20-09-2021, 09:09 PM
4 - Parmi les ombres
Halte de Gardan, Bois de Fleinn, en Outremonde
L'auberge est en ruine. Marc et moi sortons aussitôt nos armes, car la destruction semble récente. Plusieurs tas de gravats fument encore, l'incendie qui a ravagé l'endroit a été violent. À l'extérieur, plusieurs corps gisent au sol, et nous voyons plusieurs silhouettes s'affairer à l'extérieur. En nous approchant, nous reconnaissons Gerunk et ses acolytes.
- C'est vous qui avez fait ça ?
- Non, dit l'un des hommes, nous avons découvert l'auberge comme ça. Themus, qu'est sorcier, dit qu'il y a une chose maléfique là dehors qu'a fait ça. Et qu'elle est toujours là. Qu'elle nous surveille et qu'elle nous laissera pas partir. Il trace un cercle de protection mais il sait pas si ça suffira. Alors moi les histoires entre Gerunk et vous j'm'en balance, et Themus et Corken aussi, alors si vous joignez vos épées aux nôtres, on scelle la paix ici même.
- Et Gerunk, qu'est-ce qu'il en pense ?
Il tourne son regard vers le colosse, qui se dresse sur un tas de débris un peu plus loin.
- Il a beau râler, y tient à la vie. Comme nous. On est p't'être des mercenaires, mais on est pas payés pour affronter ça, et on n'est pas sans honneur. Si vous combattez à nos côtés, notre contrat sera considéré comme nul.
- Bon... je ne suis pas contre, mais je dois en discuter avec mes amis.
- J'ferais pareil à vot'place. Au fait... j'suis Viek.
- Ludvik.
Je m'éloigne prudemment pour rejoindre Marc et Finnadan, qui semble être inhabituellement nerveuse.
- Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un plan, dit-elle. J'ai un mauvais pressentiment depuis que nous sommes entrés dans cette forêt.
- Moi aussi, à vrai dire, dis-je.
Marc confirme sombrement. Quelque chose a alerté notre instinct, et nous ferions bien de le prendre au sérieux.
Je vois Cédric arriver de l'autre côté de la clairière. Il s'approche de nous, l'air sombre.
- J'ai découvert une patrouille de gardes massacrée, plus loin sur la route, et c'était pas beau à voir. Je me sens surveillé par une conscience maléfique, et ça ne présage rien de bon.
Je le met au courant de la proposition des mercenaires de Gerunk.
- Nous n'avons pas le choix, cette chose, quelle qu'elle soit, va bientôt attaquer. Nous devons nous préparer, et vite !
- OK.
Cédric part rejoindre Themus pour l'aider à ériger des défenses magiques, et je vais voir les mercenaires pour connaître leurs spécialités. Je découvre vite qu'ils sont aussi doués que bien équipés. Je leur demande de nous couvrir de leurs arcs avant de nous rejoindre au contact si besoin est, et ils acceptent aussitôt - sans surprise.
- Finnadan, tu n'as jamais entendu parler de quelque chose de spécial dans ces bois ?
- Non, jamais. Quoi qu'il puisse s'y trouver, c'est arrivé récemment - ou ça vient de se réveiller d'un très long sommeil.
- Il aurait pu faire la grasse matinée.
Je m'éloigne pour faire le point sur nos défenses physiques. Le résultat est déprimant. Les mercenaires ont commencé à creuser des tranchées après avoir entassé quelques pierres et poutres pour combler les brèches dans une zone de l'auberge plus en état que le reste, mais certaines destructions me laissent à penser que ce n'est pas le feu qui en est la cause. Très inquiétant. Le plus frustrant est de ne pas savoir ce que nous allons affronter. Mais j'ai le sentiment que nous allons le savoir bien assez tôt.
Nous faisons un point un peu plus tard. Nous avons l'avantage sur les autres victimes d'avoir des ressources magiques assez importantes, et d'être prêts au combat. Pourquoi la chose qui nous surveille nous a-t-elle laissé le temps de nous préparer reste une question sans réponse. Une autre inquiétude de plus. Peut-être est-elle occupée ailleurs.
