Deux mondes (fantastique avec personnages gays, terminé)

[inny-2]

11 – Terrible décision

Marseille, France.

La chambre est vide. Je m'apprête à ressortir lorsque j'avise une feuille de papier sur le lit. Je m'en empare et commence à lire.

Mes amis, j'ai fait une chose terrible et je dois en payer les conséquences.
Je n'ai pas d'explications à fournir en ce monde. Nous nous reverrons dans l'autre.
Ce n'est donc pas un adieu mais un au revoir.
Je regrette de vous causer tant de problèmes, mais je n'ai pas le choix.

L'enveloppe sur la table de chevet est pour mes parents.

Cédric.

– Merde... c'est pas vrai ! Où est-il ?
– Je vais voir dans la salle de bains.
Je cherche pour ma part dans la cuisine, puis le reste de la maison, mais il n'y est pas.
Marc revient avec une mèche de cheveux dans la main.
– Je vais le localiser...
Ses yeux s'illuminent de nouveau. Je dois bien avouer que cette lueur verte est bien inquiétante, ça m'épate quand même de voir un tel artefact fonctionner dans notre monde. Les plans en auraient été conçus par le biais de la divination ? Une quelconque entité en est donc responsable. Je me demande si c'est vraiment prudent...
– Il... lutte... mais pas contre moi. D'où sort-il un tel pouvoir ? Ah !
Son visage se crispe, je le vois se concentrer intensément sur un homme qui a su plier à sa volonté un prince ifrit.
– Il y a... quelque chose... je sens... les ténèbres. Il lutte contre elles... mais elles ont prise sur lui. Il est en train d'y succomber... Non !
– Quoi ?
– Il... il s'est tué...
– Oh, non, c'est pas vrai !
– Je suis désolé... je... oh non... je ne voulais pas que l'on paie un tel prix pour me sauver...
– De quoi tu parles ?
– Sa résistance s'est effondré à la fin, j'ai pu lire en lui. Il a souillé son âme au contact des ténèbres en me sauvant. Pour échapper à leur emprise, il a mis fin à ses jours.
– Alors basculons en Outremonde avant qu'il ne fasse la même chose là-bas !
– Nous ne pouvons pas le sauver, Lud. Si nous l'empêchons, il sera corrompu de manière irréversible.
– Non ! Il doit forcément y avoir quelque chose à faire !
– En tant que sorcier, il sait très bien que non, sinon il n'aurait pas été poussé à une telle extrémité.

Je reste silencieux un moment, tandis qu'une myriade de pensées douloureuses me traversent l'esprit. Mais certaines d'entre elles me ramènent à la réalité.
– Bon, je vais raconter une série de boniments aux destructeurs. Plus tard ils comprendront que je ne travaille plus pour eux, mieux ça vaudra pour nous. Tant que je peux profiter d'eux, je le ferai.
Je rallume mon portable et passe outre les dizaines de messages que j'ai reçu.
– Allô, Johann ? C'est Ludovic... non, pas le temps. J'ai pu sauver Marc juste à temps, car vos hommes... Oui, encore eux. Ça vous étonne ? ... non, hors de question. Mais vous avez bien joué en vous emparant de mes parents, hein, salauds ?... oui, hein ? Bon, j'en viens à ce dont je voulais vous dire. J'ai trouvé un autre rêveur et je l'ai poussé au suicide sur Terre. Oui. Sauf que Marc et moi avons dormi chez lui, donc j'aimerais que votre équipe fasse le ménage... exactement, ou je ne réponds de rien. Oui, je l'ai localisé en Outremonde, mais il devrait là aussi s'occuper de lui par lui-même. Oui, j'y veillerai. Bon, notez bien. Cédric...


Lorsque je raccroche, Marc me regarde, totalement effaré.
– Je n'imaginais pas que tu puisses être aussi... froid.
– Non ! Je joue un rôle avec eux, mais ne va pas croire que la mort de Cédric m'indiffère. Mais j'ai appris à me concentrer sur ce qui est important, à force de lutter pour ma survie en Valnar. Je sais que je peux paraître insensible, mais il faut bien que ces choses soient faites. Autant je regrette de perdre Cédric, autant je pense à nous deux. Et puis... Je ne parviens pas à le considérer comme vraiment mort... pas encore. Il vit encore, à Tamalyn. Fonçons à un hôtel quelque part en banlieue et retournons en Outremonde.
– D'accord.

Tamalyn, royaume Signari, Outremonde

Aussitôt réveillé, je me redresse si vite que j'ai un voile d'obscurité devant les yeux. J'attends que mon sang daigne revenir irriguer convenablement ma cervelle et m'habille avant de foncer avec Marc vers l'écurie.
J'arrive le premier et grimpe à l'échelle à toute vitesse, mets la main sur le plancher, et tout mon corps se met alors à crépiter d'éclairs.
– Wow ! Fait Marc plus bas, qui a dégringolé les quelques échelons qu'il avait déjà monté. Lud ! Ça va ?
– Oui, ma garde élémentale a absorbé le choc. Pas de bobo.
– Il est là ?
– Oui... Reste en bas.
Je touche son cou et constate que son cœur bat.
– Il est toujours vivant.
Je le secoue fortement.
– Cédric ! Réveille-toi !
– Hein ? Quoi ? Qui est là ?
– Ludvik.
– Ah...
Un globe de lumière apparaît.

– Cédric... pourquoi, mais pourquoi ?
– Les ténèbres m'ont corrompu lorsque j'ai passé un accord avec leur prince. Lorsqu'elles ont compris que je ne les laisserai pas s'emparer de moi, elles me dévoraient... mais j'ai fait ce qu'il fallait pour les tenir à l'écart. Temporairement, du moins. Je vous accompagnerai autant que je le pourrai... Mais je devrai vous quitter bientôt.
– Je suis désolé, Cédric, vraiment désolé, dit Marc d'en bas.
– Laisse tomber... J'ai fait ça pour Ludvik, c'est tout. Restons-en là, vous ne pouvez rien faire pour moi, autant continuer notre route et faire ce que nous pouvons.
– Je n'ai jamais voulu une chose pareille...
– Je sais bien. Mais c'est ainsi, et on ne peut pas revenir sur ce qui a été fait. Maintenant, laissez-moi dormir... si j'arrive à me rendormir.
– Cédric...
– Laissez... moi...
Il éclate en sanglots, libérant enfin sa tristesse devant la perte terrible qu'il vient de vivre. Plus jamais il ne verra sa famille, ses amis, son monde natal...
Je le serre dans mes bras, lui offrant un peu de chaleur humaine, de compassion, le soutenant autant que je peux le faire.
– C'était horrible, Lud... J'ai failli succomber aux ténèbres... devenir un monstre sans âme, un esclave voué au mal. J'étais à deux doigts de céder... Je n'avais plus le choix, j'ai... activé mon... bâton...
– Chut, c'est fini.
Il continue de pleurer pendant un long moment, je continue à le serrer dans mes bras en le berçant. Mes propres joues sont baignées de larmes elles aussi.

– Là, tâche de dormir un peu, dis-je alors qu'il se calme.
– Merci Ludvik d'être avec moi. Merci... je...
Il s'endort bien plus vite que je ne l'aurais imaginé, je redescend doucement le long de l'échelle et rejoins Marc.
– Je l'ai aidé à dormir, chuchote-t-il.
– Tu as bien fait. Préparons nos affaires, plus tôt nous serons partis demain matin, mieux cela vaudra.
– Une journée à rien faire sur Terre...
– Réjouis-toi de pouvoir bénéficier de ce genre de répit.