02-02-2022, 10:42 PM
2 - En Quête d'Humanité
Quelle folie ! Me lancer à l'aveuglette dans ce qui avait toutes les chances de devenir mon tombeau, c'est tout moi. J'ai toujours été casse-cou, et je suis encore suffisamment jeune pour ne pas avoir changé. Mais pourquoi ne me souviens-je jamais que j'ai toujours regretté après coup ?
C'est un poteau, planté au sommet d'une des collines, qui m'a aidé à choisir une direction. Un grand poteau planté récemment, tiré des ruines et placé sur la plus haute colline pour servir de point de repère, son sommet blanc tranchant avec l'ocre environnant. Et les lettres gravées à son pied ont achevé de me convaincre : JQ. Jacques ! Il a laissé un signal, finalement, un signe qui permet de le retrouver. J'observe le terrain environnant et repère une vallée régulière, peut-être le lit asséché d'un ancien fleuve, et entame une descente sur le flanc de la colline. Il me faut plusieurs heures pour atteindre le fond de la vallée, où je trouve, ô miracle, un petit cours d'eau. L'endroit n'est pas si désertique que ça... Mais pourquoi n'y a-t-il aucune végétation, s'il y a de l'eau ? Je ne mourrai pas de soif, mais probablement de faim, si je ne trouve rien avant d'épuiser les quelques rations que j'ai.
Ou de maladie... je n'ai rien pour décontaminer l'eau, et le fait qu'il n'y ait aucune végétation commence à m'inquiéter, est-elle seulement potable ?
Je n'ai aucun moyen de le savoir, aussi je décide d'attendre et poursuis ma route. Si je meurs ici, je l'aurai bien cherché. J'ai été fou, et me voilà pris au piège entre Charybde et Scylla. Entre la mort en un lieu perdu, dans un passé perdu, et un jugement qui m'enverra pourrir en prison pour le restant de mes jours, si je ne suis pas collé à un mur et fusillé. La justice militaire est restée assez expéditive malgré les réformes qui ont suivi le renversement des Protecteurs.
Je marche jusqu'à n'en plus pouvoir, mange une de mes rations de survie empruntée à un des amis de Jacques, la seule personne là-bas qui connaissait mon plan. Il aurait voulu m'accompagner mais son assignation ne lui permettait pas d'entrer dans le labo, sans parler de la quarantaine mise en place. Tout ce qu'il a pu faire, c'est m'aider de l'extérieur en me fournissant ce qu'il pouvait dissimuler dans le chariot-repas qu'on nous envoyait quotidiennement.
Mais il ne pouvait imaginer que je me retrouverais là où je suis en ce moment... tant pis, je ferai avec, et le gel nutritif est réputé très hydratant, j'en aurai bien besoin. Je jette un coup d'œil à la rivière peut-être empoisonnée, tentatrice, puis détourne le regard. Le soleil est en train de se coucher, autant trouver un endroit où m'installer.
Repérant un creux dans les rochers, je décide qu'il fait un abri convenable et m'y installe comme je peux, me demandant si Jacques a choisi le même.
Et... oui ! Voir écrit JQ, gravé dans la roche, me fait pousser un cri de joie. Je ne me suis pas trompé de chemin, mon homme me guide vers lui, et je le retrouverai au bout du chemin, aussi long soit-il.
Réconforté et épuisé, je m'endors comme une souche, prenant le temps de me couvrir en prévision de la fraîcheur nocturne.
Je me réveille à l'aube, en frissonnant, et m'étire avant de manger une autre barre de gelée nutritive.
J'espère vivement retrouver un semblant de vie, de civilisation même, et Jacques a dû éprouver la même chose, car une flèche dirigée vers le sommet de la pente droite de la vallée me fait changer de route et escalader la pente, heureusement une sorte de chemin incliné facilite la montée.
Un chemin ? Oui, effectivement, à peine visible, c'est bien un petit sentier qui doit être bien peu fréquenté, mais qui annonce une présence humaine ou animale. Je continue, anxieux de découvrir la vue qui s'offrira à moi une fois arrivé au sommet.