Nous finissons en traînant les morts à l'écart, tâche peu agréable au vu de leur état, mais j'aime autant les voir loin de moi. Tandis que Marc et moi traînons l'aubergiste vers un creux du terrain, une sorte d'oppression, d'atmosphère pesante, comme à l'approche d'un terrible orage, se fait ressentir. Nous lâchons le corps et revenons en courant vers notre camp.
- Derrière vous ! Nous crie Cédric depuis l'abri d'un pan de mur.
Voilà qui nous motive à courir plus vite. Nous jetons tous deux au même moment un regard en arrière, et voyons avec horreur que l'aubergiste et les autres morts se sont relevés et se sont lancés à notre poursuite.
- Nécromancie... dit Marc alors que nous nous jetons à l'abri du camp.
- Laissez tomber les flèches, crie-t-il à l'adresse des mercenaires, ça ne leur fera rien !
Mon épée en main, je lance un regard à Marc qui a sorti deux longues dagues finement gravées.
- T'en fais pas pour moi, je m'en sers très bien, me dit-il.
Nous regardons les zombies avancer tout droit, s'effondrant dans les tranchées et les escaladant pour retomber dans la suivante. Le spectacle, dans cet éclairage multicolore et mouvant, est dantesque.
- Quelle horreur...
- Tu l'as dit.
Un dernier regard en arrière, je vois Cédric discuter avec Themus qui fait la moue et s'assied en retrait. Notre ami vient nous rejoindre, son bâton en main.
- Une chance qu'on les ait sortis et rassemblés avant l'assaut, on en aurait eu partout.
- Tu peux le dire. Quelle que soit la force qui est derrière tout ça, elle était occupée ailleurs, nous considérant comme négligeables.
- On va lui faire regretter son manque de discernement...
Nous cessons de discuter alors que les premiers mort-vivants s'approchent des murs de l'auberge.
Tenant la garde de mon épée à deux mains, je frappe un grand coup sur l'aubergiste, le touchant au cou et le décapitant.
Celui-ci n'en est pas gêné pour autant et continue à avancer. Cédric fait sortir la lame de son bâton et la plante dans le corps, qui se raidit aussitôt et s'effondre. Le puissant enchantement de la Lame de Lumière a eu raison du sombre enchantement qui animait ce corps.
- Ok, on va faire comme ça, crie-je, on les affaiblit et Cédric les achève. Visez les membres !
C'est une boucherie. Gerunk, Marc et moi-même abattons nos armes sans relâche sur des corps qui étaient encore vivants il n'y a pas si longtemps, mais qui ne ressentent désormais plus rien.
M'écartant pour esquiver un assaut, je vois arriver une patrouille de la garde dans la clairière.
- Des renforts ! Ils tombent bien, eux !
Trop occupé pour les regarder plus longtemps, je combat un mort plus résistant que les autres, qui me fait reculer peu à peu sous ses assauts violents. Je ne parviens qu'à le taillader sans grandes conséquences.
- À moi !
Marc se précipite vers moi et frappe de grands coups avec ses dagues. Privé de tendons, le mort s'effondre à mes pieds. Je remercie mon homme d'un mouvement de tête et nous nous précipitons sur le reste des morts. Nous commençons à être submergés mais Cédric nous crie de nous écarter et une force invisible catapulte une bonne partie d'entre eux en arrière. Bientôt, toutefois, nous devons reculer vers le cercle de défense le plus intérieur, car ils nous assaillent maintenant de tous les côtés.
- Mais que font les gardes ?
- Ils sont morts ! Crie Themus, du haut de son poste d'observation.
- C'est la patrouille que j'avais découverte, dit Cédric. Ce sont bien des renforts, mais pour eux !
Nos mains se crispent sur les poignées de nos armes. Il nous faut tenir le coup, coûte que coûte, ou nous serons condamnés à un sort horrible. Ce n'est plus le moment de faire dans la demi-mesure.
