La porte des mondes (fantastique avec personnages gays, terminé)

[inny-2]

17 - Jeux d'Ado

- Tu dois pouvoir en consulter une copie à la bibliothèque je pense.
- Hum... ça risque de poser problème, je ne sais pas lire.
Ça me fait tout drôle de dire ça.
- Hein ? Comment ça ?
C'est le moment d'improviser...
- La magie est interdite dans le Royaume Immortel. Ceux qui ont le Don sont exécutés, ou enlevés s'ils sont très jeunes. J'ai eu la chance de naître dans un village reculé, et quand mon père s'est aperçu que j'avais le Don, nous avons fui le royaume et erré pendant des années, il m'appris la magie de façon très théorique, nous étions surtout préoccupés par notre survie. Après sa mort, j'ai continué à voyager et à vivoter jusqu'à trouver un mage qui accepte de compléter ma formation, puis m'a envoyé ici.
Je suis assez fier de moi sur ce coup-là. Mes camarades sont surpris par mon histoire et me font part de leur compassion.
- Pas de problème, on va t'aider, dit Falan, aussitôt suivi par Ysmar. Les autres approuvent. Seule Uria reste songeuse, me regardant pensivement.
- Comment as-tu eu tes tatouages ? Me demande-t-elle.
- C'est ma décision, dis-je. J'ai trop dépendu des autres avant, je voulais être fort par moi-même. Je sais que le prix est élevé, mais de toute façon la vie ne m'a jamais fait de cadeau.
- Tu as dû payer bien plus que le prix du sang, dit-elle. Ce n'est pas n'importe qui qui fait ça, et la pratique est assez mal vue...
Je détourne la tête.
- Je préfère ne pas en parler...
Cette fille est diabolique, elle met le doigt dans toutes les failles de mon histoire. Je dois faire vraiment attention avec elle.
Aluun, notre tuteur, semble comprendre ma gêne et détourne la conversation.
- La bibliothèque n'est pas accessible aux étudiants de première année, dit-il, sauf dérogation.
- Oh ? dit Fredrick. Il s'agit de l'histoire de ma famille, et non un traité de magie, pourrai-je avoir cette dérogation ?
- Je pense que c'est envisageable. Je verrai avec le responsable de la bibliothèque.
- Merci !
Je reste songeur, pensant à ce que j'ai appris. Apprendre l'histoire de ce qui est arrivé ici dans la lutte contre les Protecteurs est plus qu'intéressant, et pourrait répondre à certaines questions.
- Je suis très curieux moi aussi, j'aimerais mieux connaître cette part de l'histoire d'Outremonde.
- Je verrai ça, je ne promets rien mais je demanderai.
- Merci.

Je n'ai aucune raison de m'impatienter vu que j'en suis encore à peiner sur les bases de la langue écrite d'Outremonde. Il y a des millénaires de cela, les guildes principales ont jeté les bases de l'écriture moderne, en faisant en sorte de pouvoir y glisser subtilement un sens différent de celui qu'on pourrait y lire au premier abord. Chaque guilde a ensuite tenu secrète sa façon d'interpréter un texte. Le sens magique pour les magiciens, le sens poétique pour les ménestrels, qui formaient une guilde puissante et influente à l'époque, le sens étendu pour les érudits, etc. Le secret du sens étendu a été percé par les mages, qui enseignent désormais les deux qu'ils maîtrisent à leurs élèves. Merci du cadeau !
L'étude de la magie m'intéresse beaucoup plus, je découvre de plus en plus clairement ce qu'est un sorcelame, et ça devient passionnant ! Croisement entre un épéiste et un enchanteur, entre un sorcier et un élémentaliste, il canalise ses sorts à travers ses armes en une combinaison mortelle. L'un de mes professeurs est un maître dans ce domaine, et il m'a fait une démonstration de ses talents après m'avoir emmené dans le désert par un portail. Je suis bien conscient qu'il me faudra des années pour en arriver là, mais j'ai hâte ! Mais j'ai moins hâte de découvrir ce que Maadi veut faire de moi...

