée. Elle rassemble ses dernières forces pour se lever de son siège.
- Il faut que je passe à mon service.
Elle marche jusqu'à l'ascenseur. La Traumatologie, c'est au troisième. Les portes s'ouvrent. Elle s'avance de quelques pas, s'accroche à la rambarde, appuie sur le bouton. Le miroir lui renvoie son image. Courbée par le poids de sa souffrance, la femme violée se redresse petit à petit comme une victoire sur elle même. Elle plante ses yeux humides dans les siens, essuie la larme qui allait s'épancher, décidée maintenant à affronter le regard des autres.
Au CHU, l'agression a déjà fait le tour de l'hôpital d'autant que ce n'est pas la première fois. Sur les six derniers mois, trois infirmières et quatre assistantes ont subi elles-aussi des attaques sexuelles. Sylvie est la huitième victime.
Dans la chambre blanche, allongée sur le lit, la gamine a encore les yeux fermés lorsque Sylvie approche une chaise et s'assoit tout près d'elle.
- Tu es venue ? Je pensais que tu ne viendrais plus aujourd'hui.
- Je vais m'absenter pendant quelques jours Anastasia.
- Alors, tu m'abandonnes toi aussi ?
- Non, Je reviendrai. Promis. Pourquoi moi aussi ?
- Depuis mon accident, ma maman est enfin passée ce matin, en coup de vent avant de se rendre à son travail. Elle m'a dit que je ne pourrai plus rentrer chez moi. Tu comprends, au septième étage sans ascenseur, dans mon état, ce n'est plus possible. Et avec sa voiture, il faudra oublier aussi. Elle est trop petite. Elle va regarder pour me placer mais elle n'a pas beaucoup d'argent. Elle m'a dit que le chauffard qui m'a renversée ne s'est pas arrêté. Il s'est enfui. On ne l'a pas encore retrouvé et ça complique tout. Elle est partie en pleurant et elle a même oublié de m'embrasser. Je la déteste.
- Ne dis pas ça. C'est ta maman Anastasia. Elle est perdue probablement elle aussi.
- Mouais ! Elle est surtout occupée avec son nouveau Jules. T'as quoi au cou ? Tu t'es blessée ?
De but en blanc, sans préavis, la lame du couteau surgit des images fraîchement accumulées. Sylvie, prise au dépourvue, n'arrive pas à refouler les larmes qui l'assaillent.
- Ne pleure pas s'il te plaît. je ne voulais pas te faire de la peine, pas à toi.
- Tu n'y es pour rien Anastasia.
- Donne-moi ta main. J'aime bien sentir ta main. Et puis comme ça je suis sûre que toi, tu ne partiras pas sans me faire de bisou. Tiens ! En parlant de bisous, tu sais, avant mon accident, j'avais un petit amoureux très très mignon. Il me donnait de temps en temps des bisous sur la bouche. C'était rigolo. J'aimais bien. Il paraît qu'il ne veut plus me voir lui aussi. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que tout s'écroule autour de moi et maintenant je sens bien que toi aussi tu ne vas pas fort.
- Ne t'en fais pas pour moi. C'est juste un moment pénible à passer.
- Tu sais toi ce que ça fait que de mourir ? C'est comment ? Ça fait mal ?
Au l'accueil du CHU, l'hôtesse lève les yeux sur le visage blême de Sylvie. Elle est livide, angoissée, encore toute commotionnée, presque désespérée. Parler est un supplice.
- Dans votre état, vous devriez vous présenter aux Urgences mademoiselle, c'est là-bas, première porte à droite. Il faut suivre les indications.
- Je... je suis en stage ici au service de traumatologie. Je... je viens de me faire agresser. Je... je ... On m'a ... j'ai été... violée.
Une larme plus forte que les autres se déverse sournoisement sur sa joue. Ses jambes tremblent. Rester debout n'est plus possible alors elle se cramponne au rebord du guichet. L'hôtesse a perçu la détresse de la jeune femme. Elle sort précipitamment de sa guitoune et attrape Sylvie par le bras.
- Assoyez-vous ici. Ça va aller ? Je vois si un médecin légiste peut vous recevoir en urgence.
- Je peux passer un coup de téléphone ?
- Oui tenez, voici le combiné.
Quelques minutes plus tard, une jeune praticienne en blouse blanche se présente à l'accueil et emmène la jeune femme avec elle. Par chance, aujourd'hui c'est une femme. Sylvie appréhendait fortement.
