Deux mondes (fantastique avec personnages gays, terminé)

[inny-2]

9 - Baron Alkarn de Valden

Le baron s'assoit sur une botte de paille. Ce personnage étrange m'inquiète fortement, mais je ne peux en même temps m'empêcher d'être fasciné par lui. Il a énormément de charisme, c'est indéniable, et j'imagine que ses sujets doivent beaucoup l'apprécier. Je demanderai à Finnadan si elle sait quelque chose sur lui.
- Lorsque vous m'avez ouvert votre porte, la nuit dernière, vous n'aviez dressé aucune défense, et vous êtes instantanément tombé sous le coup de mon charme hypnotique.
- Ce n'est pas ce que je...
- Je vous ai ordonné de l'oublier, car je voulais me laisser le temps de réfléchir à ce que vous m'avez appris. C'est-à-dire, tout ce que vous saviez.
- Je n'arrive pas à y croire, de telles méthodes...
- Je fais ce qui est dans l'intérêt de mes gens, et dans le mien, aussi. Il n'était pas prévu que vous tombiez aussi facilement, mais j'aurais été bien stupide de ne pas en profiter. Si notre rencontre a été le fruit du hasard, c'est une chance inespérée que de telles informations me soient parvenues. Le plan de ces gens est effrayant. Je ne connais rien de ton monde, Rêveur, mais l'idée même que quelqu'un soit prêt à sacrifier toute vie sur ce monde pour devenir un dieu... Pouvez-vous imaginer quel genre de dieu pourrait être un individu aussi dénué de scrupules ?
- Non, mais je suis effrayé aussi, croyez bien.

- D'autre part, l'annonce d'une nouvelle guerre des ténèbres ne me plaît pas du tout, mais alors vraiment pas. Le pays sans ciel risque de devenir l'une des principales cibles des princes, et je devrai alors me battre contre un terrible adversaire.
- Moi aussi... l'un des princes m'a imposé un défi...
- Que dites-vous ? Vous n'avez tout de même pas relevé ce défi tout de même ?
- Il s'est gravé dans mon âme comme une rune ténébreuse au moment même où j'ai accepté l'accord que...
- Fou ! Ne saviez-vous pas que le moindre accord, le moindre contact avec les ténèbres souille votre âme ?
- Si... je n'avais pas le choix. Je devais sauver quelqu'un, et obtenir une trêve. La priorité, c'est empêcher la destruction de toute vie sur mon monde, et le début d'un règne de cauchemar en Outremonde.
- Elles savent amener leurs adversaires là où elles le veulent...
- Oui...
- Il faut à tout prix effacer cette marque, ou elle s'emparera de votre âme toute entière et vous la leur offrirez. Je ne peux accepter de voir cela arriver.
- Il y a un moyen ?
- Oui... mais vous devrez avoir une pleine confiance en moi, car ce moyen est terrible. Mais on n'a rien sans rien, n'est-ce pas ? Toute magie a un prix, et il ne tient qu'à vous de décider de celui de votre âme et de votre liberté.
- Ça n'a pas de prix, vous le savez bien. Que dois-je faire ?
Il me regarde pendant un long moment, silencieux, semblant jauger ma détermination.
- Qu'est-ce qui brise tous les pactes, tous les liens, tous les serments ?
- La mort... Hein ? Vous ne me proposez tout de même pas de me suicider ?
- Sur votre monde sans magie, vous allez devoir le faire. Ou vous deviendrez contraint et forcé un agent des ténèbres qui travaillera avec les princes à la domination d'un nouveau monde.
- Non ! Ce n'est pas possible, il doit y avoir un autre moyen !
- Dites « s'il vous plaît » au prince des ténèbres pour qu'il ôte votre marque, ça marchera peut-être ? Ou préférez-vous vous voir en train de détruire tout ce que vous chérissez ? Oui, le prix est terrifiant, et ce n'est que le début, car il restera à accomplir une part ici, où la magie permet d'éviter d'en arriver à une telle extrémité. Réfléchissez bien, mais vite ! Car la corruption va bientôt commencer, si ce n'est déjà fait... et alors, y mettre fin sera la dernière chose que vous voudrez faire, car au contraire, vous vous réjouirez de devenir de plus en plus maléfique.
- Arrêtez ! Partez, laissez-moi !
- Mon départ ne fera pas disparaître votre souillure. Vous ne pourrez pas vous fuir vous-même.

C'en est trop, l'horreur de ma situation me fait m'effondrer en larmes. J'en sais assez sur les règles de la magie et sur les ténèbres pour comprendre qu'il dit la vérité. La corruption de mon âme a déjà commencé, et elle m'a empêché de réfléchir au prix que m'a coûté cet accord passé avec un prince.
Maudit sois-tu, Marc ! Te rends-tu seulement compte du prix que m'a coûté ton sauvetage ? Pour les remerciements que j'en ai eu ! Tu peux ranger les pathétiques excuses que tu m'as faites tout à l'heure ! Je... Aaah, c'est trop horrible, devenir un jouet au mains des ténèbres ou mourir sur Terre et me condamner à ne vivre qu'en Outremonde ?
Devrais-je infliger la nouvelle de ma mort à mes parents, mes amis ? Jamais ils ne pourraient comprendre pourquoi je me serais suicidé... Mais d'un autre côté, devenir un monstre... Voir l'horreur et le dégoût dans leurs yeux, et m'en moquer... Et pour finir, travailler à faire de la Terre un monde de ténèbres et de terreur...
- Marc ! Lui est resté prisonnier des royaumes des ténèbres ! Il doit être corrompu lui aussi, non ?
- C'est un sorcier lui aussi ?
- Non.
- Dans ce cas, il en faudrait plus pour le corrompre. Il aurait fallu qu'il choisisse volontairement de servir les ténèbres. Je vais toutefois le sonder quand j'en aurai fini avec vous.
- Laissez-moi... laissez-moi... je vous en prie...
Alkarn me regarde un court moment, puis redescend par l'échelle et s'éloigne. Je redresse d'une pensée ma barrière puis m'effondre en larmes.

Dans la chambre de Ludvik et Marc...

- Qu'est-ce qui se passe, Marc ? Tu ne m'as pas habitué à ce genre d'attitude.
- C'est compliqué, Lud, et je n'ai pas vraiment envie d'en parler.
- Euh... tu n'es quand même pas jaloux, rassure-moi ?
- Mais non, pas du tout ! J'ai confiance en toi, Lud.
- Et moi en toi. Mais tu m'inquiètes.
- Je t'expliquerai quand nous serons sur Terre.
- Allons-y alors.

On frappe à la porte, et je me lève après avoir pris mon épée. Nous sommes encore nus après le moment intense que nous avons partagé tout à l'heure, mais ça ne pose problème à personne en Outremonde, ce qui me simplifie la vie.
- Oui ? Dis-je à travers la porte.
- Ludvik et Marc ? Je suis le Baron Alkarn de Valden. J'ai à vous parler.
Je regarde mon homme qui est aussi perplexe que moi.
- Une minute.
On ne se présente pas nu devant un baron, même au saut du lit. Le contraire ne me viendrait même pas à l'esprit.
Une fois habillés, j'ouvre la porte et me retrouve face au plus bel homme des deux mondes réunis.

La suite des évènements est assez confuse dans mon esprit. Il y a eu de l'agitation, des cris, mais quand j'essaie de me rappeler de ce qui s'est passé, tout s'enfuit. Il faut que je demande à Marc... Où est-il ? Où suis-je ? Je... rêve ? Je n'ai plus rêvé depuis dix ans. Comment est-ce possible ? Serais-je mort ?