- Viek, Corken, Finnadan, vous prenez le relais !
Nous soufflons un peu, reprenant des forces tandis que les trois, qui étaient restés en arrière, se lancent à l'attaque des premiers zombies.
- Marc, c'est le moment où jamais...
Il acquiesce d'un bref mouvement de tête et ferme les yeux.
Je sens d'abord comme une fontaine d'énergie qui me traverse en chassant toute fatigue. Ce qui tombe à point nommé car je vois arriver les gardes, visiblement beaucoup moins stupides que les victimes de l'auberge. Ils ont toujours leurs armes à la main.
Je me rue vers l'arrière en entraînant Gerunk avec moi et commence à croiser le fer avec les premiers morts. Je me sens étrange, comme porté par une grande vague qui m'emporte à toute vitesse, et je constate que mes gestes sont des plus rapides. À nous deux, nous arrivons à tenir les gardes en échec pendant un long moment avant que le nombre ne nous fasse reculer. Nous nous retrouvons bientôt tous dos à dos, et c'est alors que Cédric crie à Themus :
- Maintenant ! Fermez les yeux !
Bien obligé de lui faire confiance, j'obéis, et une lumière aveuglante accompagnée d'un fracas de fin du monde nous entoure. Lorsque je rouvre les yeux, le sol est calciné et une odeur atroce de chair brûlée parvient à nos narines.
Les morts sont étendus à terre, brisés, mais remuant toujours et tentant de ramper vers nous. Nous abattons nos armes sur eux tandis que Cédric les plante de son bâton pour leur apporter le repos.
Lorsqu'enfin le dernier d'entre eux a cessé de bouger, nous nous effondrons, haletants, trop épuisés pour nous réjouir d'être en vie.
- Bien joué, tout le monde...
- C'est pas fini, dit Cédric.
- Merde...
Il nous lance un sort d'énergie pour nous remettre d'aplomb, et nous sentons de nouveau cette pesante impression qui avait précédé l'assaut. Je m'approche du muret extérieur et vois des formes blanchâtres émerger d'entre les troncs.
- Il a réanimé les dévoreuses...
- Pire encore, dit Cédric, il a infusé en elles énormément de puissance... Nous n'y survivrons pas ! Thémus, du feu, beaucoup de feu !
Un mur de flammes se dresse entre les créatures et nous, et Cédric commence une incantation que je reconnais.
Je prépare en vitesse une fiole de sang de dragon pour le soutenir au cas où, sachant ce qui s'est passé la dernière fois.
Les flammes se condensent brusquement, et un ifrit très, très en colère apparaît au milieu.
- ENCORE TOI !
- Détruis ces créatures ! Par la Lumière et par ton nom secret, je t'y contrains !
Fou de rage, le prince se jette sur les dévoreuses qui se défendent comme elles peuvent. Sans espoir. Elles sont rapidement réduites en cendres.
- C'EST FAIT, MORTEL !
- Dis-moi qui est derrière cet assaut !
L'ifrit a un sourire cruel et baisse la voix.
- Il y a une sombre entité ici. Un esprit du passé, pétri de haine. Il saura s'occuper de vous. Tu as utilisé quatre ordres, mortel. Deux contre le dragon et deux ici. Combien encore oseras-tu me donner ? Chacun rogne sur ton espérance de vie, tu le sais.
- Je le sais.
- Quel effet cela fait-il de savoir que tu vivras quarante ans de moins ?
- Ni chaud ni froid. Tu as entendu parler de la jouvence ?
- Humpf ! Renvoie-moi, maintenant.
- Plus tard. Attaque cette entité !
- Tu ne perds rien pour attendre, dit l'ifrit en s'ouvrant un chemin fumant parmi les champignons.
Je suis stupéfait, Cédric n'a même pas l'air fatigué. Il contrôle l'entité avec désinvolture. Je jette un coup d'œil à mes compagnons. Thémus est bouche bée, et très pâle. Gerunk est lui aussi effrayé. Quant à Viek et Corken, ils me lancent un long regard qui semble dire qu'ils sont bien contents de ne pas nous avoir comme ennemis.
