20-11-2021, 10:27 PM
Thomas : Hanté
Après une semaine de voyage dans cette maudite forêt, nous sortons enfin de l'ombre des derniers arbres et remarquons des traces de coupe, et, plus loin, des pâturages, des champs... la vie... Mais ce qui aurait dû être source de réjouissances nous effleure à peine.
Mon frère, mon frère, pourquoi ! Pourquoi a-t-il fallu que tu te sentes aussi coupable, pourquoi le destin nous a-t-il envoyé en un lieu si terrible ?
La lettre que tu as laissée dans le laboratoire de magie ne peut rien contre le vide que je ressens en moi. J'ai constamment l'impression qu'en me retournant je vais pouvoir lui parler, qu'il marche à nos côtés, mais il n'y a personne derrière moi, juste Stephan à mes côtés, qui n'a plus prononcé un seul mot depuis la mort de son amour.
La seule chose qui nous fait avancer, c'est le fait que rester sur place à nous morfondre serait vider de son sens le sacrifice de Thibault, et cela, je ne peux l'accepter. Son dernier acte est... terrible, mais noble, je lui dois cela, je dois le voir ainsi, ou... ou sinon sa mort aura été stupide et absurde. Hors de question. Thib...
J'ai conscience que mes pensées tournent en rond, d'une façon malsaine, morbide, et m'efforce de me concentrer sur mon environnement. Je finis par repérer une sente, trace de passages irréguliers dans l'herbe haute.
- Par là, dis-je à Stephan, qui se contente de me suivre en silence.
Je fais comme si de rien était, m'efforçant de lui faire la conversation, même si elle est en sens unique, afin de le rattacher à ce monde. Je ne veux pas perdre aussi mon ami. Et, encore une fois, je ne permettrait pas qu'il lui arrive quelque chose, lui que mon frère... stop ! Assez, j'en ai assez, je reviens sans cesse à lui, un poignard de tristesse vient frapper mon cœur à chaque fois, je n'en peux plus !
- J'ai... j'ai besoin de courir, de me vider l'esprit, Stephan. Je t'en prie, cours avec moi.
Il fait un vague signe de tête, et je me mets à courir, vérifiant qu'il m'a bien suivi, puis fonçant droit devant, sur cette sente qui devient sentier, courant, fuyant une tristesse que je ne pourrai jamais semer, mais espérant quand même, juste un instant, ne plus souffrir...
Je cesse effectivement d'y penser lorsque je vois plusieurs hommes sur le chemin. Une patrouille de gardes. Nous ralentissons pour les croiser. Le sentier contourne une haute butte, et pour un peu, nous leur serions rentrés dedans. Ils sont plutôt nombreux...
- Shamedein, asamirdaa ?! M'apostrophe l'un d'eux.
- Désolé, je ne vous comprends pas...
Une expression de mépris apparaît sur le visage de l'homme, et elle est visiblement partagée par ses camarades. Mauvais signe...
- Que faites-vous ici ?
- Nous nous promenions...
- Bien sûr, vous avez été dans la forêt, je suppose ? On a beau vous dire que c'est interdit, il a fallu que vous transgressiez la loi ?
- Pas du tout, nous nous sommes bien gardés d'aller dans la forêt, nous ne sommes pas fous !
- Ah oui ? Voyons un peu ce que vous avez dans vos sacs.
Oh, c'est de plus en plus mauvais, ça.
Les gardes se sont déployés pour nous encercler, ils doivent bien se moquer du fait que nous soyons allés en forêt ou non, ils cherchent juste à se distraire d'une mission des plus ennuyeuses... Et il a fallu que ça tombe sur nous.
Bien obligés de leur obéir, à deux contre une vingtaine, nous ne faisons pas le poids, malgré les talents de Stephan.
- Ça m'a tout l'air de venir de la forêt, ça, hein ? Alors ?
- Juste la lisière, on n'a pas été plus loin !
- Bien sûr...
Ils sortent tous leurs armes, et je lance à Stephan un regard résigné. Et suppliant.
Ne fais pas de bêtises.
Nous débouclons nos ceinturons d'arme en signe de bonne volonté, et sommes rapidement fouillés et dépouillés. Ils lient nos poignets et attachent une corde à nos cous, avant de nous entraîner avec eux sous étroite surveillance.
Du calme. Ils ne vont pas nous pendre maintenant, juste nous ramener d'où ils viennent. Notre capture signifie que ces tire-au-flanc peuvent rentrer dès maintenant, plutôt que de devoir poursuivre leur patrouille toute la journée.
Nous arrivons à un village au bout d'une heure. C'est alors seulement que je comprends mon erreur. La population l'a déserté, le village a été fortifié et transformé en camp militaire. Ça s'annonce mal.
