13-09-2021, 04:35 PM
CHAPITRE CXXXIV
''Ludos cicensis''
''Ludos cicensis''
Ils cheminèrent jusqu'au Circus Maximus. Un édifice qui pouvait accueillir jusqu'à 100 000 personnes... gigantesque...
A l'entrée, trois files se dessinaient.
Le plus à gauche était réservée aux esclaves. Leurs étaient dévolues les moins bonnes places, mais c'était gratuit.
Celle du milieu était empruntée par les gens mécaniques (1) et la plèbe. Les places étaient bon marché et assez bien placées.
Celle de droite était composée de bourgeois étoffés et de patriciens. Tous étaient accompagnés de leur ''esclave de confiance'', un notable ne se déplaçant jamais seul. Les places étaient chères mais avec une vue imprenable sur l'arène.
Burydan arriva devant l'homme qui faisait payer l'entrée de la troisième file. Il était grand et musculeux et les toisa.
- Salut à toi, étranger... tu es sûr de ne pas t'être trompé de file ?
Il est vrai que, avec leurs vêtements ''barbares'' ils détonnaient des autres.
- Quel est le prix d'entrée ?
- 1 mesmérion.
- C'est cher...
- Si tu n'as pas les moyens, change de file...
- Sûrement pas. Je paye.
- C'est gratuit pour ton esclave...
- Ce n'est pas mon esclave mais mon page...
- Ah... dans ce cas c'est 2 mesmérions...
Burydan fouilla dans sa bourse et demanda :
- Y a-t-il une exécution ce jourd'hui ?
- Hélas non. Notre bon empereur, les dieux le gardent, a décrété que cette... pratique... était inhumaine. Plus de prisonniers livrés aux fauves et de très très rares exécutions publiques... les traditions se perdent...
Burydan fut rassuré. Il avait lu, dans le journal de son maître, un récit qui l'avait glacé d'effroi.
Les exécutions publiques étaient monnaie courante, en particulier sous les prédécesseurs de Flavius. Et les empereurs faisaient preuve d'inventivité pour amuser le bon peuple : on vous garrottait, on vous égorgeait, on vous brûlait, on vous plongeait vif dans une marmite d'huile bouillante, on vous écorchait vif, on vous faisait tirer à quatre chevaux après vous avoir couler du plomb fondu dans la bouche, et autres joyeusetés.
Quant aux prisonniers de droit commun, comme le faisait Galbatorix, on les livrait aux fauves.
Gershaw avait assisté à ce spectacle atroce. Une cinquantaine de personnes avait été traînée de force au centre du Circus Maximus. Tous pleuraient de peur en sachant ce qui allait leur arriver. Une femme, entourée de trois enfants, s’était mis à genoux au pied de la loge impériale pour implorer la clémence de l'empereur, au moins pour ses enfants. L'empereur ricana et fit un geste. Les grilles s'ouvrirent et les bêtes féroces, affamées depuis plusieurs jours, se jetèrent sur les condamnés. Tous furent massacrés, sous les applaudissement et les rires de la foule.
'' Des enfantelets, écrivait Gershaw, quel crime avaient-il pu commettre ?''.
Burydan et Rhonin s'installèrent. Les mesmériens clabaudaient à l'infini a voix forte. Puis, soudain, les trompettes sonnèrent. Tout le monde se tu et un homme,s'avança dans la loge impériale, vêtue d'une toge pourpre et le front ceint d'une couronne de daphnéis (2) en astrium. Il fit un geste vers la foule et on entendit des :
- Vive l'empereur ! Vive Flavius !
Bientôt tout Le Circus Maximus résonna de ces cris.
L'empereur, majestueux, s'assit sur son trône. De part et d’autres de lui s'assirent ses plus proches conseillers. Et Burydan reconnu, à l'extrême gauche, la silhouette du marquis de Siorac.
Les portes grincèrent et une trentaine d'hommes s'approchèrent de la loge impériale. Ils levèrent leur bras droit et dirent, d'une voix forte :
- Ave Flavius, morituri te salutant !
Burydan se pencha vers Rhonin :
- Ils viennent de dire ''Salut Flavius, ceux qui vont mourir te saluent''
- Vont ils... tous... mourir...
- Nenni. Mais certains, peut-être...
- Oh...
- Ne t'inquiète pas, bébé, il est rare que Flavius ordonne la mise à mort d'un homme qui s'est bien battu. Et il prend souvent l'avis de la foule qui n'est pas si sanguinaire que ça...
- Ces hommes ce sont... des esclaves ?