Marc est lui aussi totalement sidéré. Il me souffle à l'oreille :
- J'ignorais qu'il possédait une telle puissance...
- Je l'ai déjà vu invoquer cette entité, mais il avait beaucoup plus de mal à la contrôler. C'est tout de même un prince ifrit.
- Pas possible... rien de moins ? C'est terrifiant. Il ne m'avait pas donné l'impression d'être aussi puissant avant.
- Oui, quelque chose a changé en lui, je le sens différent, plus distant.
- En tout cas, il ne se ménage pas ! Il a sacrifié pas moins de cinquante années de sa vie pour nous !
- Oui... je compte bien lui parler quand on sera sortis d'ici.
Le silence se fait. Gerunk est livide. Il sait qu'il n'aura pas sa vengeance, pas quand Finnadan a de si puissants alliés à ses côtés. Et ses mercenaires ne lèveront pas le petit doigt contre nous après ce qui s'est passé, leur proposerait-on tout l'or du monde. Mais inutile de voir son regard noir et glacé pour deviner qu'il sera une nuisance permanente. Finnadan l'a bien compris elle aussi.
- J'aurais dû te tuer, dit-elle. Ça m'aurait évité de revoir ta sale tronche. Toutefois, j'ai finalement bien fait de te laisser en vie, car sans ta volonté de vengeance, nous serions probablement morts à l'heure qu'il est. Le destin prend parfois des chemins teintés d'ironie, ne trouves-tu pas ?
Le visage de Gerunk n'est pas plaisant à voir, après une telle pique.
- Toutefois, je veux bien te laisser une chance. Rien que toi et moi. Pas d'intervention de nos alliés, ni d'un côté ni de l'autre.
Elle nous jette un coup d'œil si glacial que nous n'osons la contredire. Mais ça m'embêterait bien de la perdre, et je ne me sens pas très chaud pour qu'elle risque sa vie.
- Il a une...
- Silence ! Dit-elle. Tu es d'accord, Gerunk ?
- Oui ! Prépare-toi à mourir, chienne.
Il dégaine son épée d'obsidienne, sa garde de métal l'empêchant de porter tout objet métallique sur lui, il est obligé d'utiliser une arme aussi particulière.
À moins d'attaquer à mains nues sans avoir de métal sur elle, je ne vois pas comment Finnadan pourrait le blesser.
Je la vois se débarrasser de sa bourse et jeter au sol ses ceintures de couteau, puis quantité de poignards dissimulés. Le tas qui se forme au sol est impressionnant. Elle termine en se débarrassant de ses bijoux puis fait face à son adversaire.
- Prête.
- Je vais te tuer lentement, dit-il.
- Désolée, je suis pressée.
Il fait un pas en avant puis se fige alors que les mains de Finnadan deviennent floues tant elles bougent vite.
Gerunk trébuche, puis tombe en arrière, un poignard planté dans chaque œil.
Je reste bouche bée tandis qu'elle s'avance vers lui pour récupérer ses armes. Je la regarde faire, décidé à comprendre comment...
Des poignards d'obsidienne. Elle avait glissé dans ses manches des armes qui ne comportaient pas une once de métal. Toute la préparation précédente était destinée à le mettre en confiance en lui faisant croire qu'elle attaquerait au corps à corps, ce qui aurait été pure folie.
- Ça fait deux fois que tu me sous-estimes, dit-elle au mort. Crétin.
Après cette oraison funèbre, elle se détourne et rejoint Cédric.
- Pendant que le prince ifrit et l'entité sont occupés, on pourrait se faire la malle, non ?
- Oui, confirme-t-il.
- Bonne idée, dis-je. Mais nos chevaux sont morts, les zombies les ont trucidés...
- Raison de plus pour ne pas traîner. Allons-y.