Dans le même temps, je pense au fait que Jacques n'avait sur lui aucune ration. C'est un homme solide, un soldat, il a tenu bon, et il doit avoir continué, il le faut, je n'ai pas fait ça pour le trouver mort, ce serait trop injuste, insupportable !
Cette pensée m'accompagne tout le long de la montée, jusqu'au sommet, où j'aperçois enfin un peu de végétation, la première que je vois depuis mon arrivée. Les plantes me sont inconnues, mais vu que je ne suis pas botaniste, ce n'est pas étonnant.
Passant la crête, mon regard embrasse une plaine herbeuse, et, au loin sur la gauche, ce qui semble être une agglomération, un village, des animaux que je n'arrive pas à identifier à cette distance, des champs... à deux pas d'une vallée stérile dans laquelle j'aurais pu marcher jusqu'à ce que mort s'ensuive. Jacques a eu beaucoup de chance ou d'intuition, ou peut-être avait-il repéré le sentier.
Bon... le sort en est jeté, me dis-je en marchant vers le village. Je ne comprendrai certainement pas un mot de ce que diront les autochtones, mais peut-être arriverai-je à me faire comprendre, et de toute façon, il me faut des rations, et de quoi boire. L'argent n'a pas de langage, mais évidemment, ils vont certainement chercher à m'escroquer en profitant du fait que je ne peux les comprendre...
Trois hommes armés de lances et d'épées s'approchent de moi lorsque j'arrive à l'entrée du village, mais ils me laissent passer en se contentant de me regarder. Je ne suis pas très rassuré mais rien ne m'arrive de fâcheux, aussi je poursuis ma progression en examinant tout ce qui m'entoure.
Les gens sont vêtus simplement, de vêtements de toile solide et de cuir, de chaussures solides, et les hommes portent des anneaux de fer aux doigts. Tout le monde me regarde avec curiosité mais sans animosité. Tant mieux.
Je finis par aborder un homme de mon âge, plus à même, je l'espère en tout cas, d'avoir un courant de sympathie pour l'étranger que je suis, et tente d'établir une conversation.
- Bonjour !
Il me regarde bizarrement. J'aimerais bien que l'on me dise quelque chose, que je sache si j'ai une chance de me faire comprendre...
- Comment s'appelle ce village ?
Il secoue la tête, toujours sans dire un mot. C'est extrêmement frustrant ! Mais il finit enfin par ouvrir la bouche.
- Anomé, oréo passibi assnar. Valati nomé. Osta. Osta.
- Ah... je crains qu'on ait un grave problème de compréhension...
Je fais comprendre par gestes que je voudrais manger et boire, et il me fait signe de le suivre. Tout le monde continue à me regarder avec curiosité.
J'entre dans ce qui semble être une auberge et le jeune homme parle avec la tenancière, puis se retourne vers moi.
- Akila ? Nama isté valani ?
Il fait un geste de la main que je suis bien en peine de comprendre, puis, voyant mon manque de réaction, sort de sa poche une pièce.
- Ah ! Oui, elle veut savoir si je peux payer, évidemment. Voilà, dis-je en sortant une pièce identique de ma bourse.
Je m'installe à une table avec mon guide, qui semble être fasciné par moi. Je le sens brûlant de me questionner, et frustré de ne pouvoir communiquer avec moi. Je décide de l'aider en désignant divers objets et en lui faisant signe de parler. Il comprend tout de suite et me nomme les objets, et je m'efforce de mémoriser ce nouveau vocabulaire. Ça prendra du temps, mais je finirai par me faire comprendre. Peut-être alors finirai-je par avoir des nouvelles de Jacques.
Mon repas arrive, et je dois bien dire qu'il me change agréablement de la nourriture de la base et des rations que j'ai pu manger jusqu'ici. Je goûte prudemment la boisson qui est servie dans la chope, mais c'est une bière tout ce qu'il y a de buvable.
Je pose ma paume sur ma poitrine, décidant qu'il est temps de me présenter.
- Franck.
- Frank, répète le jeune homme. Je fais oui de la tête et pointe le doigt vers lui.
