16-02-2022, 01:41 AM
(Modification du message : 16-02-2022, 04:59 PM par fablelionsilencieux.)
— « L’intérieur de l’atelier de David », de Léon Matthieu Cochereau, né en 1793 et mort en 1817, avait dit l’animatrice en projetant l’image sur l’écran. Ce sera le thème de la semaine prochaine : le nu masculin.
Josiane, une vieille fille dans la trentaine, en avait été tout émoustillée :
— Avec un vrai modèle ? Dans le plus simple appareil ?
— Oui, de chair et d’os, nu comme à son premier jour. Ce ne sera pas la copie en plâtre du David de Michel-Ange, ce sera Timothée, un étudiant de l’école des Beaux-Arts. Il pose pour se faire de l’argent de poche.
J’étais aussi émoustillé que Josiane, mais je m’étais bien gardé de le manifester, personne ne savait que j’étais gay. J’étudiais la physique et je faisais un cours du soir de dessin pour me changer des plasmas et autres fluides supercritiques. C’était ma mère qui me l’avait offert pour Noël, elle était persuadée que j’avais du talent depuis que je lui avais montré mon premier gribouillage : j’avais dessiné le zizi de mon grand frère.
J’avais attendu avec une certaine impatience le lundi suivant. Le cours commençait à 19 heures, l’animatrice entra dans la salle, seule. Après nous avoir salués, elle expliqua :
— J’ai reçu un SMS de Timothée, il est bloqué dans une rame de métro et ne sait pas à quelle heure il arrivera.
— Dommage, fit Josiane, le nu masculin est-il annulé ?
— Oui, à moins qu’un participant du cours ne le remplace.
La proposition suscita quelques rires et je sentis tous les yeux se tourner vers moi. Il y avait six femmes et deux hommes à ce cours, l’autre était un jeune retraité rouquin, encore assez bien conservé, mais qui avait un léger embonpoint et qui ne correspondait pas aux canons de la beauté antique. Josiane m’encouragea :
— Vas-y, Aurélien, ne te gêne pas, nous sommes entre nous.
— Je… je ne sais pas, balbutiai-je.
— Nous te rembourserons cette leçon que tu ne pourras pas suivre, dit l’animatrice.
— Ce n’est pas l’argent, fis-je en riant, je n’ai pas l’habitude de poser nu.
— Ce n’est pas grave, nous dessinerons une nature morte à la place. J’ai une orange et une banane.
Je décidai finalement de me sacrifier :
— D’accord, je vais poser.
Josiane applaudit bruyamment, suivie des autres. L’animatrice me montra un paravent derrière lequel je pourrais me déshabiller. Je ne perdis pas de temps ; une fois nu, je mis ma main devant mon sexe puis l’enlevai, j’étais ridicule, pourquoi avais-je peur de me montrer nu alors que je le faisais chaque semaine sous la douche dans une salle de remise en forme ? Pour ne rien vous cacher, mon pénis n’était pas très long, il correspondait au moins aux canons de la beauté antique. Josiane eut l’air déçue. L’animatrice m’indiqua comment je devais poser.
C’était assez ennuyeux, une heure est très longue lorsqu’on doit rester immobile. Une diversion bienvenue fut l’arrivée de Timothée. Il s’excusa de son retard, sourit en voyant qu’il avait un remplaçant. Il n’était plus possible de changer de modèle, il prit une feuille de papier et se mit à me dessiner à son tour.
À 20 heures, l’animatrice interrompit la séance et je me rhabillai. Nous allâmes ensuite prendre une boisson à la cafétéria. Timothée me l’offrit, tout en s’excusant encore une fois pour son retard.
Josiane me dit alors que nous nous croisions en sortant des toilettes :
— Tu es très beau, Aurélien, ce n’était pas une affaire de te montrer nu.
Je soupirai, il ne manquait plus que ça, une femme qui me draguait. La deuxième partie du cours était consacrée à la critique des dessins. Les participants avaient rendu assez fidèlement mon anatomie somme toute banale.