Halte de Gardan, Bois de Fleinn, en Outremonde
L'auberge est en ruine. Marc et moi sortons aussitôt nos armes, car la destruction semble récente. Plusieurs tas de gravats fument encore, l'incendie qui a ravagé l'endroit a été violent. À l'extérieur, plusieurs corps gisent au sol, et nous voyons plusieurs silhouettes s'affairer à l'extérieur. En nous approchant, nous reconnaissons Gerunk et ses acolytes.
- C'est vous qui avez fait ça ?
- Non, dit l'un des hommes, nous avons découvert l'auberge comme ça. Themus, qu'est sorcier, dit qu'il y a une chose maléfique là dehors qu'a fait ça. Et qu'elle est toujours là. Qu'elle nous surveille et qu'elle nous laissera pas partir. Il trace un cercle de protection mais il sait pas si ça suffira. Alors moi les histoires entre Gerunk et vous j'm'en balance, et Themus et Corken aussi, alors si vous joignez vos épées aux nôtres, on scelle la paix ici même.
- Et Gerunk, qu'est-ce qu'il en pense ?
Il tourne son regard vers le colosse, qui se dresse sur un tas de débris un peu plus loin.
- Il a beau râler, y tient à la vie. Comme nous. On est p't'être des mercenaires, mais on est pas payés pour affronter ça, et on n'est pas sans honneur. Si vous combattez à nos côtés, notre contrat sera considéré comme nul.
- Bon... je ne suis pas contre, mais je dois en discuter avec mes amis.
- J'ferais pareil à vot'place. Au fait... j'suis Viek.
- Ludvik.
Je m'éloigne prudemment pour rejoindre Marc et Finnadan, qui semble être inhabituellement nerveuse.
- Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un plan, dit-elle. J'ai un mauvais pressentiment depuis que nous sommes entrés dans cette forêt.
- Moi aussi, à vrai dire, dis-je.
Marc confirme sombrement. Quelque chose a alerté notre instinct, et nous ferions bien de le prendre au sérieux.
Je vois Cédric arriver de l'autre côté de la clairière. Il s'approche de nous, l'air sombre.
- J'ai découvert une patrouille de gardes massacrée, plus loin sur la route, et c'était pas beau à voir. Je me sens surveillé par une conscience maléfique, et ça ne présage rien de bon.
Je le met au courant de la proposition des mercenaires de Gerunk.
- Nous n'avons pas le choix, cette chose, quelle qu'elle soit, va bientôt attaquer. Nous devons nous préparer, et vite !
- OK.
Cédric part rejoindre Themus pour l'aider à ériger des défenses magiques, et je vais voir les mercenaires pour connaître leurs spécialités. Je découvre vite qu'ils sont aussi doués que bien équipés. Je leur demande de nous couvrir de leurs arcs avant de nous rejoindre au contact si besoin est, et ils acceptent aussitôt - sans surprise.
- Finnadan, tu n'as jamais entendu parler de quelque chose de spécial dans ces bois ?
- Non, jamais. Quoi qu'il puisse s'y trouver, c'est arrivé récemment - ou ça vient de se réveiller d'un très long sommeil.
- Il aurait pu faire la grasse matinée.
Je m'éloigne pour faire le point sur nos défenses physiques. Le résultat est déprimant. Les mercenaires ont commencé à creuser des tranchées après avoir entassé quelques pierres et poutres pour combler les brèches dans une zone de l'auberge plus en état que le reste, mais certaines destructions me laissent à penser que ce n'est pas le feu qui en est la cause. Très inquiétant. Le plus frustrant est de ne pas savoir ce que nous allons affronter. Mais j'ai le sentiment que nous allons le savoir bien assez tôt.
Nous faisons un point un peu plus tard. Nous avons l'avantage sur les autres victimes d'avoir des ressources magiques assez importantes, et d'être prêts au combat. Pourquoi la chose qui nous surveille nous a-t-elle laissé le temps de nous préparer reste une question sans réponse. Une autre inquiétude de plus. Peut-être est-elle occupée ailleurs.