- Oui, la plupart. Tu le vois à leurs colliers de cuir. Mais d’autres sont des hommes libres.
- Et ils combattent tout de même ?
- Eh oui. Les esclaves parce qu'ils n'ont pas le choix. Et surtout, s'ils se battent bien et qu'ils survivent, ils peuvent être affranchis. Les hommes libres parce que ça paye bien... du moins, si tu ne te fais pas tuer... mais c'est une drôle d'idée...
- Pourquoi ça ?
- Parce que les gladiateurs sont la lie des esclaves. Encore plus méprisés que les porteurs d'eau...
- Vraiment ?
- Eh oui. Mais ces beaux hommes musclés à moité nus et risquant leur vie ont un franc succès auprès de la gente féminine... ils sont adulés... et arrondissent leur solde en embellissant les nuits de certaines mesmériennes qui les couvrent de présents pour leurs... bons offices...
- Ils n'ont pas tous les mêmes armes...
- En effet, mon cœur, tous les gladiateurs ont un point faible et un point fort.
- Lesquels ?
- Celui ci est l'hoplomaque. Son point faible est son minuscule bouclier rond. Son point fort est sa lance qui lui donne une grande allonge. Celui là, c'est un provocator. Son avantage c'est son grand bouclier, son point faible c'est qu'il n'est armé que d'une dague. Ce doit être un novice, les provocators sont le premier palier des gladiateurs.
- Et lui, avec son filet ?
- Ça c'est le rétiaire. Son avantage est son épaulière, son filet et son trident. Il faut beaucoup de dextérité pour manier ces armes. Mais, comme tu le vois, ses défenses sont quasi nulle.
- Et le dernier ?
- Le mirmillon. Lui, son avantage est son large bouclier et son casque, avec lequel il peut attaquer ses adversaires. Son point faible est son arme, une courte dague.
Le combat commença alors.
- Se battent-ils à mort ?
- Non. Ils se blessent, mais jamais mortellement... ou rarement. En fait, la plupart perdent par épuisement. Ils se mettent alors à genoux et lèvent la main pour demander grâce à l'empereur. Si celui-ci lève le pouce vers le haut, le vaincu est sauvé. S'il baisse le pouce vers le bas, le vainqueur achève son adversaire...
- Par les dieux !
- Ne t'inquiète pas, bébé, il est rare que l'empereur ordonne la mort d'un gladiateur. Surtout quand l'empereur est Flavius.
Et en effet, sur les 90 qui se battirent ce jour là, par groupes de trente, aucun ne fut mis à mort et il n'y eut que quelques blessés légers.
- Alors, ça t'a plu ? demanda Burydan alors qu'ils sortaient du Circus Maximus.
- Beaucoup. Et je comprends pourquoi les femmes aiment ces combattants. Tous ces muscles, la sueur qui coulent le long de leurs corps, - et les risques qu'ils prennent...
- C'est ça qui t'a plu, petit minet lubrique ?
- J'avoue que oui. J'aime les hommes virils et musclés qui risquent leur vie. Mais à un gladiateur, je préfère mille fois un chasseur de prime... dit Rhonin avec un petit sourire.
- Ah... je te préviendrai si j'en vois un...
Ils se promenèrent dans les grands jardins de Lutecia. Ils cueillaient des aurantium (3) qui pendaient des arbres. Ces fruits, qui valaient une fortune en Utopia, étaient là à portée de main et tout le monde pouvait se servir.
Ils marchèrent un long, un très long moment et arrivèrent à leur auberge à la nuit tombée. Ils dînèrent et montèrent dans leur chambre. Burydan se laissa tombé sur son lit.
- Je suis fourbu. J'ai mal partout. Désolé, bébé, mais je ne sais même pas si j'aurai assez de force pour te faire l'amour....
- Veux-tu un massage ?
- Tu saurais le faire ?
- Oh oui. Ma toute première maîtresse m'avait fait prendre des leçons et je la massais très souvent.
- Et c'est maintenant que tu me dis ça !
- Allez, mets toi en tenue et allonge toi sur le ventre, je reviens.
(1) Gens mécaniques : synonyme d'artisan.
(2) Daphnéis : arbre à feuilles luisantes, persistantes et aromatiques. Ses rameaux, tressés en couronne, sont signe de pouvoir et mettent le couronné sous la protection de Phébus. Très semblable au laurier.
(3) Aurantium : (aurantiaco au singulier). Agrume orange tirant sur le rouge et comestible. Très semblable à l'orange.