Le soir, Fredrick m'aide à progresser en lecture, et je l'en remercie chaleureusement à chaque fois. Un peu encouragé par l'ouverture d'esprit propre à Outremonde, je décide de me lancer.
- Fredrick, tu est un gars génial, et je dois bien avouer que tu me plais beaucoup. Je me demandais si...
Il secoue la tête négativement.
- Je n'ai plus été avec un homme depuis mes jeux d'ado, dit-il mystérieusement. Maintenant, c'est une fille que je veux !
Je donnerais bien mon âme pour un dictionnaire ! Je décide de jouer sur mon vécu imaginaire.
- Euh... dans le sud, à fuir sans cesse, il y a des choses qui vous paraissent évidentes mais que je n'ai jamais connues. C'est quoi ces jeux d'ado ?
Il ouvre de grands yeux, comme si j'avais dit vouloir aller sur la Lune. Ai-je été trop loin ?
Puis son regard se fait plein de compassion, et il m'explique :
- Les parents protègent leurs filles à l'adolescence comme un dragon son trésor, pas question qu'un garçon y touche avant qu'elle ait fait son annonce à la Lumière ! Alors les garçons, qui aimeraient bien connaître certains plaisirs, les découvrent entre eux.

Il m'explique ça le plus simplement du monde, à moi qui suis abasourdi. Parlez-moi de choc culturel !
Une fois remis de ma surprise, je réfléchis. Ce monde n'a jamais connu le moindre tabou concernant l'homosexualité. Pour eux, c'est une chose aussi naturelle que l'hétérosexualité. Une telle coutume a donc pu naitre sans que ça surprenne quiconque, à part un malheureux Terrien égaré.
- Je regrette de n'avoir pas connu ça...
À ma grande surprise, Fredrick s'approche de moi et m'embrasse doucement.
- Si tu veux, on dira qu'on est ados rien que pour cette nuit, je veux que tu connaisses cette part de notre vie.
- Oh, Fredrick, c'est gentil !
- Non, moi aussi je te trouve sympa, et tu as eu une vie si triste que je veux t'apporter un peu de bonheur. Mais comprends bien que c'est juste pour cette nuit !
- C'est bien compris.

Nous ne jouons pas juste à des jeux sexuels, finalement, car il s'échauffe au point de vouloir y aller franc-jeu, ce qui se fait parfois lors des jeux réels entre ados, me dit-il.
Je réalise alors mon plus grand fantasme : faire l'amour avec un hétéro. Même si cette notion est un peu moins stricte ici que sur Terre, ce n'en est pas moins un moment inoubliable. Fredrick est très tendre et me fait passer une nuit merveilleuse. Rien à voir avec Maadi ou Jacques, c'est très différent. Lorsque nous terminons, épuisés, je le remercie et lui dit que la femme qu'il connaîtra sera la plus heureuse du monde dans ses bras. Il sourit, rougissant un peu sous le compliment. Nous nous endormons l'un contre l'autre, prolongeant plus sagement cette nuit, ou du moins, ce qu'il en reste.
Je suis hagard lorsque je me réveille, et le petit déjeuner ne me requinque pas. Fredrick est dans le même état, et nous nous faisons bien charrier par nos camarades.

Notre professeur du jour le remarque aussi et, une fois entrés dans la salle d'entraînement qui est hors du bouclier, nous lance un sort d'énergie qui nous requinque.
- Bien, dit-il, maintenant que j'ai toute votre attention, je vais vous parler des dangers de la magie. Vos maîtres qui vous ont initiés vous les ont décrit, j'espère, mais il n'est pas inutile de vous le rabâcher jusqu'à ce que ça rentre. Car vous allez peu à peu utiliser des pouvoirs de plus en plus grands, et si vous ne voulez pas finir en petit tas de cendres, vous avez intérêt à apprendre cette leçon.
La journée commence... et, pour faire avancer mes projets et ceux de mon maître, j'ai séduit Fredrick. Je ne sais pas encore lire correctement, mais lui le fera volontiers pour moi.