Nous finissons en traînant les morts à l'écart, tâche peu agréable au vu de leur état, mais j'aime autant les voir loin de moi. Tandis que Marc et moi traînons l'aubergiste vers un creux du terrain, une sorte d'oppression, d'atmosphère pesante, comme à l'approche d'un terrible orage, se fait ressentir. Nous lâchons le corps et revenons en courant vers notre camp.
- Derrière vous ! Nous crie Cédric depuis l'abri d'un pan de mur.
Voilà qui nous motive à courir plus vite. Nous jetons tous deux au même moment un regard en arrière, et voyons avec horreur que l'aubergiste et les autres morts se sont relevés et se sont lancés à notre poursuite.
- Nécromancie... dit Marc alors que nous nous jetons à l'abri du camp.
- Laissez tomber les flèches, crie-t-il à l'adresse des mercenaires, ça ne leur fera rien !
Mon épée en main, je lance un regard à Marc qui a sorti deux longues dagues finement gravées.
- T'en fais pas pour moi, je m'en sers très bien, me dit-il.
Nous regardons les zombies avancer tout droit, s'effondrant dans les tranchées et les escaladant pour retomber dans la suivante. Le spectacle, dans cet éclairage multicolore et mouvant, est dantesque.
- Quelle horreur...
- Tu l'as dit.
Un dernier regard en arrière, je vois Cédric discuter avec Themus qui fait la moue et s'assied en retrait. Notre ami vient nous rejoindre, son bâton en main.
- Une chance qu'on les ait sortis et rassemblés avant l'assaut, on en aurait eu partout.
- Tu peux le dire. Quelle que soit la force qui est derrière tout ça, elle était occupée ailleurs, nous considérant comme négligeables.
- On va lui faire regretter son manque de discernement...
Nous cessons de discuter alors que les premiers mort-vivants s'approchent des murs de l'auberge.
Tenant la garde de mon épée à deux mains, je frappe un grand coup sur l'aubergiste, le touchant au cou et le décapitant.
Celui-ci n'en est pas gêné pour autant et continue à avancer. Cédric fait sortir la lame de son bâton et la plante dans le corps, qui se raidit aussitôt et s'effondre. Le puissant enchantement de la Lame de Lumière a eu raison du sombre enchantement qui animait ce corps.
- Ok, on va faire comme ça, crie-je, on les affaiblit et Cédric les achève. Visez les membres !
C'est une boucherie. Gerunk, Marc et moi-même abattons nos armes sans relâche sur des corps qui étaient encore vivants il n'y a pas si longtemps, mais qui ne ressentent désormais plus rien.
M'écartant pour esquiver un assaut, je vois arriver une patrouille de la garde dans la clairière.
- Des renforts ! Ils tombent bien, eux !
Trop occupé pour les regarder plus longtemps, je combat un mort plus résistant que les autres, qui me fait reculer peu à peu sous ses assauts violents. Je ne parviens qu'à le taillader sans grandes conséquences.
- À moi !
Marc se précipite vers moi et frappe de grands coups avec ses dagues. Privé de tendons, le mort s'effondre à mes pieds. Je remercie mon homme d'un mouvement de tête et nous nous précipitons sur le reste des morts. Nous commençons à être submergés mais Cédric nous crie de nous écarter et une force invisible catapulte une bonne partie d'entre eux en arrière. Bientôt, toutefois, nous devons reculer vers le cercle de défense le plus intérieur, car ils nous assaillent maintenant de tous les côtés.
- Mais que font les gardes ?
- Ils sont morts ! Crie Themus, du haut de son poste d'observation.
- C'est la patrouille que j'avais découverte, dit Cédric. Ce sont bien des renforts, mais pour eux !
Nos mains se crispent sur les poignées de nos armes. Il nous faut tenir le coup, coûte que coûte, ou nous serons condamnés à un sort horrible. Ce n'est plus le moment de faire dans la demi-mesure.
