La porte des mondes (fantastique avec personnages gays, terminé)

[inny-2]

13 - Préparatifs

J'ai commencé mon entraînement (tant aux armes qu'en magie) et je dois dire que c'est très éprouvant. J'en ressors épuisé et je m'abats comme une souche sur mon lit. J'en ai pour des années... quelle misère ! Mais je m'acharne, parce que mon maître m'a dit de me donner à fond, et moi, en bon esclave que je suis, j'obéis, même si j'imagine que toutes ces cibles sur lesquelles je porte mes coups sont ce maudit manipulateur, tout en sachant que je ne pourrai pas lever la main sur le vrai...
L'étude de la magie, au sein du cercle, est très théorique au début, on me bourre le crâne d'informations, on me fait boire des potions bizarres, on me fait un tatouage sur le bras, un truc magique qui augmente mes capacités, tout en m'expliquant que les tatouages ont un coût, et que celui-ci me prendra cinq années de ma vie. Rien n'est trop bon pour mon maître, hein ?
Mais c'est vrai qu'il est efficace, je me concentre mieux, je vise mieux, je suis plus précis dans ce que je fais, et surtout, j'apprends beaucoup plus vite !

Au bout de quelques temps, des nouvelles nous parviennent de la vallée. Le plan a réussi, et comme prévu, l'armée du roi est incapable de s'emparer de la base, aussi font-ils le siège de la vallée morte.
Tout va bien, donc. J'apprends les bases du lancer de sorts, puis vient le moment où je dois, dans le cercle, réaliser mon premier test. Mais je me sens prêt, j'ai appris à sentir le mana en moi, à le canaliser, à façonner mon esprit, à former des sortilèges, maintenant, il ne me reste plus qu'à passer à la pratique. Moi, Franck, ingénieur sur Terre, je fais de la magie en Outremonde. Merlin n'aura qu'à bien se tenir.
Confiant, je me concentre, façonne la structure du sort dans mon esprit, canalise l'énergie le long de cette structure mentale, la focalise au creux de ma main, et vois apparaître une sphère de lumière, qui éclate en une pluie d'étincelles. Zut, raté !
Des étincelles, j'en fais tomber un paquet, les jours suivants, les sorciers appellent cette période l'allumage, c'est comme de frapper un silex jusqu'à ce que le feu prenne, je ne pourrai rien faire tant que je n'aurai pas réussi.
Et il ne me faut pas moins d'une semaine pour y arriver ! Il faut dire que je continue à m'entraîner à l'épée, et ça me prend du temps. Maadi juge que mon corps doit apprendre à endurer une telle dépense d'énergie, et me fait tatouer une nouvelle fois, sur le cœur cette fois, encore cinq ans en mois, voilà qui fait dix, j'ai beau être son esclave, je lui dis de ne pas trop tirer sur la corde ou je ne pourrai pas le servir longtemps. Il se contente de me sourire, ce qui me fait froid dans le dos.

Toute l'attention étant portée là-bas, les Veilleurs s'activent. Ils vont m'envoyer par un portail (magique cette fois) vers le continent nord, où je pourrai suivre des études plus poussées et surtout plus librement, sans la crainte de la détection.
Je n'ai plus de nouvelles de Jacques, j'ignore ce qu'ils en ont fait, et Maadi se contente de me dire que ce n'est pas ma priorité. Ça m'inquiète...
- Où est Jacques ?
- Je l'ai envoyé dans le sud, accomplir une mission pour moi.
- Je vois.
- Il te manque ?
- Évidemment.
- Au point que ça te pose problème pour me servir ?
- Non, tu passes toujours en premier.
Comme je me maudis de devoir dire une telle phrase ! Ce petit sadique joue avec moi.
- Bien, allez, pour te changer les idées, tu me rejoindras dans ma chambre cette nuit.
Voilà comment ça se passe, maintenant...

Ils font de moi une arme de guerre, c'est évident. Dans quelle mesure mon Don est-il puissant ? Ils n'auraient pas déployé tant d'énergie si je n'en valais pas la peine. Les autres Veilleurs ne se doutent aucunement du double jeu qui se joue sous leur nez. Ils se félicitent de l'avancement du plan, et viennent m'observer de temps en temps lors de mon entraînement. Je les soupçonne d'être eux-mêmes très puissants, et dans ce cas, Maadi m'utilisera pour les tuer. Mais comment fera-t-il, ici où toute magie est détectée de très loin ?

Les jours s'écoulent et Maadi devient impatient, tiraillé entre la crainte de voir l'attention du roi se détourner de la vallée, et la nécessité d'attendre que je sois prêt. Prêt à quoi ? Il ne daigne pas m'en informer. Enfin, le jour venu, ils me font descendre dans la cave, mais cette fois, le cercle est la seule source de lumière. Ils me disent qu'ils vont ouvrir un chemin d'ombre, que seuls ceux qui savent manier le Don peuvent traverser. C'est une magie plus discrète, un vrai portail ne saurait être masqué par le cercle. Ils me donnent leurs instructions, que j'écoute avec attention, me concentre, puis leur indique que je suis prêt. Les mages commencent leur rituel, qui dure de longues minutes, et je vois faiblir la lueur du cercle, disparaître toute lumière, jusqu'à ce que je sente un souffle venu d'ailleurs qui m'indique que j'ai franchi la barrière entre le monde matériel et celui des ombres. Je reste concentré, tâchant de trouver mon chemin grâce au Don, de suivre la piste magique envoyée par les sorciers pour me guider, une tâche difficile pour un débutant, mais mon premier tatouage m'aide à rester concentré et je m'avance en espérant ne pas tomber sur un des êtres natifs de cette dimension, qui serait trop heureux de boire toute lumière en moi, m'a-t-on expliqué.
J'ignore ce que ça veut dire, mais je me doute que ce ne serait pas bien plaisant.

Malheureusement, je n'ai pas de chance, car je sens une présence alors que je suis encore loin de ma destination. Quelque chose renifle non loin, cachée par l'obscurité impénétrable de ce monde. Je poursuis ma route, inquiet, mais la chose me suit, sans tenter de me rattraper, pour le moment. Mon arsenal de sorts est très limité, et mon épée me servira peu dans ces ténèbres. Et de toute façon, si je combats, je perdrai le lien avec le guide et je serai perdu à jamais ici. Mon voyage se poursuit de façon inquiétante, mais étrangement, la chose ne m'attaque pas, elle se contente de me suivre. Peut-être que les sorciers ont posé une protection sur moi. Finalement, j'arrive à discerner un point d'énergie sur lequel je me concentre à pleine force, c'est la sortie, le monde bascule, j'ai parcouru en une demi-heure éprouvante des milliers de kilomètres !

Une fois que mes yeux se sont adaptés au retour brusque de la lumière, je savoure la vue qui s'offre à moi, la couleur de l'herbe, les forêts, la température douce, l'humidité, l'odeur des fleurs, le bruit des insectes... Je suis de retour dans le monde réel, en pleine santé. Je regarde autour de moi mais je suis seul. Je suis au sommet d'une colline qui descend en pente douce vers la mer. En contrebas se trouve une ville côtière, Vilnar.
- C'est dingue... Tout en ce monde est dingue.
Je suis sur le continent Sandrosi, et je devrai prendre un bateau pour rejoindre l'île d'Uldrain, où se trouve l'Université des Arcanes. Ma vie est ici désormais, pour de longues années, pendant lesquelles je serai toujours en quête d'un secours qui ne viendra probablement jamais. Mais si jamais ça arrivait, il me faudra alors repartir en quête de Jacques.
J'espère que cette fois, ce sera la bonne.

Fin du Livre I