- Assil, dit-il en souriant.
Quelle folie ! Me lancer à l'aveuglette dans ce qui avait toutes les chances de devenir mon tombeau, c'est tout moi. J'ai toujours été casse-cou, et je suis encore suffisamment jeune pour ne pas avoir changé. Mais pourquoi ne me souviens-je jamais que j'ai toujours regretté après coup ?
C'est un poteau, planté au sommet d'une des collines, qui m'a aidé à choisir une direction. Un grand poteau planté récemment, tiré des ruines et placé sur la plus haute colline pour servir de point de repère, son sommet blanc tranchant avec l'ocre environnant. Et les lettres gravées à son pied ont achevé de me convaincre : JQ. Jacques ! Il a laissé un signal, finalement, un signe qui permet de le retrouver. J'observe le terrain environnant et repère une vallée régulière, peut-être le lit asséché d'un ancien fleuve, et entame une descente sur le flanc de la colline. Il me faut plusieurs heures pour atteindre le fond de la vallée, où je trouve, ô miracle, un petit cours d'eau. L'endroit n'est pas si désertique que ça... Mais pourquoi n'y a-t-il aucune végétation, s'il y a de l'eau ? Je ne mourrai pas de soif, mais probablement de faim, si je ne trouve rien avant d'épuiser les quelques rations que j'ai.
Ou de maladie... je n'ai rien pour décontaminer l'eau, et le fait qu'il n'y ait aucune végétation commence à m'inquiéter, est-elle seulement potable ?
Je n'ai aucun moyen de le savoir, aussi je décide d'attendre et poursuis ma route. Si je meurs ici, je l'aurai bien cherché. J'ai été fou, et me voilà pris au piège entre Charybde et Scylla. Entre la mort en un lieu perdu, dans un passé perdu, et un jugement qui m'enverra pourrir en prison pour le restant de mes jours, si je ne suis pas collé à un mur et fusillé. La justice militaire est restée assez expéditive malgré les réformes qui ont suivi le renversement des Protecteurs.
Je marche jusqu'à n'en plus pouvoir, mange une de mes rations de survie empruntée à un des amis de Jacques, la seule personne là-bas qui connaissait mon plan. Il aurait voulu m'accompagner mais son assignation ne lui permettait pas d'entrer dans le labo, sans parler de la quarantaine mise en place. Tout ce qu'il a pu faire, c'est m'aider de l'extérieur en me fournissant ce qu'il pouvait dissimuler dans le chariot-repas qu'on nous envoyait quotidiennement.
Mais il ne pouvait imaginer que je me retrouverais là où je suis en ce moment... tant pis, je ferai avec, et le gel nutritif est réputé très hydratant, j'en aurai bien besoin. Je jette un coup d'œil à la rivière peut-être empoisonnée, tentatrice, puis détourne le regard. Le soleil est en train de se coucher, autant trouver un endroit où m'installer.
Repérant un creux dans les rochers, je décide qu'il fait un abri convenable et m'y installe comme je peux, me demandant si Jacques a choisi le même.
Et... oui ! Voir écrit JQ, gravé dans la roche, me fait pousser un cri de joie. Je ne me suis pas trompé de chemin, mon homme me guide vers lui, et je le retrouverai au bout du chemin, aussi long soit-il.
Réconforté et épuisé, je m'endors comme une souche, prenant le temps de me couvrir en prévision de la fraîcheur nocturne.
Je me réveille à l'aube, en frissonnant, et m'étire avant de manger une autre barre de gelée nutritive.
J'espère vivement retrouver un semblant de vie, de civilisation même, et Jacques a dû éprouver la même chose, car une flèche dirigée vers le sommet de la pente droite de la vallée me fait changer de route et escalader la pente, heureusement une sorte de chemin incliné facilite la montée.
Un chemin ? Oui, effectivement, à peine visible, c'est bien un petit sentier qui doit être bien peu fréquenté, mais qui annonce une présence humaine ou animale. Je continue, anxieux de découvrir la vue qui s'offrira à moi une fois arrivé au sommet.