- Viek, Corken, Finnadan, vous prenez le relais !
Nous soufflons un peu, reprenant des forces tandis que les trois, qui étaient restés en arrière, se lancent à l'attaque des premiers zombies.
- Marc, c'est le moment où jamais...
Il acquiesce d'un bref mouvement de tête et ferme les yeux.
Je sens d'abord comme une fontaine d'énergie qui me traverse en chassant toute fatigue. Ce qui tombe à point nommé car je vois arriver les gardes, visiblement beaucoup moins stupides que les victimes de l'auberge. Ils ont toujours leurs armes à la main.
Je me rue vers l'arrière en entraînant Gerunk avec moi et commence à croiser le fer avec les premiers morts. Je me sens étrange, comme porté par une grande vague qui m'emporte à toute vitesse, et je constate que mes gestes sont des plus rapides. À nous deux, nous arrivons à tenir les gardes en échec pendant un long moment avant que le nombre ne nous fasse reculer. Nous nous retrouvons bientôt tous dos à dos, et c'est alors que Cédric crie à Themus :
- Maintenant ! Fermez les yeux !
Bien obligé de lui faire confiance, j'obéis, et une lumière aveuglante accompagnée d'un fracas de fin du monde nous entoure. Lorsque je rouvre les yeux, le sol est calciné et une odeur atroce de chair brûlée parvient à nos narines.
Les morts sont étendus à terre, brisés, mais remuant toujours et tentant de ramper vers nous. Nous abattons nos armes sur eux tandis que Cédric les plante de son bâton pour leur apporter le repos.
Lorsqu'enfin le dernier d'entre eux a cessé de bouger, nous nous effondrons, haletants, trop épuisés pour nous réjouir d'être en vie.
- Bien joué, tout le monde...
- C'est pas fini, dit Cédric.
- Merde...
Il nous lance un sort d'énergie pour nous remettre d'aplomb, et nous sentons de nouveau cette pesante impression qui avait précédé l'assaut. Je m'approche du muret extérieur et vois des formes blanchâtres émerger d'entre les troncs.
- Il a réanimé les dévoreuses...
- Pire encore, dit Cédric, il a infusé en elles énormément de puissance... Nous n'y survivrons pas ! Thémus, du feu, beaucoup de feu !
Un mur de flammes se dresse entre les créatures et nous, et Cédric commence une incantation que je reconnais.
Je prépare en vitesse une fiole de sang de dragon pour le soutenir au cas où, sachant ce qui s'est passé la dernière fois.
Les flammes se condensent brusquement, et un ifrit très, très en colère apparaît au milieu.
- ENCORE TOI !
- Détruis ces créatures ! Par la Lumière et par ton nom secret, je t'y contrains !
Fou de rage, le prince se jette sur les dévoreuses qui se défendent comme elles peuvent. Sans espoir. Elles sont rapidement réduites en cendres.
- C'EST FAIT, MORTEL !
- Dis-moi qui est derrière cet assaut !
L'ifrit a un sourire cruel et baisse la voix.
- Il y a une sombre entité ici. Un esprit du passé, pétri de haine. Il saura s'occuper de vous. Tu as utilisé quatre ordres, mortel. Deux contre le dragon et deux ici. Combien encore oseras-tu me donner ? Chacun rogne sur ton espérance de vie, tu le sais.
- Je le sais.
- Quel effet cela fait-il de savoir que tu vivras quarante ans de moins ?
- Ni chaud ni froid. Tu as entendu parler de la jouvence ?
- Humpf ! Renvoie-moi, maintenant.
- Plus tard. Attaque cette entité !
- Tu ne perds rien pour attendre, dit l'ifrit en s'ouvrant un chemin fumant parmi les champignons.
Je suis stupéfait, Cédric n'a même pas l'air fatigué. Il contrôle l'entité avec désinvolture. Je jette un coup d'œil à mes compagnons. Thémus est bouche bée, et très pâle. Gerunk est lui aussi effrayé. Quant à Viek et Corken, ils me lancent un long regard qui semble dire qu'ils sont bien contents de ne pas nous avoir comme ennemis.