Nous sommes amenés dans ce qui devait servir de salle des fêtes, et un officier s'avance vers le groupe. J'enrage de ne pouvoir comprendre leurs paroles. Ce doit être une sorte de haut-langage réservé à... mais je n'en sais pas assez pour le savoir. L'officier nous examine un moment, mais il est interrompu par une femme qui l'apostrophe durement. L'officier s'explique rapidement (je ressens la peur qu'il éprouve) et elle tourne un regard de glace vers nous. Elle s'approche (les soldats, instinctivement, s'écartent pour lui laisser un large passage) et s'arrête devant Stephan.
- Toi ! Quel est ton nom ?
Pas de réponse de mon ami. Ô, misère, pas ça !
- Il ne parle pas, Dame, dis-je humblement. Et il est un peu simple d'esprit.
- Vraiment ? Nous verrons bien, à l'usage. En attendant, tu parleras assez pour deux. Emmenez-le à la cave, et mettez celui-ci dehors.
Les soldats nous séparent, je jette un coup d'œil affolé à Stephan qui se laisse emporter sans exprimer la moindre émotion. Descendant dans une cave froide, les soldats m'entraînent dans une pièce qui ne me laisse présager rien de bon. Pas d'instruments de torture, visiblement, mais j'ai dans l'idée qu'elle n'en a pas besoin...
Je suis enchainé au mur, l'installation doit être récente, et les soldats me laissent seul avec cette femme inquiétante.
- Il était temps, je commençais à sérieusement m'ennuyer. Personne à me mettre sous la main depuis des semaines. Et voilà qu'un paysan transgresse la loi, et, non content de parler alors qu'on ne l'y a pas autorisé, ose appeler dame une inquisitrice ?
Elle semble ronronner. Sauf que son sourire s'efface rapidement.
Si seulement je savais ce que signifie inquisitrice...
- Je vais t'apprendre le respect, insolent !
Elle lève les mains et de fins éclairs en jaillissent, fonçant sur moi et semblant vouloir s'infiltrer dans mon corps comme mille aiguilles chauffées à blanc. Je hurle de douleur, à l'agonie, tentant vainement d'échapper à mes chaînes, à cette torture. Elle cesse soudain, ouvrant de grands yeux, puis presse les mains contre ses tempes et s'évanouit.
Je la regarde en haletant, les yeux brouillés de larmes, ne comprenant rien à ce qui se passe. Puis je la vois remuer, se relever, et s'avancer vers moi. Je me plaque contre le mur alors qu'elle lève sa main. Puis, à ma grande surprise, elle caresse ma joue, avant de me dire :
- Je suis désolé, Thomas.
- Quoi ?
- C'est moi, Thibault. Je me suis emparé de son corps. Je vais vous sortir de là.
Après une semaine de voyage dans cette maudite forêt, nous sortons enfin de l'ombre des derniers arbres et remarquons des traces de coupe, et, plus loin, des pâturages, des champs... la vie... Mais ce qui aurait dû être source de réjouissances nous effleure à peine.
Mon frère, mon frère, pourquoi ! Pourquoi a-t-il fallu que tu te sentes aussi coupable, pourquoi le destin nous a-t-il envoyé en un lieu si terrible ?
La lettre que tu as laissée dans le laboratoire de magie ne peut rien contre le vide que je ressens en moi. J'ai constamment l'impression qu'en me retournant je vais pouvoir lui parler, qu'il marche à nos côtés, mais il n'y a personne derrière moi, juste Stephan à mes côtés, qui n'a plus prononcé un seul mot depuis la mort de son amour.
La seule chose qui nous fait avancer, c'est le fait que rester sur place à nous morfondre serait vider de son sens le sacrifice de Thibault, et cela, je ne peux l'accepter. Son dernier acte est... terrible, mais noble, je lui dois cela, je dois le voir ainsi, ou... ou sinon sa mort aura été stupide et absurde. Hors de question. Thib...
J'ai conscience que mes pensées tournent en rond, d'une façon malsaine, morbide, et m'efforce de me concentrer sur mon environnement. Je finis par repérer une sente, trace de passages irréguliers dans l'herbe haute.
- Par là, dis-je à Stephan, qui se contente de me suivre en silence.
Je fais comme si de rien était, m'efforçant de lui faire la conversation, même si elle est en sens unique, afin de le rattacher à ce monde. Je ne veux pas perdre aussi mon ami. Et, encore une fois, je ne permettrait pas qu'il lui arrive quelque chose, lui que mon frère... stop ! Assez, j'en ai assez, je reviens sans cesse à lui, un poignard de tristesse vient frapper mon cœur à chaque fois, je n'en peux plus !
- J'ai... j'ai besoin de courir, de me vider l'esprit, Stephan. Je t'en prie, cours avec moi.
Il fait un vague signe de tête, et je me mets à courir, vérifiant qu'il m'a bien suivi, puis fonçant droit devant, sur cette sente qui devient sentier, courant, fuyant une tristesse que je ne pourrai jamais semer, mais espérant quand même, juste un instant, ne plus souffrir...
Je cesse effectivement d'y penser lorsque je vois plusieurs hommes sur le chemin. Une patrouille de gardes. Nous ralentissons pour les croiser. Le sentier contourne une haute butte, et pour un peu, nous leur serions rentrés dedans. Ils sont plutôt nombreux...