Dans le même temps, je pense au fait que Jacques n'avait sur lui aucune ration. C'est un homme solide, un soldat, il a tenu bon, et il doit avoir continué, il le faut, je n'ai pas fait ça pour le trouver mort, ce serait trop injuste, insupportable !
Cette pensée m'accompagne tout le long de la montée, jusqu'au sommet, où j'aperçois enfin un peu de végétation, la première que je vois depuis mon arrivée. Les plantes me sont inconnues, mais vu que je ne suis pas botaniste, ce n'est pas étonnant.
Passant la crête, mon regard embrasse une plaine herbeuse, et, au loin sur la gauche, ce qui semble être une agglomération, un village, des animaux que je n'arrive pas à identifier à cette distance, des champs... à deux pas d'une vallée stérile dans laquelle j'aurais pu marcher jusqu'à ce que mort s'ensuive. Jacques a eu beaucoup de chance ou d'intuition, ou peut-être avait-il repéré le sentier.
Bon... le sort en est jeté, me dis-je en marchant vers le village. Je ne comprendrai certainement pas un mot de ce que diront les autochtones, mais peut-être arriverai-je à me faire comprendre, et de toute façon, il me faut des rations, et de quoi boire. L'argent n'a pas de langage, mais évidemment, ils vont certainement chercher à m'escroquer en profitant du fait que je ne peux les comprendre...
Trois hommes armés de lances et d'épées s'approchent de moi lorsque j'arrive à l'entrée du village, mais ils me laissent passer en se contentant de me regarder. Je ne suis pas très rassuré mais rien ne m'arrive de fâcheux, aussi je poursuis ma progression en examinant tout ce qui m'entoure.
Les gens sont vêtus simplement, de vêtements de toile solide et de cuir, de chaussures solides, et les hommes portent des anneaux de fer aux doigts. Tout le monde me regarde avec curiosité mais sans animosité. Tant mieux.
Je finis par aborder un homme de mon âge, plus à même, je l'espère en tout cas, d'avoir un courant de sympathie pour l'étranger que je suis, et tente d'établir une conversation.
- Bonjour !
Il me regarde bizarrement. J'aimerais bien que l'on me dise quelque chose, que je sache si j'ai une chance de me faire comprendre...
- Comment s'appelle ce village ?
Il secoue la tête, toujours sans dire un mot. C'est extrêmement frustrant ! Mais il finit enfin par ouvrir la bouche.
- Anomé, oréo passibi assnar. Valati nomé. Osta. Osta.
- Ah... je crains qu'on ait un grave problème de compréhension...
Je fais comprendre par gestes que je voudrais manger et boire, et il me fait signe de le suivre. Tout le monde continue à me regarder avec curiosité.
J'entre dans ce qui semble être une auberge et le jeune homme parle avec la tenancière, puis se retourne vers moi.
- Akila ? Nama isté valani ?
Il fait un geste de la main que je suis bien en peine de comprendre, puis, voyant mon manque de réaction, sort de sa poche une pièce.
- Ah ! Oui, elle veut savoir si je peux payer, évidemment. Voilà, dis-je en sortant une pièce identique de ma bourse.
Je m'installe à une table avec mon guide, qui semble être fasciné par moi. Je le sens brûlant de me questionner, et frustré de ne pouvoir communiquer avec moi. Je décide de l'aider en désignant divers objets et en lui faisant signe de parler. Il comprend tout de suite et me nomme les objets, et je m'efforce de mémoriser ce nouveau vocabulaire. Ça prendra du temps, mais je finirai par me faire comprendre. Peut-être alors finirai-je par avoir des nouvelles de Jacques.
Mon repas arrive, et je dois bien dire qu'il me change agréablement de la nourriture de la base et des rations que j'ai pu manger jusqu'ici. Je goûte prudemment la boisson qui est servie dans la chope, mais c'est une bière tout ce qu'il y a de buvable.
Je pose ma paume sur ma poitrine, décidant qu'il est temps de me présenter.
- Franck.
- Frank, répète le jeune homme. Je fais oui de la tête et pointe le doigt vers lui.
- Assil, dit-il en souriant.
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