Marc est lui aussi totalement sidéré. Il me souffle à l'oreille :
- J'ignorais qu'il possédait une telle puissance...
- Je l'ai déjà vu invoquer cette entité, mais il avait beaucoup plus de mal à la contrôler. C'est tout de même un prince ifrit.
- Pas possible... rien de moins ? C'est terrifiant. Il ne m'avait pas donné l'impression d'être aussi puissant avant.
- Oui, quelque chose a changé en lui, je le sens différent, plus distant.
- En tout cas, il ne se ménage pas ! Il a sacrifié pas moins de cinquante années de sa vie pour nous !
- Oui... je compte bien lui parler quand on sera sortis d'ici.
Le silence se fait. Gerunk est livide. Il sait qu'il n'aura pas sa vengeance, pas quand Finnadan a de si puissants alliés à ses côtés. Et ses mercenaires ne lèveront pas le petit doigt contre nous après ce qui s'est passé, leur proposerait-on tout l'or du monde. Mais inutile de voir son regard noir et glacé pour deviner qu'il sera une nuisance permanente. Finnadan l'a bien compris elle aussi.
- J'aurais dû te tuer, dit-elle. Ça m'aurait évité de revoir ta sale tronche. Toutefois, j'ai finalement bien fait de te laisser en vie, car sans ta volonté de vengeance, nous serions probablement morts à l'heure qu'il est. Le destin prend parfois des chemins teintés d'ironie, ne trouves-tu pas ?
Le visage de Gerunk n'est pas plaisant à voir, après une telle pique.
- Toutefois, je veux bien te laisser une chance. Rien que toi et moi. Pas d'intervention de nos alliés, ni d'un côté ni de l'autre.
Elle nous jette un coup d'œil si glacial que nous n'osons la contredire. Mais ça m'embêterait bien de la perdre, et je ne me sens pas très chaud pour qu'elle risque sa vie.
- Il a une...
- Silence ! Dit-elle. Tu es d'accord, Gerunk ?
- Oui ! Prépare-toi à mourir, chienne.
Il dégaine son épée d'obsidienne, sa garde de métal l'empêchant de porter tout objet métallique sur lui, il est obligé d'utiliser une arme aussi particulière.
À moins d'attaquer à mains nues sans avoir de métal sur elle, je ne vois pas comment Finnadan pourrait le blesser.
Je la vois se débarrasser de sa bourse et jeter au sol ses ceintures de couteau, puis quantité de poignards dissimulés. Le tas qui se forme au sol est impressionnant. Elle termine en se débarrassant de ses bijoux puis fait face à son adversaire.
- Prête.
- Je vais te tuer lentement, dit-il.
- Désolée, je suis pressée.
Il fait un pas en avant puis se fige alors que les mains de Finnadan deviennent floues tant elles bougent vite.
Gerunk trébuche, puis tombe en arrière, un poignard planté dans chaque œil.
Je reste bouche bée tandis qu'elle s'avance vers lui pour récupérer ses armes. Je la regarde faire, décidé à comprendre comment...
Des poignards d'obsidienne. Elle avait glissé dans ses manches des armes qui ne comportaient pas une once de métal. Toute la préparation précédente était destinée à le mettre en confiance en lui faisant croire qu'elle attaquerait au corps à corps, ce qui aurait été pure folie.
- Ça fait deux fois que tu me sous-estimes, dit-elle au mort. Crétin.
Après cette oraison funèbre, elle se détourne et rejoint Cédric.
- Pendant que le prince ifrit et l'entité sont occupés, on pourrait se faire la malle, non ?
- Oui, confirme-t-il.
- Bonne idée, dis-je. Mais nos chevaux sont morts, les zombies les ont trucidés...
- Raison de plus pour ne pas traîner. Allons-y.
Les productions d'inny :
Série des secrets : One shots La saga d'outremonde (fantastique avec des personnages gays)
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