- Shamedein, asamirdaa ?! M'apostrophe l'un d'eux.
- Désolé, je ne vous comprends pas...
Une expression de mépris apparaît sur le visage de l'homme, et elle est visiblement partagée par ses camarades. Mauvais signe...
- Que faites-vous ici ?
- Nous nous promenions...
- Bien sûr, vous avez été dans la forêt, je suppose ? On a beau vous dire que c'est interdit, il a fallu que vous transgressiez la loi ?
- Pas du tout, nous nous sommes bien gardés d'aller dans la forêt, nous ne sommes pas fous !
- Ah oui ? Voyons un peu ce que vous avez dans vos sacs.
Oh, c'est de plus en plus mauvais, ça.
Les gardes se sont déployés pour nous encercler, ils doivent bien se moquer du fait que nous soyons allés en forêt ou non, ils cherchent juste à se distraire d'une mission des plus ennuyeuses... Et il a fallu que ça tombe sur nous.
Bien obligés de leur obéir, à deux contre une vingtaine, nous ne faisons pas le poids, malgré les talents de Stephan.
- Ça m'a tout l'air de venir de la forêt, ça, hein ? Alors ?
- Juste la lisière, on n'a pas été plus loin !
- Bien sûr...
Ils sortent tous leurs armes, et je lance à Stephan un regard résigné. Et suppliant.
Ne fais pas de bêtises.
Nous débouclons nos ceinturons d'arme en signe de bonne volonté, et sommes rapidement fouillés et dépouillés. Ils lient nos poignets et attachent une corde à nos cous, avant de nous entraîner avec eux sous étroite surveillance.
Du calme. Ils ne vont pas nous pendre maintenant, juste nous ramener d'où ils viennent. Notre capture signifie que ces tire-au-flanc peuvent rentrer dès maintenant, plutôt que de devoir poursuivre leur patrouille toute la journée.
Nous arrivons à un village au bout d'une heure. C'est alors seulement que je comprends mon erreur. La population l'a déserté, le village a été fortifié et transformé en camp militaire. Ça s'annonce mal.
Nous sommes amenés dans ce qui devait servir de salle des fêtes, et un officier s'avance vers le groupe. J'enrage de ne pouvoir comprendre leurs paroles. Ce doit être une sorte de haut-langage réservé à... mais je n'en sais pas assez pour le savoir. L'officier nous examine un moment, mais il est interrompu par une femme qui l'apostrophe durement. L'officier s'explique rapidement (je ressens la peur qu'il éprouve) et elle tourne un regard de glace vers nous. Elle s'approche (les soldats, instinctivement, s'écartent pour lui laisser un large passage) et s'arrête devant Stephan.
- Toi ! Quel est ton nom ?
Pas de réponse de mon ami. Ô, misère, pas ça !
- Il ne parle pas, Dame, dis-je humblement. Et il est un peu simple d'esprit.
- Vraiment ? Nous verrons bien, à l'usage. En attendant, tu parleras assez pour deux. Emmenez-le à la cave, et mettez celui-ci dehors.
Les soldats nous séparent, je jette un coup d'œil affolé à Stephan qui se laisse emporter sans exprimer la moindre émotion. Descendant dans une cave froide, les soldats m'entraînent dans une pièce qui ne me laisse présager rien de bon. Pas d'instruments de torture, visiblement, mais j'ai dans l'idée qu'elle n'en a pas besoin...
Je suis enchainé au mur, l'installation doit être récente, et les soldats me laissent seul avec cette femme inquiétante.
- Il était temps, je commençais à sérieusement m'ennuyer. Personne à me mettre sous la main depuis des semaines. Et voilà qu'un paysan transgresse la loi, et, non content de parler alors qu'on ne l'y a pas autorisé, ose appeler dame une inquisitrice ?
Elle semble ronronner. Sauf que son sourire s'efface rapidement.
Si seulement je savais ce que signifie inquisitrice...
- Je vais t'apprendre le respect, insolent !
Elle lève les mains et de fins éclairs en jaillissent, fonçant sur moi et semblant vouloir s'infiltrer dans mon corps comme mille aiguilles chauffées à blanc. Je hurle de douleur, à l'agonie, tentant vainement d'échapper à mes chaînes, à cette torture. Elle cesse soudain, ouvrant de grands yeux, puis presse les mains contre ses tempes et s'évanouit.
Je la regarde en haletant, les yeux brouillés de larmes, ne comprenant rien à ce qui se passe. Puis je la vois remuer, se relever, et s'avancer vers moi. Je me plaque contre le mur alors qu'elle lève sa main. Puis, à ma grande surprise, elle caresse ma joue, avant de me dire :
- Je suis désolé, Thomas.
- Quoi ?
- C'est moi, Thibault. Je me suis emparé de son corps. Je vais vous sortir de là.
Les productions d'inny :
Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)