Deux mondes (fantastique avec personnages gays, terminé)

[inny-2]

6 - Cavaliers pressés

Le soleil s'est levé depuis peu. Nous avons raconté tout ce que nous avons appris chacun de notre côté, puis avons planifié notre mouvement suivant. Cédric m'en avait parlé sur le chemin de Fillian, mais j'ai eu droit cette fois-ci à tous les détails.
Il prévoit que nous nous rendions au Sanctuaire de la Lumière en Ordan, à l'extrême sud-est du continent, ce qui va nous obliger à traverser bien des contrées qui nous sont totalement inconnues. Même Marc ne s'est pas rendu au-delà de la Muraille, grande chaîne de montagnes qui longe le pays à l'est, mais il s'est déjà rendu au col des ombres pour voir de ses yeux les terres de ténèbres qui s'étendent au-delà.
Là, nous pourrions entrer en contact avec le serviteur de la Lumière, savoir ce qu'il en est de nos familles, et comprendre ce que nous pouvons faire pour faire cesser cette folie - si nous pouvons y faire quelque chose. Mais j'y compte bien, en tout cas. Ils ont osé menacer mon Marc. Ils vont le regretter.

Grâce au sort d'énergie de Cédric, nous sommes en pleine forme lorsque nous descendons dans la grande salle de l'auberge. Malgré l'heure très matinale, Finnadan est déjà installée à table. À croire qu'elle a deviné que nous caressions l'idée de partir sans elle.
- Bonjour.
- Bonjour, Finnadan.
- Vous avez un plan ?
- Plus ou moins.
- Alors, où va-t-on ?
Nous nous regardons, hésitants.
- Vous ne me faites pas confiance. Tant mieux. Je déteste les inconscients. Mais que vous le vouliez ou non, je suis avec vous. Donc... quelle est notre destination ?
- Connais-tu le pays sans ciel ?
- Je l'ai traversé plusieurs fois.
- Bonne nouvelle, car nous ne le connaissons pas du tout.
- Que cherchez-vous là-bas ?
- La route pour rejoindre Ordan.
- Très bien. Notez bien, avant de quitter la vallée des merveilles, stockez des provisions de route, la nourriture coûte très cher dans le pays sans ciel - et elle n'a absolument aucun rapport avec le mot qualité. Prenez de quoi vous éclairer - à moins que nous ayons un magicien parmi nous ?
- Moi, mais je préfère que nous restions discrets.
- Très bien, approuve-t-elle.

- Combien de temps nous faudra-t-il ?
- En sortant d'ici, nous en avons pour une semaine avant d'atteindre la vallée des merveilles, deux jours pour la remonter jusqu'au col des ombres, puis deux semaines avant de ressortir du pays sans ciel à la frontière d'Ordan.
- C'est beaucoup trop long.
- Tu saurais ouvrir un portail, Cédric ?
- Hors de question. Nos ennemis peuvent détecter l'utilisation d'un portail, savoir qui l'emprunte et où il va.
- Alors, il nous faut des chevaux... Ce qui coûte une fortune.
- Pas un problème, dit Ludvik, je vais négocier ça. Cédric ? Tu as toujours ma plaque ?
- Oui. Le temps d'annuler le sort antivol... voilà.
- Merci.
Je range la précieuse plaque de commerce dans mon sac.
- Marc, tu dois savoir où je pourrais acheter des chevaux, ici ? Il faut que je trouve un apothicaire, aussi... Mon stock de potions est à revoir.
- Pas de problème. Mais, tu as déjà monté ?
- Euh, non, pas vraiment...
- Tu vas souffrir mon pauvre, dit-il en souriant.
Je vois Cédric faire la grimace en même temps que moi.
- Bien, nous nous retrouverons à la Porte Maricane, au sud-est, conclut Finnadan. Tu viens, Cédric ?

Marc a l'air de s'y connaître en chevaux, une bonne nouvelle étant donné que mes connaissances se résument au fait qu'ils existent et que ça peut se monter. Je n'ai jamais vu l'utilité d'en avoir un en Valnar, où ils sont d'ailleurs peu nombreux. Il me donne nombre de conseils avant de me laisser monter celui qu'il a choisi pour moi, et nous rejoignons tranquillement notre point de rendez-vous. Cédric a droit à son tour à son petit cours, qu'il écoute attentivement avant d'attacher un ruban de soie à chaque bride.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Un focus qui me permettra de canaliser mes sorts sur eux sans avoir à les toucher. Nous avons besoin de faire vite, et je compte bien faire en sorte que ces chevaux puissent tenir le coup. Mais ça va prendre pas mal de mes ressources, ne comptez pas trop sur moi en cas de coup dur.
- Très bien... C'est parti. Nous te suivons, Finnadan.

La première étape de notre voyage nous permet de nous habituer à nos montures. Marc veille sur nous, réitérant régulièrement ses recommandations afin qu'elles se gravent dans nos mémoires. Je commence à me détendre peu à peu et à apprécier le voyage. La contrée est très riche, et la route est très fréquentée. Après avoir mangé dans une auberge-relais, Finnadan nous guide sur une route nettement plus dégagée et nous décidons de forcer l'allure.
- Combien de temps tu peux tenir le sort, Cédric ?
- Très longtemps, d'autant que mes sort affecteront aussi les cavaliers.
- Excellent !
Il sourit.
- Je peux aussi pousser leur vitesse.
- Je ne préfère pas, dit Marc. Ils risqueraient de faire un faux pas ou de ne pas réagir à temps à un éventuel obstacle.
- Pas avec le sort que j'ai en tête, crois-moi. Il développe autant la vitesse que l'agilité, les réflexes et les perceptions. C'est ce que j'avais en tête quand je disais que je ne pourrai pas faire grand-chose d'autre.
- Je vois... Commence doucement, alors, puis...
Mes doigts se crispent sur les rênes alors que les chevaux acquièrent une vitesse terrifiante. Je me sens... étrange. Malgré la vitesse, je peux voir chaque caillou, chaque trou de la route longtemps avant d'arriver dessus. Ce n'est pas fait pour me rassurer. Je baisse la tête pour essayer d'échapper au vent. Il n'a pas pensé à ce problème, notre petit génie. Impossible de communiquer autrement qu'en criant, et encore, j'ai des doutes.

- J'avais dit doucement ! Hurle Marc.
- J'y ai été doucement ! Je suis loin de la pleine force, là !
- Quoi ?!
- Là... voilà !
- Noooon !
J'ai une envie irrésistible de fermer les yeux et de ne plus rien voir de la route qui défile à toute vitesse. Mais ce ne serait pas une bonne idée. Les chevaux n'ont pas l'air de s'inquiéter outre mesure, je suppose que le sortilège de Cédric les rend totalement indifférents à la peur. J'aurais aimé qu'il s'applique aussi à nous.
Il m'est bien sûr arrivé de pousser ma moto sur l'autoroute mais ça n'a absolument rien à voir avec ce que je vis en ce moment. Sans le surcroît d'agilité que nous confère le sort de Cédric, j'aurais vidé les étriers depuis belle lurette.
Marc crie encore quelque chose mais je n'arrive pas à entendre quoi que ce soit.
Cédric, dès qu'on s'arrête, je t'étrangle.