Les constatations d'usage sont effectuées de même que les prélèvements. Sylvie est placée en arrêt maladie pour une semaine. Le commissariat du quartier, informé a dépêché sur place deux policiers déjà présents pour une autre affaire.
Sylvie est auditionnée seule. Relater son agression est un véritable calvaire surtout sous l'œil attentif de deux hommes fussent-t'ils policiers. Encore sous l'émotion, ses propos sont au début désordonnées, hésitants. Elle s'arrête, respire un grand coup, fait une pause, regarde les représentants des forces de l'ordre et demande à reprendre depuis le début. Le ton est ferme maintenant. Elle est décidée. Femme forte parmi les femmes mais femme plus que tout, elle pousse de côté sa colère pour se concentrer sur les détails de son agression. Les policiers, elle ne les voit plus. elle est seule sur ce sentier maudit, elle entend ses propres pas sur le gravier. Et soudain, elle entend d'autres pas en écho aux siens...
L'audition est maintenant terminée. Rendez-vous est donné en fin de matinée au commissariat pour établir le portrait robot du violeur et feuilleter le trombinoscope des délinquants sexuels de la région.
Il est neuf heures du matin. Sylvie est épuisée. La tête lui tourne. Elle a la nausée. Elle rassemble ses dernières forces pour se lever de son siège.
- Il faut que je passe à mon service.
Elle marche jusqu'à l'ascenseur. La Traumatologie, c'est au troisième. Les portes s'ouvrent. Elle s'avance de quelques pas, s'accroche à la rambarde, appuie sur le bouton. Le miroir lui renvoie son image. Courbée par le poids de sa souffrance, la femme violée se redresse petit à petit comme une victoire sur elle même. Elle plante ses yeux humides dans les siens, essuie la larme qui allait s'épancher, décidée maintenant à affronter le regard des autres.
Au CHU, l'agression a déjà fait le tour de l'hôpital d'autant que ce n'est pas la première fois. Sur les six derniers mois, trois infirmières et quatre assistantes ont subi elles-aussi des attaques sexuelles. Sylvie est la huitième victime.
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Dans la chambre blanche, allongée sur le lit, la gamine a encore les yeux fermés lorsque Sylvie approche une chaise et s'assoit tout près d'elle.
- Tu es venue ? Je pensais que tu ne viendrais plus aujourd'hui.
- Je vais m'absenter pendant quelques jours Anastasia.
- Alors, tu m'abandonnes toi aussi ?
- Non, Je reviendrai. Promis. Pourquoi moi aussi ?
- Depuis mon accident, ma maman est enfin passée ce matin, en coup de vent avant de se rendre à son travail. Elle m'a dit que je ne pourrai plus rentrer chez moi. Tu comprends, au septième étage sans ascenseur, dans mon état, ce n'est plus possible. Et avec sa voiture, il faudra oublier aussi. Elle est trop petite. Elle va regarder pour me placer mais elle n'a pas beaucoup d'argent. Elle m'a dit que le chauffard qui m'a renversée ne s'est pas arrêté. Il s'est enfui. On ne l'a pas encore retrouvé et ça complique tout. Elle est partie en pleurant et elle a même oublié de m'embrasser. Je la déteste.
- Ne dis pas ça. C'est ta maman Anastasia. Elle est perdue probablement elle aussi.
- Mouais ! Elle est surtout occupée avec son nouveau Jules. T'as quoi au cou ? Tu t'es blessée ?
De but en blanc, sans préavis, la lame du couteau surgit des images fraîchement accumulées. Sylvie, prise au dépourvue, n'arrive pas à refouler les larmes qui l'assaillent.
- Ne pleure pas s'il te plaît. je ne voulais pas te faire de la peine, pas à toi.
- Tu n'y es pour rien Anastasia.
- Donne-moi ta main. J'aime bien sentir ta main. Et puis comme ça je suis sûre que toi, tu ne partiras pas sans me faire de bisou. Tiens ! En parlant de bisous, tu sais, avant mon accident, j'avais un petit amoureux très très mignon. Il me donnait de temps en temps des bisous sur la bouche. C'était rigolo. J'aimais bien. Il paraît qu'il ne veut plus me voir lui aussi. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que tout s'écroule autour de moi et maintenant je sens bien que toi aussi tu ne vas pas fort.
- Ne t'en fais pas pour moi. C'est juste un moment pénible à passer.
- Tu sais toi ce que ça fait que de mourir ? C'est comment ? Ça fait mal ?
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