Les chroniques d'outremonde (fantastique avec personnages gays, terminé)

[inny-2]

Ludvik : Le marché des illusions

Cinq jours ! Plus que cinq jours pour tuer l'empereur, ou nous mourrons tous. Par la Lumière, nous n'avions pas besoin de ça.
Le palais est très bien défendu, l'usurpateur sait que sa position est délicate et ne laisse rien au hasard. Même de nuit, nous ne pourrons nous y infiltrer sans être repérés, et de puissants champs magiques l'encerclent, que même nos talents particuliers ne peuvent ouvrir sans déclencher toutes les alarmes. Il nous faut trouver un autre chemin, il doit forcément y en avoir un, le dragon ne nous aurait pas lancé dans une mission impossible... je l'espère en tout cas.
Je surveille un des serviteurs du palais depuis une bonne heure, il me ressemble beaucoup, et je m'imprègne de sa gestuelle, de sa marche, de son style de langage. Opération rendue délicate par un vendeur qui s'approche de moi.
- Bien le bonjour, monsieur, je sens en vous un homme qui s'intéresse aux mystères de la vie.
- Ah, vraiment ?
- Mais c'est là un chemin bien dangereux et semé d'embûches. Achetez-moi cette amulette et vous détournerez de vous les coups du sort.
- Au point où j'en suis, c'est trop tard.
- Ah ! Ce bracelet ramène la chance, monsieur ! C'est un antique scarabée pétrifié de Chemir qui se trouve sur le dessus, il garantit le retour à une vie meilleure.
- Ben voyons. Vous n'avez rien contre les dragons, tant que vous y êtes ?
- Mais si ! Tournez ce miroir vers un dragon, ils sont si hideux qu'en s'y voyant, ils mourront sur le coup !
- J'aurais dû m'en douter...
- Mais vous ne trouverez pas de dragons en ville, monsieur. Regardez... quelques gouttes de ce parfum et les femmes les plus belles de la ville vous trouveront irrésistible ! Elle tomberont à vos pieds ! Quelques gouttes de plus et elles se jetteront sur vous et arracheront vos vêtements, prenez garde... ou pas, hé hé.
- Sans façon...
Je frissonne d'horreur à cette idée. Je préfère encore affronter un dragon.

Erynia nous a prévenu qu'en ce monde, une secte avait décidé que si tous les homosexuels étaient sacrifiés aux ténèbres, elles retourneraient offrir leur puissance aux hommes. Quel ramassis d'inepties. Le problème est qu'étant pourchassés, les membres de la secte se dissimulent parmi la population et qu'il est impossible de dire qui en fait partie, et leur discours alternant menaces et récompenses au-delà de l'imagination fait de plus en plus d'adeptes. Pourquoi a-t-il fallu que ça tombe encore sur nous ?
Bien décidés à ne pas ajouter à nos problèmes déjà graves, nous avons décidé d'adopter un profil bas, ce qui me rappelle de bien mauvais souvenirs de la Terre. Outremonde me manque comme jamais.
- Allons, quel jeune homme ne voudrait pas assurer son succès auprès des femmes ?
- Pour que les plus grosses et les plus laides des femmes en aient après moi ? Je ne m'intéresse pas aux ancêtres.
- Aaah, vous n'aurez qu'à leur offrir cette crème, et elles deviendront minces, jeunes et belles !
- En fait, dis-je en voyant le serviteur s'éloigner, je n'ai pas d'argent.
- Quoi ?! Et vous me faites perdre mon temps ? Allez, partez, ne restez pas devant mon étal, vous gênez la vue des clients.

Je ravale une réplique acide et m'éloigne à la suite de l'homme, qui s'arrête un peu plus loin devant un nouvel étal.
Horreur, dès que je m'arrête, un autre vendeur vient me voir.
- Bonjour monsieur, vous avez fait le bon choix en venant ici ! Articles de magie, j'ai tout ici, tout ce dont vous rêvez... ou craignez. Entrez, entrez, je sens en vous un homme de l'art, un homme de pouvoir...
- Vous vous trompez.
- Oh, non, non, monsieur Ludvik, je ne me trompe jamais...
Je le regarde, surpris. Son sourire s'élargit.
- Entrez, entrez, vous ne le regretterez pas...
Je ne sais pas qui est cet homme ni ce qu'il sait, mais il me faut impérativement le découvrir, et le réduire au silence, si besoin. Comment sait-il qui je suis ?
Je le suis donc dans sa boutique, dans laquelle un autre vendeur s'occupe d'un client. L'homme me fait signe de le suivre dans l'arrière-boutique, dans lequel tout un bric-à-brac d'affaires les plus diverses est entassé contre les murs.
Il referme la porte derrière lui, et je me tiens prêt à tout.

- Ne vous inquiétez pas, Ludvik, je sais tout de votre mission et des problèmes que vous rencontrez. Je vous attendais avec impatience...
- Vraiment ? Et comment se fait-il que vous soyez au courant ?
- Des voix me parlent dans l'ombre, elles murmurent des vérités... Je les ai écouté lorsque mon frère a été emprisonné par la garde, emprisonné sous le palais... je savais que je ne pouvais pas le sauver seul, mais celles qui savent m'ont dit d'attendre, elles m'ont parlé de vous.
Voilà qui ne m'inspire guère...
- Et qui sont ces voix ?
- Des esprits, ceux de mon peuple, de mes ancêtres, qui guidaient les miens il y a très très longtemps. Mais la voix de l'empereur les a fait taire, jusqu'à maintenant... Celui qui est sur le trône n'est pas légitime, sa voix ne porte pas jusqu'à l'au-delà, et les miens ont de nouveau leur chance... leur chance d'être libres, mais cela, l'empereur le sait, oh oui, et il fait emprisonner les miens, il les fait exécuter lors de sanglants spectacles, pour affirmer son pouvoir... Vous pouvez nous aider, nous sauver, et vous aider également.
- Comment cela ?
- Je connais un accès aux anciennes catacombes qui s'étendent sous la ville, jusque sous le palais, oui... et les esprits m'ont révélé un passage qui mène à l'intérieur. Je l'ai reporté sur une carte, et je vous ai attendu... la voici, dit-il en me tendant un rouleau de parchemin.
Je le déroule et examine le plan du complexe réseau. Au dos, de nombreuses indications ont été écrites. Tout ceci ne m'inspire décidément pas, mais nous saurons bien, le moment venu, à quoi nous en tenir. Je ne vois pas de quelle autre manière nous pourrions nous infiltrer de façon certaine dans le palais, et dans les temps, qui plus est. Pour le reste, j'ai l'intention d'offrir quelques surprises de mon cru à ceux qui voudraient nous manipuler... Les propositions généreuses, je n'y crois plus depuis que le serviteur de la Lumière m'a révélé à quel point il s'était servi de nous.