Timothée présenta son dessin en dernier. Il ne l’avait pas fait dans un style classique, c’était une caricature, il avait exagéré certains de mes traits, dont ma bite qui avait pris des proportions gigantesques. Tout le monde éclata de rire, je le fis aussi, malgré ma gêne. Timothée m’offrit le dessin après avoir écrit quelque chose au dos.
— Tu liras ça chez toi, me dit-il.
Je mis le dessin dans mon cartable avant de rentrer. J’eus la tentation de lire le message dans le métro, mais il y avait trop de monde autour de moi. J’habitais encore chez mes parents. Ma mère me demanda comment s’était passé le cours, je lui montrais toujours ce que j’avais dessiné et elle me faisait des compliments trop élogieux. Je fus obligé de lui expliquer et de lui présenter le dessin de Timothée.
— Il est si gros que ça ton… fit-elle en riant, il a bien grandi depuis la dernière fois que je t’ai vu nu.
— Non, dis-je, gêné, il a un peu exagéré.
Je repris le dessin avant que ma mère ne lût la dédicace au verso et je me retirai dans ma chambre pour la découvrir.
« Désolé de t’avoir faire rater le nu masculin, je t’invite chez moi pour un cours particulier si tu le désires. Timothée »
Il avait ajouté ses coordonnées. Je n’hésitai pas, j’avais envie de revoir ce jeune homme. Nous fixâmes une date, le jeudi suivant, à 20 heures. Il ne pouvait pas m’inviter pour le repas car il avait un pot d’adieu pour un professeur prenant sa retraite et il cuisinait trop mal.
Il m’accueillit dans son petit appartement, il avait une cuisinette qui était aussi son atelier et une chambre dont la porte était fermée. Il était déjà en boxer et la séance de pose débuta très rapidement, il était appuyé devant l’évier. Il resta très calme alors que moi j’avais énormément de peine à me concentrer, regardant sans cesse sa bite avec le prépuce qui ne recouvrait pas tout le gland et ses couilles assez volumineuses. Je bâclai mon dessin et lui dis qu’il était terminé après trois quarts d’heure. Il remit son boxer et m’offrit une tasse de thé.
Nous parlâmes de nos études respectives, puis il fit une critique de mon œuvre, un peu trop bienveillante à mon goût.
— Voilà, me dit-il ensuite, le cours particulier est terminé.
— Oui, merci de me l’avoir offert.
— Tu parais un peu déçu, ai-je été trop dur avec toi ?
— Non, au contraire, tu n’as pas osé me dire que je suis nul.
— Bah, tu dessines pour te détendre, je serais incapable de faire la différence entre un neutron et un neutrino.
J’avais un long trajet en métro à faire depuis la lointaine banlieue où habitait Timothée. Je me levai en disant :
— Il est tard, je dois rentrer.
— Je veux que tu me dises avant pourquoi tu es déçu.
— Je pensais… je n’ose pas te le dire.
— Dis-le, je suis prêt à tout entendre.
— Je pensais… que tu ne m’avais pas seulement invité pour le cours particulier, mais que tu avais une autre idée derrière la tête.
— Es-tu gay ?
— Oui. Je comprendrais que tu ne le sois pas. Je me suis trompé et je vais te laisser.
Timothée se leva sans rien dire, ouvrit la porte de sa chambre, alluma la lumière et me fit entrer. Les murs étaient couverts de dessins nous représentant en train de baiser dans toutes les positions possibles et imaginables. Nos bites étaient surdimensionnées, ruisselantes de sperme et d’autres fluides.
— Tu vois, tu ne n’étais pas trompé, me dit-il.
— Toi, tu t’es trompé sur la taille de ma bite.
— Ne t’inquiète pas, sur la taille de la mienne aussi. Elle est… encore plus grosse.
Ces dessins sont restés inaccessibles jusqu’à aujourd’hui. Le curateur d’une exposition a finalement convaincu mon mari de les exposer et j’ai donné mon accord, il faut bien attirer le public dans les musées avant qu’ils ne sombrent définitivement dans le métavers. Je suis un peu inquiet avant le vernissage, surtout parce que je vois Josiane au premier rang des invités. N’a-t-elle pas encore compris que nous sommes gays, après tant d’années ?
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